Elwyn n’avait pas eu peur en voyant la neige. En réalité, il avait naïvement pensé qu’un trou dans le toit était responsable de la neige. Puis, en voyant la jeune femme chasser les flacons d’un geste de la main, ses yeux se mirent à briller en comprenant qu’il voyait de la magie. De la vraie ! Et pas une qui soit aussi morbide que la sienne, s’il devait être tout à fait honnête ! Alors bien entendu, sa réponse ne fut pas celle d’une personne terrifiée à l’idée qu’une personne puisse maîtriser un art interdit au commun des mortels. Loin de là. Si on devait faire une comparaison, le jeune homme ressemblerait plus à un enfant face à une pile de cadeaux. Pas qu’il ait déjà eut des cadeaux en réalité. Pas de la part de ses parents en tout cas.

— Je n’ai pas peur. Votre talent est merveilleux ! J’aimerais avoir un tel don ! mais non, lui il voyait des morts avec un sens de l’humour douteux, il ne pouvait toucher les gens sans voir leur mort et en plus, cela lui valu de se faire écarter du trône par sa propre famille. Non vraiment, il ne voyait pas en quoi faire des trucs en glace pouvait être mal vus.

Comme pour en rajouter à son émerveillement, le jeune prince vit alors la femme créer une cheminée et un sofa, en glace, et il ouvrit de gros yeux sans pouvoir s’empêcher de lâcher une exclamation qui, faute de lui accorder de la maturité, allait au moins prouver qu’il ne réagissait pas de manière négative à la magie.

— Wow ! Où est-ce que je peux apprendre à faire la même chose ? C’est absolument stupéfiant, dans le bon sens du terme ! soufflait-il en s’installant, remerciant au passage la femme quand elle lui tendit ses gants. Le tissus lui fit du bien, même s’il évita autant que possible de toucher la peau de celle ayant apparemment la bonté de le garder un peu chez elle. Puis il esquissa un sourire quand elle avoua ne pas savoir faire de feu. Je peux le faire, ne vous inquiétez pas. Quelqu’un m’a montré quand je voyageais ! Les gens du peuple sont absolument fascinants ! Je ne sais pas comment ils apprennent toutes ces choses très utiles !

Et il sortit de sa poche deux pierres dont il se servait pour faire du feu chaque fois qu’il dormait à la belle étoile. Elwyn esquissa un sourire en voyant Olaf se tenir près de lui pour observer le feu en train de naître.

Tu devrais t’éloigner, bonhomme. Je ne voudrais pas que tu te transformes en flaque. ce serait triste. Son feu bien lancé, Elwyn se redressait et tendait une main vers la femme blonde, un sourire aux lèvres. Je manque à tous mes devoirs. Je suis le prince Elwyn, du royaume de Parcia. C’est un honneur de vous rencontrer, Ma Dame. Je vais paraître curieux mais… votre palais n’est-il pas un peu… éloigné de la civilisation ? J’ignorais que certains royaumes procédaient de cette manière.

En même temps, il ignorait beaucoup de choses…

Tout le monde la craignait dans son royaume ? Il faut croire qu’ils avaient cela en commun alors. Même si entendre que la sœur de la jeune femme la craignait aussi le fit grimacer. Pourquoi les gens sans pouvoirs se sentaient-ils menacés par la différence ? La magie n’était pas si rare dans leur monde, alors pourquoi la craindre de la sorte ? Il ne comprenait pas… même si, le concernant, il pouvait accepter qu’une magie en lien avec la Mort puisse en refroidir plus d’un. Sans mauvais jeu de mot, bien entendu.

— La différence tend à effrayer ceux qui ne cherchent pas à comprendre. Votre sœur vous a clairement fait comprendre que vous l’effrayez ? J’en suis navré…

Il aurait espéré que certaines familles puissent bien réagir. Cela lui aurait au moins donné de l’espoir, à défaut que sa famille puisse l’accepter comme il était. Plutôt que de se focaliser sur ses pensées, qui étaient tout sauf joyeuse, Ewlyn esquissa donc un sourire à la question sur ses voyages. Une fois son feu terminé, il reporta donc son attention sur l’exilée qui se tenait à ses côtés.

— J’ai traversé quelques royaumes en venant ici, mais je ne dirais pas que j’ai beaucoup voyagé, si on parle en termes d’année. Je n’avais pas quitté mon château depuis l’année de mes six ans, donc je suis encore un peu… perdu dans tout cela ? puis il serra la main à Elsa, de façon assez peu protocolaire car… et bien… il débutait dans la sociabilisation. C’est un honneur de vous rencontrer, votre Altesse.

