Je suis Antonia.

L’heure avait file une vitesse folle. Ce fut Belle qui m’informa que la bibliothèque allait fermer. Je n’avais pas fait attention et la ville était déjà plongée dans le noir. Tu aurais p me dire qu’il était si tard ! Si on peux retarder l’heure de rentrer, je ne me fais pas prier… ça ne sert à rien de retarder l’heure du retour, il n’est même pas à la maison. On ne sera que toutes les deux. C’est vrai, maintenant il est top occupé avec son nouveau statut de maire. Pauvre Regina Mills, elle doit s’en mordre les doigts. Ce n’est pas drôle. Ne te poque pas d’elle… La pauvre. Quant à papa… Eh bien il doit assumer ses nouvelles responsabilités depuis qu’il avait mené à bien son coup d’Etat, mon père était aux abonnés absents. Je le voyais encore moins que d’habitude. Si ça faisait plaisir à Arsène, à moi, ça me faisait de la peine. Mais lui, il avait l’air content, alors j’essayais d’être contente pour lui.

Sur le chemin du retour, je réfléchissais au repas que j’allais faire. N’ayant pas d’idée, je me décidai à aller au Granny’s. C’était un lieu chaleureux et bien plus vivant que la maison. Ça me ferait du bien de voir du monde. Faisant demi-tour dans une petite rue, j’entendis des bruits de pas. Mon cœur se mit à cogner violemment dans ma poitrine.

- Il y a quelqu’un ?

 
La journée était passée à une vitesse folle. Regina était revenue de la Forêt Enchantée, une semaine après la naissance des jumeaux, pour s’enquérir de l’état d’Henry qui avait fui pour venir surveiller Emma, s’assurer que les ténèbres ne fassent pas trop de dégâts. Folle d’inquiétude, l’ancienne maire avait finalement fait fi de tous les conseils qu’on lui avait donné et avait écouté son instinct de mère qui lui criait de trouver son fils aîné pour s’assurer qu’il allait bien, sans quoi elle ne trouverait jamais de repos. Une fois ceci fait, un échange houleux avec Emma également, elle avait été trouver ses amis les plus proches restés à Storybrooke pour leur demander de garder un œil sur Henry. D’ailleurs, il irait vivre avec Durnik et cela rassurait la reine. Il commençait à se faire tard à présent, et il était temps pour elle de rentrer dans son royaume, espérant ne pas s’être faite repérer. Ses bébés lui manquaient, son mari et CJ aussi. Quittant la demeure de son dernier interlocuteur, elle arpenta une rue assombrie par la nuit récemment tombée, dans le but de gagner la forêt pour ouvrir plus discrètement le passage grâce à un haricot magique, lorsqu’elle tomba sur une personne qui marchait dans la même direction. Elle allait se faire repérer, pas de chance. Quelle ne fut pas sa surprise en reconnaissant la fille de l’usurpateur. Sourcils légèrement froncés, Regina se rapprocha afin de mieux faire découvrir son visage à la jeune femme.

- Tiens tiens, vous ici, jeune fille. Tu ne semble guère rassurée, demoiselle, pour dire que ton père dirige la ville. Aurais-tu des ennemis ? demanda-t-elle d’un air un peu narquois.

A la vérité, elle savait que la jeune femme avait participé à la vendetta de son père, et elle était assez remontée après chacun des participants.
 

L’ancienne maire… S’il y avait bien de quelqu’un dont il fallait se méfier, c’était bien elle. Pousse-toi ! Laisse-moi la place ! Non mais, pour qui elle se prend la vieille bique ?! Evite d’en venir aux mains quand même… Oui ! Allez, dépêche-toi !

Je suis Arsène.

Il était hors de question que Regina Mills intimide Antonia. Et comme je m’étais teint les cheveux, elle ne pouvait même pas voir que le corps avait changé de personnalité. D’ailleurs, je ne savais même pas si elle savait que nous étions deux dans le corps de « ma sœur ».

- Madame l’ancienne maire… je crois que toute jeune fille qui se respecte n’est pas rassurée de se promener seule dans le noir, surtout quand elle entend des bruits de pas. Mais vu que ce n’est que vous, et que vous êtes à présent une gentille reine, je suis rassurée. Et je vais pouvoir rentrer tranquillement chez moi.

