Je n'avais envie de rien faire. Le poids de la solitude allait croissant depuis mon arrivée et il frôlait à présent l'insupportable. Pour la première fois de mon existence, je ne ressentais presque plus d'énergie. Or, je n'étais pas malade, ce qui ne m'arrive que rarement de toute façon. Je n'avais aucun symptôme inquiétant, hormis une profonde et intense envie de dormir, moi qui n'y parvenais plus vraiment, et une fatigue mentale qui pointait à chaque fois que j'envisageais la moindre action. Je ne me reconnaissais plus. Je n'étais pas cette personne. Pour mieux me le rappeler et, surtout, pour contrer ces élans nocifs, je m'étais levée aux aurores. De toute façon, même si mes yeux étaient clos, je n'étais plus plongée dans l'inconscience depuis un moment. Le soleil se leva après moi mais, le temps que je me prépare paresseusement, il m'avait devancée. Je n'avais pas mangé mais j'avais pris soin d'attacher mes cheveux avec tout mon savoir. C'était la seule coquetterie que je m'accordais. Je n'étais pas du genre à perdre des heures à me faire belle. En revanche, et par pure raison pratique, j'avais appris à nater, tresser, ordonner mes cheveux pour me donner de l'allure. Avec le temps, c'était devenu une habitude rassurante, un de ses gestes du quotidien qui apaise les nerfs et apporte un sentiment d'habitude. Avec le temps, j'avais gagné en technique et je me plaisais à moduler mes cheveux en fonction de mes envies. En tous les cas, j'avais le visage et les yeux dégagés, pour pouvoir combattre sans être gênée. Mais le reste évoluait quotidiennement. J'essayais, souvent, de laisser apparaître la longueur de ma chevelure, parce que j'en étais fière. C'était un des rares éléments de mon physique que j'aimais vraiment. Prête donc, je m'étais élancée dans les bois. Elancée est bien le mot puisque, progressivement, j'augmentais la cadence de ma course et poussait jusqu'à sentir mes poumons me brûler. Mais cette sensation avait un goût de victoire. Je refusais de me laisser aller, alors me pousser à bouger était le meilleur moyen que j'avais trouvé pour ne pas tomber dans l'apathie. Après la course, des exercices éprouvèrent mes muscles. Je ne manquais jamais d'idées en la matière, m'entraînant depuis ma plus tendre enfance pour perfectionner ce corps qui me servait d'arme. D'ailleurs, des armes, je n'en avais pas, mais ça ne me priva pas de dénicher deux branches d'arbres, larges et à peu près droite, qui firent l'affaire pour éprouver mon équilibre et ma force. Pendant plus d'une heure, je m'agitais comme une damnée, goûtant la souffrance pour ce qu'elle était : la preuve que j'étais toujours en vie. Mes mains avaient été abîmées par l'écorce, mais rien de grave. Je regretterais sans doute plus tard tous les efforts que j'avais fourni mais, pour l'heure, ça allait mieux. Beaucoup mieux.
_ Je vous vois vous savez ?
D'un bloc, je me tournais en direction de la silhouette que j'avais perçue avant même de la voir. De le voir devrais-je dire. Etait-ce de la prudence de sa part ou de la politesse ? Il n'avait sans doute pas prévu de m'aborder. Alors pourquoi l'avais-je interpellé ? Je ne savais pas vraiment... Mais je savourais la surprise que je lisais sur ses traits. Comme quoi, je n'avais rien perdu de mes facultés de traquage !
Le matin s’était levé il y a quelques heures sur la ville de Storybrooke. Le moment idéal pour faire un peu d’exercice. Comme tous les mercredis matin, je prenais un peu de temps pour moi. Avec les heures de séances passées à être à l’écoute des besoins de mes patients, il était bien naturel que je sois parfois attentif au miens. Même si je ne goûtais que peu aux joies de vivre à Storybrooke, je devais bien admettre que j’appréciais mon travail de psychiatre à l’hôpital. Après tout, l’obsession de me séparer de Hyde était toujours bien présente dans mon esprit et l’étude de la Psyché humaine ne pouvait me pousser qu’à approfondir les précieuses connaissances qui me permettrait peut-être un jour de trouver le remède miracle. Mais si mon esprit était là, mon cœur lui était bloqué dans le Monde des Contes. Le souvenir retrouvé de mon ancienne vie avait tourné chacune de mes pensées vers mon adorable fille Mélanie. J’ignorais si je pourrais un jour la retrouver ; je ne savais toujours pas où Cora l’avait emmenée et il n’était pas certain que la Reine de cœurs accepte de me la rendre sur un plateau d’argent.
