Depuis l’arrivée des « réfugiés », Regina avait fait le maximum pour que chacun des nouveaux habitants de Storybrooke puisse se sentir chez lui. Au début, tous avaient trouvé refuge au couvent de la fée bleue, mais le groupe des Merry-men avait préféré élire domicile en forêt, un lieu où ils se sentaient d’avantage chez eux qu’en ville. Qu’à cela ne tienne, madame le maire avait pris le parti de leur faire construire des chalets afin que les intempéries de l’hiver ne les rendent pas malade. Par la même occasion, certains avaient pu trouver de ce fait un travail sur le chantier.

Malgré les désagréments causés par ce petit trouble-fête de Jefferson qui avait fait venir cette vague de personnages de contes paniqués par les événements ayant cours dans leur monde, l’on pouvait dire que finalement l’ancienne méchante reine y avait trouvé son compte. En effet, elle avait fait la rencontre de Robin des bois, avec qui elle avait entamé une relation. La fée Hilda n’avait pas menti, il semblerait bien que cet homme au tatouage de lion sur l’avant-bras était bien son âme-sœur, son véritable amour, celui qui lui était destiné. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs, leur relation était toute nouvelle, et pour le moment, madame le maire s’occupait de lui offrir à lui et sa troupe des logements décents.

La construction des chalets avançait relativement vite. Regina venait de fermer la mairie et voulait s’enquérir elle-même de l’avancée des travaux et voulait en profiter également pour voir de ses yeux les dimensions du chalet qui serait destiné à Robin, pour lui offrir quelques accessoires de décoration et faire une jolie chambre à Roland. Ce petit garçon adorable méritait bien qu’on le gâte un peu. Alors qu’elle entrait dans le chalet destiné aux Locksley qui ne comportait pas encore de toit, elle s’étonna d’entendre du bruit. Pourtant, le chantier était désert, les ouvriers l’avait quitté voilà au moins une demi-heure. Fronçant légèrement les sourcils, elle avança en direction du bruit. La thèse de l’animal fut rayée au moment même où elle entendit des mots être prononcés, sans réellement en saisir le sens. Elle se planta derrière l’homme dont elle ignorait encore l’identité, et bras croisés, prit la parole.

-Je peux savoir ce que vous faites là ?

Elle reconnut, lorsqu’il se retourna, le dieu des Enfers. Par le passé, elle avait eu affaire à lui, avant de lancer le sort noir, voulant parler une dernière fois à Daniel. Puis, le frère du damné, Zeus, avait conclu un pacte avec elle pour envoyer Hadès avec les habitants de la Forêt Enchantée dans le monde sans magie. A l’époque, et toujours actuellement d’ailleurs, les petits jeux des dieux importaient peu la méchante reine, et ne voulant froisser le plus puissant, elle avait accepté. Hadès se retrouvait à Storybrooke privé de magie.

-Je ne savais pas que tu étais intéressé par un chalet, très cher. Celui-ci ne t’est pas destiné, si tu veux en acheter un, je te montrerai les plans.

S’il est des rencontres fortuites plutôt plaisantes ou amusantes, clairement, rencontrer Hadès à la nuit tombée sur un chantier n’était pas de celles qui plaisaient à Regina. A présent les bras croisés, campée droite sur ses escarpins, madame le maire attendait une explication… Qui évidemment n’arrivait pas. Que faisait ce fouineur ici ?

-Que sais-tu des talons hauts, Hadès ? Si je n’ai pas à me justifier quant à ma présence ici qui est légitime, toi, en revanche, tu me dois une explication. Pourquoi viens-tu fourrer ton nez sur ce chantier ?

Il était clair qu’il cherchait quelque chose. Peut-être quelqu’un ? Toujours était-il que l’ancien dieu des Enfers ne faisait jamais rien par hasard, et se promener après l’heure de fermeture sur le chantier de chalets qui ne lui étaient pas destinés était assez louche. Il préparait un sale coup, c’était certain… Et apparemment, il essayait de faire diversion en parlant du manoir qui se trouvait être sa demeure à Storybrooke. De quoi se plaignait-il ? Il avait un manoir ! Certains n’avaient que de ridicules studios. La malédiction lui avait donné un logement digne de son ancien « lui ». Regina afficha un sourire en coin.