J’effectuais une révérence exagérée et repris le chemin vers le Granny’s. Si Antonia la craignait, ce n’était pas mon cas. Et si elle voulait s’en prendre à nous pour toucher Frollo, elle se trompait sur toute la ligne. Notre père se fichait complètement de nous. Il pourrait nous laisser brûler sur un bûcher sans scrupule.

Tu n’es pas très polie avec la Méchante Reine quand même… M’en fout… Et puis, elle était jolie ma révérence non ? Qu’est-ce qu’elle veut ? S’en prendre à nous ? Oh bah ça serait du joli pour une maire tien ! Ce n’est pas en s’en prenant à une innocente qu’elle va récupérer sa place… Au contraire, ça lui ferait perdre toute crédibilité. Si elle était un minimum intelligente, elle continuerait son chemin sans faire d’histoire. Tu ne changeras jamais...

 
Regina observait la fille de son ennemi. Cette demoiselle était assez effrontée. Avec un père comme le shérif de Nottingham, à ce que lui en avait parlé Robin, et le peu qu’elle avait pu voir du juge, c’était sans doute quitte ou double : soit il aurait pu avoir une enfant totalement soumise et apeurée, soit il aurait engendré une petite rebelle refusant de se soumettre à la moindre autorité. Antonia semblait être de la trempe de la seconde option. L’ancienne maire de la ville n’avait aucune idée qu’il s’agissait là d’un corps abritant deux esprits, à l’instar de Neïlina, sa meilleure amie, qui cohabitait avec la Méduse.
Antonia la nargua un peu, mais l’ancienne méchante reine n’en avait que faire, elle avait bien d’autres chats à fouetter. Néanmoins, elle était curieuse. Alors que la jeune fille s’en retournait, elle l’interpella.

- Antonia ? C’est bien ainsi que tu t’appelles ? Ton père m’avait parlé de toi. Dis-moi, commença-t-elle en se rapprochant. Je me demandais… Pourquoi ? Pourquoi as-tu aidé ton père à commettre ces carnages ? Qu’y gagnais-tu ? Tu semble être intelligente, avoir un esprit indépendant… Pourquoi avoir voulu semer le trouble dans cette ville qui vous a pourtant accueillis, ton père et toi, quand vous n’aviez nulle part où aller ?

Car oui, il fallait se rappeler que comme beaucoup, Frollo et sa fille étaient venus trouver asile à Storybrooke pour échapper à Ingrid. Regina les avait aidés, elle leur avait fourni un toit et du travail. Était-ce ainsi que l’on disait merci, chez eux ?
 

 
Ne nous attire pas trop d’ennuis… S’il te plait…

- Je vous ai aider à organiser votre chorale de Noël, et vous n’êtes même pas capable de vous rappeler de mon prénom avec certitude ? Cela me fait plaisir… Oui, je suis Antonia Frollo. La raison qui m’a poussée à aider mon père lors de son carnage ne regarde que lui et moi. Par contre, je peux vous dire pourquoi je continue de le soutenir aujourd’hui. Je me suis rendue compte que vous ne valez pas mieux que lui. Comme lui, vous prenez le pouvoir de force ou par des subterfuges douteux. Vous avez été maire de Storybrooke seulement grâce à la Malédiction. Si une élection était faite, vous ne seriez peut-être pas élue, et mon père ne le serait certainement. Quant à vitre titre de reine de la forêt enchantée, il me semble caduc. Curieuse, j’ai cherché à savoir comment vous pouviez être reine, alors j’ai étudié différents gouvernements de ce monde. Regardons donc la monarchie française : avec la loi salique, aucune femme ne peut régner. Mais prenons quelques exemples : Mary Stuart, épouse de François II a dû retourner en Ecosse à la mort de son mari ; Anne de Bretagne a été deux fois reine de France seulement parce qu’elle a épousé le frère de son époux le roi, son frère étant le successeur au trône.  Pas de femme sur le trône de France donc. Pour la monarchie anglaise, c’est autre chose ! Les femmes peuvent régner, mais ce sont en général les descendantes du roi qui règnent, jamais les épouses. A la mort d’Henry VIII, ce n’est pas Catherine Parr qui a le pouvoir, mais le fils du roi : Edouard VI. A la mort de ce dernier, c’est Jeanne Grey, sa cousine qui a le pouvoir pendant très peu de temps. Et à sa mort, c’est Mary Tudor, première fille d’Henry VIII qui règne. Bon, dans ce monde, on dit que Blanche-Neige est un conte allemand, alors je m’y suis intéressée aussi. Le Saint Empire Germanique était composée de villes libres sans souverain mais un conseil élu, et de territoires où il s’agit de dynastie où ce sont les hommes qui gouvernaient : toujours pas de femme au pouvoir. L’empereur était lui, élu par des grands électeurs… Et vous n’avez jamais été élue me semble-t-il pour régner sur la forêt enchantée. Avant de me cracher au visage que ce monde est différent du monde des contes, je me dois de vous dire que j’ai aussi étudié la situation de « votre » royaume. Avant la Malédiction, c’était les Charmant qui régnaient sur la forêt enchantée, Blanche Neige étant la fille de feu le roi. Si cette dernière ne peut pas, ou ne veut pas régner, le pouvoir revient à sa fille : Emma Swan puisque vous n’avez aucun lien de sang avec Blanche-Neige et qu’Emma est en âge de régner. Quoi que je fasse, qu’importe les lois de succession que j’étudie, tout me dit que vous n’étais pas la reine légitime… Faites quoi que ce soit contre moi et je provoque un second coup d’Etat contre vous. Je suis certaine que le cygne noir voudrait se venger de celle qui l’a privé de sa famille. Suis-je assez intelligente pour vous ?

