Cela fait désormais sept mois que je suis arrivée à Storybrooke. Joyeux moisniversaire ! Quelle merde ! Normalement, cela devrait faire bien longtemps que je devrais être repartie de ce trou paumé mon scoop sous le bras. Au lieu de ça, je suis toujours ici à jouer les gentilles secrétaires, tout ça parce que le shérif m’a grillée en train de nettoyer l’intérieur d’une serrure et qu’elle a cru que j’étais en train de la forcer, quelle injustice ! Enfin, depuis j’ai plutôt intérêt à filer droit, de toute façon avec Charles dans les pattes je ne pourrais rien faire d’illégal, même s’il m’aidait on courrait l’un l’autre chez Regina pour gueuler que l’autre a fait une connerie. On appelle ça l’amour. Sans compter que l’autre andouille ne bosse pas et que je me tape sa dose de travail en plus de la mienne. Une galère sans nom. Même en tant que presque hyperactive, la tâche me tue. Raison pour laquelle, je suis actuellement affalée sur notre canapé comme une grosse larve. Heureusement que Juliette n’est pas là ce soir, de sortie chez une amie qu’elle a dit, parce que le spectacle n’est pas beau à voir. Je suis allée jusqu’à piquer les couvertures de la chambre de Juju sans compter les miennes, le tout avec un pyjama pilou pilou en forme de renard. Autant dire que je prie pour que son amie ne soit pas un ami et surtout pour qu’elle ne ramène personne à l’appart ce soir. La honte monumentale que je vais me taper dans le cas contraire. Je pense que je démissionne et que je retourne en France dans le premier avion qui passe, même en plein vol.

Alice aux pays des Merveilles passe sur notre télé. J’ai toujours trouvé ce Disney drôle, quand j’étais plus petite, je dansais sur la musique du chapelier et puis, plus tard, la version de Tim Burton a changer toute ma vision du film, lui a donné toute sa profondeur. N’empêche que pour une fois, j’ai envie de piquer un dodo, mes paupières sont lourdes mais je tente de résister. Regina m’a achevée en me faisant courir à droite à gauche toute la journée et je devais en plus boucler les dossiers de Charles qui était super important, mais qui m’a mis un boulet pareil dans les pattes ? On avait dit : pas de baby-sitting ! J’entends quelqu’un toquer à la porte : encore le voisin qui s’est planté ? Je décide de faire la morte, même si clairement, les jérémiades d’Alice ne font pas dans la discrétion. Les coups redoublent d’intensité. Et si c’était Juliette ? Elle a peut-être oublié ses clés ? Finalement, comme les coups retentissent à nouveau, je m’extirpe de cocon non sans grognement appuyer. Si elle a oublié ses clés, elle va m’entendre, qu’est-ce qu’elle aurait fait si je m’étais couchée tôt ?! J’ouvre la porte sans même prendre le temps de regarder qui se trouve de l’autre côté (ou de me changer tiens), déjà prête à gueuler.

- Punaise Juliette ! Combien de fois je t’ai dit de prendre tes clés ?! Un de ces quatre, je vais me tirer et tu vas te retrouver sur le palier comme une demeurée !

Ouais sauf que la demeurée à l’heure actuelle, c’est moi, parce qu’en face, ce n’est pas Juliette mais Madame Mills, ma patronne. Je reste bouche-bée, plus un mot n’arrive à traverser mes lèvres.  

Que la journée avait été longue ! Et ennuyeuse au possible. Il fallait encore et toujours gérer les deux idiots de la mairie qui ne pouvait pas s’encadrer, et Regina reconnaissait intérieurement trouver un certain plaisir à les tourmenter en les obligeant à travailler ensemble. Le yin et le yang, voilà comment madame le maire voyait Louise et Charles.  A vrai dire, la méchante reine reprenait peu à peu le dessus avec tout ce que Regina vivait, et la présence de la jeune française à qui il fallait cacher la vérité pour préserver tout un chacun commençait à peser. Ca la fatiguait et le côté maléfique de la belle brune lui intimait de régler ce souci une bonne fois pour toutes. Elle voulait savoir ? Qu’à cela ne tienne.

