Le plafond était beau, sans aucunes fissures, sans aucunes tâches, sans aucunes traces. Lisse et plat, apaisant en somme. Rien ne venait bousculer la tranquillité de ce plafond, pas même l'araignée qui y avait élue domicile quelque peu avant Noël. Le regard de James commençait à dévier lentement du point qu'il fixait pour aller dans le coin droit. L'araignée n'était plus là et James soupira. Est-ce qu'elle aussi venait de retrouver ses souvenirs et sa véritable identité ? Ou avait-elle sentit le côté démon de la personne chez qui elle habitait ?  D'un coup, sans prévenir, James lança le coussin sur lequel reposait sa tête dans ce même coin qu'il fixait, le regard vide. Une onde de colère le traversa, une rage sourde venant des profondeurs de son âme le poussa à se lever et à hurler de tout son saoul. Il attrapa la première chose qui passa devant lui, ne voyant même pas qu'il avait dans les mains un vase d'une valeur inestimable qu'il envoya valser contre le mur. Le bruit de la porcelaine se brisant en mille morceaux l'apaisa quelques secondes avant que son envie de détruire reprenne le dessus. A l'aveugle il se dirigea vers le bureau et d'un geste d'une violence rare, il fit table rase envoyant tout au sol dans un grand fracas. Puis même les étagères, les livres, les bibelots, les cadres photos, tous ces artefacts d'une vie qui n'existait pas se retrouvèrent au sol tandis qu'il reprenait doucement son souffle. Le silence s’abattit alors sur la pièce, un calme trompeur car la rage bouillait toujours dans le corps de l'ancien démon. Se passant la main sur son visage en transpiration, James essaya de reprendre le contrôle de la situation. « Idiot ».

Il ne cligna pas des yeux, contrairement à son reflet. S'approchant lentement du miroir, il n'arrivait pas à croire que maintenant il ressemblait à ça. Un humain. Lui le démon vert était devenu un simple humain. La tempête semblait s'éloigner alors qu'il commençait à nouveau à se triturer le visage à s'en faire mal. Des rougeurs apparaissaient sous ses doigts alors qu'il s'étirait plus que la normale. Heureusement qu'il n'avait pas tout perdu et que sa magie était revenue en même temps que ses souvenirs. Dans un élan de nostalgie, il se transforma en ce qu'il était avant, mais bizarrement ce n'était pas la même chose. Pas qu'il n'aimait pas, mais une sensation étrange le prenait à la gorge, comme si au final, cette forme n'était pas la bonne. Posant les deux mains sur le miroir, tandis que sa queue fourchue battait l'air vigoureusement, il poussa un long soupir de dépitement. « Que ferais-tu dans ce cas-là Peine ? » Dans un autre panache de fumée qu'il ne contrôlait guère, sa silhouette humaine se refléta dans le miroir. S’il n'y avait que ça, encore il aurait pu gérer. Après tout, même dans les enfers il avait l'habitude de se retrouver dans des situations cocasses et périlleuses, mais tout seul … c'était bien une première. Il n'y avait pas Hadès. Bon ça, à la limite, il pouvait gérer. Il ne comptait plus les fois où il n'était pas rentré aux enfers pour ne pas subir la colère noire de son dieu. Mais sans Peine, ça c'était ingérable. Il était sa moitié, son double, jamais oh grand jamais il ne l’avait quitté et la plus longue période avait été d'une dizaine de minutes car c'était pour un piège du démon rouge. Alors se rendre compte qu'il avait été seul pendant plus de vingt-huit ans et que visiblement il allait l'être pour une longue période le troublait considérablement.

