Le vent fouettait son visage aux traits tirés depuis deux jours. Depuis que l’on avait kidnappé sa sœur cadette. Son chignon sévèrement tiré lui donnait un air plus déterminé alors que ses yeux se plissaient pour mieux observer le large à la recherche de ce maudit bateau que Basile le Fou commandait. Ses muscles lui faisaient mal mais sa volonté de retrouver sa seule famille restante était plus forte que tout. Malgré ses paupières qui se fermaient toutes seules, il remarqua cette petite silhouette au loin. Il n’en fallut pas plus à Richard pour rejoindre le pont depuis la proue, là où il aimait normalement se prélasser seul ou en compagnie de Lina. En arrivant d’un pas décidé, il s’arrêta net devant son second, entouré de quelques hommes.
-J’ordonne que l’on poursuive ce navire jusqu’à ce que l’on arrive à l’aborder ! Faites tout votre possible pour réduire la distance qui nous sépare ! Une fois que l’on sera assez proche, venez m’avertir, je serai dans mes quartiers. Dit-il avant de se retourner et de prendre les escaliers pour rejoindre le cœur du bâtiment.
Cette histoire lui bouffait le moral et il savait que c’était dans ce genre de situation qu’il allait facilement faire des erreurs de jugement. Se donner quelques heures de sommeil n’était pas une idée qui lui plaisait mais s’il s’entêtait, Richard ne serait jamais à-même de pouvoir sauver Lina.

Une fois arrivé vers sa couchette, il retira ses habits pour enfiler une tenue plus agréable pour dormir et s’enfila sous la couverture. Le jeune homme soupira remarquant que l’idée que sa jumelle soit entre les griffes d’un de ses adversaires lui coupa toute envie de relâcher la tension qui l’habitait. Grognant, il laissa son corps tranquille et commença à penser, à se retourner sans vraiment trouver le sommeil. Et dire qu’elle s’était faite avoir comme une novice pendant que lui dormait comme un pacha dans sa petite couchette. Comment avait-il pu la laisser seule sur le pont avec ses incapables qui avaient profité de la première occasion pour dormir ? Après trop de temps, le pirate prit la flasque qui se trouvait à côté de son lit et but quelques longues gorgées d’un rhum dégueulasse qui le fit grimacer. Il avait beau avoir l’habitude d’en boire lors de ses insomnies pour trouver le sommeil, jamais il ne se ferait à ce goût horrible ! Une fois la sensation de brûlure de gorge passée, il se laissa retomber contre son oreiller et sombra gentiment dans un sommeil pseudo-reconstructeur.

Cela ne dura cependant pas assez longtemps à ses yeux car on vint le secouer vivement, lui tirant des grognements.
-Capitaine, il n’est plus très loin… Et ça fait plus de douze heures que vous…
Le jeune pirate fit alors un saut et se leva, plus réveillé que jamais. Comment avait-il pu s’assoupir aussi longtemps ?
-Sombres idiots ! Il ne fallait pas me laisser dormir douze heures ! Grommela-t-il sèchement dans son début de barbe encore juvénile.
Enfilant sa tenue par-dessus, il se dirigea vers le pont, suivi par le pauvre soldat qui était venu le réveiller. Effectivement, le soleil n’était plus dans le ciel, qui était couvert de nuage. Ce fut cependant un autre détail qui troubla Richard : c’était comme si le bateau de Basile le fou s’était arrêté. Jeune et encore inexpérimenté, l’aîné de la fratrie fonça la tête baissée dans le piège que lui avait tendu son adversaire qui lui avait beaucoup plus d’expérience.
-Préparez-vous à l’abordage !

Deux jours plus tôt.