Sans savoir réellement pourquoi elle était si remontée, Regina entreprit de se rendre chez Louise… qui était également chez Juliette. Celle-là aussi elle commençait à lui taper sur le système, mais un problème à la fois. Elle comptait bien régler son compte à la demoiselle qui se prenait pour une licorne en premier, et si miss météo voulait s’interposer, eh bien ses attaques éclair à la Pikachu ne lui seraient d’aucun secours. Il était temps que tout soit dit, marre de faire se cacher toute la ville. Alors qu’elle voulut dans un premier temps prendre sa voiture, elle haussa les épaules en secouant la tête de droite à gauche. Pourquoi se donnerait-elle la peine de conduire alors qu’elle pouvait user de la téléportation ? C’est ce qu’elle fit.

La fumée violette qui l’entourait venait tout juste de se dissiper lorsque la maire de Storybrooke entreprit de toquer à la porte. Même pas de sonnette ? C’était quoi ce taudis ? Enfin… elle n’était pas là pour juger de la qualité de l’habitat de ces deux pimbêches, même si le jugement était quelque chose de divertissant. Voyant qu’on ne venait toujours pas lui ouvrir, elle entreprit de toquer à nouveau. Comment osait-elle donc la faire attendre ? Elle, une reine ! Lorsqu’enfin la porte s’ouvrit, c’est une licorne déguisée en renard, la mine défaite et l’exclamation aux lèvres qui apparut. A ce qu’elle disait, Regina comprit que Juliette n’était pas là, c’était parfait. Un sourire carnassier aux lèvres lorsque Louise comprit son erreur en remarquant l’identité de sa visiteuse, cette dernière entra dans l’appartement sans y être invitée, obligeant la secrétaire à reculer. Elles avaient avancé (du moins l’une et reculé pour l’autre) de cinq bons mètres dans l’appartement. La porte était restée ouverte.

-Il faut qu’on parle ! lança Regina en levant une main, faisant ainsi claquer la porte à distance. Asseyez-vous ! ordonna-t-elle.

Jugeant la jeune française trop lente, elle l’expédia à coup de magie dans son canapé. Regina s’avança vers Louise avec un air plus menaçant que jamais.

-Je commence à en avoir plus qu’assez de ce petit jeu stupide. Je sais que vous savez, ou que vous pensez savoir et je ne supporte plus de vous savoir fouiner partout. Alors puisque vous tenez tellement à la vérité, c’est le moment. Demandez et je vous répondrai. Ce sera votre seule et unique chance.

Puis, elle prit le temps de la détailler.

-Mais comment osez-vous porter une chose pareille ? N’avez-vous donc aucun respect pour vous-même ? Déjà vos cheveux, c’était limite, mais alors ça !

Je nageais en plein rêve, enfin plutôt en plein cauchemar ! Comme si ça ne suffisait pas de voir ma patronne, aka la personne la moins sympa qu’il m’ait été donnée de rencontrer, toute la journée au bureau, il fallait en plus qu’elle se pointe chez moi à l’improviste ? Finalement, je crois que j’aurais encore préférée que ce soit Juliette qui toque à la porte parce qu’elle avait oublié ses clés. Mentalement, je passais en revue l’appartement. Il était propre et rangé, enfin aussi rangé que possible pour deux nanas qui cohabitaient, deux ou trois trucs traînaient ici et là. Ok, je pouvais laisser entrer Regina sans me prendre de remarque cinglante parce que nous vivions dans une porcherie où les petites culottes traînaient à côté de la vaisselle. J’allais juste m’écarter pour lui laisser un passage, mais ma patronne ne me laissa pas faire un mouvement qu’elle entra en trombe, je reculai et menaçai de trébucher sur quelque chose. Je me retournai pour découvrir l’appartement dans un bordel monstre, c’était quoi ce merdier ? Comment avons-nous pu en arriver là avec Juju ? Regina allait vraiment avoir une sale opinion de moi, enfin sans doute pas plus mauvaise que celle déjà actuelle, je n’étais pas sûre de pouvoir tomber plus bas.