Se détournant de ce corps qu’il avait du mal à accepter, même si, au fond, il s'y sentait attaché comme s’il le connaissait plus qu’il l’aurait voulu, il décida de se changer pour sortir de cet endroit qui l’étouffait. Après un passage rapide dans la salle de bain, les stigmates de sa crise avaient disparu et son costard beige était impeccable. Pas sûr que Peine le reconnaisse comme ça. Si sa perte ne l’affectait pas autant, il en aurait même pu rire. Ne fermant même pas la porte à clef, se fichant totalement qu’on lui vole quelques affaires précieuses, estimant qu'en réalité rien n'était à lui, Il y avait encore de l’agitation dans les rues de la ville, des personnes criant le nom de proches disparus, d’autres n’acceptant pas la situation et d’autres voulant faire la révolution. James passait à travers ça comme un fantôme, ne sachant même pas où ses pieds le guidaient. Qu’allait-il faire maintenant ? Crier comme ces gens en espérant que la personne cherchée sorte du bois ? Ou ne rien faire et attendre que Peine fasse le premier pas ? En espérant qu'il soit dans cette ville. Parce que la possibilité qu'il soit resté dans les enfers tracassait péniblement l'ancien démon. Cependant il avait réfléchi à comment cette histoire s'était passée. Il était dans la forêt du monde des humains avec Peine pour ramener un colis à Hadès quand ce nuage violet qu’il n’avait déjà pas senti les avait embarqués. C'était la seule explication rationnelle au fait qu’il était comme ça maintenant. Donc en toute logique, Peine était aussi ici, dans cette ville d’humain qui n’était pas tous humains.

Ce fut un éclat de voix plus fort que les autres qui sortit Panique de ses pensées. Ou alors l'onde de colère qui le traversa, le faisant repenser à sa crise plutôt dans la journée. Tournant la tête, il remarqua qu’un petit homme était en train de hurler sur une grande femme brune. S'approchant, pas à pas, sa curiosité légendaire ne l’ayant point quitté, il s’aperçut que la brune était Regina Mills, la Mairesse de cette ville. Par le passé, il l’avait déjà rencontré, ses adjoints ayant fait appel à son cabinet de conseil et la rencontre s'était passée délicieusement. L'appel de se mêler de ce qui ne le regarda pas était bien plus fort que le fait de se lamenter alors il s'avança jusqu’à toucher la personne. Se mettant derrière, il posa une main ferme sur l'épaule tandis qu'un sourire angélique se plaqua sur son visage. « Voyons voyons, est-ce des manières de parler à une jeune femme ? » L'homme se retourna brutalement alors que la main de James se levait, comme flottant dans les airs. « De quoi j'me mêle ? Cette sal*** a bousillé nos vies ... » Penchant la tête sur le côté, il planta son regard ambré dans celui de son interlocuteur. « Oh, c'est fâcheux je le conçois mais restons courtois je vous en prie. » « Va te faire foutre je fais ce que je veux ! » Le ton était monté encore plus brutalement et James fit un pas en arrière, ne comprenant pas tellement la haine qui se dégageait de l'individu. Il pouvait la sentir, et si quand il était arrivé elle était dirigée contre Regina, elle l'était maintenant contre lui, plus forte, avec plus d’agressivité. « Je pense qu'il serait bien sage de rentrer chez vous. Dans votre état actuel, aucunes des solutions proposées ne vous conviendra. » Son ton était calme, presque froid, contrastant avec la véhémence des propos de l'homme qui continuait à lui hurler dessus. Essayant de rester placide pour ne pas se faire entrainer dans la spirale de la haine, il fit quelques pas sur le coté, faisant tourner l’homme qui ne le lâchait plus. Roulant des yeux, commençant à être exaspéré, il sera fermement le poing tout en regardant au loin. C’est alors, que le silence se fit. Reportant son regard sur le petit homme, il s’aperçut que ce dernier fixait d’un air vraiment pas commode deux autres personnes qui se trouvaient sur le trottoir d’en face. Comme guidé par la magie, il quitta Regina et James pour aller se mettre en colère sur les autres.

