Je passais beaucoup de temps ici depuis que j'étais de retour dans la Forêt Enchantée. J'étais dans une sorte de bulle qui était la mienne et je me mêlais peu aux autres. Soulagé de savoir qu'ils étaient entier et en vie. Je me sentais cependant sur une pente glissante. Je me plongeais donc dans de la lecture sur la magie. Des grimoires appartenant à ma mère. Je m'installais dans un fauteuil et je lisais. J'amenais les ouvrages avec moi dans ma chambre et je lisais les lignes manuscrites et délicates. J'absorbais tout ce que je pouvais absorber. Une véritable éponge. J'avais bien compris que la magie était bien plus facile lorsqu'elle provenait de la haine et de la colère. Je n'arrivais pas vraiment à me nourrir autrement et c'était sans doute pour cette raison que je me contentais de lire.

Je me sentais relativement bien dans cette pièce au même titre que lorsque je m'entrainais à l'épée. J'avais même eu la chance de passer un moment avec mon père. Douloureux et un peu libérateur sans réellement l'être. Je prenais une profonde inspiration alors que je tournais les pages d'un livre. J'avais complètement oublié d'aller rejoindre les autres pour le repas du soir. Complètement dans ma lecture. Le soleil était couché et le feu dans le foyer de pierre était ma seule source de lumière. Pantalon de cuir brun foncé avec une chemise blanche et bottes dans les pieds. Je restais dans mon petit monde.

Mon regard se portait finalement vers l'extérieur et j'appuyais mon menton dans ma main. Je caressais ma barbe en regardant cette nuit si sombre. Je n'avais même pas faim. Je ne ressentais pas réellement cette dernière. Je me demandais simplement si mon âme était aussi noire que ça. Avais-je perdu mon humanité ? Je ne me sentais ni prince et ni pirate. Je me sentais perdu au milieu de mes pensées et entre les mondes. Bafoué depuis ma naissance ou presque. Je baissais mon regard sur le livre en sentant une boule d'anxiété se former dans mon estomac. Je fermais les yeux et je prenais une profonde inspiration. Je replongeais dans ma lecture en tentant de me concentrer, mais c'était peine perdue. Je refermais les yeux. Allais-je pleurer ? Je sentais une larme couler le long de ma joue et je la retirais vivement. Non ! Je ne pouvais pas être aussi faible ... Je ne pouvais tout simplement pas.

Ma haine et ma colère n’étaient pas dirigées vers mes parents et ma famille cette fois. Elles étaient dirigées vers quelque chose de plus profond alors que je me cherchais moi-même en tant qu’homme. Je devais me dissocier de ma jumelle et vivre ma vie alors que nous avions toujours été ensemble auparavant. Je prenais une inspiration alors que la nuit était tombée. Isolé dans cette pièce à lire près du feu en tentant de comprendre ce qui était inscrit dans le grimoire de ma mère. J’avais bien compris que peu de gens étaient en mesure d’utiliser la magie. Autant ma soeur avait hérité du don de mon père que j’avais hérité de celui de ma mère. J’étais un bien piètre archer d’ailleurs, mes qualités au combat étant plutôt à l’épée et la défense avec un bouclier. J’avais la carrure pour le faire aussi. Dans les deux dernières années, j’avais pris une masse assez impressionnante tout comme de la hauteur. Je devais sans aucun doute avoir terminé de grandir désormais.

J’entendais toquer et je levais la tête de mon livre pour regarder vers la porte. Caché dans la pénombre sans l’être vraiment. Une ombre près du foyer dans l’obscurité de la pièce. Je me redressais en me raclant la gorge alors que ma mère me demandait si elle pouvait entrer. Je n’avais rien révélé encore de ma rupture avec Amy. Moi, qui pensait qu’elle serait mon grand amour … Je m’étais trompé au final. J’évitais un peu de répondre à sa question et je posais son grimoire sur la petite table près de moi.

- Oui, j’ai pris la liberté de lire à mes heures perdues. Il faut dire que j’en ai sans doute trop depuis notre retour … Je ne serais pas contre reprendre nos entraînements si vous … Si tu es d’accord bien entendu et si tu as le temps.

J’allais encore la vouvoyer. Elle m’avait bien dit que je n’avais pas à le faire. Je lui faisais signe de s’asseoir si elle le désirait dans l’autre fauteuil. Je posais mon dos contre le dossier et ma main allait sur ma nuque pour la masser.