 
Quelle petite ingrate. Cette enfant ne manquait pas de toupet pour oser ainsi lui parler. Regina, malgré tout, décida de ne pas la couper, la laissant s’embourber dans ce qui lui semblait être un ramassis de sottises. Elle se contenta de la regarder parler en croisant les bras avec un rictus ironique. Dire que cette gamine s’offusquait qu’elle préfère s’assurer de son prénom, par pure politesse, mais osait par-dessus le marché la juger. Décidément, la même mauvaise graine que son père.

- C’est bon, tu as fini, ai-je droit à la parole ? Bon ! Pour commencer, ce n’était que pure rhétorique, et pardonne-moi si j’ai des centaines de prénoms à retenir et des soucis bien plus important que ton bon plaisir à m’entendre me le rappeler. Pour ce qui est de ce tissu de conneries que tu me sers, jeune fille, sache que du haut de tes douze ans et demi, tu ne peux pas te permettre de juger les autres qui ont eu un passé dont tu ignores tout. Oui, c’est vrai, jadis j’étais comme ton père et j’usais de la force, je terrorisais des gens, je ne m’en suis jamais cachée et depuis j’ai changé, j’ai fait amende honorable. Est-ce le cas de ton père qui, comme un lâche, a profité de mon absence pour détruire à la nuit tombée des lieux qui étaient chers aux habitants de la ville ? Ah, c’est facile de juger, toujours est-il que pour moi, les exactions de ce genre remontent à des années, alors que pour Claude Frollo, c’est du présent ! Ensuite, mon statut de reine ne te regarde pas. Pour ta gouverne, petite historienne de pacotille, je n’ai que faire de comment le pouvoir se transmet dans les cours de ce monde puisque dans la Forêt Enchantée, ce n’est pas comme ça. Une femme acquière le trône en se mariant, elle ne l’hérite pas sauf en cas d’impossibilité de régner de ses aïeux. Et devine quoi ? J’ai été mariée au père de Blanche. A sa mort, le royaume m’appartenait donc légitimement. Et crois-moi, ce n’était pas un cadeau, ce cher Léopold, alors j’estime avoir mérité mon statut. Blanche a eu, en se mariant, le royaume de son prince de mari qui en a hérité. C’est ainsi que va notre monde, puisqu’il semble t’intéresser. Quand je mourrai, si mon mari est mort également, le pouvoir reviendra à mon fils aîné, Henry. Et s’il n’en veut pas, ce sera mon second fils, Richard, qui règnera.

Puis elle éclata de rire.