Madame Mills était… bizarre. Différente de d’habitude. Oh bien sûr, elle donnait toujours des directives, mais elle n’était jamais si claquante dans ce qu’elle demandait. J’allais m’asseoir sur le canapé et l’invitais à faire de même mais je n’eus même pas l’occasion d’ouvrir la bouche. Je valdinguai littéralement sur notre canapé, décollant du sol, ne comprenant pas quelle force m’y avait envoyée. Et si… ? J’écarquillai les yeux. Non, ça ne pouvait pas être vrai. Regina ? Mais… Comment avait-elle pu ? J’ouvris la bouche pour essayer de dire quelque chose, mais les mots restèrent coincer dans ma gorge, aucun son ne sortit. Je devais avoir l’air d’un poisson sortit de son bocal et Regina avait clairement l’air de celle qui se délectait de voir la pauvre bête s’asphyxié doucement mais sûrement.

Je ne m’attendais pas du tout à l’entendre dire ça, comment aurais-je pu ? Elle venait sérieusement de la questionner ? De me proposer de tout m’avouer sans détour et sans mensonge ? Non, je ne croyais pas à ma chance. Surtout après une démonstration de… magie. Il y avait anguille sous roche. Qu’avait-elle en tête ? Que projetait-elle de faire ? J’étais presque sûre qu’après m’avoir tout déballée, avec ou sans mensonges d’ailleurs, elle irait me découper en morceaux et me donnerait à manger à des chèvres ou me pendrait par les pieds dans les bois avant de m’égorger et de me laisser là en train de me vider de mon sang. L’angoisse, surtout si elle me servait un tissu de mensonges. Mieux valait rester prudente.

- Euh… Bah… Euh…

Ou muette. C’est vrai, c’est bien aussi muette comme option. Elle m’offrait une opportunité en or et je ne la saisissais pas. En même temps, même le pire abruti de la terre se serait méfier de Regina Mills. Ma tenue ? Elle avait quoi ma tenue ? Soudain, je me rappelais ce que je portais. Super confort mais loin d’être sexy, ou même convenable… surtout quand votre patronne se pointe chez vous à l’improviste. En même temps, évidemment que si elle m’avait prévenue, j’aurais enfilé autre chose. Mais mon renard était tellement confortable. Je décidai de tenter quelque chose, après tout la situation ne pouvait pas être pire, si ?

- Comment ça ? C’est très à la mode, vous savez ? Et hyper confortable. Sans compter, qu’évidemment si j’avais su que vous veniez, j’aurais mis autre chose que mon pyjama !

Voilà, les dés étaient jetés, il était trop tard pour reculer. De toute façon, ce n’était pas le genre de Regina. Elle était énervée, Louise avait réussi à la pousser à bout, à l’usure, avec son air faussement innocent alors que ce n’était un secret pour personne que cette étudiante était la parfaite fouineuse. Mais comment lui en vouloir après tout ? Elle étudiait le journalisme, n’était-ce pas la fibre qu’il fallait avoir pour réussir que d’être une fouine ? Regina pouvait le comprendre, mais il fallait aussi se comprendre son point de vue : une fille comme ça qui serait en pleine connaissance de ce qu’était réellement Storybrooke était un danger pour les habitants de la ville. Sauf si en apprenant la vérité, on la mettait en garde sur le fait que si elle mettait en danger les personnages de contes, alors sa vie aussi serait en péril. L’ancienne reine ne comptait pas laisser la sécurité de sa ville être compromise aussi facilement. Et de toute façon, la vérité finissait toujours par se savoir tôt ou tard, alors autant en finir une bonne fois pour toutes.