Elwyn se mit ensuite à écouter avec attention l’histoire de la reine en isolement volontaire. Tout comme lui, elle craignait donc apparemment ses pouvoirs et se retrouva à l’écart du monde à cause d’eux. Cependant, ils n’avaient pas fuis pour les mêmes raisons. Elle s’éloigna pour protéger les siens, un choix tout à fait honorable et prouvant qu’elle possédait un grand cœur… tandis que la décision d’Elwyn fut on ne peut plus égoïste pour le coup. Il avait pensé à lui avant qui que ce soit d’autre.

— Je comprend très bien, oui. Votre décision, bien que peu évidente, est honorable et votre secret est en sécurité avec moi, si votre vie est en danger dans le cas où l’on vous retrouverait. on ne pouvait pas savoir. Peut-être que le peuple d’Arendelle réservait un sort terrible à sa reine s’ils remettaient la main sur elle. Ce serait terrible ! Un régicide, déjà, mais surtout probablement les prémices d’une guerre si on en arrivait là. Ne vous excusez pas, je comprend très bien votre accueil de tout à l’heure. Je n’irais pas raconter que l’on accueille mal les visiteurs dans ce coin du monde.

Quand vint la question sur son voyage et le possible côté traditionnel d’un tel périple pour les princes, Elwyn se gratta nerveusement la nuque. Il ne pouvait pas mentir à Elsa. Ce serait facile, bien entendu, de prétendre qu’en effet ce voyage avait pour but de le former avant qu’il accède officiellement au trône… mais elle fut si honnête avec lui, un parfait étranger, qu’il ne pouvait même penser à lui cacher la vérité.

— Si seulement… non, en vérité nous sommes semblables sur ce point : je me suis également enfui de chez moi., avouait-il, ses mains gantées trouvant le moyen de jouer nerveusement avec ses cheveux en désordre. Et si Elsa réagissait mal elle aussi, et le rejetait dans le froid mordant de la tempête qui sévissait dehors ? Il n’y avait qu’un moyen de le savoir… il devait parler. Je suis né avec de la magie, nous nous en sommes aperçus l’année de mon dixième anniversaire. Enfin… ma famille l’a réalisé cette année-là, avant, ils pensaient au mieux que j’avais une vive imagination, au pire, que j’étais complètement fou.

Quand il dit cela, Estias – le fantôme qui vivait avec lui depuis toujours – eut un rire sans joie. Sans lui, sans cet esprit qui se baladait parfois dans le palais pour espionner et lui rapporter les derniers ragots, Elwyn n’aurait sans doute jamais fui et il ne serait plus de ce monde pour en parler.

— C’est pour cette raison que je dis qu’à choisir, j’aurais préféré votre magie. La mienne… elle fait peur à ceux qui savent. Quand j’étais enfant, à dix ans donc, un roi est venu nous rendre visite et en lui serrant la main, j’ai vu qu’il allait mourir en repartant de chez nous. Quelques jours plus tard, ma prédiction s’est réalisé. Je peux voir la mort qui attend les gens qui m’entourent et surtout, voir les esprits des défunts. Ce n’est pas très bien perçu… mes parents ont fait le choix de m’isoler dans une aile de notre château, et j’avais interdiction de sortir tant que la nuit n’était pas tombé. Ils ont raconté au peuple qu’un sorcier m’a maudit et que j’étais donc très malade.

Mais bien entendu, ce n’était pas tout.

— Un fantôme nommé Estias m’accompagne depuis mon enfance, nous avons le même âge. Nous sommes nés le même jour, je pense qu’il s’est attaché à moi pour cette raison. C’est lui qui m’a poussé à m’enfuir du palais… il a… disons que j’ai un petit frère, un tyran en puissance mais né sans aucun talent magique… il a entendu que mes parents comptaient se débarasser de moi de manière plus que euh… définitive, alors je suis partit.

Pour imaginer son propos, il mima qu’on lui coupait la tête et grimaça. Il savait que ses parents pouvaient être cruels à leurs heures – il suffisait d’écouter les récits de Estias – mais savoir qu’ils prévoyaient de le tuer comme un vulgaire criminel… il ne l’avait pas vu venir. Du tout.

— Du coup, me voilà ! Je profite de ma liberté, et je ne compte pas rentrer à moins que mon frère représente un jour une menace pour mon peuple. Dans ce cas, je pense que je n’aurais pas le choix, mais pour l’instant, ce n’est pas mon problème.

Et oui, il disait cela en riant. Ses parents voulaient l’évincer en l’assassinat, mais il était content parce qu’il découvrait le monde. Un vrai enfant !