« Va dormir. Je veille, t’inquiètes pas. Je viens te réveiller s’il y a un problème, tu t’endors sur place là. »

Je laisse mon frère aller dormir avant de m’adosser contre la rambarde de notre navire. J’avais l’air fine à lui dire qu’il s’endormait sur place. J’étais en train de faire exactement la même chose. Je m’endormais mais je devais tenir, il devait y en avoir un de nous deux qui était apte à gérer. On est pirates ou on ne l’est pas. Puis, je devais surveiller l’équipage, juste par précaution bien sûr. Quoi que. L’eau semblait trop calme, beaucoup trop calme et ça ne me plaisait pas beaucoup. Plusieurs heures passèrent, la lune était au zénith et offrait un joli reflet argenté sur les légères vagues que procurait les mouvements de notre navire.

Mon regard se promenait sur l’entièreté de notre équipage qui était pour la plupart endormi. Poussant un profond soupir, je ne compris que trop tard que le vent que je ne sentais plus dans mon cou était signe d’un problème. Une main se pose sur ma bouche pour me faire taire. Je me débats pour tenter d’hurler afin de réveiller mon frère mais sans succès. Ils m’emportent. Loin de lui. Loin de ma famille. Loin de notre chez-nous. Quelques instants plus tard, je sombre dans l’inconscience, victime d’un coup porté derrière la tête.

Actuellement.

Attachée au mat du navire de cet abruti, je soupire. Combien de temps j’allais rester là déjà ? Mais surtout, je me maudissais. J’avais été assez stupide pour me faire prendre, quoi qu’ils étaient arrivés par derrière et que je n’avais pas pu contrer. Je n’avais pas mon arc sous la main. L’ouïe fine, je les entendait parler. Ils voulaient nous avoir tous les deux. Richard. Ne viens pas me chercher. Mon regard se porta sur le navire qui approchait alors que celui de notre gentil ennemi se stabilisait.

Je commençais à avoir soudainement chaud dans ma tenue de pirate mais je ne pouvais pas faire grand chose pour agir. Mon regard se porta sur l’équipage de notre navire avant que je ne croise le regard de mon blondinet de frère.

« Richard, joue pas au héros ! C’est toi qu’ils veulent ! »

Eh merde. Voilà qu’ils se jettent tous les uns sur les autres. Je soupire, soulevant une mèche de mes cheveux qui me cachait les yeux. Dans leur bagarre, ils pourraient penser à me détacher ? Un sourire naquit sur mes lèvres lorsque je vins à remarquer l’arc que tenait mon frère.

Et dire qu’il s’était simplement contenté d’aller dormir suite aux mots de sa sœur, sans même tenter de la contredire. Sans même se poser la question de savoir si, sur le moment, elle avait aussi besoin de sommeil ou de si elle était capable de pouvoir s’occuper du navire. Lui qui d’habitude ne suivait que ses propres mots avait cédé à ceux de sa cadette par simplicité. Il s’en rongeait les ongles et il s’était juré de ne plus jamais la laisser seule sur le pont pour diriger cette bande d’ivrognes qui n’avaient même pas essayé d’empêcher son enlèvement. Il s’en voulait comme jamais. Lui qui avait déjà tant craché sur leurs parents parce qu’ils les avaient abandonné se sentait maintenant au même niveau qu’eux. Il avait été faible, lâche et il allait tout faire pour le retrouver saine et sauve. Ce sentiment ne fit que de se développer au fil des heures qu’il passait, éveillé, sur le pont, à chercher ce rafiot sur lequel Lina se trouvait, prisonnière, entre les mains d’un vieux pirate pervers qui n’hésiterait pas à faire d’elle son goûter.