Madame le maire avait fait une entrée plutôt fracassante dans l’appartement de son employée, l’obligeant par la magie à s’asseoir dans son canapé, usant du même moyen pour faire claquer la porte. A présent, la brune se trouvait face à elle, la dévisageant, lui expliquant qu’elle pouvait poser toutes les questions qu’elle voulait et qu’elle y répondrait. La française avait l’air d’une tortue qu’on aurait mise sur le dos, elle semblait complètement désorientée, et pour une fois, quasiment aucun son ne sortait de sa bouche. Regina roula des yeux et en profita pour lui faire une remarque sur l’accoutrement qu’elle portait et contre toute attente, ce fut cela qui sortit la jeune fille de son mutisme. Un sourire en coin aux lèvres, Regina continua à la dévisager.

-A la mode, vous dites ? Mais qui ose lancer ce genre de modes ? Enfin bref, je ne suis pas ici pour discuter chiffons.

La maire de la ville décida d’aller s’asseoir à son tour, peut-être qu’ainsi, Louise serait moins impressionnée et qu’elle oserait délier sa langue d’ordinaire si bien pendue.

-Alors, je vous écoute, n’avez-vous pas des questions à me poser ? Vous qui prétendez un jour devenir une grande journaliste, c’est le moment de me montrer jusqu’où peut aller votre curiosité. Allez-y, je répondrai sans détour.

Avec précaution, elle alla s’asseoir dans le fauteuil situé en face du canapé et croisa les jambes. Elle claqua des doigts et fit ainsi apparaître dans les mains de Louise un calepin avec un crayon pour qu’elle puisse prendre des notes.

-C’est bien cela qu’utilisent les journalistes, non ? demanda-t-elle avec un sourire ironique. La réponse à votre question est : oui. Oui, la magie existe. Du moins ici seulement.

La belle brune replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille avant de poser ses avant-bras sur les accoudoirs du fauteuil.

-Vous ai-je dit que ce serait votre unique chance d’apprendre la vérité ? Je veux dire, vraiment toute la vérité ? Je suis la seule à vraiment tout savoir, puisque c’est à cause de moi qu’ils sont tous ici. C’est ce soir ou jamais. Demain, j’aurai sans doute changé d’avis et il sera trop tard. Bon alors, qu’attendez-vous ? Je commence à perdre patience.

Cette fille était décidément incroyable. On lui donnait l’opportunité de sa vie, et elle ne la saisissait pas au vol.

J’avais toujours été d’une curiosité maladive. Pour le plus grand bonheur de mes parents et au plus grand dam de mes professeurs. Impossible pour moi de tenir ma langue et les questions sortaient systématiquement avant même que j’ai pu y réfléchir. A l’heure actuelle, j’avais l’impression que ma curiosité s’était retournée contre moi. Regina avait l’air à la fois en rogne, mais aussi complètement… dingue ? Elle avait l’air d’une folle, sans compter qu’elle avait déboulé chez moi comme une furie. Elle clamait haut et fort que je pouvais poser les questions que je voulais. Sauf que ça sentait le piège à plein nez. J’avais la désagréable sensation que dès que j’aurais posé les questions qui me tourmentaient, la maire allait me rire au nez en en me disant que la magie n’existait pas et qu’il fallait être bien naïf pour y croire. D’ailleurs, moi, est-ce que j’y croyais vraiment ? J’étais venue dans ce patelin, plus par acquis de conscience que par réelle conviction de l’existence de la magie. On ne va pas se sentir, si je pouvais prouver qu’elle m’avait bien balancée sur ce canapé et claqué la porte le tout sans toucher ni l’un ni l’autre et sans artifices, alors je tenais le scoop du siècle !

