La forêt enchantée était un territoire connu. J'y étais passé lorsque j'avais poursuivi Maléfique, ma mère adoptive afin de savoir où cette dernière allait se cacher lorsqu'elle quittait Beurk. Son château se trouvait dans cette immense terre recouverte par des arbres à perte de vue, un réel terrain de chasse. J'avais d'ailleurs adoré me livrer à des traques sur différents bétails qui habitaient entre ses arbres comme des cerfs ou des blaireaux. Ce fut assez proche de la forteresse de la dragonne que nous atterrîmes avec Harold, à la recherche d’aventures. Ayant fait le tour de Beurk depuis longtemps, nous avions pensé prendre un de distance pour rejoindre une autre contrée qui nous apporterait une nouvelle expérience, et peut-être des nouveaux alliés ? Et ça serait peut-être l’occasion de renouer contact avec celle qui nous avait aidé pendant que ce maudit sort rejouait la même journée chaque jour…

Mon petit bipède s’occupait du feu alors que j’allais chercher de quoi manger. La mission était simple : ramener quelque chose de comestible. Il m’avait alors mis ma selle pour que je puisse y ranger des choses sans les perdre et je partis dans la forêt à la chasse. Rapidement j’avais déniché un joli coin à champignons juste en dessous d’un grand chêne où la terre était bien humide. Après en avoir ramassé une bonne trentaine avec la gueule, je fus interrompu par un bruit que je connaissais bien : celui d’un gibier. Je relevais alors le museau pour voir un joli petit lièvre au loin qui tentait de s’échapper. Pas contre un peu de défi, je me mis à la poursuite de ce lapin qui me narguait un peu trop à mon goût.

La chasse fut difficile car ce maudit mammifère était agile et rapide. Sa taille lui permettait de sauter là où je ne pouvais pas aller mais après de longues minutes, j’arrivais enfin à l’attraper dans ma gueule et à le tuer net. Mon but n’était pas de faire souffrir l’animal mais bien de revenir au plus vite vers Harold qui devait toujours être en train de chercher des brindilles ou des branches pour le feu. Content de moi, je retournais tranquillement vers le campement que nous avions établi, le gibier dans une poche de la selle, les champignons dans une autre. Alors que je revins sur le chemin balisé, j’entendis des pas d’humains, je me retournais alors pour faire face à un étrange bipède habillé d’une manière presque ridicule. Je me mis tout de suite sur mes gardes, prêt à bondir ou à cracher mon feu au moindre signe d’agressivité. Mes habitudes à Beurk dans le monde des Hommes et la présence d’Harold n’avait en aucun point fait baisser ma crainte de cette race.

On n’est pas une bonne reine sans savoir ce qui se passe dans son royaume. Regina avait eu vent de l’arrivée dans la Forêt Enchantée d’un immense dragon. Après s’être renseignée auprès de conseillers connaisseurs en la matière, il s’avéra que le-dit lézard volant appartenait à une race extrêmement rare et au feu très puissant : le Furie Nocturne. Immédiatement, la méchante reine reconnut là une opportunité de pouvoir enfin anéantir son ennemie jurée. Du feu de dragon, et qui plus est le feu de l’un des specimen de dragons les plus rares et les plus dangereux, voilà précisément ce qu’il lui fallait. Bien heureuse de cette incursion non désirée de la bestiole dans son royaume, la belle brune se décida à le localiser pour lui soustraire une flamme. Son miroir magique l’aida à repérer la position du dragon, et immédiatement, la reine se téléporta sur place. Elle le vit, au bout du chemin, devant elle. Il était impressionnant, mais le sourire affiché par l’humaine traduisait sa joie d’avoir sous la main un potentiel remède à son mal : la survie de la princesse fugitive.

L’animal, ayant sans doute senti sa présence, se retourna. De face, il n’était pas impressionnant. Sa tête faisait penser à celle d’un gros chaton. Regina prit le soin d’établir autour de sa personne un champ protecteur contre le feu, des fois que le stupide animal n’ait l’idée de vouloir la faire frire. On ne savait jamais ce qui pouvait se passer dans leur crâne vide.

-Tout doux, le lézard, commença-t-elle en s’approchant prudemment malgré tout.