Il leur fallut environ deux jours pour retrouver le navire de Basile le Fou, deux jours pendant lesquels il avait pu se passer n’importe quoi. Dans sa tête, toutes les possibilités s’entrechoquaient. Était-elle morte ? L’avait-il amochée ? Ou pire… violée ? Tant de questions qui restaient malheureusement sans réponse. Un élan d’espoir cependant apparut à l’horizon : la silhouette du bateau au large, bien reconnaissable grâce à ses quatre mats et sa proue d’une laideur incomparable. Il n’en fallut pas plus pour que le sang du jeune homme vigoureux ne fasse qu’un tour dans tout son corps et qu’il somme l’abordage. Richard était bien trop précipité pour analyser la situation de façon efficace et manquait cruellement d’expérience. Certes sa magie pourrait le servir, mais en face se trouvait un adversaire qui n’allait pas lui faire de cadeau et qui, lui, possédait plusieurs années de rafiotage dans les bottes. Il retourna rapidement dans sa chambrette pour y trouver ses affaires de combat ainsi que l’arc de sa sœur qu’il avait précieusement gardé.

Tous les marins d’eau douce se retrouvaient sur le même bord, prêt à aborder l’autre bateau afin d’aller chercher Lina et de mettre une raclée à leur adversaire. Lorsque la voix de sa sœur retentit à ses oreilles, le jeune sorcier fut soulagé. Il était cependant bien trop entêté à vouloir la sauver qu’il ne prit même pas attention à ses sottises et fonça le premier, tout droit dans la gueule du loup.
-A l’abordage ! Cria Richard.
Ils furent accueilli par une troupe prête et motivée et à peine foulaient-ils le bois du pont ennemi que le métal commençait à s’entrechoquer. Rapidement, l’aîné de la fratrie remarqua que les bougres avaient attaché Lina à un des mats. Il se sépara alors du groupe et se dirigea vers elle afin de la libérer pour qu’elle puisse les aider.
-Ne t’inquiè… Commença-t-il avant qu’il ne sente un coup derrière le crâne qui l’envoya droit au tapis.

Quelques heures plus tard…

Ce fut avec une horrible douleur l’arrière du crâne que le jeune pirate se réveilla alors que la voix de sa demi-sœur résonnait. Il tenta alors de bouger mais remarqua qu’on l’avait attaché comme un vulgaire rôti saucissoné au même mat que sa cadette.

Richard. Toujours prêt à foncer la tête la première sans réfléchir quand il s’agissait de veiller sur moi. Imbécile. Des moments, je me demandais s’il avait pas été bercée trop près du mur. Je l’aime mon frérot mais dès moment, il devrait réfléchir avant d’agir. Je ne sais pas… Alors qu’il s’approche de moi pour me détacher, il se fait assommer. Merde.

« Richard. Richard, réveille toi. RICHARD ! »

Ah, il se réveille. Je pousse un soupir. je ne dis mot. Je me contente de regarder autour de nous. Le navire sur lequel nous sommes prisonnier à pris de la distance avec le notre. Pour des pirates, on est vraiment pas doués hein. Je me mords la lèvre inférieure, réfléchissant à un plan alors que je vois tout notre équipage également attaché. Sérieusement ?

« Comme pirates, pour le coup, j’ai vu mieux je te l’avoues. On s’est fait prendre comme des boeufs. » énonçais-je à mon frère aînée.

Je réfléchissais. Il le fallait. On devait trouver un moyen pour se sortir de ce pétrin. Les pouvoirs de Richard, mais bien sûr ! Mon regard azur vint se poser sur mon frère.

« Ri’, dans les grimoires de l’autre garce, t’as pas trouvé des sortilèges ou je sais pas quoi pour briser nos liens et qu’on puisse se défendre ? »

Mon regard se posa sur mon arc et mon carquois que Richard avait caché derrière des tonneaux avant de venir me libérer. Je vins à chuchoter à mon frère.

« Peut-être que tu peux brûler nos liens pour qu’on se libère et ensuite, tu me couvres pour que j’aille prendre mon arc et on les bat à leur propre jeu ? » expliquais-je à mon frère.

Le Capitaine abruti vint à s’approcher de nous avant d’approcher son visage du mien. Il est clair qu’il lui faudrait apprendre que le brossage de dent, c’est obligatoire pour tout le monde. De sa voix rauque, il me parle, je n’écoute même pas ce qu’il dit.

