Les événements ne se déroulent jamais comme on le souhaiterait. Ici, le bonheur tant espéré était assombri par l’attaque des ogres, suscitant la crainte d’une guerre imminente que la plupart préféraient garder secrète de peur de raviver d’anciennes blessures. Il est vrai qu’en conséquence, la paix du royaume restait incertaine face à un ennemi inconnu pour le moment. Certains allaient même jusqu’à se demander s’il ne serait pas préférable de retourner dans un monde sans magie. Les habitants du royaume avaient avant tout besoin de réconfort, une mission à laquelle Robin s’attelait avec dévouement. Il tenait à informer les sujets du royaume de sa présence et de son engagement à empêcher quiconque de sombrer dans un destin funeste.

Ainsi, l’archer parcourait le royaume pour venir en aide à ceux et celles qui en avaient besoin. De plus, il travaillait en coulisses pour recruter des hommes et des femmes courageux, prêts à rejoindre les rangs de l’armée. Car bien qu’une accalmie prévale actuellement, il était certain que le calme ne durerait pas tant que l’ennemi resterait inconnu. La situation restait donc tendue, et l’archer, même s’il avait du mal à s’habituer à son statut royal, savait mieux que quiconque à quel point les gens avaient besoin de solidarité pour faire face à l’incertitude qui pesait.

De ce fait, il organisa diverses rencontres avec les personnalités importantes qu’il croisait en parcourant le royaume. Ces rendez-vous se tenaient dans les tavernes pour plus de convivialité, et Robin semblait un orateur plus efficace en ces lieux. Assez efficace pour convaincre les stratèges d’élaborer des plans pour une défense solide, et suffisamment convaincant pour encourager les plus motivés à former des milices locales afin de protéger les zones vulnérables en attendant que l’armée royale soit prête à intervenir. Oui, même si Robin se sentait encore mal à l’aise avec son statut royal, il n’en demeurait pas moins efficace et influent.

Le soleil avait disparu depuis trois jours, emportant avec lui la chaleur caractéristique de sa présence. Les paysages étaient désolés et tristes. Cependant, la pluie avait cessé de tomber sur la lande. Une bonne raison pour sortir prendre l’air, ce que Robin avait l’intention de faire malgré son retour récent d’un voyage. Adossé à la fenêtre de la chambre royale, il contemplait l’horizon étendu. Les traces de l’attaque récente étaient encore visibles à travers quelques arbres renversés. C’était bien peu par rapport au tribut payé par le village assailli par les ogres. De nombreuses victimes et blessés avaient été déplorés. Personne n’avait été épargné lors de cette attaque-surprise.

L’archer se surprit à laisser échapper un long soupir de frustration, car il n’avait aucune piste concernant le commanditaire de cette attaque-surprise, et cela commençait à le décourager. Cependant, il ne pouvait se permettre de laisser cela entamer son moral. Il se redressa donc et se prépara à sortir, car il était évident qu’il était attendu pour rencontrer un groupe de jeunes personnes.

« — Encore ? » lança-t-il au palefrenier qui préparait sa monture. « — Je crois que finalement je vais devoir rester ici. » C’était ce qu’il envisageait de faire. Cependant, il devait admettre qu’une seule paire de bras, voire deux, ne suffiraient pas à gérer l’entraînement des jeunes novices. Bien que l’évidence (et les talents héréditaires) ait poussé l’époux de Regina à choisir leur fille Lina pour l’assister dans la formation des novices, Robin devait bien admettre qu’une paire de bras supplémentaire ne serait pas superflue.

À l’issue de l’entretien avec les nouveaux arrivants, Robin fit parvenir un message à un certain Héraclès Mylonas, un inconnu pour la plupart, mais pas pour Robin, qui avait pris la décision de recruter ce jeune homme pour l’assister dans la formation des nouveaux venus. Un rendez-vous fut fixé dans l’une des tavernes voisines pour le lendemain.

Les trombes d’eau tombaient impitoyablement du ciel, transformant la route en un chemin de boue détrempé où la simple marche était devenue une entreprise périlleuse. Heureusement, Robin chevauchait sa monture, esquivant habilement les flaques de boue qui menaçaient de paralyser tout mouvement. Cependant, même à cheval, il ne pouvait échapper à la pluie qui, telle une implacable ennemie, cherchait à percer sa légère protection, laissant une désagréable sensation d’humidité s’insinuer peu à peu.

La taverne tant attendue portait le charmant nom de « La Chope de Bon Augure ». Bien qu’elle se trouvât à une distance relativement courte, le temps exécrable qui sévissait sur le royaume laissait craindre que l’établissement ne soit assailli par des voyageurs cherchant désespérément refuge, ainsi que par quelques habitués réticents à braver les intempéries.