Je regardai Regina, de plus en plus suspicieuse. A quel moment la supercherie prendrait fin ? A quel moment allait-elle m’avouer qu’en fait il s’agissait d’une plaisanterie qu’elles avaient organisée avec Juliette ? Bientôt sans aucun doute, et Juliette allait sortir de sous un meuble pour me dire qu’elles m’avaient bien eue. Regina rajouterait sûrement qu’elle espérait que ça m’avait calmée et que j’allais enfin travailler sérieusement à la mairie. Pourtant, Juliette m’avait bien envoyée un message en me disant qu’elle ne serait pas là et avant l’arrivée de Regina, j’étais bien seule dans l’appartement. Alors comment avait-elle fait pour me propulser dans ce canapé contre ma volonté ? C’est le moment que ma patronne choisit pour faire apparaître un calepin et un crayon entre mes mains.

- What the… ?!

Je ne pus m’empêcher de les jeter sur la table tasse comme s’ils étaient en feu. Ok, il fallait que je me calme. Je me relevai d’un bond et me plaçai contre la fenêtre, on va dire que je me laissais une chance de sauter dans le cas où elle essayerait de me tuer. J’espérais sincèrement ne pas trembler de tout mon corps, j’aimerais garder un tant soit peu de contenance et de dignité. Je croisai les bras, encore une fois en vue de cette contenance totalement inexistante.

- Qui me dit que ce n’est pas un piège ? Je vous dis ce que je veux apprendre sur la ville et vous finissez par m’interner en me traitant de folle ? J’ai moyennement envie de finir comme Alice.

Et puis soudain quelque chose d’autre me choqua : cela faisait des mois qu’elle m’avait sous bonne garde. Me dire la « vérité », cela revenait à ruiner tous ses efforts. Je pris une allure très légèrement hautaine et je continuai de la regarder avec suspicion.

- Et puis, ne nous mentons pas : cela fait des mois, depuis mon arrivée même sans doute, que vous m’avez à l’œil. Je fais des conneries dans votre dos, vous l’apprenez, vous m’engueulez, mais jamais vous n’allez me virer parce que si cette ville renferme vraiment de la magie, je veux dire la même que celle que l’on trouve dans les contes de fée, vous faites tout pour protéger ce secret. Alors, voilà ma première question : pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi maintenant ? Vous qui, en tant que maire, tenez à protéger cette ville plus que n’importe qui d’autre, pourquoi vouloir tout à coup ruiner tous vos efforts ? Vous savez pertinemment qu’une fois que j’aurais appris ce que je voulais, que j’en aurais la preuve, je me barrerai de ce trou paumé pour dire à la terre entière que Storybrooke existe et qu’elle renferme un secret dont nul n’a connaissance, et là vous serez vraiment dans la merde. J’ai du mal à croire qu’une femme aussi intelligente que vous puisse vouloir faire quelque chose d’aussi stupide.

Je donnais l’image de la fille qui avait une forte confiance en elle, mais la vérité était que je n’en menais pas large. Si elle possédait vraiment des pouvoirs magiques, j’allais finir en crapaud gluant jusqu’à la fin de mes jours.

Voir la tête que tirait Louise à chaque petit tour magique de Regina n’avait pas de prix pour cette dernière. Entre le moment où elle l’avait jetée dans le canapé, celui où elle avait fermé la porte à distance et quand elle lui avait fait apparaître un calepin et un stylo en mains, c’était jouissif, un vrai moment de satisfaction que de rabattre son caquais à cette petite fouine. Le sourire carnassier qu’affichait l’ancienne méchante reine ne désemplissait pas. La jeune fille avait bondit du canapé en rejetant le matériel d’écriture pour se positionner près de la fenêtre, comme si ça pouvait la protéger un tant soit peu. Madame le maire soupira en secouant la tête, la regardant faire.

-Alice ? demanda-t-elle innocemment.