« Il paraît que votre capture vaut beaucoup d’argent, on va s’enrichir. » dit-il en souriant et en montrant ses affreuses dents noires.

« Dites, c’est une mode pour les pirates de ressembler à des débris et de sentir aussi mauvais de la bouche ? non parce que ça me donnerait mal à la tête. Vous puez tellement de la bouche que ça me donne envie de vomir, et ce serait bête de salir mes vêtements n’est-ce-pas ? Vous voulez que je vous dise ? On est difficile à attraper. »

Mon regard se posa sur Richard.

« Maintenant ! »

S’il y avait bien une chose qui caractérisait Richard dans ce genre de situation, c’était son caractère tête brûlée. Dans certains cas, le pirate pouvait se montrer d’une sagesse étonnante mais lorsque cela touchait à sa seule famille restante, le sorcier redevenait le jeune adolescent prêt à tout pour sauver sa sœur. Il n’avait rien vu venir. Ses pas avaient été rapides et il avait rejoint Léna plus facilement que prévu, trop facilement ? Il n’y pensa pas, son plan était parfait. Ils accostaient, il la libérait et ils repartaient. C’était sans compter sur Basile qui avait vu venir le jeune homme et qui s’était préparé à ce combat qui fut remporté à plat de couture pour la marin de longue date. Une brève douleur au niveau du crâne et l’orphelin se retrouva au sol, assommé, alors qu’il allait libérer sa cadette.

Sa boîte crânienne était douloureuse et sa bouche pâteuse alors que la voix de sa sœur résonna dans ses oreilles encore embrumée par le coup. Sa vision était encore floutée par la force de son assaillant alors qu’il releva le visage pour observer ce qu’il s’était passé. Il tenta de se libérer mais remarqua facilement qu’il devrait utiliser sa magie pour résoudre ce problème de saucissonnage car les liens étaient extrêmement serré.
- Je ne comprends pas… Mon plan était bien ficelé pourtant… Minauda-t-il, ne voulant pas avouer qu’il s’était jeté dans la gueule du loup inconsciemment. Mais on va s’en sortir… On s’en sort toujours !
Heureusement pour eux que sa mémoire était bonne et qu’il avait lu avec attention une incantation pour se sortir de ce genre de situation dans un des grimoires. Et á voir sa cadette avait pensé à la même chose que lui, ce qui lui redonna un léger sourire. Ils faisaient une belle équipe, malgré leurs prises de becs nombreuses.
- Ne te fais pas de soucis, j’ai déjà le sort parfait pour ça ! Lui répondit-il alors qu’il se concentrait pour se préparer mentalement à se canaliser pour lancer ledit sort.
Le jeune homme n’entendit pas Basile le Fou s’approcher d’eux et n’eut pas le non-plaisir de voir son visage dépareillé et de sentir son haleine connue pour être aussi putréfiée que la carcasse d’un cachalot restée au soleil pendant deux semaines.

Sa concentration commençait à fonctionner, il pouvait le sentir. L’énergie canalisée dans ses doigts se manifestait en de drôle de picotements qui se déployaient dans ses phalanges et ses mains. Aux paroles de leur adversaire et de sa sœur, il grimaça et sourit. S’il y avait bien quelque chose qu’il n’aimait pas, c’était de la savoir maltraitée et c’était ce qui était en train de se passer, il la menaçait, il les menaçait. Mais la répartie de la petite n’en était pas moins amoindrie. Elle réussissait toujours à le faire rire, dans la pire des situations. Les ficelles dans un rayon de cinq mètres commencèrent à se démêler d’elles-mêmes et d’un bon coup de poignet, le sorcier les fit défit pour les libérer, lui et Lena.
- Pirates, libérez-vous ! Cria-t-il alors que son adversaire, surpris, ne comprit pas ce qui était en train de se passer.
Richard se rua sur son arme que leurs adversaires n’avaient pas entreposées bien loin et en moins de temps qu’il en fut se lança dans un combat.
- Tu vas le regretter Basile ! Susurra-t-il alors qu’il le pointa du bout de sa lame. On n’approche pas de ma sœur comme tu l’as fait sans conséquences !
Il soupira en voyant que le carquois de sa cadette et son arc était loin, comprenant qu’elle les avait récupéré et qu’elle allait sûrement surveiller ses arrières pendant qu’il allait s’attaquer au gros morceau. Elle allait sauver sa peau pour qu’il puisse en retirer tous les mérites… comme d’habitude.

