«


Mon cher ami,
Je t’écris cette lettre en priant pour qu’elle te parvienne, sinon à temps, au moins dans l’au-delà qui nous attend. Mais je crains qu’elle ne finisse bruler, ou perdu dans les rochers escarpés du château. La guerre est à présent à nos portes, et j’entends par là au pied de la colline, l’armée Turc mené par ton frère pénétrant la cour où les gens des villages alentours se sont réfugiés. Je suis mise en siège par nos ennemies, et ils ne nous laisseront aucun répit. Je m’exprime en disant nous, bien sûr, car nous sommes indivisibles et formons un tout, à travers l’espace et le temps malgré la mort. Ton frère, Radu, a demandé audience et je lui ai accordé. Il m’a alors annoncé ta mort, prouvant ainsi par ce moyen qu’il est désormais l’héritier légitime de ton trône. La douleur étreint mon cœur de la plus vive des façons, et les gouttes de sel troublent le parchemin sur lequel j’écris. Qu’importe, puisque plus jamais une main mortelle n’y posera le doigt. Mon ami, je suis sûr à présent que tu as rejoint la cour des Archanges, car tu es bon, tu as lutté toute ta vie pour négocier la paix avec les Ottomans tout en protégeant les valeurs de notre religion. Mais qu’adviendra-t-il de moi ? L’affection que je te porte traversera les âges et le ciel pour rester en ton cœur, mais je crains pour mon âme. Je sais en effet quel sort m’attend, reine restée seule, sans héritier, calfeutrée dans un château de pierres. Radu n’a pas pris femme encore, et il aura le choix de me choisir, pour assoir sa légitimité, ou bien me mettra aux cachots pour choisir une jouvencelle plus jeune. Je ne peux envisager de subir pareille outrage. Vlad, tu es et restera mon unique époux en ce monde comme dans les autres, et que le ciel puisse m’entendre malgré la profanation que je m’apprête à accomplir. Le suicide est un mal interdisant l’accès au paradis, mais rester en ce bas-monde l’est bien plus encore. Je crains de ne jamais pouvoir te revoir, mon aimé, mais le seul chemin qui s’ouvre à moi à cet instant même est celui de mon balcon. Là j’y trouverais le repos, en chutant au bas des rochers escarpés qui prendront ma vie.
A dieu, je voudrais y croire,
Elisabetha. »

3 juin 1897, dans la campagne Londonienne.
Voilà un mois que j’attends le retour de Jonathan de sa mission dans les Carpates, imminent ne cesse-t-il de m’annoncer dans ses missives, sans pour autant le voir arriver. Je ne peux que m’inquiéter, même s’il est parti pour son travail, mais cette absence prolongée éprouve mon cœur. Durant ce même temps, d’autres inquiétudes m’accaparent, Lucy a des crises de somnambulisme de plus ne plus grave depuis que l’on a vu ensemble ce bateau échoué sur les côtes sans survivant. Je la retrouve parfois en pleine nuit dans le cimetière, et j’ai remarqué deux petits trous d’aiguilles à son cou. J’ai terriblement peur pour elle, pour eux deux qui comptent tant pour moi.

16 juin 1897, église de Budapest
J’ai enfin eu des nouvelles de mon fiancé, il se trouve à Budapest et avait grand besoin de moi, ce pourquoi j’y suis aujourd’hui. Je crains pour la vie de Lucy, terriblement malade, mais je ne pouvais ignorer l’appel à l’aide de Jonathan, j’ai laissé mon amie aux bons soins de son époux et du docteur Van Helsing. J’ai retrouvé quant à moi mon fiancé, nous sommes à présent mari et femme devant le regard de Dieu. J’ai cependant grande hâte de quitter ce couvent, car d’étranges ombres rodent ici et je commence à comprendre ce que pouvait m’expliquer Jon sur les monstres de ce pays.