Un immense sentiment de solitude m’oppressait, d’autant plus que mon enfant n’était pas le seul de mes proches à me manquer cruellement. En effet, je me languissais de ces belles aventures que j’avais vécues auprès d’Absolem, mon frère d'âme et mon compagnon de longue date. Se souvenait-il ne serait qu’un peu de moi ? Il avait sans doute tourné la page, découragé par toutes ces années d’absence. Je ne pouvais pas réellement l’en blâmer. Après tout, il était animé d’une ambition et de projets si importants qu’il n’avait pas de temps de se soucier de ses anciens associés. Il m'avait sans doute remplacé depuis belle lurette !
Pour chasser ces pensées morbides, il n’y avait rien de plus doux que de se lancer dans une course en forêt. C’était l’un de mes hobbys favoris, certainement parce qu’après avoir passé plus d’un siècle emprisonné dans mon propre manoir, je ne pouvais qu’apprécier le grand bol d’air que ces sorties m’apportaient. Cependant, j’étais loin de me douter que cette sortie-là ne serait pas comme les autres. Après plus d’une heure de course, je m’étais arrêté quelques minutes pour reprendre un peu mes esprits et boire un peu d’eau que j’avais emportée avec moi.
C’est alors que je la vis. Cette jolie demoiselle aux boucles blondes qui s’entraînait au combat au moyens de branche d’arbre. Elle était si exacte et gracile dans ses mouvements que je compris que je me trouvais en présence d’une guerrière aguerrie du Mondes des Contes. Le spectacle était superbe et je continuais à la regarder durant de longues minutes ; jusqu’au moment où elle-même finit par sentir ma présence. Pour ne pas manquer à mon devoir de politesse, je sortis de ma cachette un sourire aux lèvres. « Très bien ma chère, je suis démasqué ! » Je m’approchais d’elle tout sourire. « Entre nous je ne devrais pas vraiment en être étonné… vous êtes un soldat après-tout ! » Je lui adressais alors une petite révérence d’un signe de tête et poursuivais. « Je m’excuse de vous interrompue dans vos exercices et de vous avoir espionnée. Je dois admettre que vous êtes surprenante. J’ai rarement vu une personne aussi douée au combat que vous semblez l’être. Je vous en félicite ! Au fait, je me nomme Hayden Ravenswood »
Il avait belle allure. Le soucis, c'était qu'il en avait conscience. Je le sus avant même qu'il ne prenne la parole. Cela tenait en des riens qui constituaient à mes yeux une somme limpide comme de l'eau de source. Mon métier était aussi, après tout, de savoir lire dans les autres, pour évaluer leurs forces et leurs faiblesses. L'ego et l'amour propre en sont deux plutôt communes, mais qu'il ne faut jamais négliger. Surtout dès lors qu'on parle d'hommes, ces êtres qui se veulent si forts mais s'affaiblissent tant au prix d'apparences ou de ce qu'ils sont censés incarner. Ce n'était qu'un avantage de plus de ma condition de femme... Il était charmant donc, et un peu plus après chaque pas qu'il fit. Au moins, il ne s'était pas abaissé à feindre qu'il ne m'observait pas, ce qui était un bon point pour lui. Les miens s'égarèrent quelques instants dans l'éclat de ses yeux, mais je ne perdis rien de ma concentration. Ce monde était empli d'êtres que je ne comprenais pas. De codes que je ne saisissais pas. Je devais être sur mes gardes en permanence. Ca aurait pu me fatiguer, mais ma petite séance du matin m'avait revigorée. J'étais en pleine forme. Probablement un brin décoiffée et dégoûlinante de transpiration, mais ça ne me gênait pas. L'apparence, je m'en contre-fiche ! Même si ça ne m'empêcherait pas d'aller me baigner dans la rivière dès qu'il aurait déguerpi. J'ai un nez aussi affûté que la moyenne... Pendant que j'en étais là dans mes pensées, il me qualifia de soldat. Si c'était loin d'être faux, je ne goûtais guère le sobriquet. Un soldat suit les ordres, ce qui en fait quelqu'un de stupide. Du moins, à mes yeux. Mais, ces considérations, il n'avait pas à les connaître. Il fit une petite révérence et tenta un numéro de charme. Ca aurait pu marcher, si je n'avais pas su depuis trop longtemps que rien n'est gratuit dans la vie. Les compliments encore moins que le reste. Il y a toujours une arrière pensée derrière les belles paroles. La plupart du temps, les hommes (ou certaines femmes en fait) se contentaient d'espérer mon corps, ce qui ne me dérangeait guère dans l'idée. Mais j'étais prudente. On ne l'était jamais assez...