Mon frère et moi, c’est comme le nutella sur sa tartine, on a besoin l’un de l’autre, c’est plus qu’une évidence. Quand on a grandit chez l’autre garce, mon frère a toujours été là pour moi et encore une fois, il est là, avec moi. Bon, il s’est fait avoir comme un bleu mais il est venu à mon secours et ça, c’est ce qui m’importe le plus. Au moment où j’hurle, Ri’ use de ses pouvoirs et nous libèrent et le grand combat commence mais ne me faisant pas attraper, je cours jusqu’à mon carquois et mes flèches avant de m’armer et de grimper les marches. Armée, plus personne ne faisait le poids. Je regarde mon frère se battre tandis que le reste de l’équipage de l’équipage fait de même avant que je ne voie un pirate se diriger par derrière mon frère, histoire de l’assommer.

« N’y penses pas ! »

Je lâche une flèche et le touche en plein coeur avant d’abaisser mon arc tandis que tous les autres pirates se tournent vers moi.

« Qui est le suivant ? Mes flèches ne ratent jamais leur cible ! »

Je m’arme à nouveau d’une flèche et vise les pirates un à un. Le combat recommence, des coups de poings fusent, des coups de pieds. Des cris, mes flèches volent, des dagues et des poignards également. Un des pirates me tombent dessus de tout son poids, faisant douloureusement craquer ma cheville, c’était certain que ça n’allait pas me faire du bien mais il était clair que je n’allais pas me laisser faire sans agir. Il m’a désarmée de mon carquois.

« RICHARD ! » hurlais-je alors que je voyais mon frère en mauvaise posture.

Le pirate puant me maintenait au sol. Que voulez-vous, avec mon poids plume, je ne pouvais pas faire grand chose face à quatre vingt dix kilos. Une rage folle commence à m’envahir.

« MAIS LÂCHE MOI ! »

Une étrange lumière blanche se dégage de moi avant d’envoyer valser le pirate au dessus du bord. N’y comprenant rien, je n’y fais pas plus attention et récupère mon arc avant d’envoyer une flèche en pleine tête de plusieurs pirates. Très rapidement, Basile se retrouve avec son second et un membre de l’équipage tandis que nous, nous sommes tous sur pieds, enfin plus ou moins. Mon frère réussit à prendre l’avantage.

« Bande d’avortons ! Vous ne serez jamais de vrais pirates ! »

Je m’approche de Basile, ma flèche proche de sa nuque avant de prendre son tricorne et de le poser sur la tête de mon frère.

« Ah ouais, tu veux parier ?! »

Et je lui place une droite bien placée avant qu’il ne tombe dans les vappes. Me retournant vers mon frère, je lui souris.