-Je vois que monsieur a ses exigences… Si ta demeure tombe en ruine, c’est que tu n’en as pas pris soin. Rien ne t’empêche d’y faire des travaux, à tes frais. C’est parfait, il y a une recrudescence d’ouvriers en bâtiment, je suis certaine que tu trouveras quelqu’un pour tes réparations.

Le regard inquisiteur de madame le maire était braqué dans celui de l’ancien dieu des Enfers qui ne semblait guère vouloir dire ce qu’il faisait là.

-Cela ne me dit toujours pas ce que tu fais ici… Dois-je faire installer des caméras de surveillance pour éviter les nuisibles de pénétrer ?

Elle pinça les lèvres à sa remarque sur la décoration qui faisait un peu trop « homme des bois » à son gout. Elle sentait que la réflexion concernait Robin et ses hommes. Après tout, ces chalets leur étaient destinés, et eux, ils aimaient vivre dans les bois.

-Quelque chose me dit que tu as une idée derrière la tête, et quelle qu’elle soit, je te le dis tout de suite : oublie !

Un être aussi sournois qu’Hadès, il fallait s’en méfier. Les paroles qui filtraient de sa bouche ne sonnaient pas vraiment comme l’air de la franchise, Regina le sentait. A dire vrai, elle n’était pas vraiment à l’aise en sa présence, bien qu’elle sache que tant qu’il n’avait pas retrouvé ses pouvoirs, elle était plus puissante que lui et par conséquent, ne risquait rien. Tout de même, Zeus aurait pu se débrouiller avec sa famille au lieu de la mêler à ça. C’était dans une autre vie, à l’époque, la méchant reine n’avait que sa vengeance en tête, et les conséquences en lui importaient que peu. Désormais, la donne avait changé, mais surement qu’Hadès n’avait rien oublié de tout cela, entre la dette qu’elle lui devait et le fait qu’il ait été envoyé dans le monde sans magie sans que son avis n’ait été demandé au préalable… Madame le maire espérait fort que jamais il ne retrouve ses pouvoirs, ou alors qu’il puisse retourner d’où il venait sans possibilité de revenir à Storybrooke…

SI le dieu des Enfers avait perdu toute capacité magique, il ne lui en restait pas moins un certain don : celui d’être agaçant au possible. Après une journée de travail, Regina faisait son possible pour ne pas sortir de ses gonds, mais face à un être qui prenait un malin plaisir à vous rendre chèvre et tourner autour du pot, c’était une tâche bien ardue. Et son sourire… Elle n’avait qu’une envie, lui coller une bonne gifle.

-Tu as le droit d’aller où bon te semble, tant qu’il s’agit de lieux autorisés au public. Et il me semble que des panneaux indiquent en toutes lettres : « chantier interdit au public ». Tu ne fais pas partie des propriétaires, alors tu n’as rien à faire ici. Et par ce « tous », à qui fais-tu allusion ?

Madame le maire afficha un sourire ironique. Il fallait vraiment être le dernier des tordus pour se plaindre qu’il n’y avait pas assez de morts en ville.

-Si tu n’as pas assez de travail, c’est que d’autres font le leur correctement. Tu devrais peut-être songer à une reconversion ? Quant à une aide de la mairie, eh bien je ne saurais que trop te conseiller de venir remplir un formulaire. Le conseil se réunit toutes les semaines, nous étudierons ta demande.

Sa remarque ironique ne plut pas du tout à l’ancienne reine qui le foudroya du regard tandis qu’il avançait vers elle, minaudant faussement pour sortir ses vilaines paroles.

-Tu ne peux rien, c’est vrai. Alors cesse de vouloir m’importuner, ça pourrait bien se retourner contre toi.

Elle soupira. Il se complaisait décidément beaucoup dans le rôle de la victime, alors qu’il n’avait absolument rien de ce statut.