_ Aeline Axley, lançais-je parce qu'il n'y avait aucune raison de ne pas lui retourner la politesse.
Bien que, la politesse, ça ne soit vraiment mais vraiment pas mon fort...
_ Mes aptitudes ne sont dues qu'à mes entraînements répétés et à des années de pratique. Si ça ne semble pas être la norme ici, c'est plutôt commun là d'où je viens....
Pourquoi me rabaisser au rang d'un combattant lambda ? Précisément parce que je n'en suis pas une. La surprise est un avantage délicieux. Il était assez proche à présent, mais il avait la présence d'esprit de ne pas empiéter sur mon espace vital ce qui était une preuve certaine d'intelligence. Parce que j'étais de bonne humeur, et un brin curieuse, je décidais de faire la conversation. Ou de tenter de le faire du moins.
_ Ca fait longtemps que vous êtes ici ? A moins que vous ne soyez d'ici... Si c'est le cas, ne vous offusquez pas de ce que j'ai dit.
Je ne finis pas ma phrase, sans doute parce que je n'avais aucun bon argument. Ce que j'avais dit était offensant, au moins en sous-entendu, mais telle n'avait pas été mon intention.
La démonstration que m’avait offerte la jeune demoiselle m’avait impressionné. Il ne faisait aucun doute pour moi que je me trouvais en présence d’une guerrière aguerrie ayant une longue habitude des combats. J’appréciais ce genre de femmes semblant à la fois forte et indépendante et c’est donc le sourire aux lèvres que je me rapprochais d’elle. Pas à pas, je la découvrais et je n’étais pas déçu du spectacle qui s’offrait à moi. En plus de sa grâce naturelle de combattante, elle ajoutait également à cette posture élégante une beauté envoûtante et indéniable. Elle était l’image parfaite de la valkyrie ou de la jeune amazone. Arrivé à sa hauteur, je conservais cependant une certaine distance avec la jeune femme. Après tout, j’ignorais encore quelles étaient ses intentions à mon égard. L’avoir interrompue dans son entraînement n’était peut-être pas la meilleure des choses à faire. Se montrerait-elle compréhensive ou au contraire belliqueuse ? Je m’assurerais d’obtenir une réponse avant de prendre le risque de l’approcher davantage.
Cela ne m’empêcherait cependant pas de me montrer aussi fier et confiant que je l’étais à l’accoutumée. S’il était bien une chose dont j’étais persuadé c’est qu’il était imprudent de paraître faible et indécis et cela en toutes circonstances. Il faudrait juste que je m’applique à choisir les bonnes paroles au bon moment. La blondinette prenait le temps de me répondre et cela je le considérais comme un bon présage. « Je suis enchanté de faire votre connaissance mademoiselle Axley. » déclarais-je en hochant légèrement de la tête. Je l’écoutais alors avec attention lorsqu’elle me parla avec beaucoup de modestie de ses aptitudes. Apparemment la jeune femme venait d’une contrée où apprendre à se battre faisait partie d’une règle de vie. La demoiselle était donc née avec une épée dans la main ? Je devais bien admettre que l’image était tout à fait charmante. « Je vois, vous venez donc d’une contrée où il est d’usage de se battre ? De quel royaume êtes-vous donc originaire, si cela n’est pas trop indiscret ? Est-il donc coutume pour tous les enfants de votre royaume de recevoir une éducation militaire ?» Je relevais un visage admiratif vers elle. « Cela n’enlève cependant rien à vos compétences, pas plus qu’au mérite que vous avez à poursuivre votre entraînement dans cette ville ».
A son tour, elle m’interrogea sur mes propres origines. Elle craignait alors de m’avoir offusqué ce qui était loin d’être le cas. Hochant simplement la tête, je lui répondis tout sourire. « Non ne vous inquiétez pas, c’est tout naturel ! Je suis en effet de cette ville… même si comme vous le savez très certainement, personne n’est originaire de Storybrooke. En réalité, je viens des Terres Modernes, un royaume bien moins belliqueux que ne semble être le vôtre où la science a pris le pas sur la magie. » Cette terre ne me manquait pas tant que cela. Après tout, Storybrooke était en quelque sorte son reflet même si la magie était présente depuis la rupture de la Malédiction par la Sauveuse. Seule ma fille longuement disparue aurait pu justifier mon retour dans le Monde des Contes. Ecartant le souvenir de Mélanie de ma tête je poursuivis mon discours. En regardant la demoiselle qui me faisait front, je devinais aisément qu’elle ne se trouvait pas dans la même situation que moi. Elle devait très certainement faire partie des nouveaux arrivants. « Et vous, depuis combien de temps êtes-vous arrivée en ville ? »
HRP:
Je suis vraiment désolée pour le temps d'attente... J'avais complètement zappé ta réponse ! Je te promets que cela ne se reproduira pas !
Plus il approchait, plus son charisme transparaissait. Si j'avais été une donzelle ou une pucelle sans discernement, j'aurais pu tomber aisément dans ses filets. Heureusement pour moi, les hommes, j'avais plutôt tendance à les éviter... Ou à les diriger. En tous les cas, je m'en méfiais aussi sûrement que la magie. D'ailleurs, si ça se trouvait, cet homme possédait de la magie. Cette pensée me mit un peu plus encore sur mes gardes, bien que je gardais mes mains baissées, pour ne pas paraître menaçante. Il parlait beaucoup, ce qui me laissait l'opportunité de moins le faire. Mais il posait beaucoup de questions et, même si je n'en avais pas spécialement envie, je dus y répondre... Avec parcimonie. La verve n'avait jamais été ma qualité première.
_ Je viens de la Forêt Enchantée. Et il vaut mieux pour une jeune fille d'apprendre rapidement à se débrouiller par elle-même. Je pense que c'est une vérité universelle, même si certains univers donnent une illusion de sécurité. Mais il ne faut pas se laisser aveugler par les illusions et je ne compte pas commencer parce que je me trouve ici.
C'était sans doute un peu cru, d'autant plus pour un cadre comme Storybrooke, mais rien de ce que j'avais dit n'était faux. Pour un homme, tout devait être différent, naturellement... Pour le reste, ses flatteries me laissait froide, en apparence tout du moins. Malgré moi, j'aimais à constater que j'impressionnais les gens, que je renvoyais cette image de force et de discipline. Mon ego me perdra, sans doute, un jour. Je lui posais quelques questions pour mieux cerner à qui j'avais affaire mais il répondit par quelques pirouettes et figures de style qui me confirmèrent que nous étions bien différents, et que je ferais aussi bien de me méfier. J'avais beaucoup de qualités mais pas celles de l'esprit et du jeu des mots. Je n'avais pas reçu cette éducation, je ne maîtrisais pas les beaux discours. De toute façon, j'avais trop tendance à dire ce que je pense pour jouer les langues de bois. D'ailleurs, j'oubliais un temps de masquer ce que m'inspira sa révélation. Un temps seulement.
_ Il y a tant de mondes, répondis-je simplement. Ils semblent tous si différents...
Plus vague que cela, je ne pouvais pas mais je ne souhaitais pas exprimer le dépit que m'inspirait cette "science" qui avait pris le pas sur la magie. Je me méfiais de l'un comme de l'autre. Alors que je songeais combien je n'avais précisément pas envie de changer à nouveau d'univers, il me demanda depuis combien de temps j'étais ici, me coupant l'herbe sous le pied, puisque j'allais en faire autant.
_ Quelques semaines seulement. Et vous ?
J'étais à peu près certaine qu'il était là depuis un moment, ne serait-ce que parce qu'il portait des habits d'ici. Je savais qu'il faudrait me résoudre à en faire autant, que mon entêtement n'aidait pas à m'intégrer ou à donner l'illusion que je cherchais à le faire en tous les cas. Du coup, je songeais que ce type pouvait me servir d'entraînement pour me sociabiliser. Mon attitude changea et je m'efforçais à moins être sur la défensive. Je cherchais un instant quelque chose pour continuer la conversation.
_ Vous semblez vous êtes bien intégré ici. Vous avez un conseil à me donner ?
Ne pas rester dans la forêt, ne pas me focaliser sur ma mission, ne pas conserver mon mode "guerrière qui te frappe si tu approches", oui, ça je le savais. Mais il aurait sans doute la politesse de formuler autre chose, plus généraliste peut-être, histoire que je ne me braque pas. Je poursuivis sur ma lancée.