« Personne ne rivalise face à nous. »  

Le jeune pirate n’en était plus à son coup d’essai pour ce qui était de la magie. Ses pouvoirs s’étaient manifestés bien assez tôt pour qu’ils puissent comprendre ce don et apprendre à l’utiliser, l’apprivoiser. Il n’avait encore aucune idée que cela venait de sa mère, qui était l’une des sorcières les plus redoutées de tout le monde des contes. Fraichement enlevés par la fée noire de leur berceau, les deux gamins n’avaient pas encore pu rencontrer leurs parents, mais lorsque cela allait se passer, tout allait être une évidence. Ou pas. Le raid lancé par l’aîné pour retrouver sa cadette avait porté ses fruits, jusqu’à ce que ce dernier se laisse aller et attraper par ce piège organisé par Basile Le Fou, un de leurs ennemis – il était loin d’être le seul au vu du caractère des jeunes marins d’eau douce. Richard n’eut pas le temps de faire grand-chose qu’il se retrouva projeté dans les waps d’un coup bien calculé derrière la tête.

En se réveillant, le blondinet se retrouva ligoté, avec une vilaine douleur au niveau de crâne. Les cordes étaient le dernier de ses soucis. L’orphelin avait appris à les faire bouger avec un sort, donc à défaire n’importe quel nœud en quelques secondes seulement. Ce qui était plus inquiétant, c’était leur position. Tous les pirates sous leurs ordres se retrouvaient dans la même position qu’eux. Alors qu’il sentit que son sort avait fonctionné, il ordonna à ses hommes de se libérer et de commencer le combat. Lui allait s’occuper de cette tête de linotte de Basile en duel. Lina était derrière lui et surveillait ses arrière, comme à leurs habitudes. Du bout de sa lame, il pointait le vieux loup de mer qui sortit également son arme qu’il entrechoqua avec la sienne. Le bruit autour de lui lui fait comprendre que tous se sont libérés et se combattent. Les dagues et les flèches volent pour aller se planter dans du bois, ou dans leurs cibles, mais aucune ne menace le jeune Mills de Locksley, ou son adversaire. Qui souhaiterait tuer son capitaine en tentant de blesser un ennemi ?

Le combattant d’en face avait de la force pour son âge et sa forme physique. Le rhum et la bouffe avait clairement leur traces sur ce corps au ventre bien rebondi et sur ce visage aux joues qui commençaient à tomber. Les coups pleuvaient, mais le souffle du plus âgé commençait à se faire plus irrégulier et très vite, ses parades ne furent plus que défensives. Dès qu’il en eut l’occasion, le sorcier fit voler l’épée de son adversaire. Ce petit temps de répits, le jeune homme vit que son équipage s’en était plutôt bien sorti et qu’il ne restait plus grand monde sur le pont mis à part ses marins. Un petit sourire apparut sur le visage arrogant de Richard alors que basile leur lança une énième pique. Il laissa le plaisir à sa sœur de prendre sa revanche sur le vieux loup de mer, ce qu’elle fit d’un coup de poing bien placé. Il entendit un craquement qui le fit frissonner, sa cadette avait dû lui casser la mâchoire.
Il ne fallait pas chercher des poux aux Mills de Locksley.
Lina prit le tricorne et le posa sur sa tête en signe de victoire. Richard sourit avant de l’enlever. Pas question qu’il porte ce truc sans l’avoir lavé au moins une dizaine de fois.
- Non, personne ! Tant que l’on restera ensemble, rien ne pourra nous arriver ! Dit-il avant de lever sa lame.
- Compagnons, prenez tout ce qu’il vous plait sur ce raffiot ! Nous partirons dans dix minutes ! Lança-t-il avant d’enlacer sa cadette.
UC

Le combat avait fait rage, nous nous battions contre des pirates, ils étaient plus gros que nous, plus lourd que nous mais pourtant, nous prenions l’avantage. Ma lèvre fut entaillée parce que je me pris tout de même un coup de poing mais une fois mon carquois en main, j’avais été incapable d’être à la merci de quiconque. Nous étions gagnants. Encore une fois. Rien ne pouvait faire tomber les jumeaux Mills de Locksley. Une fois ce fichu pirate à terre, complètement inerte, ma main me rappela rapidement à l’ordre alors que je serrais mon grand frère dans mes bras, heureuse.

