Où étais-je ? Comment étais-je arrivé ici ? Pourquoi transpirais-je et frissonnais-je en même temps ? Pourquoi avais-je l’impression d’avoir couru un marathon ? Pourquoi mes muscles étaient-ils si douloureux ?

Je venais tout juste d’être réveillé par des bruits d’oiseaux et j’étais au milieu de la forêt, recroquevillé au pied d’un arbre, en sueur, une partie de mes vêtements déchirés, mes cheveux emmêlés et détrempés. Mes mains et le bas de mon visage étaient couverts de sang et je ne me souvenais de rien de la nuit précédente. Qu’est-ce que j’avais fait ? Qu’est-ce qui m’était arrivé ? Tous mes sens semblaient décuplés, je sentais mon cœur battre la chamade dans ma poitrine. Mes vêtements étaient aussi tachés de sang, mais que se passait-il ?

Quelques semaines auparavant, j’étais allé chasserdans la Forêt Enchantée, mais en chemin, en pleine nuit, j’avais été attaqué par des loups. J’avais été capable de les repousser, on ne terrassait pas si facilement un descendant de Nix, mais j’avais été mordu au cou. J’étais donc rentré à Storybrooke bredouille, avec pour seule récompense, une belle marque de morsure sur la nuque. Quelques jours plus tard, je rentrais à Storybrooke pour mettre mes affaires en ordre et ça avait été à ce moment qu'Hadès m'avait proposé son marché. J'avais honte d'avoir accepté, mais je ne pouvais pas revenir en arrière. J’avais ensuite passé plusieurs jours chez moi, limitant mes cours et évitant de prendre moi-même part aux duels à cause de ma blessures. La dernière chose dont je me souvenais de la nuit avant mon réveil dans cette forêt était d’avoir vu la pleine lune se lever, depuis la fenêtre de mon appartement.

Je finis par me relever doucement, grimaçant sous la douleur de mes muscles courbaturés et m’appuyant contre un arbre. Je tremblais de froid et d’incompréhension. L’écorce céda et je me retrouvai à nouveau à terre, ma main ouverte répandant mon sang sur le sang inconnu qui y était déjà. Je me relevai et déchirai un morceau de ma chemise pour m’en faire un bandage. Je sentis aussi une brûlure à mon cou et à mon doigt. Je retirai donc la chevalière de mon père et mon collier sans savoir pourquoi leur contact me faisait mal. Mon cerveau ne semblait pas vouloir fonctionner alors que j’essayai de comprendre ce qui m’était arrivé. Je n’avais pas bu, je n’avais pris aucune substance illicite, pourquoi ne pouvais-je pas me souvenir de ce que j’avais fait la nuit précédente ? C’était à la fois effrayant et frustrant.

« - Maître Gregory, où êtes-vous quand on a besoin de vous, bon sang ? »

Une brindille craqua et je me retournai vivement, sur le qui-vive.

La jeune femme qui venait d’arriver, je l’avais déjà vue à Storybrooke. N’était-elle pas la serveuse du Granny’s ? Je n’y allais pas souvent ou alors pour passer chercher ma commande quand l’envie me prenait de commander mon repas. Je ne savais plus si nous nous étions adressé la parole, ne fut-ce qu’une fois. En même temps, aujourd’hui, ma mémoire ne semblait vouloir fonctionner, et mon état de panique n’aidait pas. Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivant ou pourquoi cela m’arrivait. Qu’est-ce que j’avais fait la veille au soir et à qui était le sang que j’avais sur les mains et sur le visage ?

Je me redressai à l’aide de la jeune femme, tremblant toujours de tous mes membres. La forêt semblait bruisser de milliers de bruits qui me paraissaient soudain assourdissants, l’odeur de mon sang et de l’autre m’emplissaient le nez comme jamais odeur ne l’avait fait. Tout semblait soudain beaucoup plus intense et cela me terrifiait. Que m’arrivait-il ?

En désespoir de cause, je tentai de me concentrer sur la respiration de la noiraude, essayant de caler le rythme de la mienne sur la sienne.

« - Je… je vais bien… je crois… je me suis blessé à la main, mais ça va… je… je ne sais pas… je ne sais pas ce qui s’est passé… je… je me suis juste réveillé… ici… je ne sais pas comment je suis arrivé là… je crois que je suis seul… je ne sais pas… tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir regardé par la fenêtre de chez moi… »

Je grelottai de froid tandis que je parlais. Mes vêtements étaient déchirés, j’étais trempé de sueur et il semblait que j’avais passé une partie de la nuit à dormir sur le sol forestier. Me rendant compte que je devais faire peur à voir, je m’essuyai le visage de ma manche déchirée. C’était comme si quelque chose avait lacéré mes vêtements avec des griffes. Mais comment n’étais-je pas blessé, alors ? Je ne portais pas des vêtements très amples, si une bête avait griffé mes habits, ma peau aurait dû être lacérée aussi. Rien de tout cela n’avait le moindre sens pour mon esprit tournant à plein régime.

« - Où… où sommes-nous ?... et vous… vous êtes la serveuse du Granny’s, n’est-ce pas ?... j’espère ne pas vous avoir fait peur… je ne sais pas ce que je fais ici… je ne sais pas ce qui s’est passé… j’ai froid… »

Ma respiration était saccadée, mais je finis par me calmer, continuant de regarder autour de moi avec l’air éperdu. Selon ma sauveuse, nous étions dans la forêt de Storybrooke. Fort bien, je n’étais pas trop loin du dernier endroit où je me souvenais être allé, c’était déjà ça. Et c’était bien la jeune serveuse de chez Granny et elle pourrait me ramener à bon port.

« - Mon… mon nom est… Méléagant… ou Thomas Spook, ici, à Storybrooke. Mais je préfère Méléagant. Méléagant de Gorre. »

J’avais toujours été fier du nom que je portais. C’était un nom fort, choisi par ma mère, et le « de Gorre » que j’avais été autorisé à porter à partir du moment où j’étais redevenu prince était le summum de ma fierté. De grands rois avaient été placés en charge de ce royaume, son peuple était fier, droit et loyal, et j’aurais tout fait pour perpétuer cet héritage si noble. Si seulement Pendragon n’avait pas eu dans l’idée de faire de mon père son vassal et n’avait cru pouvoir faire pareil avec moi. Si seulement tout mon peuple m’avait fait confiance dans la façon de gérer les affaires du royaume.

Mais toutes ces considérations étaient bien loin de moi, à présent. J’étais à moitié nu dans une forêt, sans pouvoir me rappeler comment j’étais venu et pourquoi. Je me souvenais juste d’avoir vu la lune par la fenêtre de mon appartement. Juste la pleine lune.

Je hochai la tête quand la jeune femme me demanda si je pouvais marcher. Je me redressai alors et m’apprêtai à suivre la noiraude quand elle m’interrogea sur l’état de mes vêtements et me demanda si j’avais été attaqué. Des flashs de mon combat contre les loups dans la Forêt Enchantée s’imposèrent à moi et je portai la main vers la marque de morsure en cours de cicatrisation sur mon cou. Je m’étais senti fiévreux quelques heures après cette attaque, mais je n’y avais pas fait attention. Puis, la veille, n’avais-je pas senti comme une brûlure émaner de mon cou ?

Je chassai cette idée d’un geste agacé de la tête. Je ne pouvais y croire, ce n’était pas possible. Pas moi, pas maintenant !

« - Je… j’ai été attaqué… il y a un mois… dans la Forêt Enchantée. Mais rien depuis. Et ce qui s’est passé hier, je n’en sais rien… je ne me souviens de rien… »