Une rencontre fortuite

Juliette demeurait modeste, ignorant tout de la manière dont elle pourrait bien m’aider. Personnellement, j’avais déjà une idée bien précise de son rôle à mes côtés. J’étais très heureux qu’elle puisse accepter mon offre. Mon magasin connaissait déjà un grand succès. Même s’il n’était ouvert que depuis quelques mois, je ployais très vite sous le poids de la demande. Il m’était devenu impossible d’œuvrer seul à la réalisation de mes jouets. Mais plus que le travail, c’était la frustration immense que je ressentais par rapport à mes réalisations. Il m’arrivait parfois de ne pas saisir correctement les attitudes des animaux que je créais. Pour moi, qui était un grand perfectionniste, cette situation était intolérable ! Il fallait que je trouve vite une manière de remédier à ce problème. Juliette semblait être véritablement un cadeau tomber du ciel ! Sa compréhension des animaux me serait sans doute très utile. L’espace d’un instant, dans un soudain déclic, je me demandais si la jeune femme était capable de ressentir mes propres émotions. Après tout, derrière mon enveloppe humaine, j’étais resté le même manchot que j’étais en sortant de mon œuf. Mes émotions étaient-elles palpables pour la jeune femme ?

Elle me parla alors des difficultés qu’elle rencontrait dans sa vie. Juliette était une femme mariée qui faisait tout pour retrouver le mari qu’elle avait perdu. Sentant alors le froid d’une bourrasque de vent traverser tout mon corps, je compris que le phénomène provenait de la jeune femme. Elle confirmait alors mes soupçons. La demoiselle possédait bien des dons magiques. Je ne m’arrêtais cependant pas sur cette constatation. Devant la détresse de la jeune femme, il aurait été très impoli de ma part de lui faire part de ce genre de réflexion. Je compatissais à la douleur de la jeune femme. Devoir être séparé de la personne que l’on aime le plus au monde et ne pas savoir si l’on serait à nouveau réuni un jour devait être une douleur de chaque instant ! Repensant au prénom de la jeune femme, je me remémorais une histoire contée par le plus grand écrivain britannique William Shakespeare qui parlait de l’histoire tragique de deux amants maudits dans la ville de Vérone. Juliette était-elle donc la Juliette Capulet de cette histoire. Rechercherait-elle son Roméo Montaigu au travers des mondes ? Chassant ses idées de ma tête, j’adressais quelques paroles compatissantes à mon interlocutrice.

- Je suis vraiment navré de l’apprendre. Votre peine doit être immense… Cela dit, je suis très heureux de savoir que ma proposition vous intéresse. Je serais plus que ravi de vous avoir à mes côtés dans mon travail. Je tâcherais de tout faire pour vous aider à vous changer les idées. Votre savoir sur les émotions animale me permettra sans nul doute d’améliorer les attitudes de mes créations.

Tout en marchant à ses côtés, je regardais attendri le comportement de mon brave Cookie face à cette situation. A défaut de pouvoir imiter à la perfection l’attitude d’un véritable canidé, il n’en demeurait pas moins adorable avec cette petite moue qu’il adoptait pour attirer l’attention de tous les passants. Juliette n’en semblait d’ailleurs pas y être insensible. Au contraire, elle ne tarda pas à me poser de nouvelles questions sur mon fidèle compagnon à quatre pattes. Je gardais cependant le silence sur la question qu’elle me posait. Sachant qu’elle était une amie des bêtes, je m’imaginais mal déclarer ouvertement que Cookie était recouvert d’une fourrure réelle de renard que je m’étais procuré par des vendeurs extérieurs de la ville de Storybrooke. C’est pourquoi je fus soulagée lorsqu’elle se rattrapa elle-même sur cette dernière question.  