-Allons, je t’en prie, ne sois pas paranoïaque ! Pourquoi parles-tu de te protéger et protéger ta fille ? Personne ne vous veut du mal. Enfin, si tu t’es mis à dos des personnes, ça ne m’étonnerait pas, mais je n’y suis pour rien. Quant à ton… secret, si tu veux mon avis, il n’en restera pas un très longtemps. Tu sais très bien, tout comme moi, qu’un secret n’en reste jamais un bien longtemps. Je pense savoir ce que tu veux, et tu ne le trouveras pas ici. Ce n’est qu’un simple chantier de construction de chalet. Hadès, même si je le voulais, ce qui n’est pas le cas, je ne pourrai pas te rendre tes pouvoirs. Si tu dois t’en prendre à quelqu’un, prends t’en à ton illustre frère. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est impossible que tu le revois un jour, alors fais comme tout le monde, pour ton bien et celui de ta fille, contente-toi de cette vie ici. Ou alors va de l’autre côté, avec cette reine des glaces, tiens, je suis sure qu’un rencontre entre le feu et la glace pourrait être plaisante ! ajouta-t-elle avec un sourire sarcastique.

S’il la cherchait, elle pouvait en faire de même.

Regina, clairement agacée, soupira en roulant des yeux avant de reporter son regard chocolat sur l’ancien dieu des Enfers.

-Tu ne l’as pas vu à cause de l’obscurité de la nuit, hein ? Eh bien peut-être est-ce parce qu’on ne se promène pas sur des chantiers à la nuit tombée quand personne n’est là, surtout quand on n’a rien à y faire. Arrête ton petit manège, je te prie.

Voilà qu’il continuait à se plaindre… son frère, les autres dieux, et même ce pauvre Sullivan qui, pourtant, était un employé modèle du point de vue de madame le maire.

-Laisse ma mairie en dehors de tes petits soucis existentiels, tu veux ? Concernant tes pouvoirs, je t’ai déjà dit que je ne pouvais rien faire, ce n’est pas de mon fait. Je ne suis pas responsable de qui a de la magie ou qui n’en a pas. Il faut t’y faire. Tu devrais peut-être méditer sur ce que tu as fait pour mériter ça, et essayer de changer toi aussi. Cela ne pourrait que t’être bénéfique. Et pour les autres aussi.

Et il continuait. Son frère, toujours son frère. L’ancienne reine s’approcha à son tour de lui avec un petit sourire au coin des lèvres.

-Qui te dit que je ne connais pas Zeus ? A ton avis, comment t’es-tu retrouvé pris dans mon sort noir ?

Puis elle recula, le toisant du regard.

-Si tu veux mon avis, il n’a que faire de toi. Il est surement très bien sur l’Olympe et a surement d’autres mortels à tourmenter sur vos terres anciennes. Je doute que Storybrooke soit d’un quelconque attrait pour les dieux, et même s’il venait ici, ses pouvoirs seraient diminués, pour ne pas dire inexistant. La magie qui est ici est différente de celle du monde d’où je viens, et bien plus encore de celle des dieux. Rassuré ?

Elle ne put réprimer un petit rire sarcastique en l’entendant déclarer que c’était naze d’être un humain.

-C’est pourtant ta condition, dorénavant, alors tache de t’y habituer, parce que ronchonner n’y changera rien, très cher.

Elle fronça les sourcils, n’aimant pas le manque de respect évident qu’il dissimulait à peine vis-à-vis de Robin et ses compagnons. Puis, se reprenant, elle afficha un sourire et un faux air empathique en s’approchant de lui d’un pas félin.

-Oh, Hadès, ce que tu me dis là et très alléchant, en effet…

A présent à quelques centimètres de lui, elle lui tourna autour, pour se retrouver dans son dos, approchant son visage de son oreille.

-Mais je vais devoir décliner ton offre. J’ai peut-être une dette envers toi, c’est vrai, mais je ne suis pas inconsciente au point de t’aider à retrouver tes pouvoirs.

Regina revint se poster en face de lui.

-Storybrooke ne court aucun danger, et je sais gérer ma ville. Je n’ai pas besoin de tes faux conseils, ni même de toi d’ailleurs. Et même si j’en avais envie, je ne saurais pas comment te rendre tes pouvoirs. Malgré tout, je sais combien tu serais dangereux si tu les avais, et c’est peut-être ça le réel danger pour la ville. Si tu veux retrouver ta vie d’avant, débrouille-toi pour repartir d’où tu viens. Mais ici, je ne peux rien pour toi.

