L’adolescent était nerveux. Enfin, il ressentait plus un mélange d’excitation, d’appréhension et de peur. Il ne savait pas du tout si c’était un bon mélange ou non. Le brun faisait les cent-pas dans l’appartement qu’il partageait avec CJ, n’arrivant pas du tout à rester calme. Quelques jours après sa rencontre avec Roni, le jeune adolescent avait enfin pris son courage à deux mains et avait envoyé un message au numéro qu’elle lui avait donné, celui du mystérieux Bobby. Honnêtement, le gamin pensait que c’était une perte de temps. Cependant au fond, il y avait cette petite étincelle d’espoir qui lui soufflait que tout irait bien. Que l’homme pourrait peut-être l’aider. Et de l’aide, ils -ceux qui se souvenaient encore de leur vie passée- en avaient grand besoin. Ils étaient coincés.

A sa surprise, il n’avait pas eu à attendre la réponse de Bobby longtemps. Il avait donné rendez-vous dans un parc, près du bar de Roni, cet après-midi même. Alors il attendait, impatient que les minutes défilent. Le gamin avait pourtant des choses à faire. La vaisselle par exemple. Ce matin, il avait promis à sa sœur qu’il la ferait avant qu’elle ne rentre ce soir. Il lui restait une quinzaine de minutes avant d’y aller et il ne l’avait pas commencée. Il y avait ce livre aussi, qui trainait sur la table. Un bon passe temps, mais l’idée de se poser ne lui donnait pas envie.

Henry n’avait pas du tout réfléchi à ce qu’il dirait au policier. Venir mal préparé ne lui semblait pas être une bonne idée. Cependant, il ne voulait pas lui mentir non plus. Il détestait les mensonges. Il ne voulait pas recourir à ce moyen pour arriver à ses fins. Mais il n’avait probablement pas le choix. Henry avait besoin d’aide.

Il finit par entrer dans la cuisine et se diriger droit vers le frigo. Là, il marqua un message, sur l’ardoise aimantée sur le réfrigérateur, destinée à sa colocataire favorite : “Je ferai la vaisselle après manger”. Juste au cas où la jeune fille rentrerait avant lui. Il en doutait. CJ travaillait toujours jusqu’à tard dans la nuit. Mais aujourd’hui, il n’avait malheureusement plus ses horaires en tête.

Enfin, manteau sur les épaules, il sortit de l’appartement direction le Poisoned Apple Bar. C’était une des adresses qu’il connaissait par cœur. Juste en cas de besoin. Arrivé dans le quartier, il dépassa rapidement la rue du bar (non sans jeter un coup d’oeil) et se dirigea vers le parc indiqué par le policier. Là, ne sachant pas où aller, il s’assit sur l’un des bancs à l’entrée du jardin et envoya un message à Bobby, signalant qu’il était arrivé.

Je serrais les dents comme à chaque fois que la douleur m’étreignait. C’était moins souvent ces derniers temps. J’aurai pu m’en félicitait si cette putain de douleur avait choisi de mettre les voiles de façon définitive. Mais non, preuve que le karma est tenace, assez pour me faire payer mes petits écarts. Je continuais toutefois à me rendre à mes séances de rééducation ; de plus en plus espacées à la vue des progrès accomplis. D’ici trois semaines, quatre tout au plus, je pense que je serais enfin délivré de cette obligation à la con. Je rechignais donc à m’habiller pour me rendre à l’hôpital, mais la perspective de retrouver Roni me motivait à faire l’effort de ne pas trop maugréer et d’être un tantinet courtois.

J’achevais donc ma préparation. Enfiler une veste demeurait pénible et à nouveau je serrais les dents pour ne pas rendre la douleur trop audible. Une fois parée, je me saisis de mon portable, consultant à la va-vite toutes les notifications avant d’ouvrir une fenêtre de conversation avec Dean. Le gamin, je devais le reconnaître non sans difficulté, s’était montré patient et fortement sympathique à mon endroit ; assez pour que je m’aventure à dire que je l’apprécie. Je décidais donc de lui donner quelques nouvelles, histoire d’en avoir de mon côté. J’avais juste omis de lui dire que j’avais l’intention de planquer dans le parc près du bar de Roni. J’avais remarqué quelques allées et venues suspicieuses, assez pour que je prenne le temps de me poser et d’observer les lieux. Déformation professionnelle, ou juste l’envie de me rendre utile hors des murs du poste et de mon bureau devenu ma prison depuis que l’on m’avait rétrogradé — pour un temps — à la paperasse. D’ailleurs, le capitaine ne se privait pas pour me titiller et je résistais non sans mal, à l’envie de lui dire d’aller se faire mettre.

La matinée s’achevait tranquille à New York, autant que ma séance de rééducation. J’étais satisfait et convaincu d’avoir accompli un semblant de bonne action. Et alors que je m’apprêtais à regagner ma voiture, je sentis mon portable vibrer dans la poche de ma veste. Le numéro m’était inconnu, mais de toute évidence ce dénommé « Henry » avait eu mon numéro de Roni, ce qui en théorie, voulait dire que je ne m’exposais à aucun traquenard en acceptant de le rencontrer. Sans trop réfléchir, je lui proposais le parc près du bar. Je pourrais de ce fait, planquer sans me faire remarquer. J’achevais donc de répondre au SMS avant de reprendre la route.

Voilà que l’après-midi prenait ses quartiers. Les grosses artères étaient bondées ; la pause déjeuner approchant. Mais les parcs restaient calmes. Avançant d’un pas décidé et observant les lieux, j’entrepris un petit tour avant de sentir à nouveau mon portable vibrer dans la poche de ma veste. De toute évidence, mon interlocuteur en devenir était arrivé. Mais où et à quoi pouvait-il bien ressembler ?

« Où vous trouvez-vous ? » pianotais-je sur le clavier numérique avant d’envoyer ma demande, toujours le regard rivé sur les alentours.