La proximité avec le maitre de l'hiver rendait les propres sentiments de Pitch très contradictoires. D'un coté il y avait toujours le mensonge, la supercherie, l'épée de Damoclès suspendus sur sa tête et d'un autre... leur interaction échappait parfois à sa maitrise, le laissant parlé impulsivement avec son tempérament naturel et c'était bien. Cette cohabitation avait le mérite d'être quelque peu divertissante et surtout informative sur la psyché de son colocataire dont les blessures émotionnelles saignaient encore après des années de tentatives de cicatrisations. Pourtant, bien qu'intéressant le partage du territoire forçait le ténébreux être à timide quant à ses pouvoirs, passant le plus clair de son temps dans la maisonnée pour s'habituer à l'enveloppe charnelle qui le contraignait dans ses mouvements tout en constituant sa plus grande protection contre les représailles.

C'est pourquoi le roi des cauchemars s'éloignait du coin de repos, parcourant la ville dans la noirceur familière qu'il contrôlait d'un simple mouvement de doigts, déformant  les ombres dans les limites de son imagination et tentant de percevoir la peur à plus longue portée. Sa concentration était maintenant sur sa main, faisant couler les ténèbres sur sa peau et annulant toute réflexion lumineuse avec flegme alors qu'il se passait sous une source lumineuse rurale. Depuis son arrivée, Pitch n'avait pas effectué son déplacement dans l'ombre, récalcitrant à soumettre son corps à cette action sans être assuré que la ville ne détraquerait pas ses pouvoirs durant le transport. Pour l'instant, l'esprit s’était contenté d'objet insignifiant et avait été contrarié par ses nouvelles limites quant à la distance qu'il pouvait parcourir. L'obscurité recouvrait maintenant l'entièreté de son bras droit et une partie de son torse, la sensation magique étant réconfortante sans avoir besoin d'émettre la moindre chaleur, une cape de ténèbres pures l'emmitouflant par centimètre alors que l'impulsion lui prit de voyager vers une activité nostalgique qui lui permettrait de retrouver des forces.

La sensation du voyage différait de ses siècles de performance précédente. Le corps lourd et encombrant qu'il traînait désormais se sentait léger pour la première fois depuis son arrivée, l'esprit fusionnant temporairement avec la noirceur, intangible et invulnérable pendant que l'ombre se glissait entre les lumières de la nuit. C'était euphorique, puissant et additif, un rappel de la puissance une fois posséder et des capacités qu'il avait eues uniquement en survie, sans que cela ne lui apporte plus aucun plaisir. Il lui fallait aller plus loin, plus vite, mais la magie n'était toujours pas aussi puissante que dans son monde et son anonymat ne lui offrait pas la croyance nécessaire pour qu'il puisse se ressourcer à travers les peurs de toute la ville. Calmant un peu son ambition, le cauchemardesque parcourrait son attention vers les appartements sombres, les habitants endormis par l'obscurité et dont le sommeil allait bientôt être habité de cauchemar. Il s'agissait d'une ancienne routine exécutée lorsque sa réputation n'avait encore jamais été établie, qu'il acquit le nom du Boogeyman et que sa mention mettait de la frayeur dans le cœur des plus jeunes et des hésitations dans celui des plus vieux. C'est un réflexe construit par la pratique et la nécessité, une action aisée, nonchalante, rapide, simple efficace et pourtant, cela entraîna sa chute puisque Pitch oublia un détail qui néanmoins entravait sa nouvelle vie.  

Normalement, la forme immatérielle de l'esprit se transporterait sous le lit de celui qu'il visitait, l'endroit étant le plus sombre même lors des journées ensoleillées, rendant sa localisation plus naturel et devenant son centre de mise en scène. La distance serait plus que courte pour permettre au ténébreux d'obtenir toutes les informations mentales nécessaires à l'élaboration d'une bonne frayeur, les peurs lui étant révélées dans toute la vulnérabilité du dormeur pendant que la noirceur faisait son travail en prenant la forme de la terreur redoutée. Ce dont Pitch n'avait pas pris en compte fut qu'il avait désormais une enveloppe charnelle qui, certes pouvait se caché dans les ombres, mais qui ne lui permettait pas d'interagir s'il restait dans cet état.  Pour utiliser ses pouvoirs liés à la peur, il lui faudrait être plus qu'une ombre, ce qui n'était pas possible sous tous les lits, particulièrement s'il s'imaginait en position debout. En conséquence, le nouvel homme ne put que trébucher en surprise lorsque ses pieds atterrir sur quelque chose de mou et nullement aussi droit qu'un plancher, déséquilibrant le détenteur de magie de sa position verticale jusqu'à se qu'il soit étendu de tout son long à travers le lit de l'étranger qu'il devait terroriser. Abasourdi, celui-ci resta désorienté à la perte de son manteau de ténèbres et par le retour à la réalité.

La masse moelleuse sur lequel l'esprit avait atterri bougea rapidement à son contact, une voix s'élevant surprise, mais sans aucune terreur l'accompagnant. Les mots vulgaires assaillirent rapidement ses oreilles avant qu'une lumière agresse ses yeux, la noirceur fuyant la scène oubliant d'emmener leur maitre avec elle. Extrêmement agacé par l'échec, le cri et la lumière, Pitch se redressa sur sa position, n'ayant aucun désir de rester affalé devant quiconque et n'ayant plus le contrôle assez fort sur sa magie pour quitter de façon innée sans y mettre de concentration. Son regard noir remonta le lit pour y trouver son propriétaire s'exclamant courroucé et sans aucune préservation de soi, restant à distance d'attaque sans aucune protection et n'ayant aucune capacité magique visible. Le ténébreux devait plisser des yeux en attendant qu'ils s'habituent à cette atrocité de lumière qui faisait réfléchir le doré de ses iris.

C'était absurde pour le jeune homme qu'il était devenu, assis sur un lit inconnu, se faisant faire la leçon pour un être inconscient du danger qui lui débitait des stupidités. Évidement qu'il savait que les gens dormaient, c'était son objectif que de tirer profit de leur subconscient pour atteindre plus profondément leur songe et se mêler à l'obscurité d'une pièce pour en faire son territoire de chasse. Quant aux étrangers, ce n'était pas une préoccupation pour lui, ni quelconque maire, surtout si celui-ci était aussi incompétent et insignifiant que celui d'Halloween Town. Toutefois, cette naïve préoccupation pour lui, alors qu'il était l'intrus de ce logis était quelque peu intrigante. L'individu se redressa par la suite, ayant déblatéré précédemment dans une position inclinée des plus inefficace, laissant un court silence s'installer parce que sincèrement, Pitch n'allait pas entamer le dialogue de son côté. Son désir avait été de se nourrir de la terreur du gamin, pas de commencer une communication et bien qu'il soit impoli et illégal d'avoir pénétrer dans la demeure sans invitation, l'esprit n'était soumis à aucune loi terrestre et n'accordait aucune importance quant au fait qu'il était brusque.

L'hésitation de Pitch pour la suite fut celle-ci: est-ce raisonnable ou non d'utiliser ses pouvoirs en la présence de quelqu'un pouvant clairement l'identifier par la suite? Habituellement, le cauchemardesque travaillait sous un certain déguisement, que ce soit sa forme changeante directement ou une illusion se créant dans l'esprit de sa victime, mais désormais, il avait un visage fixe et reconnaissable, aucun refuge sécuritaire, une fuite limitée et des ennemis dans les entourages. Le but du ténébreux avait été de reprendre des forces de façon subtile, mais il ne s'agissait que d'une tache éphémère, sa planification devant allé plus loin. De plus, l'expérimentation venait de lui prouver que son contrôle des ombres pouvait potentiellement l'envoyer dans un mur et il n'était pas ravi à cette opportunité, ce qui signifiait qu'il devrait prendre la porte ou la fenêtre. Une dernière phrase brisa sa concentration, une présentation étant faite et laissant l'esprit dubitatif. Cela semblait si facile de vivre dans le cerveau du garçon: il rencontrait une personne donc il devait se présenter, nonobstant la circonstance. Pourquoi pas? Ce fut donc à lui d'ouvrir la bouche, une expression gardée sur le visage ne révélant aucun sentiment, ni intérêt.