James ne put retenir le fou rire qu’il avait dans la gorge, rigolant comme un enfant en voyant la scène se dérouler à quelques pas d’eux. « Visiblement il y a plus de fous que de sains d’esprits dans cette contrée. » S’essuyant les quelques larmes qui coulaient le long de ses paupières, il respira un grand coup, mordant sa lèvre pour ne pas rigoler encore avant de se tourner vers la Mairesse. « Il ne fait pas bon rester dehors pas les temps qui cours. Avez-vous envie de boire quelque chose en ma compagnie ? »  De base, Panique disait souvent ce qu’il pensait. Il était cash et sa transformation en humain n’avait rien arrangé. « Enfin après je proposes ça comme on vous aurait proposé de faire un poker ou du cheval. C’est plus pour .. hum .. Changer l’ambiance. Personnellement je n’ai rien de prévu. Me souvenir, chercher des proches … tout ça … me fatigue. Alors si je peux prendre une pause, avec une femme aussi ravissante que vous, je ne dis pas non. » Et pour accentuer ses dires, il lui fit même une petite révérence avant de se remettre aussi droit qu’un i. « Puis vous ! Vous n’en avez pas marre de ce spectacle ? Des personnes qui viennent vers vous, pensant qu’ils vous connaissent d’une vie antérieure en pleurnichant ? Pensez aussi un peu, justement, à vous ! Prenez du temps sur vos citoyens pour passer un agréable moment et oubliez comme ils peuvent être pénible. » Hochant la tête, il fit un pas sur le côté, montrant du doigt, sans aucune gêne l’homme qui en était finalement venu aux mains, dévoilant dans un sourire assez machiavélique des canines plus pointus que d’ordinaire. « S’il est aussi enragé, la panique gagnera t’elle la populace ? Je n’ai pas envie d’être témoin de ça, les massacres très peu pour moi. » C’était étrange, cette phrase qu’il prononçait, comme si ce n’était pas lui qui articulait ces mots ironiques, avec ce regard flamboyant. Heureusement, la voix de Regina le sortit de sa quasi-transe. « Je vous suis très chère ! »

 

La malédiction était levée depuis une petite semaine, ce qui causait bien du tort à Regina. A présent, tout le monde savait qui elle était, ce qu’elle avait fait subir aux personnages de contes emportés dans ce monde sans magie de force et privés de leur véritable identité et de leurs souvenirs. Et c’était sans compter le mal qu’elle avait pu leur faire, pour la plupart, par le passé, alors qu’elle cherchait par tous les moyens à débusquer Blanche-Neige. Cette Emma Swan, la Sauveuse comme d’aucun se plaisait à l’appeler, avait tout gâché. Elle avait même réussi à monter son fils contre la maire de Storybrooke et l’avait repris avec elle, puisqu’il s’agissait de son fils à elle aussi. A présent, Regina était la personne la plus impopulaire, pour ne pas dire la plus détestée, de toute la ville. Elle était cloîtrée chez elle à pleurer en secret de n’avoir plus l’autorisation de voir son petit prince qu’elle aimait tant. Ses journées se résumaient à aller dans son caveau, tourner en rond à chercher quoi faire, rentrer chez elle discrètement, essayant de ne pas attirer l’attention. De toute façon, la magie était revenue en ville, ces petits idiots savaient de quoi elle était capable. Ce qu’ils ne savaient pas, ou sans doute pas, c’était qu’elle avait fait la promesse à Henry de mieux se comporter, de devenir une meilleure personne. Et c’était la condition sinequanone pour qu’elle puisse le revoir, alors autant dire que l’ancienne reine faisait profil bas, essayant de ne pas se laisser gagner par la colère. Après une petite discussion avec l’une des rares personnes à qui elle n’avait pas causé du tort et qui s’était trouvée bien heureuse de la malédiction, Regina avait décidé de reprendre sa vie en main et d’arrêter de se laisser aller. Elle avait donc reprit ses fonctions à la mairie, à la grande surprise des autres personnes y travaillant. Une semaine sans voir son bureau, et avec toute la pagaille engendrée par la levée de la malédiction, nul doute que le travail serait conséquent.

A sa grande surprise, madame le maire était parvenue à accomplir plusieurs choses, comme faire étendre la page des avis de recherche dans le journal afin que chacun puisse mieux chercher ses proches, et elle en profita même pour y glisser un petit mot d’excuses. Elle savait qu’elle ne serait pas prise au sérieux pas le plus grand nombre, mais c’était au moins un début. Et c’était très difficile, parce qu’à bien y réfléchir, ces excuses n’étaient pas vraiment sincères. Elle avait des regrets, bien entendu, mais son principal regret était que son plan n’ait pas fonctionné comme prévu, que Rumple se soit bien fichu d’elle puisqu’il savait pertinemment que le petit garçon qu’il lui avait permis d’adopter n’était autre que le fils biologique de la sauveuse, et qu’ainsi, elle serait amenée à venir à Storybrooke pour accomplir sa destinée. Maintenant il était trop tard. Même le plus puissant des magiciens ne pouvait remonter le temps, alors la belle brune ne pouvait que s’accommoder de la situation, ou plutôt s’adapter.