- Non ce n’est rien. J’apprécie votre enthousiasme. En revanche, il est certains secrets que j’aimerais mieux garder pour moi ! Disons que je ne suis pas responsable de la qualité de son pelage. Il a été traité par d’autres bien avant que je reçoive la marchandise. Cependant je suis d’accord avec vous, cette fourrure est d’une qualité exceptionnelle.

Détournant son attention de Cookie, ses nouvelles questions me furent adressées personnellement. Elle s’interrogeait sur les origines de mes connaissances scientifiques et sur le monde d’où je venais. La question qui me dérangeait bien plus cependant, fut celle qu’elle m’adressa sur la personne que j’avais pu être. Un sourire triste apparut sur mes lèvres tandis que les souvenirs du docteur Jekyll et plus encore de Mister Hyde se réveillèrent dans mon esprit. Si Juliette consentait à me prêter main forte en tant que Marvin Kandinski, il aurait été impensable qu’elle en face de même avec le Docteur Jekyll. L’image de l’homme remarquable qu’elle se faisait de moi s’effriterait bien vite.

- En réalité, il existe une terre éloignée des autres qui s’est développé autour de la science… ce monde étant privé de magie. Le territoire s’appelait les terres modernes et j’y ai vécu la moitié de ma vie. En revanche, je vous avoue que je préfèrerais taire mon identité… je n’emporte pas que des bons souvenirs derrière moi et je préférais éviter de vous en parler de crainte de vous faire fuir ! J’espère que vous m’excuserez cette indélicatesse de ma part !

Espérant vivement que Juliette ne se montrerait pas insistante, je pris la liberté de m’interroger moi-même sur les origines de la demoiselle. Après tout, c’était bien naturel. Ne venais-je pas de me livrer à elle, même d’une manière très pudique ?

- Si vous me permettez une question. D’où venez-vous précisément ? Comment se fait-il que vous n'ayez pas été touchée par la malédiction ?

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Une rencontre fortuite

Nous marchions alors côte à côte, parlant de mon brave compagnon qui nous précédait toujours de quelques pas. Très curieux, il avançait en reniflant et découvrant de si de là les merveilles que la ville pouvait receler. Il revenait parfois vers nous, faisant le beau devant Juliette pour l’impressionner ou pour recevoir des carasses. Un vrai petit cabotin ! C’était comme cela que je l’avais voulu. Un chien affectueux et protecteur qui aimait par-dessus tout la compagnie des autres. C’était des traits de caractères typiques de sa race. Les Golden retriever étaient des bêtes patientes et intelligents qui accompagnaient très souvent des personnes handicapées dans leur vie quotidienne. De vrais petits miracles ! C’est pour cette raison que j’avais choisis cette race pour mon chien. Je tenais à ce que Cookie leur ressemble. Qu’il soit le témoin de l’amour et de la protection que les amis imaginaires pouvaient donner à leurs jeunes maîtres ! Je souris en le voyant s’amuser avec Juliette. Je pensais instinctivement qu’il m’avait consciemment conduite vers elle. Peut-être avait-il deviné que Juliette ferait une parfaite assistante ! La curiosité qu’elle témoignait à l’égard de mon travail me confortait dans cette idée. J’avais vraiment hâte de me mettre au travail et de lui enseigner toutes les ficelles du métier. J’étais persuadé qu’elle apprendrait tout très rapidement.

Nous partagions alors nos expériences personnelles. Fort heureusement, Juliette était une personne très respectueuse. Elle ne m’interrogea pas sur mon passé. Cela me rassurait grandement, tant je craignais de devoir me livrer sur les expériences malheureuses que j’avais mené dans ma vie. Je ne désirais pas non plus parler des cadavres planqués dans mes placards depuis des siècles ! C’était pour cette raison que j’étais si heureux que la malédiction nous touche. Ici, à Storybrooke, je pouvais me contenter d’être Marvin Kandinski, un fabriquant de jouet qui vivait de son art comme il le pouvait et faisait tout pour rendre les gens heureux !  Je me contentais dès lors de sourire avec gratitude. Un jour peut-être je me confierais à elle… peut-être une fois lorsqu’une véritable confiance se sera installée entre nous ! J’étais une personne très méfiante et il fallait obtenir mon amitié avant que j’ose me lancer dans de telles confidences.