Madame le maire haussa les épaules en faisant une petite moue.

-En ce qui concerne le remboursement de ta dette, je peux peut-être financer tes travaux de rénovation ?

A son tour, elle se moquait de lui. Après tout, quand elle avait eu recours à lui, elle ne pensait pas qu'il serait emporté dans la malédiction et donc qu'elle le reverrait. Ce n'est que bien plus tard que Zeus fomenta son plan, et la méchante reine en avait oublié à l'époque qu'elle avait une dette envers le dieu des Enfers.

En temps normal, contrarier un dieu aurait eu de quoi inquiéter Regina. Mais ici, Hadès avait perdu tous ses pouvoirs, il ne pouvait rien contre ceux de la méchante reine, alors madame le maire était plutôt sereine face aux petites crises de colère du sieur Hellfire. Plus par agacement que par provocation, elle avait en quelque sorte vendu la mèche quant aux circonstances de sa venue à Storybrooke. Oui, Zeus avait tout manigancé. A l’époque, la belle brune ne se préoccupait pas vraiment des petites affaires des autres. Un plus puissant qu’elle lui avait demandé un service qui lui paraissait réalisable avec une contrepartie intéressante, ça lui suffisait.

Hadès laissa échapper sa colère en balançant le plan de travail laissé là par les ouvriers. Regina sursauta à cause du bruit que les outils heurtant le sol produisit. Puis, elle le vit, le regard plein de rage et de colère, fondre sur elle, sans qu’elle n’ait eu le temps d’anticiper. Loin d’apprécier l’étreinte qui lui était donnée, madame le maire fronça les sourcils pendant que l’ancien dieu des Enfers lui crachait sa haine au visage. A la vérité, elle comprenait sa réaction, elle aurait probablement eu la même. Néanmoins, elle faisait désormais l’effort de changer, ce qui n’était pas son cas au vu de sa réaction.

-Calme-toi ! articula-t-elle.

Les mains sur ses poignets, elle essayait de lui faire défaire sa prise. Peu à peu, il la lâcha. Elle aurait très bien pu l’envoyer valser à l’autre bout de la pièce, mais à quoi bon ?

-Je sais ce que tu penses, mais ce n’est pas aussi simple. Je n’ai pas le droit de t’en parler, mais je n’ai pas cherché directement à te nuire…

Et à vrai dire, la malédiction n’avait pas pour but d’être brisée, Regina pensait qu’Hadès ne retrouverait jamais la mémoire et que donc elle serait exemptée de cette désagréable conversation, tout comme de sa dette envers lui d’ailleurs. En effet, à présent, elle espérait plus que tout que l’ancien dieu ne retrouve jamais ses pouvoirs, car elle savait de quoi il était capable… surtout lorsque la folie et la colère pouvaient l’accaparer. Elle n’était plus seule à présent, des gens comptaient pour elle : Henry, Robin… Il était inconcevable que qui que ce soit s’en prenne à eux.

-Tu peux bien penser ce que tu veux et me menacer autant que tu voudras, cela ne changera pas les choses ! La vengeance ne mène à rien, je suis la mieux placée pour le savoir ! Alors si tu as fini je te prierai de t’en aller à présent.

Madame le maire s’adressait à son interlocuteur d’un ton ferme et décidé qui n’appelait aucune réponse. Enervée par la tournure qu’avaient prise les choses, Regina décida de s’en aller également. Mais prudente, elle décida de ne pas lui tourner le dos. Allez savoir de quoi ce fou était capable. Elle opta pour la solution de repli facile. D’un mouvement synchronisé des mains, elle fit apparaître une fumée violette qui la fit disparaître. Elle se rematérialisa dans sa voiture et démarra sans tarder pour rentrer chez elle. Elle savait désormais qu’il lui faudrait faire preuve de prudence et que ce cher Hadès ne reculerait sûrement pas devant l’idée de se venger. Quelle idée de lui avoir dit la vérité ! Ne dit-on pas que toute vérité n’est pas bonne à dire ou à entendre ?