Elle le détailla de la tête à la queue, ne pouvant s’empêcher de penser que sa peau écailleuse constituerait une tenue et des accessoires des plus seyants. Mais elle n’était pas là pour ça. Ce qu’il lui fallait prioritairement, c’était une flamme. Aussitôt qu’il ouvrirait la gueule, elle ferait apparaître un bocal magique à l’échelle de ladite flamme et l’enfermerait à l’intérieur pour pouvoir s’en resservir à sa guise.

-Je ne te veux aucun mal, bien que tout intrus se devrait d’être châtié pour avoir pénétré mon royaume sans permission. Mais c’est ton jour de chance, aujourd’hui. Tout ce que je te demanderai, c’est ta coopération. Donne-moi une flamme.

Elle le regarda d’un air impérieux, se demandant elle-même pourquoi elle s’abaissait à parler à un animal aussi primitif. Mais au moins, personne ne pourrait dire qu’il n’avait pas été prévenu.

-Allez, sale bête, obéis avant que je ne perde patience !

Les humains ne m'inspiraient pas confiance, loin de là ! Il y avait certaines exceptions mais elles pouvaient se compter sur les griffes d'une patte. Alors quand ce gibier à l'allure bien trop sûr se mit à s'approcher, je me mis à claquer des dents et gonflais le reste de mon corps pour prendre l'air plus menaçant. Dans les lois de la nature, cela fonctionnait généralement, mais l'Homme ne semblait pas suivre ces règles. Encore une autre débile qui nous prenait pour des simples lézards... Son regard sur moi était rempli d'émotions contraires mais j'étais loin d'imaginer qu'elle pensait à la qualité de ma peau pour en faire un cuir et le porter. J'y lisais une certaine fascination ainsi que de la peur et de la volonté. Le genre d’œillade qui n'était pas vraiment fait pour vos charmer, mais plutôt pour vous piéger. Son allure me faisait clairement sentir en position de faiblesse alors que pourtant ce n'était pas le cas.

A sa demande, je roulais des yeux avant de prendre une expression déçue. Une flamme ? Qu'est-ce qu'elle pourrait bien en tirer ? Et qu'est-ce que j'y gagnais ? Je la regardais alors intrigué par sa demande, la jaugeant du regard très lentement, de façon à presque la rendre mal à l'aise et cela avait dû fonctionner car son ton changea, tout comme ses yeux qui devinrent tout de suite plus agressifs. Je lui montrai alors mes crocs, n'ayant pas peur de l'affronter. Cette demi-portion n'allait pas pouvoir me faire bien mal... Et qui était-elle pour ordonner quelque chose à un dragon. Celui qui allait pouvoir me subordonner n'était pas né de la dernière plus...

Je me mis à m'approcher d'elle pour lui montrer que ce n'était pas moi qui allait fuir, tout en restant sur mes gardes. J'avais bien vu ce dont quoi Cora était capable avec sa magie et au vu de la façon dont elle est apparue, je me doutais bien qu'elle devait la manier : il m'était impossible de ne pas repérer un aussi mauvais parfum à des kilomètres à la ronde... Je lui grognais alors dans mon langage de se faire voir et qu'elle pouvait aller frotter deux bouts de bois toute seule pour trouver son feu.

Voilà pourquoi la reine détestait les animaux de compagnie, outre bien sûr les chevaux qui, pour elle, étaient des créatures à part, un peu comme les licornes. Mais les autres… tous des êtres plus vils et stupides les uns que les autres. Il n’y avait qu’à voir ce stupide lézard joufflu. Il ne comprenait rien. C’était pourtant simple, non ? Elle voulait une flamme ! Elle était reine de ce royaume, il avait fait irruption dessus sans permission, alors, il fallait qu’il coopère !

- Vas-tu obéir, immonde vermine ? Donne-moi une flamme !

Sans attendre, elle retourna sa main et fit apparaître une boule de feu.

- Comme ça, tu vois, c’est simple. A toi maintenant !

Mais au lieu d’obéir, l’animal s’approcha, essaya de se montrer menaçant en se gonflant, avant de finalement montrer les crocs. Regina n’était pas assez bête pour ne pas sentir le danger, mais elle était capable de téléportation. Elle fronça les sourcils.

- Tu oses me menacer ? Sais-tu seulement qui je suis ? Je suis la reine de ce pays, alors montre-toi un peu plus respectueux et OBEIS !

Elle fit apparaître le bocal magique.

- Crache ton feu dans ce bocal, cela ne te coûtera rien et ça m’évitera de te dépecer vivant.