A son tour elle se leva pour le lui faire face à bonne distance.

-De toute façon, avec votre chevelure, tout le monde sait déjà que vous êtes folle. Je peux aussi vous faire voir à tout le monde dans cette tenue…

Elle claqua des doigts, les faisant toutes deux disparaître pour réapparaître sur la place publique, certes déserte à cette heure-ci, avant de reproduire l’opération pour les ramener, non sans un nuage de fumée violette, où elles étaient, c’est-à-dire dans le salon.

-Comme vous le voyez, je peux de toute façon faire ce que je veux ici.

L’apprentie journaliste semblait essayer de reprendre contenance, elle essayait presque de la menacer et cela fit éclater d’un rire inquiétant la belle brune qui retrouvait ses manière de méchante reine. Elle regarda ensuite sa jeune interlocutrice avec un sourire et un regard plutôt menaçants, dignes de celle qu’elle était il y avait de cela une trentaine d’année.

-Jeune fille, le simple fait que vous teniez ces propos démontre que vous en savez déjà beaucoup trop.

Elle tendit son bras en avant et le rapprocha d’elle comme si elle tirait sur une corde invisible qui fit approcher Louise de quelques pas tendis qu’elle se penchait vers elle, le regard brillant d’une lueur inquiétante.

-Je vais vous expliquer, petite tête de linotte, puisque vous semblez de rien comprendre. Ce qui m’assure que même si vous crachez le morceau, vous passerez pour une folle furieuse, c’est que j’ai rendu cette fille invisible. Par la magie, oui. Storybrooke n’est détectable sur aucune carte de ce monde, toutes les traces d’une éventuelle existence de la ville ont disparu. Alors si le simple fait de mettre en danger des innocents pour votre futile et stupide carrière de gratte-papier à scandale ne vous pose pas de problème, j’ai fait en sorte que si vous tentiez de le faire à nos dépends, votre avenir soit étouffé dans l’oeuf. Vous finirez à l’asile et nous aurons la paix.

Regina se redressa avant de faire le tour du fauteuil sur lequel elle s’était assise avant de poser ses mains sur le dossier pour s’appuyer dessus.

-Alors vous avez trois options : vous pouvez donc apprendre dès ce soir toute la vérité et rester vivre sagement avec nous sans faire de vague. Vous pouvez apprendre la vérité et décider de rentrer chez vous et trouver autre chose pour réussir votre carrière de journaliste, et vous pouvez aussi partir et tenter de divulguer une vérité qui ne sera crue par personne et vous tirer ainsi seule une balle dans le pied. A vous de voir ce qui vous paraît le plus intéressant.

Le sourire et le regard hautains qu’elle lançait à l’étudiante ne laissait pas de place au doute. Elle avait tout prévu et la demoiselle devait s’accommoder de cela.

-Je n’ai rien contre vous, mademoiselle Lemire, je ne vous veux aucun mal, sachez-le. Je veux juste protéger les habitants de ma ville. Votre présence n’était pas souhaitée, c’est vrai, mais maintenant vous êtes là et il faut composer avec. Oh, j’oubliais un détail important. Une fois sortie de la ville, il vous sera impossible d’y revenir, puisqu’en plus de ne pas exister sur la carte, elle est également invisible depuis l’extérieur.

Regina avait simplement remis en place le sort de base, assurant la sécurité de la ville et qui avait été mis à mal quelques temps. Trop, visiblement.

Je détestais quand elle faisait l’innocente, encore plus lorsque je savais qu’elle était loin de l’être. Ça me perturbait au plus haut point. Elle venait m’avouer que les personnages de contes existaient réellement, puis l’instant d’après, elle faisait semblant de ne pas connaître Alice. Ça me donnait envie de m’arracher les cheveux ! Quoique, non, si je n’avais plus de cheveux, cela lui ferait beaucoup trop plaisir.

- Alice au pays des merveilles. Arrêtez de faire comme si vous n’étiez pas au courant !

