Ou est ce que j'étais ? Je l'ignorais. Je m'étais réveillé dans cette forêt. Le soleil était haut dans le ciel donc la journée était déjà bien entamé. Après la surprise du réveil dans cet endroit que je ne connaissais pas, celle de mon corps humain fut la seconde. Les mains tremblantes, je regardais la peau humaine et sans poil. C'était comme si je retrouvais mes sens en tant que humain. J'étais tombé plusieurs fois, tentant de me redresser, trop faible pour le faire comme un nouveau né qui tentait de le faire.
Après plusieurs minutes, j'ai réussi à tenir debout et à marcher correctement après encore un moment. Heureusement, j'étais habillé d'une simple chemise et d'un pantalon à moitié déchiré sur les chevilles. Comme les habits que je portais avant ma transformation en ours. Je me sentais si faible. Mais je ne devais pas rester ici. Je devais quitter la forêt et trouver un refuge pour la nuit. J'ignorais quels animaux se trouvaient ici et pas question de m'attarder pour le découvrir.
Je continuais de marcher, voyant le soleil descendre. Donc on était en début d'après midi. La forêt comptait d'immenses pins et de séquoias. C'était plutôt assez rare donc étrange. A cette pensée, j'ai ris. Etrange n'était pas le mot à employer. Avec ma transformation en ours et mon retour à la vie, les choses ... étranges me définissaient même. Reprenant ma route dans cette forêt étrange, je pris conscience de ce qui m'entourait progressivement. La forêt semblait... magique. C'était le mot. Tout semblait être en vie, avoir une âme et une conscience.
Je ne sais pas combien de temps je marchais là, dans les bois, sur le tapis d'épines morte, pieds nus. Heureusement il faisait chaud mais plus le soleil descendait et plus je sentais la panique me gagner. Si je ne trouvais pas d'endroit sécurisé, j'allais passer la nuit dans cette foutue forêt. Grognant un peu plus, je repris une marche plus rapide.
Jusqu'à tomber sur l'orée de la forêt. Enfin ! Les arbres avaient cédés à une immense plaine. Je soufflais alors, soulagé d'être sorti de cette forêt oppressante. Les cheveux détaché, les vêtements déchirés, je ne devais pas être beau à voir. Je me posais contre un arbre un instant. Maintenant, il fallait trouver de l'aide et surtout, découvrir où je me situais.
C'est là que j'entendis les craquements des branches derrière moi et sentir ma peau se hérisser. Il y avat quelqu'un derrière moi. Vivement je me retournais....
Merida commençait à étouffer dans la foule vivant dans le château de Regina. Elle n'avait pas l'habitude de voir aussi souvent et aussi longtemps autant de personnes. Elle en avait marre de toutes ces mondanités qui n’avaient jamais été sa tasse de thé. Un matin, alors que le soleil se levait à peine, la reine de DunBroch se leva et se prépara en faisant le moins de bruit possible. Elle attrapa son arc et son carquois et se dirigea vers la porte de la chambre qu’elle occupait depuis leur retour au Palais Sombre.
Ce fut à l’instant où elle posa sa main sur la poignée de la porte qu’elle pensa à la blonde qui faisait battre son cœur et qui allait peut-être s'inquiéter de ne pas la croiser dans les couloirs comme chaque jour. Car oui, Merida faisait exprès de se balader dans tous les coins et les recoins du château dans l'infime espoir de croiser la reine d’Arendelle. Comme cette dernière savait où logeait la rouquine, elle prit le parti de laisser un petit mot, au cas où...
“Elsa, Je suis partie me balader dans la forêt. Pas d’inquiétude à avoir, j’ai pris mon arc et mes flèches. Je serai prudente, promis. Je reviens dans la soirée. Je t’embrasse, Merida.”
Elle se lut et se relut encore et encore. Elle finit par raturer sa dernière phrase et marqua à la place “Affectueusement, Merida.”. La reine de DunBroch fut enfin satisfaite de sa missive et plaça le papier sur son oreiller. Une dernière pensée pour Elsa et elle quitta sa chambre le cœur léger. Comme elle s’y attendait, personne n’était levé dans le château à part quelques serviteurs dont une qui lui glissa gentiment de quoi se sustenter pendant sa balade forestière. Après l'avoir remercié poliment, Merida finit par sortir par la grande porte et prit le temps de respirer l’air frais du matin.