« Merci d’être venu me chercher frérot. » dis-je en rompant l’étreinte avant de voir mes phalanges rougies « Oh putain, je crois que je me suis pétée les phalanges, j’avoue que j’ai sentie craquer sa mâchoire sous mon poing. »

Je frotte mes phalanges droites, histoire de refroidir un peu le fait que je les sentais vraiment chauffer. Rangeant mes flèches dans le carquois, j’en trouve de nouvelles et attache rapidement mes cheveux, histoire de ne plus sentir le vent et tourne finalement le regard vers mon frère, tandis que je m’approche du pont.

« Partons d’ici, ça sent le renfermé. » énonçais-je à mon frère.

Je n’aimais pas ce rafiot et j’avais véritablement envie de m’enfuir d’ici. Cependant, je ne cessais de penser à ce qui s’était produit quelques temps plus tôt. Quand ce fichu pirate trop gros et trop puant m’était tombée dessus, m’avait légèrement étouffée et cet amas lumineux qui avait émané de mes mains. Je n’avais pas compris ce qui s’était passé. Il fallait que j’en parle à mon frère. Nous étions de retour sur notre bateau après tout ça et alors que nous repartions tranquillement vers l’horizon, je m’approche de mon frère et m’accoude sur le rebord, le vent soufflant dans mon cou dénudé « Frérot…je crois que j’ai fait de la magie. » avouais-je à mon grand-frère. Il se tourne vers moi, je respire longuement et reprend la parole « Je sais… c’est toi le sorcier mais je ne sais pas ce qui s’est produit. Je me suis sentie étouffée, en danger, et je crois que j’ai puisé dans les forces que j’avais pour pouvoir me libérer… »

Cela faisait des semaines que les bébés avaient disparu. Des jours et des nuits à les pleurer, à les chercher, à accuser à tort, à voyager de contrées en contrées, cherchant frénétiquement et sans relâche à retrouver leurs enfants, Robin et Regina n’avaient plus que ce but en tête. Ils avaient donc laissé aux mains de leurs comparses le soin de continuer les réunions secrètes tandis que eux reprenaient leurs recherches. Ils repassaient ponctuellement dans la Forêt Enchantée pour s’enquérir de nouvelles et savoir si quelqu’un avait entendu parler des jumeaux royaux, et aussitôt repartaient.
Ils avaient, cette fois, décidé d’enquêter sur les Sept Mers. Depuis que Lina et Richard avaient disparu, leurs parents se disputaient souvent. Regina sombrait peu à peu, laissant bien malgré elle les ténèbres regagner du terrain, alors qu’elle s’était efforcée pendant des mois de les repousser. Mais elle était épuisée et à bout de force, c’était bien plus facile de laisser la noirceur agir en son nom que de lutter contre elle en plus du chagrin. Henry, qui avait été son premier soutien pour la faire changer, était reparti à Storybrooke pour aider Emma, et Robin à présent semblait moins enclin à pardonner à sa femme ses écarts de conduite quand elle disjonctait.

Ils avaient embarqué sur un rafiot dont ils avaient grassement payé l’équipage pour leur faire faire le tour des Sept Mers, peu importe la durée, mais il fallait qu’ils écument les flots et les ports pour questionner quiconque aurait pu voir ou entendre parler de deux nourrissons disparus. Accoudée à la proue du navire, Regina scrutait l’horizon, laissant ses sombres pensées bercées par les flots assombrir son regard. Reverrait-elle un jour ses enfants ? Qui avait bien pu les leur enlever ? Ce n’était ni Hadès, ni Zelena, ni Cora, ni Frollo. Mais qui ? Qui pouvait bien avoir un quelconque intérêt à voler ces deux bébés et sans demander aucune rançon ? Mille et une questions continuaient à encombrer l’esprit de la reine qui, appuyée sur le bastingage, était loin de se douter que ses petits n’étaient plus si petits et qu’ils n’étaient pas aussi loin que ce qu’elle pensait.