Je croisai les bras et la regardai avec un regard boudeur. Ce que je n’avais pas prévu, c’était le fait qu’elle allait me transporter dans cette tenue en plein centre-ville. Je me sentais nauséeuse, je comprenais maintenant ce qu’on ressentait quand on empruntait un portoloin. La brise hivernale me fouetta le visage, mais je me demandai si c’était vraiment des frissons de froid qui me parcourait le corps ou bien des frissons de peur. Retour à l’appartement. Bordel, elle allait continuer de faire ça longtemps ? C’était tout bonnement insupportable.

Le vrai problème n’était pas tant que j’en savais trop. Le vrai problème était que je ne me basais que sur des suppositions. Ce n’était que de pure théorie, et c’était rageant au plus haut point. A tel point d’ailleurs que je me mis à la toiser, et ce malgré mon accoutrement.

- Vous êtes qui au juste ? La Méchante Reine ? Maléfique ? En tout cas, l’une de ces sorcières qui ne se préoccupent que de son bien personnel. Et les habitants de cette ville, alors ? Ils sont tous coincés ici ? C’est une décision commune ou bien vous avez décidé de ça seule parce que ça vous arrangez bien ? Je finirais peut-être à l’asile, en tout cas, cela vaudra toujours mieux que d’être un habitant de cette ville et votre prisonnière à jamais.

Je ne savais pas d’où me venait cette assurance. Surtout en prenant en compte le fait que cinq minutes plus tôt, elle me faisait bien plus peur que la sorcière borgne.

- Allez-y alors, racontez-moi toute la vérité. Mais qu’est-ce qui me prouve que vous allez bien me raconter la vérité et non pas des conneries ? Vous pourriez me raconter n’importe quoi, comment est-ce que je suis censée démêler le vrai du faux ? C’est un peu facile, vous avez dû préparer ce moment depuis mon arrivée en ville. Vous avez largement eu le temps de fabriquer tout un tissu de mensonge pendant tout ce temps. Qu’est-ce qui va me prouver tout ça ? Donnez-moi la preuve irréfutable que cette ville abrite bien les personnages de contes de fées !

Je ris de manière un peu amer. Elle ? Ne me vouloir aucun mal ? Et la mère l’Oie était ma voisine de palier c’est bien ça ? Je la regardai en haussant un sourcil et en secouant la tête.

- Rien que ça ? Et quand je vais partir, je vais aussi perdre la mémoire c’est ça ? Vous vous rendez bien compte que vous êtes en train de me dire que si j’ai envie de rentrer voir mes parents en laissant mes affaires ici, je ne les retrouverai plus jamais ? Et sinon, le monde des contes ça ressemble à quoi ? C’est vraiment le délire des gens qui chantent à chaque fois qu’ils veulent exprimer quelque chose ? Ça doit vous manquez non, depuis que vous êtes ici ?

Si elle se mettait à chanter, je jurais de lui balancer ma pantoufle à la figure. Hors de questions de la voir se trémousser dans mon salon, bonjour la vision d’horreur.
es pouvoirs magiques, j’allais finir en crapaud gluant jusqu’à la fin de mes jours.

Regina sourit, c’était un tel plaisir de tourmenter Louise, ça lui rappelait les grandes heures de terrer dans la Forêt Enchantée, lorsqu’elle s’arrêtait en carrosse au beau milieu d’un village pour aller enquiquiner des pécores de manière totalement aléatoire pour essayer de retrouver Blanche-Neige. Autant dire que traumatiser des petites gens avait été un passe-temps fort jouissif qu’elle retrouvait un peu en intimidant sa jeune secrétaire.

-Je n’ai pas vraiment connu Alice. Il parait qu’elle est morte. Enfin, ce ne sont pas mes oignons.