- Je ne saurais dire si je vais bien ou non. J’arrive à peine à me comprendre moi-même et je ne veux pas infliger ça à personne.

Étais-ce là, l’âme d’un prince qui prenait sur lui pour éviter aux autres de souffrir ? Sans l’ombre d’un doute. Mon regard se posait sur les flammes dansantes dans le foyer. La chaleur enveloppante qui était notre élément à ma mère et moi. J'appuyais mon menton dans ma main avant de finalement le dire à voix haute.

- Amy est partie depuis un moment déjà … J'imagine que tu étais au courant.

Je ne refuserais jamais l’entrée dans mes appartements à mon père ou ma mère. J’étais sous le toit de ces derniers et je les respectais. J’étais peut-être pris dans mes émotions négatives, mais je ne ferais jamais de mal à l’un ou l’autre. Tout comme je ne ferais jamais de mal à un de mes frères ou l’une de mes soeurs. C’était tout le contraire, je comptais les protéger bec et ongle jusque dans la mort. J’approuvais dans un signe de tête à ma mère.

- Je te promets de ne rien lire à voix haute. Je n’en avais pas l’intention. Je ne suis pas le meilleur dans la lecture de vive voix de toute manière. Il faut croire qu’il y a eu des failles dans mon éducation à certains niveaux et ce n’est pas de ta faute.

Non, elle n’était en rien responsable de la manière dont j’avais été élevé. J’avais appris tellement de choses seul avec ma soeur. Je souriais légèrement alors que ma mère approuvait ma demande de m’entrainer éventuellement avec elle. Elle aurait toujours du temps pour ses enfants. Je me mettais à rire à la mention des épées en bois. C’était bien ma mère ça.

- Avec des épées en bois bien entendu pour les petits.

«Petits» Ils étaient nés avant moi et c’était moi le plus vieux désormais. Revirement de situation plutôt étonnant dans un certain sens. Je prenais une profonde inspiration avant de dire à ma mère que je ne voulais pas infliger mes mauvaises ondes à quiconque. Je ne voulais pas faire souffrir ma famille, mais c’était compliqué d’être un jeune adulte et de vivre de nombreuses choses pour la première fois. Je me passais une main dans la barbe avant de regarder le feu. Parler de ma relation avec Amy … C’était plus complexe qu’il n’y paraissait. Je n’aimais pas être émotif. Elle était la première femme que j’avais aimé. Enfin, c’était ce que je croyais car la première, ce n’était pas elle. C’était cette belle Raiponce avec sa chevelure interminable et sa poêle en fonte.

- Je ne sais même pas ce qui s’est produit. Une seconde elle m’aimait et la suivante, elle me disait que c’était terminé en partant comme une voleuse. Elle n’a sans doute pas apprécié de voir mon véritable caractère et ma magie… Je lui ai sans doute fait peur … Tu sais maman, je me demande parfois si je suis réellement un homme bon … Je me demande s’il n’y a pas plus de mauvais qui m’habite qu’autre chose …

Je n’allais quand même pas lui dire que je m’étais donné à cette jeune femme en croyant que c’était la bonne ou peut-être si en fait. Non … C’était inapproprié… Bordel que je détestais cette sensation. Je bougeais lentement mes doigts en faisant apparaître du feu très légèrement. Culpabilité qui me rongeait et remords … Je m’étais donné à la mauvaise femme. Elle ne voulait qu’un prince…

- Elle ne voulait qu’un prince au final … Le titre et non pas l’homme que j’étais. Moi, j’ai été assez stupide pour tomber dans son piège et me donner à elle …

J’avais toujours été un homme patient. Il le fallait pour vivre avec Lina et avoir les visites de Gothel. C’était une question de survie. J’aimais passer du temps avec Henry et Rolland. Mes «petits» frères. C’était plutôt drôle comme situation quand on y pensait. J’avais disparu du nourrisson pour revenir en homme. Maintenant, j’avais vingt-deux ans. Je savais me battre et faire tout un tas de choses. J’avais été pirate, explorateur et policier même. Maintenant, j’avais perdu la notion de qui j’étais réellement. Une remise en question profonde en plus de la haine, la colère et la déception qui m’habitait. Je restais à ma place en la regardant avant de parler de mon trouble avec Amy. L’impression d’avoir fait le mauvais choix et j’en souffrais énormément. J’en perdais même l’appétit et il faut dire que j’avais une sacrée fourchette en temps normal.