Elle prit le premier chemin qui se présenta à elle et le suivit sans autre pensée que de se changer les idées. Mais après quelques instants de marche, son esprit vagabonda du côté de son royaume. Elle y pensait de plus en plus ces derniers temps. Puis, son esprit s’envola de lui-même vers le Royaume perdu de Cadal A Ghrian. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas pensé ni mit les pieds dans cette partie du Monde des Contes. La dernière fois, ce fut sa mère qui la sauva des griffes de Mor’Du.
Cela remontait à tellement d’années que cela lui semblait être une autre vie. Pourquoi pensait-elle à ce souvenir d’un passé lointain ? Merida serait incapable de répondre à cette question si quelqu’un la lui posait. La reine de DunBroch continua de flâner dans la forêt et admira chaque arbre, chaque animal qui croisait sa route comme si c’était la première fois qu’elle les voyait. Elle prenait plaisir à écouter tous les sons qui l’entouraient.
Ce fut à ce moment-là qu’elle perçut un son différent, une respiration qui n’était pas en harmonie avec la flore présente habituellement dans ce coin de la forêt. Son instinct de chasseresse la poussa à attraper une de ses flèches et à la fixer sur son arc. Merida resta sur ses gardes et se mit à écouter les moindres bruits qu’elle pouvait entendre. Il y avait bien quelqu’un ou quelque chose qui perturbait l’équilibre de ce coin de verdure. La jeune femme avança prudemment, son arc légèrement bandé, prête à tirer.
Mais son entrainement avait un peu de plomb dans l’aile, car elle marcha sur une brindille qui se cassa avec un bruit assourdissant à ses oreilles. Elle s’en voulut d’avoir attiré l’attention sur elle de cet homme – car oui, il s’agissait d’un homme – qui se tenait debout dans la clairière. Il se retourna vivement en entendant la rouquine arriver, prêt à se défendre à mains nues. La reine de DunBroch avança dans la clairière, le mit en joue avec son arc et le héla de loin. Cela ne servait à rien de rester à couvert dans la forêt, il savait qu’il n’était plus seul.
“Qui êtes-vous ? Je vous somme de vous présenter et si vous faites un pas en ma direction ou un geste qui ne me plait pas, je n’hésiterais pas tirer.”
La branche avait cédé avec un bruit assourdissant. Mon cœur s'accéléra dans ma poitrine alors que l'adrénaline coula dans mes veines comme un poison. Me tenant la poitrine de ma main gauche, je tentais de me calmer alors que je me retournais vivement. Je me tenais à l'arbre et je me redressais correctement, malgré les blessures sur mes plantes de pied, je restais debout. Hors de question de me montrer faible. Mais la fatigue se faisait sentir et le poids de mon corps et de mes jambes s'alourdissaient de minute en minute. Qui que se soit, ennemi ou ami, je ne devais rien laisser paraître.
Soudainement, j'entendis qu'on me hélait. Je levais les yeux pour voir, sur une petite bute dans les bois, une jeune femme se présentant devant moi, gardant cependant une certaine distance avec ma personne. Ma surprise dut se lire sur mon visage. Car celui de la jeune femme, je le reconnaissais. C'était la princesse au cheveux de feu ! Celle qui avait transformé sa mère en ours ! Elle ignorait cependant que j'étais Mor'Du donc autant garder cette information pour le moment secrète. Sa phrase me fit doucement sourire mais autant être prudent. La connaissant, elle serait bien capable de mettre sa menace à exécution. Je levais les mains vers le haut, paume levé vers elle en signe de défense et reddition. Valait mieux faire profil bas pour le moment car son arc tendu et la pointe de la flèche dirigée vers moi me mettais mal à l'aise.
"Je..."
Ma voix dérailla. Par manque de pratique, d'avoir gardé le silence pendant si longtemps. Ma gorge me brûla sur l'instant, alors je me mis à tousser pour me racler le palais et parler correctement. Ma voix cependant me semblait étrange et rauque. On comprenait bien que cela faisait un moment que je n'avais pas parlé.
"Je me nomme Aodan. Aodan Dun Morith. J'ai atterri ici je ne sais pas comment."
Ma dernière phrase, je l'avais dite en regardant cette forêt de grand pin qui me semblait si étrange, si peu familière. Je baissais mes bras sans pour autant avancer. Est ce que je devais lui demander qui elle était ? