Au Libertease, un soir en milieu de semaine. Cly n’était pas de service mais un client qui consommait tranquillement sa pinte de bière.
Il avait passé une assez bonne journée. Bien sûr, il y avait eu des petites galères quotidiennes comme pour tous le monde, mais rien de bien affligeant. Il avait rendu pas mal de petit service ici et là ce qui lui avait permit de rassembler pas mal d’argent. Et même si le temps n’y était pas, il était de bonne humeur, alors il s’était dit qu’il irait boire un verre. Enfin avec Cly, tout était prétexte à aller boire un coup. Ce soir, assis au bar, il était avec une ravissante femme à la chevelure auburn, la trentaine et qui avait surtout l’air d’apprécier sa compagnie, le sous-entendu par des sourires et cils papillonnant. Tant mieux, c’était partagé. Le blond la trouvait fort attrayante. Or, ce plaisir prit rapidement fin. Dommage, il passait un si bon moment, et peut-être que plus tard ç’aurait été mieux encore.
Soudain à sa droite, on claqua fermement une bouteille de tequila sur le comptoir. Cly tourna lentement la tête. Ses yeux firent tout aussi calmement le chemin de la bouteille à cette petite main délicate et coquettement habillée de bagues et bracelets, puis le long du bras, et enfin il s’arrêta au petit minois de la patronne du restaurant de sushis. Il l’avait dépanné en cuisine il y a peu de temps. Le pauvre petit Charles tout fragile avait attrapé un rhume et il y avait eu du monde. Il la dévisagea et reporta son attention sur la bouteille. Cly réalisa alors et tous ces traits étaient tirés vers le bas, comme si on venait de couper brusquement les fils d’un pantin. Il grogna : « Tu vois pas que je suis déjà occup… » tout en se retournant vers la gauche et la plantureuse rouquine avait disparut. Il fit subitement face à Zélie, ahuri et énervé. Il lui envoyait tant de reproche par le regard. Il était persuadé que c’était de sa faute, consciente ou non.
La brute soupira et désigna alors la chaise à sa droite puis se leva. Quelques mètres le long du bar et il se pencha pour attraper deux verres de shot, du citron et du sel. Il retrouva sa place aux côtés de la demoiselle. C’était un jeu idiot entre eux : ils claquaient la bouteille devant l’autre et ils devaient faire un jeu à boire à moins d’avoir vraiment une excuse valable. Pour contrer la règle d’or, il fallait empêcher l’autre de claquer la bouteille. Aussi joueur tous les deux, ils s’arrangeaient pas pour laisser à l’autre le temps de le faire. Surtout Zélie qui arrivait toujours en ninja et par-derrière. Cly sourit à la jeune gérante et secouait la tête las. « Tu m’emmerdes… Bon… On fait quoi ? Cartes, culture général ? Hmmm un repère. Genre à chaque fois que le barman remets le torchon sur son épaule ? Ou encore à chaque râteau qu’un gars se prends ici ? Hmm, je sais. A chaque fois qu’un client touche le cul d’une serveuse ? On se lance des défis ? » lui fit-il une proposition d’idée, souriant. Ce petit concours de boisson lui donnait envie, même s’il avait perdu peut-être un bon coup pour ce soir. L’un ou l’autre se valait. Ça restait de la détente.
Il lui servit un verre à ras-le-bord et le fit glisser vers elle. « Tu as tapé la bouteille, tu ouvres la danse. » lui rappelait-il une des règles. C’était toujours une petite avance à ne pas négliger, surtout face à Zélie. Si menue et mignonne qu’il ne comprenait pas comment elle arrivait parfois à le coucher.
Elle avait fait fermer le restaurant pour la soirée. En vérité, elle aurait pu le laisser aux bras d’une seule personne, car le Sushi Houhaha était peu fréquenté en milieu de semaine. Les clients préférait tenter de survivre à leur semaine de travail avant de profiter des joies des jours de repos. Mais elle ne voulait pas laisser la gérance du restaurant à Charles. Il n’était capable de gérer qu’une seule chose à la fois - quand il y arrivait - et forcément qu’il lui ferait des trous de caisse. Ou il offrirait trop de repas gratuits aux jeunes femmes à peu près baisables. Zélie s’octroyait régulièrement ces jours de fermeture surprise, elle estimait en avoir besoin si elle ne voulait pas d’un burn out. Et puis même avec toute la volonté du monde elle avait parfois la flemme de sortir de son lit. Là ce n’était pas le cas. Elle avait juste envie d’aller voir Cly. Ça lui faisait du bien parfois de fréquenter un vrai mec, et de pouvoir se comporter comme une fille. Pas une espèce d’autiste à qui elle devait raconter des histoires avant qu’il s’endorme le soir. Elle voulait lui faire la surprise. Elle ne prit pas la peine de savoir ce qu’il faisait et où il était. C’était déjà le soir, et il y avait de grandes chances qu’elle le trouve au Libertease. Et si ce n’était pas le cas, alors elle l’appellerait inquiète pour savoir s’il allait bien.