Alors qu’elle quittait la mairie dans le but de regagner sa voiture, l’un des sept nains, le plus vindicatif, probablement celui qu’on appelait « Grincheux », vint à sa rencontre, visiblement rouge de colère… ou alors était-ce la vinasse qu’il avait ingurgitée ? Peu importe, toujours était-il que cet énergumène arriva vers l’ancienne reine en hurlant, la traitant de tous les noms pour ce qu’elle avait fait. Droite comme un i, Regina le regarda, surprise, sourcils arqués, se retenant de l’envoyer valser d’un revers magique. C’est alors qu’un autre individu, qu’elle ne connaissait pas du monde des contes, vint à la rescousse… la sienne ! Incroyable, quelqu’un prenait sa défense ouvertement. Regina en tombait des nues. Bouche bée, elle le regarda essayer de raisonner Leroy. Elle avait déjà eu affaire à lui, cet homme était courtois, c’était le souvenir qu’elle en avait, et il le démontrait encore. C’était appréciable, vraiment. Il essayait donc de calmer un Leroy en proie à une colère sans pareille (quoi que toutes les crises de colère de Grincheux se vallaient) tandis que ce dernier ne semblait pas prompt à la coopération.

-Vous devriez l’écouter et rentrer chez vous, Leroy.

A peine eut-elle le temps de terminer sa phrase que le nain s’en alla sans mot dire… ou plutôt en allant crier sur d’autres personnes de l’autre côté de la rue. Stupéfaite, Regina le regarda faire avant de reporter son attention sur James qui venait d’éclater de rire. Elle se mit à rire à son tour, surprise de l’aboutissement de la situation.

-Je vous le concède, la folie semble s’être emparée du plus grand nombre.

Mais madame le maire n’était pas au bout de ses surprises avec James. Ce dernier lui proposa contre toute attente d’aller boire un verre. C’était bien la première fois qu’on lui proposer de passer du temps avec elle depuis la levée de la malédiction. Elle avait l’impression de rêver, quelqu’un se montrait gentil avec elle. C’était trop beau pour être vrai. Elle fronça légèrement les sourcils, un peu incrédule.

-Vous… Vous me faites marcher, c’est ça ?

Oui, c’était sans doute ça, il devait avoir chassé Leroy pour à son tour, de manière plus subtile, lui faire comprendre combien elle était détestable. La belle brune se mordilla la lèvre inférieure, sentant malgré tout dans la voix et l’attitude de James qu’il avait l’air sincère. Ou alors, c’était le meilleur comédien qu’elle ait jamais rencontré.

-Bon, très bien, commença-t-elle avec un petit sourire. Je serais enchantée de vous inviter à boire un verre pour vous remercier d’avoir pris ma défense.

C’est alors que le galant homme se décala, montrant un Leroy déchainé qui s’en prenait à l’un de ses interlocuteurs. Interloquée, Regina sortit son portable.

-Pardonnez-moi une seconde, je ne peux laisser faire ça.

Il ne fallait pas qu’elle intervienne directement au risque d’envenimer la situation. Elle appela de ce pas le bureau du shérif et d’une voix ferme, demanda à Emma de venir faire son travail, expliquant que Leroy était probablement saoul et qu’après être venu l’insulter, il s’en prenait physiquement à l’un des citoyens. Elle raccrocha aussi sec. James semblait toujours obnubilé par la scène lorsque l’ancienne reine lui proposa l’un des bars plutôt chics de la ville.

-Y allons-nous à pieds, ou prenons-nous ma voiture ?

Elle ne savait pas si l’idée d’être v en ville avec elle serait bénéfique pour cet homme, aussi lui laissait-elle le choix. Après tout, il s’était montré gentil et courtois, et sans doute que Leroy irait rapporter ce qui s’était passé, alors inutile d’en rajouter une couche. Regina était curieuse d’apprendre qui était ce monsieur dont elle n’avait aucun souvenir avant Storybrooke. L’espace d’un instant, elle se demanda s’il ne venait pas du monde sans magie, mais c’était impossible, la ville était redevenue invisible après l’arrivée de Greg et son père, et James était déjà là… Il venait donc de la Forêt Enchantée, ou du moins avait-il été sur place au moment où le Sort Noir accomplissait son œuvre.


-Je vous l'accorde, ça, pour être pénibles, ils savent bien l'être en ce moment.

 

Levant la tête vers le ciel orageux, il croisa les bras instinctivement sur sa poitrine pour garder le maximum de chaleur contre lui. Il n’aimait pas le froid, ayant que ce soit, en tant qu’humain ou en tant que démon préféré les fortes chaleurs, sans doute dû au fait qu’il était originaire des enfers. Reportant son attention sur la scène, il remarqua alors que Regina appela le shérif au lieu d’intervenir elle-même. Elle avait sans doute raison, parce qu’il sentait que ce Leroy avait plus que de la colère en lui, une sorte de haine refoulée qui n’attendait que le moment propice pour sortir et il savait parfaitement les dégâts que cela aurait pu engendrer. Il plissa des yeux, comme fasciné par la scène qui se déroulait devant lui. C’était étrange car il avait l’impression de ne plus avoir un humain ou un être vivant devant lui, mais une sorte d’entité rouge qui ferait les mêmes mouvements. Sortant de sa contemplation pour la voix chantante de la mairesse, il pencha la tête sur le côté. « Oh. Nous ne sommes pas très loin d’un bar assez lounge qui est fort sympathique, pas besoin de prendre de voitures. » Depuis qu’il était redevenu lui-même, Panique avait un peu de mal avec tout ce qui touchait à la technologie. Déjà parce que ça lui rappelait sa condition d’humain, et puis surtout parce qu’il n’avait pas confiance. Les portables, les ordinateurs, internet pouvaient passer mais les transports en commun étaient une autre paire de manche. Les voitures étaient devenues pour lui synonyme de danger et monter dedans lui était quasiment impossible ayant peur d’en perdre le contrôle ou même pire, que cet engin prenne le contrôle tout seul. Oui c’était de la paranoïa, mais James avait été à bonne école avec Hadès.

Marchant à coté de Regina, il se fichait des regards noirs qu’on lui lançait. « C’est la raison d’être des humains que d’avoir des mauvais côtés. » Tout comme l’instant auparavant, la phrase qu’il venait de prononcer avait une drôle de résonnance dans son être, ne se souvenant plus qu’en réalité, c’était bien les tourments de l’humanité qui l’avait fait naitre dans les limbes de l’univers que Hadès qui l’avait créé. « Ils vous reprochent une chose qu’ils auraient très bien été capable de faire. » Bien entendu, il savait qu’elle était la responsable de tout ceci. Il était assez curieux pour être sorti au moment où la malédiction s’était brisée et où la quasi-totalité de la ville voulait la lyncher voir même la tuer. Alors oui, il savait, et même s’il avait de la rancune, voir même de la colère à son égard, il ne la blâmait pas entièrement. Tout le monde fait des erreurs, des petites, des grandes mais tout le monde en fait. Et lui-même en avait fait une grande, qui avait affecté un bon nombre de chose quand avec Peine, ils n’avaient pas réussi à tuer Hercule. « L’humain est mystérieux, toujours soumis à ses émotions. On dit que ses actions sont réfléchies mais en réalité elles ne sont guidées uniquement que par les sentiments que l’âme contient. » Toujours aussi calme qu’il l’était depuis le début, Panique parlait sans détour, mais en ayant l’impression que ce n’était pas réellement lui qui discutait avec la brune. « Vouloir le bonheur et la paix sont des arguments implacables pour faire bouger les choses, mais la colère, la haine et la rage sont des moteurs encore plus puissants pour renverser les mondes. »

