Cette soirée bien que par moment chaotique était pour moi très importante. J'avais l'impression de compter pour lui et qu'il faisait beaucoup d'effort pour être un bon père mais en fait je ne lui demandais même pas d'être un bon père. Je voulais juste qu'il soit là pour moi, qu'il soit un père tout simplement. Il ferait des erreurs comme quand il m'avait dit qu'il me laisserait derrière lui et même s'il pensait me protéger moi je ne retenais que le fait qu'il veuille encore me laisser derrière lui. Enfin ce n'était plus le moment de penser à cela. Je tentais un compliment à mon père, qu'il sembla par ailleurs apprécier.

«  Et toi, tu es la plus belle de toute, mais on dit que les papas trouvent leur petite fille les plus belles de la terre. »

Je rougissais tout en baissant mon nez vers mon assiette. C'était flatteur et j'avouais que je n'avais pas l'habitude d'avoir ce type de compliment. De plus il m'était difficile de me dire que mon père pouvait ressentir ce semblant de fierté pour une autre personne. Quand mon père me regardait j'avais l'impression d'être la personne la plus importante de cette planète. J'avais également cette impression avec Sullivan mais pour Hadès c'était mille fois plus fort. C'était comme s'il arrivait à me couper le souffle rien qu'en me regardant. Alors mon côté enfantin ressorti et je ne voulais clairement pas qu'il ressente la même chose pour une autre personne et encore moins pour un frère ou une sœur...

«  Tu n'as pas de frères ni de sœurs, je suis surement le Dieu le moins procréatif de toute la mythologie et je... »

Je souriais pleinement heureuse de cette réponse parce que c'était clairement ce que je voulais entendre et aussi parce que je me doutais qu'il n'oserait pas me mentir sur ce genre de question si sensible. Cependant, je le vis se figer d'un coup et lâcher même sa fourchette. J'ouvrais de grands yeux. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui arriver ?

«  Comment ca petit ami ? »

Son ton était glacial mais je m'en fichais. Quand je pensais à Sullivan je me sentais pousser des ailes et j'avais une totale confiance en lui. Alors du coup c'est avec un grand sourire et un doigt dans les cheveux à torturer une mèche de mes cheveux blonds que je répondais à mon père d'un ton totalement inverse à celui qu'il avait employé :

« Et bien oui mon petit ami ! Tu verras il est super gentil ! Je l'adore... »

Je me souvenais alors que mon Sullivan ne voulait pas forcément que ça se sache tout de suite mais après tout je préférai que mon père l'apprenne de ma bouche que de celle d'une autre personne. Si Hadès voulait en savoir plus sur mon petit ami il n'avait qu'à me poser des questions. Je serais ravie de lui répondre.

« Il s'appelle Sullivan et il travaille pour la mairie. Tu verras c'est un homme très bien et voilà... Je crois bien que je suis amoureuse. »

J'avais dit ça les étoiles dans les yeux tout en ne remarquant pas que mon père lui faisait totalement la tête inverse.

Je disais à mon père que j'étais amoureuse et je me confiais à lui parce que c'était comme cela que je voulais notre relation. Je voulais qu'il soit mon confident mon meilleur ami mais je voyais bien que plus je parlais plus il s'énervait et je sursautais même quand il frappa la table. Je me sentais idiote de lui avoir fait confiance.

« Comment ? »

Il se mit à crier et je me mis à trembler. J'avais vu l'énervement se faire en lui et il me faisait peur quand il était comme cela. Cependant je ne pouvais pas imaginer ce qu'il allait dire encore :

«  Je t'interdis de voir ce type. Tu ne sais pas qui il est... Il est tout sauf gentil. C'est un misérable, une crapule, un salop... Tu m'entends ? »

Je sentis une vague de colère monter en moi d'un coup. Le feu se matérialisa dans ma main en une boule. Je n'avais jamais fait cela avant et je ne me rendais même pas compte de ce que je faisais. Je sentais comme des flammes dans mes yeux. Je regardais mon père droit dans les yeux et je me levais lentement de mon siège. Je ne me contrôlais plus et j'avais une assurance qui habituellement me faisait cruellement défaut.