_ Vous faisiez quoi dans votre Monde d'origine ? Et ici, vous avez trouvé un emploi ?
Tout en approchant de la jeune femme, je pus percevoir en elle ce besoin de rester sur la défensive. Un réflexe de sa vie martiale sans doute ? Ou une simple expression de son instinct que j’aurais eu du mal à le lui reprocher. La blondinette semblait être dotée de beaucoup de qualité et j’aimais l’idée du défi que représentait la séduction de la demoiselle. Cela me donnait envie de marcher un peu sur ses plates-bandes pour observer ses réactions… bien évidemment, je le ferais avec tact et discrétion ! Je restais un gentleman.
Je souris alors lorsque la demoiselle répondit à mes quelques questions. La voir s’ouvrir au dialogue était plutôt encourageant même si cette dernière restait quelque peu réticente. Elle me parla du besoin pour une femme de se montrer forte en toute circonstances. J’approuvais alors d’un léger hochement de tête. « Je n’ai jamais eu l’occasion de connaître ces terres. Cependant, je ne peux que me raccorder à votre point de vue. Il est vrai qu’une femme doit pouvoir se faire sa place dans le monde. Cela demande souvent beaucoup plus d’engagement que de la part d’un homme… mais n’en ont que plus de mérite lorsqu’elles parviennent à se montrer aussi forte et indépendante que vous l’êtes. Vous avez raison… on n’est jamais trop prudent ! ». Mes propos n’étaient que Vérité. J’admirais sincèrement les femmes qui parvenaient à supplanter les hommes dans des domaines qui semblaient leur être réservés ! C’était d’ailleurs les seules représentantes de la gente féminines qui retenaient mon attention. Quant à sa volonté de se montrer prudente, je ne pouvais que lui donner raisons. Après tout, un grand nombre de « Méchants » du Monde des Contes, se trouvaient à présent dans cette ville !
Je lui parlais alors du monde d’où je venais et cela semblait la surprendre… ou peut-être s’agissait-il d’une quelconque révulsion face à cette science que j’avais évoquée ? Ne voulant pas en tenir compte, je poursuivais notre discussion comme si de rien n’était. « Il est vrai que le Monde des Contes est très varié, mais c’est ce qui en fait toute sa richesse. Est-ce que vous avez eu l’occasion de voyager vous-mêmes où êtes-vous toujours restée dans le royaume de la Forêt Enchantée ? » Je m’interrogeais alors sur le temps qu’elle avait passé dans cette ville. Puis, lorsqu’elle me retourna la question, je me contentais d’hocher les épaules. « Je suis ici depuis toujours… ou tout du moins depuis le début de la Malédiction ! Si bien que je connais cette triste et morne ville comme ma poche. » Les qualificatifs que j’avais employé pour désignés cette ville étaient sans doute un peu durs. Toutefois, je les pensais sincèrement. La Malédiction avait éveillé beaucoup de choses en moins et notamment le désir de donner un vrai sens à cette nouvelle vie qui ne semblait n’en avoir aucun.
Lorsque la jeune femme me demanda des conseils pour l’aider à s’intégrer, je pris le temps de la réflexion. Je n’avais jamais eu besoin de me faire mon trou dans cette ville. Il me semblait que j’y appartenais depuis toujours ! « Eh bien, vous pourriez commencer par vous fondre dans la population. Personnellement, je vous recommanderais de vous rendre de temps en temps au café de Granny, c’est là que la plupart des habitants se retrouvent lors de leurs soirées. Sinon, je sais qu’un grand nombre d’habitants du Monde des Contes ont trouvés refuge au Couvent Sainte Meïssa. Vous pourriez y faire quelques rencontres intéressantes ! » Une idée me traversa alors l’esprit. Je la lui proposais, espérant qu’elle ne se braquerait pas. « Cependant, si vous avez besoin d’un guide pour vous faire une meilleure idée des lieux, je me ferais un plaisir de vous rendre ce service ! ».
Je me focalisais ensuite sur ces différentes questions. Que faisais-je dans le Monde des Contes ? Cette question fit naître un rictus au coin de mes lèvres. Les réponses étaient diverses et variées… lesquelles sembleraient plus convenable aux oreilles de mon interlocutrices ? « J’ai pratiqué beaucoup d’activités… pour simplifier disons que j’ai été un homme d’affaire dans différents domaines ainsi qu’un médecin réputé. Je possède d’ailleurs toujours un cabinet de psychologie dans cette ville ! Comptez-vous vivre longtemps dans cette ville ? Y travailler peut-être ? ».