Elle n’eut pas besoin de mettre les pieds à l’intérieur pour savoir qu’il était là. Un torse musclé et parfait, et bonne compagnie. Il n’y avait pas grand monde qui pouvait se vanter de répondre à ces critères. Elle poussa discrètement la porte, si discrètement que même le serveur ne la remarqua pas. Et il valait mieux, vu le présent qu’elle apportait et cachait derrière son dos. Elle arriva à la hauteur de son ami quand elle remarqua que la femme assise à ses côtés la regardait de travers. Zélie lui offrit sa plus belle grimace et lui fit voir la jolie bague qu’elle avait sur son doigt, tandis que de l’autre main elle claquait la bouteille de téquila qu’elle avait ramené sur le comptoir. La bague était fausse. Enfin non. Elle était vraie, mais Zélie la portait quotidiennement afin de réduire les chances de se faire draguer par des hommes qui ne méritaient pas qu’on les regarde. Et évidemment, elle l’ôtait dès qu’elle avait repéré un beau gosse. Bref. La rouquine avait visiblement compris le message, elle prit ses affaires tandis que Cly se tournait vers la nouvelle venue et quitta les lieux. Zélie eut un sourire satisfait. « TEQUILA PAF ! » cria-t-elle alors. Le serveur pouvait tout à fait signaler qu’elle n’avait pas le droit d’apporter ses propres consommations ici, elle s’en fichait : elle avait un ours pour la défendre. Cly voulu retrouver sa conquête, mais il ne fit face qu’à du vide - ou au reste du bar. « Ah oui, pour elle, je lui ai plus ou moins dit qu’on était mariés. » Et elle agitait à nouveau la main décorée d’une jolie bague.
Il lui fit signe de s’installer et attrapa de quoi faire pour jouer. Cly commença enfin à prononcer quelques mots. « Pas la culture générale, t’es trop nul, dans quinze minutes t’es tout nu… Non, on a qu’à dire qu’on boit à chaque fois qu’on entend garçon ! Ou le coup du torchon c’est pas mal, il va le faire souvent… OK pour les défis, mais tu vas le regretter, la dernière fois Charles a voulu s’y risquer… maintenant il change de pièce chaque fois que je dis le mot défi. » Pendant qu’elle parlait, le premier verre était arrivé sous son nez. Elle l’attrapa et avala le contenu presque cul-sec. Quand on était sobre, c’était toujours un peu compliqué de commencer. « Alors je te défie… » Elle regarda les figurants dans la pièce, recherchant l’inspiration. Une serveuse joliment gaulée, et au vu de sa grimace avec un bon petit caractère de gonzesse qui en a raz-le-bol de se faire pincer les fesses, était arrivée dans le champs de vision de Zélie. « Je te défie de me ramener sa culotte. Et ne me dis pas qu’elle n’en porte pas, elle est tellement serrée dans sa jupe que je saurais même te dire les motifs qu’il y a dessus. » Et elle ajouta, cette fois plutôt pour elle-même : « Je comprends pas comment, passer un certains âge, on puisse continuer de porter les sous-vêtements qu’on portait à sept ans. » Elle fit de nouveau face à Cly. « Oh et si tu refuses ce défi, tu termines la bouteille cul-sec, autant dire que tu te noies, et en plus tu m’en commandes une autre. »
Elle lui disait qu’ils s’étaient fait passé pour marié à la belle rousse à qui il faisait du charme au bar. Celle qui avait fuit. « Tu lui as dis quoi ? Mais ça va pas dans ta tête toi ! » fut-il légèrement choqué par les libertés que Zélie était capable de prendre. Il l’oubliait trop souvent. Malheureusement. Il soupira. Il espérait que les gens ne le prendrait pas au sérieux. La ville était assez petite pour qu’une bêtise insensée finisse par se déployer de la bouche de tout le monde. Le jeu était lancé. Il fallait finir la bouteille, ou au moins que l’un des deux se couche. Vu leur fierté, ça arrivait souvent trop tard avant qu’il ne l’avoue ou l’on ne voyait le fond de la bouteille. Cly avait ramené le matériel pour boire dans les règles. Elle avait crié « tequila paf » et ce serait donc un tequila-paf.