Arrivant devant le bar, James ouvrit galantement la porte pour faire rentrer Regina. « Choisissez la place qui vous convient le mieux ! » Le bar était grand, spacieux mais assez sombre. Il en dégageait une atmosphère inquiétante mais tellement envoutante. Des volutes de fumée passait devant de grandes lumières violettes donnant l’impression d’être dans un songe. Saluant la barmaid d’un geste de la main, il s’asseye dans un des immenses canapés en cuir, en face de Régina. « J’aime bien venir ici, l’ambiance, le mystérieux patron. C’est une clientèle selecte, au moins pas de risque qu’on vienne vous enquiquiner. » Attrapant la carte, il jeta un œil dessus, histoire de faire semblant de choisir, de respecter les conventions mais il savait parfaitement ce qu’il allait prendre. Il attendit patiemment que Regina choisisse, alors qu’une serveuse pulpeuse se plaçait à leur niveau. « Une tête coupée s’il vous plait. » La première fois qu’il avait découvert le Moonlight Cat, il avait été surpris par le nom des cocktails, qui avait tous ou presque un rapport avec le conte de Lewis Caroll, le pays des merveilles. Aujourd’hui, il pensa que ce n’était pas une simple coïncidence et qu’Hippolyte devait certainement en faire partie. « Du coup, si j’ai bien compris, nous venons tous de monde, voire d’univers différents. Alors qui êtes-vous réellement ? » Panique avait toujours été curieux de tout, encore plus quand on lui disait qu’il ne fallait pas découvrir ce qui se cachait derrière le rideau. « Et pour que cela ne vous tracasse pas plus, où que ça vous empêche de répondre, je ne vous en veux pas. Enfin si, un peu, je n’ai jamais apprécié les humains mais comme je vous l’ai dit, chacun fait des erreurs certains plus grosses que d’autres et il faut savoir passer au-delà. A part ça … » Il montra son corps d’humain. « Et le fait que j’ai perdu mon camarade et mon maître, je ne vous en veux pas plus. » Devant lui, la serveuse déposa les boissons. Un grand cocktail rouge, avec de la glace pilé autour du verre qui dégoulinait comme du sang, des glaçons en forme de crane et une immense épée en guise de touillette, firent sourire James qui leva son verre. « Madame Mills, faites de votre passé une nouvelle histoire et de votre haine une force. » Le liquide coula le long de sa gorge, apaisant pour quelques instants la soif qu’il avait. « Mais sinon je suis toujours aussi curieux de connaitre votre identité et ce qui vous a poussé à faire une telle chose. »

 
Encore sous le coup de la surprise de voir l’une des victimes de la malédiction être sympathique avec elle, Regina avait un sourire un peu crispé, mais se détendit peu à peu. Elle passa l’appel pour prévenir des écarts de conduite de Leroy, puis emboita le pas à James qui savait précisément où il voulait l’emmener. Madame le maire le suivit donc, marchant à ses côtés, culpabilisant un peu des regards assassins que certains passants pouvaient poser sur lui. Cet homme était surprenant, il semblait absolument ne pas lui en vouloir pour le Sort Noir, mieux, il pardonnait les mauvais côtés des humains en général, et il la rassurait aussi. Le sourire de l’ancienne méchante reine se fit plus franc.

-J’aime votre façon de voir les choses. Elle n’est pas commune. Mais je crois que vous avez raison.

Il était vrai qu’à sa place, ayant vécu tout ce qu’elle avait subi avec une mère exigeante et tyrannique qui avait assassiné sous ses yeux son premier amour à cause de la trahison d’une petite peste, combien d’entre eux n’auraient pas cédé aux ténèbres ? Combien aurait été ceux qui n’auraient pas cherché à se venger ? Ils se compteraient certainement sur les doigts d’une main ! Partant de là, comment ces ignobles pécores osaient-ils lui reprocher ce qu’elle avait fait, ce qu’elle était devenue ? Ils continuaient de l’accablaient alors qu’elle souffrait, encore aujourd’hui, de la perte de Daniel, et plus encore à cause de la fille de sa pire ennemie qui voulait lui prendre son fils. Bon d’accord, Emma en était la mère biologique, mais n’avait-elle pas abandonné son enfant à la naissance ? Elle avait signé des papiers dans ce sens, et Regina se demandait encore comment la situation avait pu à ce point dégénérer. A présent, son précieux Henry était avec la famille des Charmants, et la maire de la ville souffrait d’un immense vide dans son cœur. James était un vrai philosophe à sa façon, ce qu’il disait était criant de vérité et parlait tout à fait à Regina. Jamais encore personne n’avait à ce point été sur la même longueur d’onde avec elle.

