« Qu’est-ce que s’était ? »

Le souffle court, je reprenais ma respiration tout en m’efforçant de rester à l’extérieur de l’eau. Je venais d’essayer de m’évader de ma prison de luxure aidé par Ariel, la fille du roi triton en utilisant la voie des eaux. Mon plan était simple, sortir et aller chercher de l’aide pour revenir chercher Rosaline. C’était simple, mais ma malédiction se soustrayait à aucune limite, même la voie sous-marine était couverte. Je savais le sors qui allait m’être réservé, j’entendais l’agitation grandir dans la maison des cygnes, si je ne pouvais sortir Ariel le pouvait. Me retournant vers la rouquine dont les pupilles étaient dilatées par l’angoisse je répondais avec empressement tentant de cacher mon angoisse et ma désolation :

« Ma malédiction, je t’ai parlé du fait que je ne pouvais quitter les murs de cette demeure, visiblement même par la voie des eaux c’est impossible. Tu dois t’en aller Ariel ! T’en fais pas pour moi ça va aller pars et ne reviens plus, avant que cette maison ne s’aperçoive que tu y es entrée. »



C’était la première fois depuis dix longues journées que je voyais la lueur du crépuscule, la première fois depuis ma dernière tentative de fuite que j’avais eu le droit de sortir des murs de cette maison sans escorte. Mes poumons se gonflaient d’oxygène avec douleur, tandis que je retenais un sanglot. J’allais mourir dans cette maison. J’en étais certaine désormais, et si ce n’était pas moi ça serait Rosaline qui mourait à cause d’une de mes erreurs. Je ne pouvais plus jouer avec le feu, je ne tenterais plus de m’échapper. J’avais pris ma décision à l’instant même où j’avais dû assister ligoter à une chaise à la torture et au viol (sans doute pas le premier) de ma cadette, de cette nuit mes poignets en gardaient des marques indélébiles. Je ne parvenais pas à effacer ses images d’horreurs, elle était là par ma faute. Elle souffrait à cause de moi. Une nouvelle larme roulant sur mes joues, je la sentais s’échouer sur ma blessure à la lèvre. Une marque que m’avait laissée mon dernier client quand j’avais refusé qu’il me prenne par l’arrière. Une fois de plus ma tentative avait été veine, le porc qui devait me servir de client m’avait attrapé par les cheveux et avait jeté ma tête contre le cadre de mon lit en fer forgé blanc pour ensuite maintenir sa prise pour l’intégralité de son opération répugnante.

Avançant comme un fantôme, le pas trainant jusqu’à l’eau je finissais par m’agenouiller à même le sable devant l’étendu d’eau, désireuse de retrouver un peu de réconfort dans le peu d’élément nature qui appartenait à la maison des cygnes. J’aurais pu rester dans ma chambre pour ma journée de repos, mais j’étais las d’entendre les faux orgasmes de mes comparaisses. Je ne supportais plus de les entendre, je ne supportais plus la vu de mes draps ensanglantés par mon propre sang, souillés par le fluide masculin. J’étais las. C’était pourtant ça ma vie, je n’avais que dix-neuf ans et sauf si un client venait à me tuer par mégarde j’allais devoir subir cette souffrance encore pour plusieurs années.  A ces pensées, je pleurais à nouveau la tête penchée vers l’eau, les yeux clos et les poings serrés. J’étais revenue à l’endroit où j’avais tenté de m’évader, comme pour me torturer davantage, sans doute dans l’espoir de pouvoir remonter le temps. Si seulement je pouvais revenir dix jours plus tôt je n’aurais pas honoré ma promesse envers la petite sirène et je n’aurais jamais tenté de fuir ainsi je n’aurais pas eu à voir ma sœur ainsi violenté, ainsi j’aurais peu être réussi à préserver un peu de paix intérieur. Une de mes larmes tombant dans l’eau salé, je rouvrais les yeux et apercevais mon reflet dans grâce au premier rayon de soleil de la journée. J’étais immonde. Ma lèvre s’ouvrait sur un centimètre avec profondeur, le sang séché avait laissé une trainé sur mon menton, rappelant la même trainé de sang séché sur ma joue, causé par ma plaie à l’arcade qui surlignait avec perfection mon œil au beurre-noir. La main tremblante, je la plongeais dans l’eau incapable de supporter davantage cette vision bien que j’entreprenais de nettoyer le sang séché en tentant d’ignorer les marques de brulure autour de mes poignets, une tâche qui m’occupait juste assez l’esprit pour m’empêcher d’entendre l’arrivé d’un intrus.