C’est que le lézard géant ne semblait pas vouloir coopérer. Il s’approchait un peu trop au goût de la méchante reine qui n’était pas imprudente au point de laisser faire. De sa main libre, elle lui balança un éclair dans le but de le faire dégager à quelques mètre de là.

- Obéis et il ne te sera fait aucun mal ! Répéta-t-elle.

Elle commençait à croire qu’il ne comprenait rien. Avait-il seulement une cervelle dans cette ridicule boîte crânienne ? La belle brune commençait à en douter. Si seulement elle avait un sort pour lui donner le don de la parole, ne serait-ce que momentanément. Elle se demanda si elle pourrait faire cracher du feu à une carcasse de dragon mort. Sans doute que non, il le lui fallait vivant. Elle soupira de désespoir face à ce constat.

- Tu mets ma patience à rude épreuve, toi ! Je commence à en avoir assez !

Faisant fi de toute précaution, elle avança d’un pas décidé vers lui, s’entourant au préalable d’un champs de protection anti-feu afin de préserver sa personne ds flammes de dragon. Le bocal, lui, n’était pas protégé et la flamme pourrait s’y loger si la bestiole se décidait à cracher.

Ah les dragons ! Ces créatures étaient vraiment aussi bêtes que leurs écailles ! Regina avait toujours eu un peu de préjugés sur ces bestioles, ne comprenant pas pourquoi une sorcière aussi avisée que Maléfique avait choisi de se transformer en cette immonde bestiole, mais en tout cas, ce qu’elle pensait se confirmait face à cet immense lézard noir. Il ne comprenait rien, n’obéissait pas et avait même l’air arrogant. La méchante reine n’était pas réputée pour sa patience, d’autant plus que cela faisait maintenant des années qu’elle essayait de se venger de la princesse Blanche-Neige, sans y parvenir. Incapable de la tuer directement à cause d’un fichu sort, il lui fallait une méthode différente, vu que même un chasseur réputé n’avait pas le cran de s’en prendre à cette pimbêche. L’arrivée du dragon dans son royaume lui avait paru être une aubaine. Mais en voyant à quel point il était difficile de le raisonner, elle révisait son jugement.

A court de patience, la reine de la Forêt Enchantée s’approcha d’un pas assuré après s’être préalablement protégée du feu, bocal magique en main pour capturer la flamme qui pourrait sortir de la gueule de cet idiot de dragon. Celui-ci l’observait sans rien fait alors qu’elle lui ordonnait depuis bien trop longtemps de cracher son feu. Un éclair envoyé en pleine tête, qu’il avait esquivé, n’avait fait que le faire grogner. Énervée, la méchante reine avança plus près, prête en découdre. C’était sans compter le prolongement de colonne vertébrale de l’animal qui la heurta de plein fouet, la faisant valdinguer contre un arbre, et lâcher au passage le bocal magique qui se brisa au sol.
La tête lui tourna quelques secondes avant qu’elle ne reprenne ses esprits, usa de sa magie pour soigner ses quelques plaies. Un regard noir de colère se posa sur le dragon qui lui tournait alors le dos puisqu’il reprenait nonchalamment sa marche. Folle de rage, elle lui envoya de toutes ses forces un coup magique invisible pour qu’à son tour il se retrouve à embrasser passionnément le tronc d’un chêne colossal.

- Impertinent ! Pour qui te prends-tu à me traiter de la sorte ?!

Elle s’était relevée et avait, par magie, réuni les débris pour qu’ils reforment le bocal de verre. Regina espérait que sa fonction ait pu être préservée, elle avait mis un certain temps à regrouper les ingrédients pour assurer la préservation du verre au feu d’un dragon, et elle n’aurait jamais le temps de recommencer avant que l’imprévisible animal ne décide peut-être de partir dans une autre contrée.