28 juin 1897, maison de Londres.
Je suis au plus mal aujourd’hui. C’est avec effroi que j’ai appris en rentrant la mort de ma très chère Lucy. Mais c’est avec une peur bien plus grande que j’ai compris, avec les explications du Dr Van Helsing, que le terrible comte est un vampire, et que ma pauvre amie en est sa victime. Elle rôdait dans les cimetières et enlevait des enfants pour leur enlever la vie. Depuis, une traque infernale s’était enclenchée, et malgré mes demandes, j’ai été écarté des recherches et enfermés à la maison. Ils ont réussi à lui accorder le repos éternel, et cherche depuis le comte en m’écartant toujours de l’affaire. Peut-être n’aurait-il pas dû, car la nuit dernière, j’ai été prise pour cible par le terrible Draculea. Mes souvenirs sont terriblement flous, mais je me souviens de la fenêtre ouverte, et de sa présence écrasante et brulante. Au petit matin, l’on a découvert à mon cou deux petits trous d’aiguille. Je crains que le temps me soit compter à présent, tout comme l’était celui de ma pauvre Lucy, avant que je ne me transforme à mon tour en abomination ! Il en est hors de question bien sûr, et je compte bien vivre et vieillir avec Jonathan. Nous partons donc traquer le monstre dans son château des Carpates, et ils sont bien obligé de m’emmener avec eux, car un lien s’est formé, bien contre mon gré, entre moi et le vampire, et je puis les guider vers lui. Mais c’est à double tranchant, car le poison coule dans mes veines et de ce que j’ai compris, le comte me veut particulièrement. Pourtant, je ne parviens pas à le haïr. Les êtres comme lui, comme je l’expliquais aux autres, il faut les plaindre. Parait-il que je ressemble à s’y confondre à sa défunte femme damnée…

4 aout 1897, château à la localisation inconnu (Forêt enchanté)
J’écris sur une feuille déchirée, assise à même la terre. Nous avons poursuivi le comte à travers toute l’Europe, jusque dans sa demeure, dans l’espoir de pouvoir le tuer avant que ma transformation ne s’achève afin de me sauver de la damnation. Mais je perds de plus en plus la tête, et des absences remplissent ma mémoire. Je murmure son nom maudit, parait-il, dans mon sommeil, et la lumière du jour me rend malade. J’ai aussi tenté, parait-il, d’attaquer le Dr Van Helsing. Je crains de plus ne plus le dénouement de cette histoire. Nous l’avons suivi dans son château, et tandis que les hommes combattaient les vampires et me retenait, je tentais moi de rejoindre cet attroupement d’inhumain. Nous sommes parvenus finalement au cœur du château, pour trouver son cercueil vide. Un portail, de toute évidence magique, semblait être sa porte de sortie, et nous l’avons traversé pour nous précipiter à sa suite avant qu’il ne soit trop tard. Jonathan est resté avec moi, Van Helsing est partit à la poursuite du comte. Mais je le sens, cette journée est la dernière l’éternité qui me tend les bras si nous ne faisons rien.

17 avril 2012, Storybrooke.
Chère journal,
Que dire de plus que les jours précédents ? Ils se suivent et semblent se répéter à l’infini, au point où je perds toute notion du temps. Je me rends chaque jour de la semaine à l’école, avant que le soleil ne se lève, et je prépare ma salle de classe pour les enfants. Les vitres teintées de l’école me sont fort profitable, et les rideaux sont rapidement tirés. Je me réjouis néanmoins toujours de la chance que j’ai de pouvoir exercer mon métier, car les conditions pour que je puisse enseigner sont compliqués. Peut-être aussi est-ce parce que Storybrooke manquait d’enseignantes, qu’ils ont pris des dispositions pour moi. Les enfants en tout cas ne m’ont jamais posé de problème en classe, et sont très attentifs. Après la journée, je repars vêtu des pieds à la tête, cachant la moindre parcelle de peau, ou bien lors de journée ensoleillée j’attends que la lumière s’apaise dans la soirée pour quitter l’école. La vie des enfants de la lune n’a jamais été facile, et pourtant je suis une épargnée au milieu d’eux. Quel nom poétique, n’est-ce pas ? Ma peau ne tolère pas le moindre contact avec les rayons du soleil, et m’y exposer me fait risquer des brulures extrêmement graves, et la mort. Je suis néanmoins épargnée, comme je disais, car la plupart des cas habituels, mais rares, des enfants de la lune sont bien plus lourds que le mien, accompagnés de symptômes encombrant, comme un manque de l’équilibre, de mémoire, et un tas d’autres choses. Je ne subis pour ma part que la maladie de la peau, qui ne supporte pas la lumière. J’ai malgré tout cela réussit à avoir une vie presque paisible, même si ennuyeuse, loin de tout intérêt amoureux – comment pourrais-je faire des rencontres dans mon état ? – et répétitive. J’ai tout juste assez d’argent pour vivre, mais que demander de plus au monde ?