Je ne sus pas vraiment s'il exprimait le fond de sa pensée ou s'il allait simplement dans mon sens pour me brosser dans le sens du poil. En général, j'ai un bon instinct et je sens si l'on me ment ou non. Cet homme était différent. Son regard était chaleureux en apparence, mais il ne trahissait pas beaucoup d'émotions. Encore moins de pensées. Il avait des yeux incroyables, d'ailleurs, à présent que je m'attardais quelques instants dessus... Je ne répondis rien à sa première tirade, parce qu'il n'y avait pas grand chose à dire de toute façon. Je me contentais d'un mouvement de tête pour approuver sans trop m'engager. Il poursuivit en évoquant son univers avant de me poser une question. Je me demandais si c'était si commun de voyager d'un monde à l'autre ainsi. Sans doute l'était-ce pour les magiciens ? Pour tous ces gens qui ne sont pas comme moi...
_ Non, je n'ai connu que la Forêt Enchantée. Et si j'avais eu le choix, je ne l'aurais certainement pas quittée...
Et merdum... Voilà que je venais d'en dire un peu trop. Peut-être ne relèverait-il pas ? S'il le faisait, je n'aurais qu'à blâmer encore et toujours la reine des glaces. Il n'avait pas besoin d'entendre parler de mon frère. C'était toujours un sujet trop sensible et je ne voulais certainement pas laisser entrevoir ce qui était ma pire faiblesse. Il répondit à ma question, attestant qu'il connaissait bien les lieux. Je notais mentalement l'information en me disant combien cela pourrait m'être utile. Combien il pouvait m'être utile... Aussi, je m'efforçais de paraître moins sur la défensive encore. J'écoutais avec attention ses conseils mais je ne pus m'empêcher d'éclater de rire à la fin de sa phrase. Je ne voulais pas le vexer mais c'était plus fort que moi.
_ Désolée, je ne me moque pas de vous, c'est juste l'idée de mettre les pieds dans un couvent qui est risible.
Moi ? Au couvent ? Impossible.
_ Vraiment, je n'ai rien à y faire ! J'ai passé trop de temps entourée d'hommes pour me conduire convenablement...
Je ris un moment encore puis je repris.
_ Pour le café, je retiens votre conseil. Je crois qu'il va également me falloir me trouver des vêtements plus... Adaptés à ce monde. Même s'il faudrait déjà savoir par où commencer...
L'idée me répugnait de façon visible. Et puis, je refusais de me transformer totalement. Enfin, et c'était le coeur du problème, si j'abandonnais mes vêtements, ça ferait une chose de plus reléguée au passé et une perte de plus... NON ! Je refusais de penser à Mael ! En attendant, il me proposa ses services de guide. Voilà qui servait mes intérêts.
_ C'est une excellente idée.
Je savais que j'aurais dû dire le remercier et me monteer plus plie et avenante, mais j'étais presque à mon maximum là déjà ! Ensuite, il répondit à ma dernière question et je saisis mieux pourquoi j'avais du mal à le cerner. Il avait pas mal bourlingué. J'avais commencé à sourire poliment jusqu'à ce qu'il prononce le terme de "psychologie". Là, je tiquais malgré moi. Je n'aimais pas du tout l'idée qu'il puisse analyser ce que je dis, fais, comment je me tiens et que sais-je encore. Je suis une femme d'action, pas de mots ni de sentiments. Du coup, j'étais moins enjouée à l'idée de passer du temps avec lui parce que ça ne lui donnerait que davantage l'occasion de m'analyser, mais je ne pouvais pas non plus renoncer à sa proposition suite à ce que je venais d'apprendre parce que là il l'analyserait aussi. Raaaaa ! Mais pourquoi avait-il fallu qu'il dise cela ? Parlant de dire quelque chose, il fallait que parle à mon tour, puisqu'il m'avait posé des questions...
_ Médecin ? C'est étrange de passer d'homme d'affaire à médecin, comment cela vous est venu ? Pour ce qui est de travailler, mes seules compétences sont liées au combat, je ne vois pas vraiment comment les mettre à profit ici...
Comme ça, j'éludais la question de la durée de mon séjour. Il fallait que je me ressaisisse et que je ne me laisse pas intimidée par sa condition de psy. Plus facile à dire qu'à faire...