- Pourquoi voudrais-je faire quoi que ce soit contre toi ? Tu es certes une petite « je-sais-tout » qui ne sait rien, mais je ne te ferai aucun mal, à moins que tu ne viennes à menacer les miens. Et je ne pense pas que tu sois stupide et méchante à ce point envers des personnes qui ne t’ont rien fait. Par ailleurs, laisse-moi te souligner qu’intelligence et instruction sont deux choses différentes. Tu t’es renseignée sur les pouvoirs de ce monde appris par coeur des descendances. Cela ne fait pas de toi une personne intelligente. Cultivée, tout au plus. De plus, j’en reviens à l’ingratitude qui te caractérise. Quand vous êtes arrivés en ville, ton père et toi, vous n’aviez rien, vous cherchiez à fuir cette Ingrid qui vous a pris ce que vous aviez. C’est uniquement grâce à moi que vous avez de nouveau une situation. C’est moi qui ai fait en sorte que vous ayez un toit au-dessus de la tête, de quoi vous restaurer et vous vêtir, un travail… Plutôt sympa, pour une reine despotique qui ne méritait pas son trône selon toi, et qui méritait aussi de se faire voler la ville à laquelle elle a consacré vingt-huit ans de son existence...
 

 
Antonia n’avait plus la place dans cette conversation. De toute façon, c’était moi qui avais provoqué Regina Mills, et je comptais bien lui faire fermer son caquet. Je ne savais pas pourquoi je n’aimais pas cette femme, mais je ne la supportais pas. Et ça, depuis la première fois que je l’avais vue. Elle m’inspirait que le mépris et le dégoût.

J’avais fait mon monologue, et par pur politesse, je la laissais prononcer son discours à son tour. La diplomatie n’était guère son fort de toute évidence… Certes, je m’étais ouvertement moquée d’elle, mais j’avais essayé de me montrer polie. Mes arguments étaient fondés et recherchés. Me semble-t-il que je ne l’avais jamais insultée. Je m’étais simplement rie d’elle.

- Qui nous dit que la Méchante Reine n’a pas changé les règles pour que ça l’arrange, hein ? Vous êtes une enfant capricieuse qui veut tout, et qui pense que tout lui revient de droit. Ça sera quoi bientôt ? Vous allez proclamer Robin de Locksley roi de Camelot ? Comme ça, vous allez avoir un autre royaume entre vos mains ? Alors ça, ça serait l’aberration du siècle ! Et puis, vous avez relevé tout ce que j’ai dit à propos des rois et reines de ce monde… Mais qu’avez-vous à dire sur le fait que Blanche était la reine avant votre départ pour Storybrooke ? Départ qui a été provoqué par votre personne d’ailleurs… Le peuple a choisi Blanche, vous avez été chassée du trône donc vous n’avez plus aucune légitimité… Et avant de vouloir gouverner un royaume, apprenez déjà à protéger votre famille. Si vous êtes incapable de protéger quelques personnes, comment voulez-vous protéger tout un peuple ?

Si la méchante reine était dans les parages, je ne doutais pas qu’elle voudrait faire ma peau… Alors autant prendre les devants en lui faisant comprendre que je ne me laisserais pas faire… Je n’avais menacé personne, je ne faisais que des constatations, mais les choses pouvaient être mal interprétées. Le reste de son argumentation me faisait doucement sourire.

- Stupide, je ne pense pas. Méchante, je le suis certainement. Je me renseigne afin d’apporter des points de comparaison et trouver des clés de compréhension afin de comprendre une situation qui m’échappe. Qui a dit que je voulais atterrir ici ? Mon père devrait peut-être reconnaissant envers vous, mais moi, j’aurais préféré rester où j’étais et fuir sur les Sept Mers… Et peut-être que si vous n’aviez pas créé cette ville, vous auriez pu vaincre Ingrid avant que son pouvoir prenne autant d’ampleur. Pendant qu’elle faisait son affaire, vous, vous étiez chaudement installée dans votre grande villa. Vous avez consacré vingt-huit ans de votre vie à cette ville parce que vous l’avez-vous-même créée… Vous avez enlevé tout un royaume par vengeance. Heureusement que vous avez pris soin de cette ville ! C’est à cause de vous qu’elle est là et que tous ses habitants sont ici plutôt que chez eux… Sur ce, je crois qu’il est préférable de vous quitter… En tant que méchante, je me dois de me trouver des alliés à la hauteur de ma méchanceté.