12 mai 2012, Storybrooke.
Voilà bien longtemps que je n’ai écrit dans ce journal, que j’ai inlassablement remplit durant vingt-huit ans chaque jour. Et j’ai pourtant en quelques jours vécut bien plus de choses que ces dernières années, de nombreuses pages à remplir mieux. Je sais qui je suis aujourd’hui, et ce depuis que la malédiction a été rompu. Je suis Mina Murray marié Harker, j’ai été prise dans ce sortilège lorsque j’ai mis les pieds dans la forêt enchanté, à la poursuite du comte Dracula, et je suis atteinte de vampirisme. Je l’ai ressenti dans mon corps, juste après le choc des souvenirs me revenant, et je le ressens toujours. Pourtant, tout semble différent de la dernière fois, qui semble être hier mais aussi il y a vingt-huit ans par le mélange de mes deux vies. Je ressens battre en moi le poison, mais il semble ralenti, comme si ce séjour dans ce monde l’avait altéré. Je l’ai cru moins puissant au départ, mais il prend chaque jour qui passe un peu plus de puissance.  Ma transformation se poursuit toujours, mais ralentit. J’ai un sursis accordé, et heureusement quelque part, car je suis à présent seule contre le monde et sans aucune information quant à la localisation du vampire qui doit mourir pour me libérer de cette malédiction. Où est Jonathan, par exemple, mon époux officiellement ? Suis-je Mina Murray, Mina Harker ou Carmilla Stocker ? Nous n’avons jamais eu le temps après tout de nous unir véritablement, et son absence se fait cruellement ressentir. Où est le Dr Van Helsing, qui en sait tant sur les Nosferatu et qui serait le plus à même de m’aider – ou de m’offrir le repos éternel si le poison venait à gagner - ? Surtout que depuis le retour des souvenirs, des rêves m’assaillent, se déroulant pour la plupart d’un pays de l’est, il y a fort longtemps. Je suis perdue dans cette ville à la fois familière et inconnue, livrée à moi-même, tentant de contrer en vain le processus. Je puis voir tout de même un point positif, unique mais à la beauté incomparable : libérée de la maladie des enfants de la lune, je suis livrée à la malédiction du vampirisme. Mais par ce biais, et tant que ma transformation ne sera pas achevée, je puis profiter de la lumière du jour. Quel bonheur, quelle joie de revoir ses rayons qui me semblent même bien plus chaud qu’auparavant, plus colorée ! Je quitte un monde de grisaille pour un monde de couleur, et j’espère pouvoir continuer à admirer l’astre toute ma vie. Mais le temps m’ait compté, et sa lumière redevient peu à peu nocive pour mon corps et mon esprit. Ciel, que deviendrais-je ?

Décembre 2012, Storybrooke.
La situation empire chaque jour, chaque semaine qui passe, aussi lentement qu’elle est inexorable pour moi si je ne retrouve pas le vampire damné et que je le ne tue. Je suis toujours aussi seule, et mon état se dégrade. La guerre gronde au dehors, et l’on dit que les royaumes de terres inconnus pour moi, dans la forêt enchantée, sont aux prises avec une terrible sorcière des glaces. Une expédition s’est montée pour la contrer, et elle me rappelle celle que nous avons mené contre le comte. Si je n’avais pas été aux prises avec moi-même, j’aurais peut-être voulu y participer. Mais ce qui m’inquiète, c’est qu’en partant, les membres éminents de la ville l’ont laissé livrer à elle-même. Pillage, meurtres, vols, règlement décompte ont été le lot commun durant leurs absences, et je n’ai jamais autant hait le chaos qu’à cet instant. Car profitant de ce désordre, des voleurs sont entrés chez moi par effraction, en plein milieu de la nuit aux heures ou je n’arrive plus à dormir lorsque la nuit pleine et nouvelle domine le ciel. Un nouvel instinct s’est emparé de moi, et je me revois clairement tuant sauvagement ces intrus, arrachant leur gorge de mes ongles et griffant à l’os leur peaux fines et fragiles. Je deviens plus forte, et je perds de plus en plus le contrôle de moi aux profits de ces instincts de que je voudrais rejeter. Bien que je n’en aie pas (encore) besoin pour me nourrir, le gout de leur sang dans ma bouche était un délice à cet instant, et je me fais de plus en plus peur. Je me suis débarrassée de leur reste, le cœur au bord des lèvres, au petit matin, et je redoute maintenant les conséquences qui viendront bien un jour. Surtout que depuis novembre, lorsque les réfugiés sont arrivés dans la ville, je sens parfois peser un regard sur moi. Une ombre rôde dans les ruelles, la nuit, et elle n’effraie pas que moi. Le temps m’est comptée, plus que jamais.