Une masse rouquine apparaissant sous mes yeux, je sursautais tombant en arrière, avant de me relever dans un même mouvement. Je n’avais pas laissé un son s’échapper de ma gorge. Je n’avais pas eu peur en réalité, je me fichais pas mal d’être oui ou non en danger. A mes yeux rien ne pouvait être pire que cette maison. C’était plus la surprise qui avait créée cette réaction, me relevant en grimaçant de douleur, je regardais vers l’endroit où était apparu la masse rousse, et reconnaissait Ariel. Cette amie bien trop bienveillante qui m’avait promis dix jours plus tôt qu’elle ne me laisserait pas tomber. Je n’avais pas repensé à cette phrase depuis la dernière fois, comment pouvait-elle prendre le risque de se faire emprisonner dans cette maison. Par habitude et sans doute pour tenter de rattraper ma piteuse apparence, je tentais de lui offrir un sourire qui finissait par m’extraire une grimace de douleur.

« Non Ariel, tu n’avais pas le choix tu devais t’enfuir et tu n’aurais jamais dû revenir. Je me suis fait une raison Ariel, c’est fini j’arrête de tenter de fuir, les conséquences que cela engendre sont trop importantes. »

Détournant le regard, je lançais un regard derrière moi craignant qu’un autre des cygnes ou pire que la mère macarelle ne fasse son apparition et surprenne la princesse d’Atlantica. Le calme du parc me rassurant un court instant je me retournais vers la rouquine en répétant :

« Tu ne devrais pas être là Ariel, ce n’est pas la place d’une princesse, tu n’imagines pas ce qu’ils pourraient te faire s’ils te trouvaient… »

En guise de réponse, Ariel se hissait sur le sable à mes côtés sa queue de sirène touchant encore l’eau, tandis que de mon côté je m’assurais que cette dernière était encore dissimulé par la végétation qui nous entourait. Forte-heureusement c’était encore le cas, sa voix me rappelant à mon souvenir, je reportais à nouveau mon attention sur elle, observant d’un regard sceptique les végétations marines qu’elle me présentait. Elle les avait préalablement ramassées avant de s’incruster clandestinement et en toute inconscience dans l’antre du diable de la luxure.

« Est-ce réellement nécessaire ? »

Gémissais-je à la manière de l’ancienne princesse que j’avais moi aussi été, avant de me plier à ses conseils, après tout qu’est-ce que je risquais ? Saisissant une algue, j’en plaçais une sur mon arcade droite fraichement ouverte, le sel dont la plante était imbibée me fit décrocher un gémissement étouffé ainsi qu’une grimace mais je n’exprimais rien de plus. Avec ma seconde main, je prenais une nouvelle algue pour la déposer sur ma lèvre, réveillant une fois de plus la douleur. Je gardais les dents serrés un instant, m’habituant à la douleur tant bien que mal avant de demander d’une voix sourde :

« Pourquoi es-tu revenue Ariel ? »

Ariel était persuadée que son père viendrait la chercher si elle se retrouvait prisonnière de cette maison et au vu de la lueur qui brillait dans ses yeux elle avait de quoi étayait ses propos. Soudainement, une bouffée de jalousie me tordait l’estomac, mon père n’avait jamais rien fait pour moi, il ne devait même pas chercher à savoir où je me trouvais. J’en étais aussi persuadée que ce qu’Ariel l’était des actions du sien. Avais-je réellement compté pour mon père, je veux dire autrement qu’en étant son trophée qu’il brandissait devant son peuple à tout les bals ? M’avait-il vraiment aimé ? Avait-il au moins été attristé par mon départ ? Je parle pas de contrariété, ça il avait dû l’être étant donné qu’il ne pouvait honorer sa parole de m’offrir à Pâris comme il avait prévu de le faire. Gardant le silence sur mes réflexions personnelles, je regardais les algues que la sirène me présentait avant de capituler après plusieurs jérémiades et de déposer les végétaux sur mes blessures tout en demandant pourquoi elle était revenue, en entendant sa réponse, je ne pu m’empêcher de rire avec sincérité cette sirène me ressemblait plus qu’elle ne le pensait.

« Ô Ariel fait attention, être bornée est une bonne chose, mais ça peux t’apporter bien des ennuis, crois-moi j’étais pareil avant d’être prisonnière de cette maison, … »

Regroupant mes jambes contre mon buste je posais mon menton sur le creux que formaient mes genoux, le regard perdu dans l’eau.