-Je ne puis qu’approuver. Tout ce que vous dites est criant de vérité. Si d’aventure j’avais eu le malheur de prononcer ces paroles, on m’aurait probablement lynchée sur place.

Mais il avait raison. La haine et la vengeance avaient été ses moteurs, et elle avait maudit tout un royaume, les emmenant dans un monde sans magie pour se délecter de leur absence de souvenir.
Ils arrivèrent au bar lounge et Regina entra la première tandis que son interlocuteur lui avait galamment ouvert la porte.

-Merci, le gratifia-t-elle en pénétrant dans l’établissement.

Regina observa les lieux, assez sombres, mais elle avait l’habitude des endroits sombres. N’avait-elle pas un sous-sol secret sous son caveau familial au cimetière ? Son château dans le monde des contes ne s’appelait-il pas le « château sombre » ? Après avoir salué d’un hochement de tête le personnel, non habitué à la voir ici, madame le maire alla s’installer, et James prit place en face d’elle. La serveuse leur donna les cartes et les noms des boissons étaient assez… surprenants. L’ancienne méchante reine ne se laissa cependant pas démonter et décida de prendre la même chose que son interlocuteur.

-Deux, s’il vous plait.

Elle rendit sa carte à la serveuse et reporta son attention sur James qui alors s’enquit de savoir un peu le pourquoi du comment.

-En fait, le Sort Noir a emporté les habitants de mon royaume, la Forêt Enchantée. Donc si vous avez été emporté aussi, c’est que vous y étiez au moment où j’ai lancé le sort. Qui je suis ? Eh bien la reine de ce royaume. Celle que l’on surnommait « la méchante reine ». Et vous ?

Elle eut un petit rire sarcastique en l’entendant dire qu’il lui en voulait quand même un peu.

-Alors vous n’étiez pas humain ? Quel genre de créature étiez-vous ? demanda-t-elle avec curiosité.

Avant qu’il ne puisse répondre, leurs consommations arrivèrent. Regina attrapa son verre en même temps que James et le leva en face de lui pour trinquer, souriant à son toast.

-Vous êtes un sage !

A son tour, elle trempa ses lèvres dans le breuvage au gout surprenant et qu’elle trouva délicieux. Elle avait bien fait de suivre l’avis de James. L’idée de la touillette en forme d’épée lui plaisait bien.

-Ce qui m’a poussée à lancer cette malédiction ? Eh bien une soif de vengeance inextinguible.

C’était assez douloureux d’en parler, d’autant que finalement après vingt-huit ans, sa vengeance s’était avérée être un échec.

-Blanche-Neige, ici Mary-Margaret, est la cause… la source de tout. Alors qu’elle était enfant, je lui ai sauvé la vie. Son père, le roi Léopold alors veuf, décida de m’épouser. Tout ceci avait été orchestré par mon arriviste de mère. Pourtant, elle avait épousé un prince, cela ne suffisait-il pas ? De mon côté, j’étais jeune et éprise d’un autre homme, mon palefrenier Daniel. La princesse Blanche nous avait surpris dans les écuries, je lui avais alors fait promettre de n’en parler à personne. Elle avait l’air d’avoir compris que je ne voulais ni ne pouvais devenir sa belle-mère puisque mon cœur appartenait à Daniel. Mais je ne sais comment ni pourquoi, elle alla tout dire à ma mère qui tua Daniel sous mes yeux, me forçant ainsi à épouser le père de Blanche. Mon cœur s’est peu à peu noirci et le Ténébreux m’a appris la magie, moi qui ne voulais pas devenir comme ma mère, qui était une puissante et redoutée sorcière. Rumplestiltskin m’a manipulée pour que je lance plus tard ce sort, me faisant comprendre que c’était la vengeance parfaite.

Elle se tut quelques secondes pour reprendre une gorgée de « tête coupée ».

-Ce qui m’a poussée à faire ça ? La haine envers une petite peste qui m’a tout pris et que, malgré toutes mes tentatives, je n’ai jamais pu tuer.

Regina plongea son regard dans celui de James pour essayer d’en sonder l’avis.

-Déçu ?