Le genre humain était de loin celui qui inspirait le moins confiance à Krokmou qui avait appris comment ces derniers avaient essayé d’éteindre son espèce. Le dragon se retrouvait alors seul représentant connu de sa race sur Terre, à errer avec un petit homme pour seul compagnon. Ce petit amuse-bouche commençait vraiment à l’énerver. Sa voix aigüe lui cassait littéralement les tympans alors qu’elle criait comme si elle parlait à un sourd afin d’essayer de se faire respecter : mauvaise idée. Le Furie-Nocturne a tenté malgré tout de se montrer agressif, mais aucun de ses petits tours n’avaient marché. Exaspéré, il se disait que la seule façon qu’il avait de faire était d’étourdir cette peste à l’ego un peu trop développé et de partir retrouver Harold pour lui ramener les champignons et petits lapins qu’il avait trouvé. Il était hors de question qu’il s’aventure à essayer de la manger, au vu de comment la bestiole était nerveuse, sa viande devait être tout sauf agréable à déguster, en plus d’être habillée d’apparts qui n’avaient pas l’air d’être très digeste…

La sorcière commit l’erreur qu’il ne fallait pas faire, à savoir tenter d’approcher le dragon à la couleur ébène. Exaspéré par l’attitude de la « reine des lieux », il ne se fit pas recommander et l’envoya valdinguer contre un tronc d’arbre d’un coup de queue bien placé. Content de son geste, le dragon attendit d’entendre le fracassement contre l’écorce avant de se retourner pour reprendre son chemin calmement, comme si rien ne s’était passé. Krokmou ne s’attendait cependant pas à ce que l’amuse-gueule nerveux se redresse aussi vite et profite de son inattention pour l’envoyer embrasser un conifère à son tour. Accusant le coup comme il le pouvait, le dragon tomba et se redressa sur ses quatre pattes avant de secouer la tête pour reprendre ses esprits. Elle allait voir ce qui allait se passer celle-là !

Ni une, ni deux, le Furie-Nocturne prit son envole et atterri de tout son poids à moins de deux mètres de la sorcière, faisant trembler le sol sous son poids. Il n’attendit pas et rugit comme jamais dans sa direction, laissant une haleine putride sortir de sa bouche : un doux parfum de poisson en pleine digestion. Son adversaire pouvait voir la rangée de dents acérées dont était équipée sa mâchoire alors que sa coupe parfaite subissait le rugissement et qu’un long filet de bave vienne épouser parfaitement les courbes de son visage.

Regina était furieuse. Elle avait pensé que la tâche serait aisée, mais force était de constater qu’un animal aussi stupide ne pouvait aisément comprendre ce qu’on lui demandait, aussi simple l’action fut-elle. La reine avait essayé de lui demander gentiment, puis en le menaçant, et rien n’y faisait. L’animal s’était contenté de l’ignorer ou de la menacer à son tour.

- Tous les dragons sont-ils aussi aussi peu coopératifs, ou bien est-ce mon jour de chance, stupide créature des Enfers ?!

A court de patience, la reine avait encore insisté et s’était reçu un coup de queue à écaille en pleine poire, l’envoyant à quelques mètres contre un arbre. Œil pour œil, dent pour dent, la loi du talion était son leitmotiv et Regina jeta avec violence grâce à sa magie le dragon contre un épais tronc pour qu’à son tour il goûte à l’écorce. Là, elle en avait oublié momentanément ses intentions et même la prudence, uniquement guidée par la colère. C’était souvent le cas, la méchante reine était une femme impulsive et ne supportait pas qu’on lui refuse ce qu’elle exigeait. Folle de rage, elle vit le lézard géant prendre son envol pour venir dans sa direction. Il aurait été mentir que de dire que la reine n’avait pas éprouvé une légère appréhension à voir le terrible animal se poser avec lourdeur non loin d’elle, provoquant un bref tremblement de terre qui la déséquilibra quelque peu. Elle avait remis le sort de protection autour d’elle au cas où ses déflagrations se dirigent vers elle, mais ne s’attendit absolument pas à ce qui suivit : un rugissement aussi assourdissant que nauséabond accompagné d’une bave putride qui vint éclabousser son si parfait visage. Grimaçant d’horreur, la reine essuya son visage du dos de ses mains.

- C’est est trop ! Grogna-t-elle. Je te retrouverai, immonde animal. Quitte mon royaume sur le champ ! Cria-t-elle avant de disparaître dans un épais nuage de fumée violette.

Elle réapparut dans ses appartement, folle de rage d’avoir échoué et jeta avec une puissance colérique le vase en verre magique contre le mur de sa chambre avant de se débarbouiller en passant ses mains magique devant elle. Un échec cuisant que cette rencontre avec le furie nocturne. Il lui faudrait donc trouver une autre solution pour tuer sa traîtresse et menteuse de belle-fille. Elle décida d’aller passer sa colère sur quelques villageois, et demanda par conséquent que l’on atèle son carrosse. Il fallait savoir soigner son entrée.