« Je pense sincèrement que personne ne peux m’aider Ariel, je vais mourir ici et comme toutes ses filles elles me bruleront et jetteront mes cendres dans l’océan et on m’oubliera plus rapidement qu’un couché de soleil en été. »

Une larme roulant sur ma joue je la laissais s’échouer sur l’algue, malheureusement je croyais dur comme fer en ce que je disais. Les moments où je me complaisais dans l’idée que Roméo viendrait me chercher était mort à l’instant même où j’avais vu ma sœur se faire violer sous mes yeux. Je ne voulais plus m’accrocher aux moindres espoirs. C’était terminé, l’espoir était plus douloureux que tous les coups que je pouvais recevoir.

« Si seulement je savais où été Roméo »

Lâchais-je en un murmure malheureux oubliant que je n’avais jamais parlé de lui à Ariel, elle allait certainement sauter sur l’occasion pour me faire parler de lui.

« Tu ne comprends pas ils s’en sont pris à Rosaline pour me punir. Ils l’ont battu et violer sous mes yeux. Je ne peux plus continuer si ça doit la faire souffrir. Je me fiche de ce qu’ils peuvent me faire à moi, mais pas a elle… »

Déballais-je, tandis que mes larmes roulaient sur mes joues, la vision et les cris de ma sœur me revenait, sans m’en rendre compte je fermais les yeux, mes mains serrant mes tempes, dévoilant ainsi les nouveaux dégâts sur mes avant bras. Depuis notre dernière rencontre de nouvelles brûlures brillait sur mes avant bras presque cicatrisées. La blague d’Ariel, ne me fit pas rire, mais au moins elle eux le mérite de me faire rouvrir les yeux. Je me libérais la tête bien que mes yeux brillaient toujours de larmes et que mon corps était soulevé de sanglot incapable de me ressaisir. Pourtant, c’était ce que je devais faire. Afin de tenter ce qui me semblait impossible, j’écoutais les dires d’Ariel, elle aimait le monde des humains. Cela s’entendait dans sa voix. Un sourire étirant mes lèvres meurtries je posais une main tremblante sur la sienne :

« Ce monde est magnifique Ariel, explore le, ne t’arrête jamais d’espérer, mais prend garde, sur cette terre comme dans l’océan le mal règne. Tu dois te méfier des personnes que tu croises. Les humains sont … ils sont … monstrueux parfois… On se détruit les uns les autres. Ne laisse pas leur noirceur t’atteindre et garde ce qui fait de toi un être exceptionnel. »

Récupérant ma main, je regroupais mes jambes contre mon torse avant de laisser un murmure s’échapper de mon être dévoilant ainsi le nom de l’unique personne qui était encore capable de me sauver. Autant physiquement que psychologiquement, cette terre n’avait fait naître qu’une seule personne capable de me sauver autant qu’elle pouvait me détruire : Roméo. Mon mari, l’homme pour lequel j’avais accepté d’user de la magie. L’homme pour lequel j’avais accepté de faire un pacte avec une sorcière alliée des Montaigu qui m’avait offert en peinture à cette maison close embarquant dans un même mouvement ma sœur, nous condamnant ainsi à une vie de luxure interdite et répugnante, une vie douloureuse et dénudée de joie, une vie encore plus cruelle que la mort. La question d’Ariel, me parvenant je revoyais le visage de l’homme que j’aimais se dessiner sous mes yeux, un léger rire s’échappant de mes lèvres je répondais :

« C’est mon mari. Le fils de la famille ennemie à la mienne. L’homme que j’aurais dû haïr, mais c’est celui dont je suis tombée éperdument amoureuse. Notre mariage a tué mon cousin et nous avons été séparés. Il a était banni de Vérone et condamné au bagne et moi mon père voulait me donner en mariage à un homme que je n’aimais pas. Un homme qui aurait agrandi son royaume et certainement décimé celui de son ennemi. J’ai essayé d’échapper à ce mariage. »

Marquant une pause, soudainement saisi d’un fou rire désespéré, je me ressaisissais avant d’étendre mes jambes dans l’eau, perdant une nouvelle larme.