Tout en débouchant la bouteille et remplissant leur premier verre, il lui proposa une ligne de guide pour se battre à coup de citron vert, de shot, et de sel. Elle lui rappela son manque de culture pour compenser son trop plein de muscle et préférait ne pas le coucher aussi vite ce soir. Elle voulait un peu de défi et pas partir gagnante d’avance, la jouer plus vile. Le reste, elle ne savait pas trop quoi en faire. Elle hésitait sur les différentes excuses pour boire un maximum. Au final, ils choisirent de se lancer quelques défis. Peut-être ponctueraient-ils le tout de quelques « garçon » ou encore de torchon jeté sur l’épaule. Il lui fit ouvrir la danse en lui servant un premier-verre à ras bord. Une brise aurait pu le renverser. Ça n’y manqua pas lorsqu’elle amena le shot à sa bouche et se plia à la coutume, laissant couler tout son verre le long de sa gorge.
Zélie prit la main et voyant une serveuse déjà pas trop d’humeur arrivée à leur hauteur, elle demanda à Cly de lui rapporter sa culotte. La demande était surprenante, mais pas tellement quand on connaissait Zélie. Son manque de limite, vous vous rappelez ? Il sourit un instant et dévisage la blonde qui venait de passer devant eux. Anya. Elle n’était même pas une vraie blonde. Il leva ensuite un sourcil sceptique en jaugeant désormais la petite brunette. « Okay ! Pas besoin de corser les mises des défis tout de suite. Surtout pour ça. Tu perds ton droit de le refaire. Bêtement en plus. Tu sais que je travaille ici ? » lui glissa t-il avec un sourire mutin. Trop facile.. « J’aime quand tu me ménages comme ça. Je vais gagner plus vite et me débarasser de toi. Je te la ramène les doigts dans le nez. » Il se remplis le verre de Zélie et le poussait vers elle. « Tu peux déjà le boire » lui dit-il taquin et se leva d’un bond pour rejoindre la serveuse.
« Hey Anya, viens voir ! » prit-il l’air grave. L’entrainant dans un coin de la salle, il lui expliquait qu’on voyait toute sa culotte à travers sa sublime jupe blanche, mais un poils trop serré et transparente. Sauf qu’elle n’avait rien d’autre. « Tu devrais l’enlever. Mieux vaut rien que ça… » et elle s’offusqua d’un non. Et quand ils viendront lui mettre la main aux fesses, c’était limite. « Ouais, mais tu auras un bon pour-boire… C’toi qui vois. Mais c’est vraiment pas terrible. » se voulait-il le plus convaincant, passant pour un homme investi dans le travail difficiles de ces femmes. Elle finit par la retirer. « Mais je la mets où ? » et Cly, fier lui ouvrit la main pour accueillir le sous-vêtement. « Donne, je vais la déposer aux vestiaires ». La serveuse le remercia et le gratifia d’un baiser sur la joue avant de repartir travailler. On lui pinça la fesse et elle se retint de grogner. Elle pensait au pour-boire.
Il sortit la petite culotte au motif fleuries de sa poche en l’agitant sous le nez de Zélie et lui fit un signe de la tête de boire son verre. « A mon tour. » dit-il pensif en jouant avec un quart de citron vert. Il l’observa de la tête aux pieds et sourit. « Tu échanges tes vêtements. Ton chemiser en jupe et ta jupe en bustier. Si t’as besoin d’aide, je m’occupe de toi. Si tu le fais devant tout le monde. J’en enfile trois. Pas plus. On est dans une boite de strip, c’est pas si difficile ou dérangeant de se mettre en sous-vêtements ici. Faut pas pousser mémé dans les orties. » préférait-il prévenir, connaissant l’esprit fourbe de la rigolote patronne d’un restaurant japonais.