À son arrivée, Robin ne put que constater avec une pointe de désespoir qu’il ne restait que peu de places pour attacher son destrier, l’obligeant ainsi à se frayer un chemin péniblement à l’intérieur de la taverne. Heureusement, son interlocuteur avait choisi une position qui le rendait bien visible. Robin s’approcha donc pour rejoindre le jeune homme, ses yeux bleus exprimant une reconnaissance chaleureuse pour sa présence. À l’intérieur, la taverne était baignée dans une atmosphère chaleureuse. Les poutres en bois vieilli au plafond diffusaient une lueur douce, tandis que les murmures des clients assis aux tables voisines créaient une ambiance feutrée et conviviale.

Il prit place en face de son ami, une solide table en bois massif les séparant, orné de quelques taches de liquides renversés, signes de l’animation qui régnait en ces lieux. Robin répondit à la question d’Héraclès avec un soupir léger tout en se débarrassant de sa cape trempée et en passant une main gantée dans ses cheveux.

« — Ça fait un moment, Héraclès. Je me porte bien, autant que possible. La situation dans le royaume est tendue, mais ta présence est un réconfort bienvenu. Je suis reconnaissant que tu sois venu, » ajouta-t-il en retirant ses gants et saisissant immédiatement la chope qui trônait devant lui. Le contenu ambré de la chope reflétait la lueur des chandelles sur la table, créant une aura de camaraderie entre les deux hommes.

« — Je t’ai contacté parce que j’ai besoin de ton aide, mon ami. Les temps sont sombres, et nous devons nous préparer à affronter d’autres menaces. De nombreux jeunes gens viennent au château pour apprendre à se battre. Leur nombre ne cesse de croître chaque jour, et je me retrouve seul à devoir gérer cette situation. Bien sûr, je peux compter sur l’aide de quelques-uns, même de Lina ma fille, mais cela ne sera pas suffisant, » déclara-t-il en prenant une grande gorgée de sa chope avant de la reposer.

« — J’ai une confiance totale en tes compétences et ta force. Je sais que par le passé, tu as déjà affronté des créatures redoutables. Par conséquent, former de jeunes combattants ne devrait pas te poser de problème majeur, » déclara-t-il avec sérieux, tout en observant attentivement les lieux. Les lueurs tamisées de la taverne, les conversations étouffées, et les visages des clients lui donnaient un sentiment de familiarité apaisante, même au milieu des soucis.

Robin marqua une pause, son visage s’assombrissant tandis que son regard se perdait dans la danse des flammes des bougies sur la table. « — Nous devons mettre en place une force de défense solide pour protéger notre royaume. Les ogres sont une menace, mais nous ne savons toujours pas qui se cache derrière cette attaque-surprise. C’est pourquoi il me semble essentiel de former de véritables soldats capables de protéger le royaume et ses environs. Ton expérience et ta détermination seront inestimables, » ajouta-t-il, posant une main ferme et chaleureuse sur l’épaule d’Héraclès, un signe de confiance profonde.

« — Je sais que tu as ta propre histoire et que tu as mené tes propres batailles, mon ami. Mais ensemble, nous avons le pouvoir de faire une réelle différence. Que dis-tu ? Acceptes-tu de te joindre à nous dans cette lutte pour la sécurité de ce royaume ? »

L’air dans la taverne était imprégné d’une chaleur accueillante, mêlée aux arômes de bois de cèdre brûlé et d’un ragoût épicé mijotant quelque part en arrière-plan. Robin, assis à une table rustique écornée par le temps, laissa échapper un sourire reconnaissant en entendant la réponse enthousiaste d’Héraclès. Autour d’eux, le brouhaha des conversations des villageois et le crépitement apaisant du feu dans l’âtre tissaient une toile de fond sonore réconfortante. Malgré le poids des responsabilités qui pesait sur ses épaules, Robin trouvait un répit temporaire dans la compagnie du jeune demi-dieu. Ses yeux, qui reflétaient d’ordinaire une vivacité et une alerte constante, révélaient une lueur de fatigue sous-jacente, adoucie en ce moment par une étincelle d’espoir.

Avec un sourire teinté d’une sincérité profonde, il reprit la parole. « — Je savais que je pouvais compter sur toi, Héraclès, » dit-il, sa voix portant un timbre de gratitude sincère. « — Je ne vais pas te mentir, le défi de former ces jeunes gens est colossal. Ils arrivent avec des rêves et des espoirs, une bénédiction certes, mais aussi un fardeau de grande envergure. »

Il marqua une pause, son regard capturé un instant par la mousse dansante sur sa chope de bière. La lumière de la bougie à leur table se reflétait dans le liquide doré, projetant des ombres mouvantes sur ses mains robustes. Puis, ses yeux bleus se relevèrent pour se fixer sur Héraclès avec sérieux. « — Ils ont besoin de quelqu’un qui peut non seulement les former aux arts de la guerre, mais aussi leur inculquer la sagesse et le courage nécessaires pour les épreuves à venir. »

Se penchant en avant, Robin abaissa la voix, non par peur d’être entendu, mais pour souligner l’importance de ses propos. Des plis d’inquiétude marquaient son front tandis qu’il parlait. « — Ces jeunes guerriers sont l’espoir de notre royaume, Héraclès. Ils doivent apprendre à affronter des adversaires redoutables, à protéger les innocents, même si pour l’instant, les dangers semblent lointains et abstraits. »

Il leva les yeux vers son compagnon, son regard empli d’une confiance et d’une détermination inébranlables. « — J’ai besoin de ton aide pour les forger en défenseurs vaillants de notre terre. Ta force et ton expérience des batailles pourraient faire toute la différence dans leur préparation. »

Robin se redressa, retrouvant son assurance habituelle. « — Ensemble, nous pouvons les façonner pour affronter n’importe quelle tempête. Toi, avec ta bravoure et ta force légendaire, et moi, avec mes compétences en archerie et ma connaissance stratégique du terrain. »

Il saisit à nouveau sa chope, la soulevant légèrement dans un geste fraternel. « — Qu’en dis-tu, mon ami ? Es-tu prêt à nous rejoindre dans cette noble quête et à guider ces jeunes âmes vers leur destinée ? »

Robin sourit, la chaleur de l’amitié et de la camaraderie se mêlant à la lueur dansante des flammes de l’âtre. Les paroles enjouées de Héraclès résonnaient agréablement à ses oreilles, apportant un sentiment de soulagement. Il était rassurant de savoir qu’il pouvait compter sur le plus fort de tous les héros, même dans les moments les plus tumultueux.

« — Ah, Héraclès, tu m’envoies ravi, » dit-il, son sourire s’élargissant « — ton esprit combatif est toujours aussi inspirant. C’est ce que j’apprécie chez toi. Et puis, je savais que je pouvais compter sur toi pour relever un tel défi. »

C’est avec une attention toute particulière qu’il écouta la question de Héraclès sur le moment où ils commenceraient. L’interrogation avait son importance, car il savait que la formation de ces jeunes guerriers ne pouvait pas être reportée indéfiniment, tout comme celle des villageois moins adeptes du port de l’arme et de l’art de combattre sur un champ de bataille.

« — Je suis d’accord, » répondit l’archer avec sérieux, « — il n’y a pas de temps à perdre. Nous devons commencer dès que possible. Les dangers auxquels notre royaume est confronté ne connaissent pas de répit. Que dirais-tu de commencer par réunir de potentielles recrues d’ici quelques jours ? On pourrait faire circuler l’information et réunir nos volontaires ici même. Puis, nous pourrons ensuite aviser et organiser une première séance d’entraînement afin de commencer à mettre en place les bases de leur formation. Qu’en penses-tu ? Mais sache que si tu as d’autres inspirations, je suis preneur. »

Sa voix était empreinte de détermination, reflétant son engagement envers cette noble cause. Mais lorsque Héraclès détourna la conversation vers lui et sa famille, un voile de préoccupation passa fugacement sur le visage de l’époux de Regina. Il observa son alliance durant un court instant et pensa à chacun de ses enfants et à toutes leurs préoccupations.

« — Nous allons bien, merci pour ta sollicitude » répondit-il avec sincérité, bien conscient que Héraclès pouvait lire entre les lignes. « — Les enfants sont en pleine forme, bien que la tension dans le royaume pèse parfois lourd sur nos épaules. Lina est avide de savoir, c’est une très bonne archère et si je ne la modérais pas, elle partirait en guerre sans attendre. D’ailleurs, je pense lui demander de nous accompagner pour former les troupes. Ainsi, je pourrais avoir un œil sur elle tout en faisant en sorte qu’elle apprenne consciencieusement les bases. Richard, lui, est plus discret et semble nourrir plus d’intérêt pour la magie, le domaine de sa mère. Roland se cherche encore. L’adolescence n’est pas la plus facile des périodes. Et notre cher Henry fédère tout le monde. » Robin n’en demeurait pas moins fier, autant qu’il pouvait l’être de chacun de ses enfants.

Et voilà que sans se faire prier, il leva sa chope dans un geste de camaraderie. « — À un nouveau projet ! Puisse le sort nous être favorable, » dit-il avec un sourire, avant de boire une gorgée de sa bière. « — Et toi, comment ça se passe ? » demanda-t-il par politesse et teinté d’une curiosité légère.