Le regard boudeur lancé par la licorne fit sourire la méchante reine qui alors avait téléporté la jeune fille à l’accoutrement ridicule en pleine ville avant de la ramener par le même biais dans son appartement. Mais il fallait en revenir au vif du sujet. Pour ne plus l’avoir dans les pattes en train de fouiner, il fallait lui dire toute la vérité et répondre une fois de plus à toutes ses questions, aussi madame le maire s’employa-t-elle à lui déclarer qu’elle répondrait à toutes les interrogations de la journaliste en herbe. Egale à elle-même, cette dernière semblait encore suspicieuse, ce qui agaça la reine.

-Un peu de respect, je vous prie. Vous avez vu juste, j’étais la Méchante Reine. Je vous trouve bien ingrate de critiquer ma ville, personne ne vous a forcée à vous y incruster, que je sache. Maintenant vous êtes là. Vous n’êtes pas ma prisonnière. A vrai dire, pour être tout-à-fait honnête avec vous, je préfèrerais que vous décampiez.

Un sourire carnassier aux lèvres, elle finit par se retourner et se rassit dans le fauteuil qui semblait le plus confortable.

-J’ai promis de vous répondre, je vais le faire. Si nous nous sommes tous retrouvés ici, dans cette ville qui n’existait pas, c’est parce que j’ai lancé un sort, une malédiction qui a duré vingt-huit ans. C’était par vengeance, je voulais me venger de Blanche-Neige que je ne parvenais pas à tuer dans notre ancien monde, alors je l’ai condamnée ainsi que tout mon royaume à une vie dans un monde dénué de magie et où les fins heureuses n’existent pas. Ils ont été privés de leurs souvenirs et ignoraient qui ils étaient, avec des souvenirs factices créés par la malédiction. Ainsi, j’avais le loisir de voir ma pire ennemie loin de celui qu’elle ignorait être son grand amour. Ne me jugez pas, vous ne savez pas par quoi je suis passée et je ne veux ni votre jugement, ni votre pitié, ni votre mépris. J’ai fait des choses terribles, c’est vrai. Aujourd’hui, les choses sont différentes.

Elle soupira devant les paroles emplies de doutes de la tignasse arc-en-ciel.

-Je viens de vous prouver que la magie existe, pourquoi irais-je mentir sur le reste alors que de toute façon, vous n’aurez aucun moyen de nous mettre en danger, puisque je m’en suis assurée ?

Elle haussa finalement les épaules.

-Vous êtes libre de me croire ou non, je n’ai rien à prouver. Je veux juste que vous arrêtiez de fouiner parce que je trouve ça insupportable. J’ai donc décidé de jouer cartes sur table. A vous de voir si vous préféré continuer à pratiquer la langue de bois ou si vous trouvez, comme moi, qu’une discussion honnête vaut mieux.

Louise sembla s’offusquer du fait qu’en quittant la ville, ses souvenirs s’effaceraient. Regina ne put s’empêcher de rouler des yeux.

-Vous ne pouvez avoir le beurre et l’argent du beurre, mademoiselle Lemire ! Ne pensez-vous pas que la sécurité des habitants de ma ville importe plus que vos ridicules petites affaires ?

Secouant la tête, elle fut amusée par sa question.

-Non, nous ne passions pas notre temps à chanter, enfin, c’est plutôt l’affaire des princesses… Quoi qu’une fois, nous étions tous ensorcelés et chacune de nos phrases sortait en chanson. C’était fort désagréable. Devinez qui nous devions remercier pour cela ? demanda-t-elle, ironique.

Regina décroisa et recroisa les jambes. La discussion allait être longue.

-Je me suis accoutumée à ce monde, bien que je préférais les tenues que je portais de l’autre côté.

Pour illustrer le propos, elle se leva et dans un mouvement de poignets, se changea par magie plusieurs fois pour lui montrer quelques une de ses plus somptueuses toilettes de reine, avant de réapparaître dans une tenue civile du monde sans magie.