Je levais la tête vers ma mère alors qu’elle glissait ses mains dans mes cheveux blonds. Quelqu’un voulait bien m’expliquer comment j’avais fait pour être blond d’ailleurs ? Je fermais les yeux à ce contact maternel qui me faisait pousser un soupir. Je baissais ensuite la tête en sentant la douleur émotionnelle prendre le dessus. Je serrais les poings en faisant non de la tête.

- Si … J’ai été stupide. J’ai cru ce qu’elle m’a dit. J’ai cru chaque parole et chaque mot alors que tout cela n’était que mensonge. Les gens autour de moi semble me mentir la plupart du temps. On évite de me dire la vérité comme si je ne pouvais pas l’assumer. J’ai été naïf de croire que c’était de l’amour alors qu’elle ne voulait que le titre et la gloire qui venait avec.

Je me levais pour aller m’appuyer sur le cadre en pierre de la fenêtre. Je regardais à l’extérieur en voyant les lumières dans la cour. Silencieux alors que je tournais légèrement la tête pour lui parler à nouveau.

- La seule autre femme que j’ai croisé dans ma vie, je l’ai perdu … Lina ne compte pas, elle a toujours été avec moi … Peu importe … Ça n’a plus la moindre importance. Je devrais peut-être partir et faire un voyage dans le royaume… Apprendre à connaître cet endroit dont je semble être le prince alors que je n’en ai pas l’étoffe … Anna me bottera les fesses d’ailleurs si je pars quelque temps.

Ma meilleure amie avait tout un caractère. Je l’aimais comme elle était et sa joie de vivre était quelque chose à vivre au quotidien. Elsa avait beaucoup de patience.

J’étais capable de tolérer tellement de choses alors que pour d'autres, c'était impossible. Je ne tolérait aucunement le mensonge et la manipulation. J’avais l’impression que beaucoup de gens avaient usé de ma naïveté. J’étais un prince désormais et je sentais une pression sur mes épaules. Peut-être m’en demandais-je un peu trop ? Une chose était certaine, je ne savais pas du tout ce qu’il allait advenir de moi. Appuyé contre le rebord en pierre de la fenêtre à fixer l’extérieur. Ma mère me disait que j’étais encore très jeune et je riais jaune. À ses yeux, j’étais encore un nourrisson qui avait besoin d’elle. J’avais besoin d’elle, mais j’étais devenu un homme entre-temps.

- Des erreurs … Elle savait ce qu’elle faisait. Elle n’a pas hésité une seule seconde avant de partir comme elle est arrivée. Elle m’a manipulé tout comme Gothel l’a fait. C’est ce que les gens font… Ils manipulent les autres pour en tirer de l’intérêt sans même se douter de la douleur que cela peut engendrer. Je ne suis plus un enfant et encore moins un adolescent. Il y a un grand nombre de choses qui ont changé depuis que j’ai pris les Sept Mers… Beaucoup de choses …

Dévoiler la présence de Raiponce dans mon esprit. Une lueur en mentionnant que j’avais envie d’être ailleurs. Il n’y avait rien de précis dans mon esprit à ce sujet. Le temps avançait différemment dans les différents mondes de ce que j’avais compris. Je me devais de lire sur le sujet pour en apprendre davantage. Je ne saurais même pas dire si j’étais un personnage gentil ou méchant dans un livre de conte. Une immense zone grise orageuse dans mon corps avec des rayons de soleil ici et là sans la moindre précision. Ma mère ne voulait pas que je parte. C’était une chose claire et précise avant qu’elle ne me parle d’Anna légèrement.

- Oui, je parle bien de la soeur de la reine Elsa, mais là n’est pas la question. Si je pars, je le ferai seul. J’ai le sentiment que j’ai besoin de comprendre moult choses. Je ne saurais même pas expliquer où j’irais. Je n’en suis pas là dans l’immédiat. Je dois mieux comprendre cette magie que j’ai hérité de toi… Si tu savais à quel point je ne me sens pas à la hauteur de ce qu’on attend de moi. J’ai l’impression d’être dans un brouillard tellement dense que je ne vois même pas ma propre main. Une zone nébuleuse car j’ai perdu complètement mes repaires. J’en perds le sommeil la nuit maman … J’ai l’impression que dès que je reprends un minimum le contrôle, on me vole ma vie à nouveau.

Un regard vers elle. Un regard que je partageais avec cette dernière. Les yeux vitreux par autant d’ouverture de ma part.