« - Bateau pirate en vue ! » lança le membre d’équipage chargé de l’observation.

Regina soupira. De vulgaires pirates n’auraient certainement pas été en mesure de kidnapper deux nourrissons dans un château aussi éloigné de la mer, surtout sans se faire repérer. Aucun signalement de pirate aux alentours du château n’avait été relevé. Et si des pirates avaient finalement récupéré le petit prince et la petite princesse, ne se seraient-ils pas empressés de les marchander pour en tirer un bénéfice certain ? La belle brune regarda son mari, l’interrogeant du regard sur ce qu’il pensait adéquat de faire.

Ils n'avaient plus rien à faire sur le bateau ! Les pirates avaient pris ce qu'ils voulaient et maintenant qu'ils se retiraient, il n'avait plus qu'une chose à faire : partir le plus loin possible et laisser cette carcasse prendre l'eau. Le blondinet se laissa enlacer par sa sœur et sourit à ses mots. L'une de ses mains vint lui caresser sa chevelure brune alors qu'il lui rend son accolade.
- Tu sais très bien que je soulèverai des montagnes pour toi ! Allez, viens, rentrons... Je te ferai un bandage dans la cabine et je verrai si quelque chose est cassé... Lui dit-il en lui tendant la main pour qu'elle le suive sur leur bâtiment.

Une fois retourné sur leur pont, Lina alla se position pour observer l'horizon, appuyée sur la rambarde. Richard rangea rapidement deux ou trois outils avant d'aller la rejoindre, se faisant du soucis car elle agissait rarement comme ça. Elle venait de se faire capturer par un pirate, alors il y avait de quoi réagir bizarrement, mais l'orphelin préférait s'assurer qu'il n'y ait rien d'autre. Ne savait-on jamais... Mais avant qu'il ait eu le temps d'ouvrir la bouche, sa cadette prit la parole et ce qu'elle dit le scotcha, le prit de cour. Le jeune homme resta quelques instants comme bloqué sous les mots prononcés par sa seule famille restante. De la magie ? Elle ? Qu'avait-il pu bien se passer ? Il l'écouta jusqu'à la fin avant de prendre une bonne respiration car il ne savait pas que dire.
- Je ne sais pas quoi te dire sœurette... Mais si ça t'a sauvé la vie, je suppose que c'est bien, il ne faut pas que tu en prennes peur, c'est à l'intérieur de toi et ça t'a permis de survivre... Tu as ressenti quoi ? Quelque chose de spécial, une sensation ou une chaleur... Quelque chose de différent ? Demanda-t-il avant de se retourner, pensif. C'est bien que tu m'en parles... Je n'ai jamais lu ça quelque part, mais on va chercher ce que ça peut être, et on trouvera, comme toujours ! Je te le promets...
Quand Richard promettait quelque chose à Lina, il tenait toujours ses mots, qu'importe le temps et l'énergie que cela lui prenait.

Alors qu'il se retournait à nouveau pour faire face à sa cadette, il vit un bateau au loin. Fronçant des sourcils, il tenta de rapidement classifier le rafiot, de savoir si c'était un ennemi ou juste un bateau commerçant. Dans le premier cas, ils allaient être obligé de fuir car avec l'attaque qu'ils avaient mené, les hommes avaient besoin de repos alors que dans le deuxième, ils pouvaient tout simplement continuer leur chemin sans se faire de soucis, Richard ne connaissait aucun bateau marchand qui s'aventurait à attaquer un pavillon avec le drapeau noir. Alors lorsqu'il vit un drapeau d'une autre couleur que noir, ses nerfs se détendirent et il ne le souleva pas, inconscient que ses parents - qu'ils croyaient morts - se trouvaient là, à seulement quelques centaines de mettre d'eux.
- Tu viens dans la cabine ? On va voir pour cette main ?