D’une oreille attentive, j’écoutais les propos de la jeune femme. Wonderland, j’avais déjà entendu parler de ce royaume dans les livres de contes. Je n’avais en revanche jamais eu le plaisir de le visiter. Mais si Juliette était véritablement reine, que faisait-elle parmi nous ? Comment se faisait-il qu’elle soit si loin de chez elle ? Je ne m’arrêtais pas sur ce sujet, craignant plus que tout de lui paraître inconvenant. Je souris néanmoins au souvenir que j’avais du livre que j’avais découvert à la bibliothèque municipale et que Belle m’avait un jour montré.

- Wonderland dites-vous ? J’avais déjà entendu parler de ce territoire dans les livres de contes… est-ce vraiment aussi magiques et féérique que cela est décrit dans les livres ? Est-ce qu’on y trouve vraiment des animaux et des créatures étonnantes ? Pardonnez-moi je vous inonde de questions gênantes ! Je pense que vous avez eu une chance incroyable de pouvoir ainsi voyager. J’ai toujours rêvé de le faire. Malheureusement, cela ne s’est pas concrétisé et je le regrette parfois. Est-ce à cause de votre couronnement que vous avez choisis de demeurer dans ce pays ou est-ce pour une toute autre raison ?  

Soudain, je me rendis compte que mes questions avaient été trop loin. J’en rougis de honte tout en me mordant la lèvre. Mais pourquoi avais-je dû être aussi curieux ?

- Pardonnez-moi Juliette, je ne voulais pas vous offenser. C’était très maladroit de ma part ! Vous êtes tout aussi libre que moi de conserver votre jardin secret !

Je bafouillais légèrement, regrettant de m’être montré aussi déplacé ! Je me concentrais donc sur le prochain sujet de notre conversation. La malédiction de Régina et les raisons pour lesquels nous nous trouvions dans cette ville aujourd’hui. Juliette m’interrogea et je répondis en haussant les bras.

- Pour être très honnête, je l’ignore totalement ! Je n’étais pas présent dans la forêt enchantée à ce moment-là ! Quelque part je me dis que j’étais prédestiné à venir ici ! Régina avait besoin de mes services et je…

Je me tus l’espace d’un instant, pensant que j’avais été trop loin dans mes propos. Juliette ne devait pas savoir que j’étais Jekyll & Hyde ! Comment pourrait-elle comprendre ? Si elle connaissait mon histoire, si elle avait rencontré Hyde auparavant… peut-être me regarderait-elle différemment ! Je voulais à tout prix éviter qu’une catastrophe comme celle-ci arrive.

- Mais qui peut vraiment comprendre comment la malédiction a fonctionné ? Est-ce que tous les personnages touchés étaient réellement des cibles potentielles ou ont-elle tout simplement manqué de chance ? Personne n’aura jamais la réponse à cette question… J’espère simplement que vous pourrez bientôt être réunis votre époux et vous-même.

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Avec une certaine rêverie, j’écoutais Juliette me parler de son royaume. Cette terre telle que je l’avais découverte au travers des romans de Lewis Carroll existait donc bel et bien ? Cela devait être véritablement merveilleux de pouvoir évoluer dans un tel environnement. J’avais passé toute ma vie sur des terres bien banales et sobres en comparaison de la sienne. Des prédominances de blanc et de noirs, une faune pas si différente de celle que l’on pouvait retrouver dans cette ville et dans le monde extérieur. Rien qui pouvait en somme aiguisé ma curiosité scientifique et mon attrait à la nature, somme toute naturelle pour un manchot. Mon interlocutrice en parlait avec une joie certaine dans la voix et son bonheur était très communicatif. Je ne pouvais m’empêcher de sourire à chaque détail qu’elle se plaisait à ajouter dans son histoire.

- Cela doit être tellement merveilleux de voir toutes ces choses… je rêverais de pouvoir visiter un jour votre royaume !

Le sujet dériva alors sur Cora. Juliette semblait nourrir une haine farouche à son encontre. J’avais déjà entendu parler de la reine de cœur. Ce n’était pas si surprenant que cela, après tout Régina et moi étions amis depuis quelques temps. Notre relation ayant pris une tournure plus sincère et plus vraie, elle n’avait pas manqué de me parler de sa mère et des horribles tourments qu’elle lui avait causé durant toute son enfance et son adolescence. Si la demoiselle se tenant à ses côtés avait eu affaire à elle, le souvenir ne devait véritablement pas être très plaisant. Je ne tenais cependant pas à l’interroger à ce propos ! Elle était libre de garder le secret et de se confier plus franchement à moi lorsqu’elle le déciderait. Pour l’heure, je l’écoutais religieusement parler de son royaume et cette couronne qui lui avait été imposée.

- Il est rare que nos vies nous mènent là où nous souhaitions aller au départ… Tant de surprises peuvent nous arriver au cours de nos existences ! Je suis tout de fois ravi de savoir que cette dernière n’ait pas été trop mauvaise pour vous. Toutes ces nouvelles responsabilités ont dû être un énorme choc pour vous !

Je songeais alors tristement à ma propre histoire ! Lorsque j’étais enfermé dans ce laboratoire en tant que poussin, je ne me serais jamais imaginé finir ma carrière dans l’armée. J’étais devenu le second du manchot le plus courageux que j’aie un jour rencontré, me retrouvant confrontés à de grandes responsabilités et à des décisions importantes à prendre tous les jours. J’avais néanmoins accepté ce destin, certes plus enviable que de finir mes jours comme cobaye de laboratoire. Quel dommage que ma folie nous ait menés au bord de la ruine, nous plongeant dans un cauchemar où mon ingratitude m’avait poussé à tuer mes amis les plus chers. Je chassais très rapidement ses idées de mon esprit et me concentrait sur Régina qui faisait à présent l’objet de nos attentions. La reine semblait vouloir lui pardonner ce qu’elle avait fait subir à toutes les personnes maudites et accepter son désir de rédemption. De mon côté, je me sentais un peu perdu. J’ignorais s’il fallait que je croie aveuglément ou non Régina. J’avais été l’un de ses sbires, l’un de ses jouets. Elle s’était servi de moi et m’avais fait croie en une amitié qui finalement reposait sur des fondements si fragiles et mensongers ! J’adressais alors un sourire triste à Juliette.

- J’aimerais tant partager votre foi et votre certitude, Juliette. Régina et moi sommes… ou plutôt nous étions censés être les meilleurs amis du monde. En réalité, elle n’a fait qu’abuser de ma confiance ! J’ignore si je serais un jour capable de lui pardonner et de prêter foi à ses engagements. Sa trahison m’a fait tant de mal.

Je m’étais alors confié innocemment et sans aucune réserve. Après que Juliette ait répondu si sincèrement à mes questions, il était normal que je lui parle un peu de ma vie à mon tour ! J’avais tant besoin de réponses à mes interrogations. Etant une personne d’une loyauté sans faille, j’avais beaucoup de mal à accepter les tromperies. Devais-je prêter foi entre notre amitié ou au contraire, tout laisser tomber ? Juliette me sortit alors de mes pensées. Tout en discutant, nous nous étions très vite retrouver sur la grande place de Storybrooke. Pointant l’horloge de la bibliothèque, je lui répondis alors

- Mais parfaitement… regardez, voilà la bibliothèque ! Bon, est-ce que quelque chose vous paraît familier à partir de ce point. Une maison, un établissement… est-ce que les noms des quartiers vous dit quelque chose ?

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