Je n'ai pas de prénom...

The Boogeyman et Pitch Black étaient plutôt des titres, des identités, mais nullement des noms dont on aurait baptisé son enfant.  En réalité, l'esprit possédait un  nom, il avait disparu à sa mort avec sa mémoire et normalement l'obligation de posséder de la chair. La seule chose le gardant sa santé mentale encore élevé était que ses pouvoirs existaient toujours, dormant sous la surface osseuse et cherchant juste à s'adapter à cette ville infecte.

...mais je suis connu comme étant le Boogeyman.

Pourquoi avouer maintenant? Pour obtenir une réaction, une crainte parfaitement justifiable par sa présence subite dans cette pièce et si jamais le titre à lui seul ne suffisait pas, il restait toujours l'option de simplement implanter la peur directement dans cet esprit fragile dont le cauchemardesque tentait déjà de saisir les craintes et les angoisses grâce à leur proximité et au passif du plus jeune.  Bien que son ton de voix ait été plate au début de sa phrase, un certain poids s'était ajouté, le regard doré étant plus vif de mesquinerie et un léger sourire taquin ayant enfin brisé la monotonie du visage pâle.

Cet enfant n'avait absolument aucun sens du danger, une inconscience absurde ne venant aucunement d'une confiance en soi, uniquement d'ignorance. Incrédule, le Boogeyman avait presque envie de le secouer pour voir s'il pouvait replacer le cerveau du garçon vers ses connexions neuronales. Les émotions émises par le gamin était assez proches, l'empathie du ténébreux creusant dans le crane offert, fouillant dans les craintes, les hésitations, la méfiance, mais rien de cela à la surface. De tels sentiments existaient, c'était certain, mais plus profond, moins primaire, demandant une ambiance plus propice et une dévotion professionnelle trop énergisante pour la motivation de l'esprit maléfique. Pitch se retrouvait donc incrédule devant la réaction qui l'accueillait, le ton de la conversation devenant léger et quasiment amical, juste après sa tentative d'intimidation. Abasourdis, les prochains mots glissaient par ses oreilles, ignorant complètement qui était cet autre ténébreux lézard, reconnaissait une autre appellation de sa légende et restant silencieux à la question rhétorique. Puis, l'exclamation du propriétaire des lieux remit son visage lisse d'expression, un vide jugeant parce que oui, c'était exactement ce qu'il avait lui-même confirmé auparavant, il n'avait pas de prénom. Était-il amnésique? Cela pourrait expliquer pourquoi l'humain avait oublié d'être apeuré ou outré de son apparition, c'était juste une routine de voir des inconnus.

Toute intention de terreur disparut aussi vite que de la compassion en guerre, le cauchemardesque reculant le plus possible dans sa position tout en gardant ses membres dans le lit qui était beaucoup plus confortable et chaud que l'hospitalité de l'éternel adolescent de l'hiver. Il lui fallait cette possession, le matelas et les couvertures au minimum. Après une évaluation rapide du garçon devant lui, des vêtements furent rajoutés à la liste, leur grandeur approximative étant assez  semblable pour intéresser le ténébreux qui était encore limité en choix quant à ses possessions matérielles. Cependant, il doutait fortement que ses ombres puissent transporter quoi que ce soit qui ayant un poids plus excessif que ses chaussures. En ces temps désespérés, la pensée vint à l'esprit de simplement user ses capacités physiques banales pour transporter ce qu'il pouvait saisir.

Je n'ai point l'intention de rencontrer quiconque, alors mon appellation n'est pas une préoccupation immédiate.

La solitude, l'ennui ou la folie, Pitch n'était pas encore certain sur laquelle de ces options expliquait sa poursuite de la conversation. Sociabilisé était une action inquiétante, défensive avec Jack et défaitiste avec Zack, l'horreur de la rime apporta une nausée dans son estomac existant, mais perpétuellement vide.  La fatigue émotionnelle et physique s'imposa finalement, son corps ne se tenait pas aussi droit que son élégance habituelle, un poids tangible affaissant légèrement le matelas alors que la noirceur se réunissait sous le lit, se glissant lentement sur la surface pour se diriger vers leur détenteur.