« Comme tu peux voir j’ai bien réussi mon coup de princesse je suis passée à femme de joie. Je ne veux pas qu’il reste au bagne. Je ne sais même pas où ils l’ont envoyé ! Mais il ne doit pas y rester, il doit vivre une vie heureuse. Si ma condamnation dans cet enfer avait permis de le sauver d’une vie de bagnard peut-être que cette vie me paraitrait plus acceptable … »

Ariel semblait avoir compris. Elle écoutait et comprenait maintenant que j’avais cessé de m’exprimer à demi-mots. Elle me promettait d’être prudente et je m’en sentais soulagée. Cette fille était un être merveilleux. Je voulais la préserver du mal, autant que possible. Seulement parler de cette maison à voix haute me faisait souffrir que davantage. Ca rendait encore plus réel ce souvenir que j’avais refoulé. Je n’avais pas revu Rosaline depuis. Ils l’avaient changé de chambre encore. Les filles n’avaient pas le droit de m’aider sous peine de subir une sentence similaire aux miennes. Cette maison n’était pas un lieu où la solidarité faisait plaisir à voir loin de là. Nulle alliance n’était possible et si par malheur, elle était découverte la mère maquerelle se chargeait elle-même de la dissoudre. Ce type de rapprochement l’’effrayait et pour maintenir l’ordre elle préférait nous diviser et attiser la haine. Une partie de moi était certaine qu’elle se serait bien entendu avec mon père. Enfin tant que je n’étais pas une de ses esclaves sexuelles bien entendue, la réputation avant tout. Sans que je ne m’en rende réellement compte la discussion se dirigeait vers Roméo, un nom que je m’étais pourtant jurer de ne jamais prononcé dans ses murs. Pourquoi ? Certainement par peur, j’avais peur qu’en donnant le nom de l’unique homme que j’avais jamais aimé je ne signe son arrêt de mort. Une peur vaine, jamais il ne se serait laissé malmener et il ne perdait pas plus la vie dans un combat. Il était un des meilleur combattant de Vérone, encore un détail qui rendait mon géniteur vert de jalousie. Mon récit prenant fin, j’abordais un air malheureux sur le visage bien que l’évocation de cet homme magnifique m’avait réconforté. Seul des sanglots qui secouaient mon corps à intervalle régulier venaient rompre le calme de cet instant.

Une fois mon explication terminée Ariel me dévisagea un air rassurant et heureux naissant sur ce visage que j’avais assombri à mesure du temps qu’elle passait avec moi. Elle disait qu’elle pouvait faire quelque chose pour moi, personnellement j’en doutais mais je ne pouvais faire taire cette infime partie de mon cœur qui n’avait pas perdu espoir, alors oui, je relevais les yeux vers elle prête à écouter ce qu’elle avait a dire.

Elle était capable d’ouvrir des portails entre les mondes, une capacité magique très utile dont elle m’avait déjà parlé, mais je ne lui faisais pas remarquer. Plus elle parlait et plus je sentais mon cœur se réveiller de sa douce agonie. Je voulais croire qu’elle était capable d’y arriver et si elle le mener jusqu’ici peut-être qu’il pourrait venir me sauver ? N’était-ce pas mon espoir originel depuis que j’avais été faite prisonnière ? Un sourire étirant mes lèvres je sentais leur brûlure et j’en perdais l’algue. La ramassant je croisais mes blessures du regard et mon espoir s’amoindrissait.

« Nage vers lui alors, retrouve le et sauve le si besoin en est »

M’humectant les lèvres, je sentais un sanglot monter dans ma gorge, mais je le ravalais incapable de renoncer à cette contenance que je venais de trouver. Mon regard posé sur une de mes blessures, je relevais mes grand yeux vert vers la rouquine pour poursuivre d’une traite et d’une voix pressée comme pour m’assurer que je n’allais pas changer d’avis poussé par un élan d’orgueil.

« Si tu le retrouve dit y que je suis morte. Il te demandera comment, et tu lui diras que j’ai eu de la fièvre, que je n’ai pas souffert et que je me suis éteinte dans mon sommeil quelques semianes après mon départ de Vérone. Tu lui diras que j’étais avec toi et que je t’ai demandé de le retrouver et de lui dire qu’il devait trouver une autre femme capable de l’aime comme je l’aime et qu’il doit être heureux. Il lui dira aussi que je lui pardonne, je lui pardonne d’avoir tué Tybalt et que je m’excuse de ne pas avoir réussi à l’écouter lorsqu’il me l’avait demandé »

Terminant mon laïus la voix brisé, je m’apercevais qu’une fois de plus je venais de pleurer, combien de litr d’eau avais-je perdu depuis que j’étais ici ? Exprimant un grand coup, j’essuyais mes joues avant d’ajouter :

« Il ne dois pas savoir Ariel ! Il en serait malade ! Si tu veux m’aider retrouve le et dit lui que je suis morte en suivant scrupuleusement mes instructions. Ca sera plus simple à accepter pour lui »