« Tu n'as pas à me parler ainsi ! Je me suis toujours débrouillée sans toi alors je peux toujours continuer ! Tu n'as pas à me dire quoi faire et encore moins à me crier dessus ! »

Je parlais calmement mes yeux ne lâchant pas les siens. J'étais très en colère après lui. Il n'avait pas à dire cela et encore moins à me crier dessus. Ça je ne pouvais pas l'accepter.

« Et puis d'abord comment peux-tu le juger sans le connaître ! Donne moi une seule bonne raison de ne plus le voir et ne me fait le coup du père qui a peur pour sa petite fille. »

Il avait perdu ce droit quand il m'avait abandonné la première fois. Il avait perdu ce droit quand il avait choisi de me faire oublier son existence. Il avait perdu ce droit quand il tentait de me manœuvrer comme il le voulait. Toute cette colère que j'avais pour lui alors que j'avais tout refoulé en moi remontait doucement. Je pouvais être dangereux et là pour une fois que je pouvais contrôler le feu je m'en donnais à cœur joie. Je fermais ma main dans laquelle était la boule de feu attendant toujours qu'il me donne une explication.

Je le prenais de haut parce que je détestais qu'on me dise quoi faire. J'étais bien assez grande pour me débrouiller toute seule. Où était-il quand les prêtres me frappaient ? Où était-il quand les plus véreux d'entre eux venaient me visiter la nuit dans l'optique de me ramener dans le droit chemin tout en me prenant ma vertu ? Il n'avait jamais été là pour moi. Je ne lui en voulais pas de ne pas avoir pu être là. Je lui en voulais de vouloir aujourd'hui me dicter quoi faire et qui fréquenter.

« Je reste ton père et si j'avais pu choisir réellement, je ne t'aurai pas abandonné. Tu crois que c'est facile ? Tu joues avec le feu et tu ne sais rien de ce qu'il se passe derrière. »

Je riais, mauvaise. Il avait beau rôle de dire ça.

« Parce que tu crois que ça te donne quand même le droit de me dire quoi faire ! »

Il pensait qu'il allait pouvoir me dicter ma conduite tout ça parce qu'il voulait prendre son rôle de père ? Il se mettait le doigt dans l'oeil. Il n'avait pas à me dire quoi faire et encore moins qui fréquenter. Je le détestais. À cet instant je le haïssais tout simplement.

« Je connais ce cher Sullivan et bien plus que tu ne le crois. Il a été un de mes sbires et crois moi ce n'est pas un enfant de coeur. Tu crois qu'il t'aime ? Il se rapproche juste de toi pour m'atteindre moi. La vengeance... C'est tout ce qui l'anime. Il veut te faire du mal pour me faire du mal. Tu comprends ca ? »

J'encaissais tout. Je l'écoutais et pourtant même si je me rendais compte qu'il me disait la vérité, je ne pouvais pas croire que Sullivan n'avait fait que ça pour le nuire. Je voyais dans ses yeux qu'il était sincère et ça me faisait énormément de peine de voir à quel point mon père pouvait être égocentrique.

« Son vrai nom dans mon monde est Peine. C'est un démon. Et il était même pire que ça. Je l'ai emprisonné, fait oublier ses souvenir et asservi afin qu'il ne mène pas ce monde à sa perte. Voilà la vérité ! »

Je serrais les dents. Il fallait que je me calme sinon j'allais tout faire brûler et à commencer par lui. J'attrapais mon couteau et je serrais la lame dans ma main. Me faire mal avait toujours permis de me calmer parce que ma colère n'était plus présente quand la douleur prenait le dessus. Le sang coulait lentement entre mes doigts mais en petit filet pas de quoi affoler qui que se soit.

« Parce que tu crois qu'il ne peut pas m'aimer. Parce que tu te crois le centre de l'univers à tel point qu'il ne pourrait juste être intéressé par moi sans que tu sois concerné. »

Je n'attendais pas sa réponse. Il m'avait fait trop de mal encore une fois. Je sentais la chaleur se taire. Je me sentais sali par ce qu'il venait de me dire. Je n'avais aucune valeur à ses yeux. Mes yeux se firent plus froid et d'un ton sans appel je lui dis :

« Sors de chez moi. Immédiatement. »

S'il ne voulait pas me mettre encore plus en colère il valait mieux pour lui de faire ce que je venais de lui dire.