Quel danger pourrait-il même y avoir là-bas pour quelqu'un comme moi?

Cette personne s'exclamait beaucoup trop, son volume général étant irritant, comme s'il craignait d'être ignoré et qu'il avait pour solution de crier alors qu'il aurait mieux valu d'être intéressant. Heureusement pour le Boogeyman, il savait détecter les subtilités, les défauts de caractère et les insécurités. Un nom, même interrompu, surtout partiellement inavoué était plus que suffisant pour que l'image mentale suive, le traumatisme de l'enfance étant finalement transmit, ses pouvoirs ayant prit beaucoup plus de temps qu'à l'accoutumer pour répondre à ses désirs. Rumplestilskin, un individu en particulier alors, magique et puissant s'il devait en croire la peur et l'avertissement de danger. Ainsi soit-il, si l'intrusion et le fait de se trouver en face de la noirceur incarnée n'arrivaient pas à ébranler autre mesure cet écervelé abreuver au jus de cactus ignorant les effets néfastes et les trous dans sa chair, alors il allait devoir le confronter avec une touche plus familière. Mise en scène en tête, il lui fallait un climat propice à la crainte, conditionner son public à l'anticipation et surtout ne pas lésiner sur chaque subtilité rendant une interprétation la plus authentique possible.

Sa posture changea, l'émotivité dans son maintient,  la lueur dans son regard, un sourire amusé épris le visage pâle dans une courbure des lèvres qui était propres à un autre individu. La plainte de l'adolescent fut repoussée d'un geste dédaigneux de la main, l'importance de son opinion étant nulle pour lui et son personnage, la noirceur de sa magie atteignant ses bras, une brume obscure circulant dans sa main avec désinvolture, un orbe mouvant d'énergie malsaine mise à la vue du civil l'ayant insulté auparavant avec son refus d'obtempérer.

Oh, alors ce n'était pas seulement ma réputation qui me précédait, autant de familiarité doit signifier que l'on se connait intimement.

Un rire se glissa dans sa performance, résonnant dans leurs deux têtes, unique et si souvent utilisée par son propriétaire légitime.

Je suis désolé de ne pas avoir reconnu notre passé, dearie. J'ai tellement de titres que je ne sais plus sous lequel me présenter et qui me connaissent sous quel nom.  

Une pause dans le monologue, une réflexion étant joué dans le silence de la pièce, exagéré sur les traits faciaux désormais enjoués du cauchemardesque qui n'avait été que majoritairement stoïque depuis son arrivée. Il se devait de reproduire l'excentricité joyeuse, mais terriblement menaçante de celui qu'il n'avait aperçu que dans l'esprit de sa victime. Cependant, l'image était si vive et la peur si poignante qu'il arrivait tout de même à joué cette première ébauche d'un script.

Alors, est-ce ma peau de crocodile qui te donne des frissons? Ou alors mes yeux?

À ses mots, la première véritable transformation physique s'établit, l'iris changeant de couleur et de forme, ne laissant qu'une très courte partie de l'œil blanchâtre, créant un regard inconfortable à soutenir qu'il prenait bien soin de fixer une seconde dans celui de l'autre avant de détourner son attention par désinvolture.

Trêve de subterfuge alors. C'est la moindre des choses pour de si charmantes retrouvailles.

L'entièrement de son corps fut alors envelopper par ses ténèbres qu'il gonfla telle une brume magique plus particulière aux souvenirs du garçon. L'empathe profita de cet effet pour se repositionner, déplaçant son corps du lit au plancher, terminant sa personnification debout avec un geste de présentation excité, les bras rapprochés dans une torsion, un mouvement clairement théâtral d'une personne à qui l'auditoire n'oserait jamais posé de critique. Plus difficilement, comme en résonance avec le passé, la voix de Pitch changea pour dire la provocation suivante.

Allons, ne soit pas avare de politesse, la moindre des choses serait de m'offrir une tasse de thé.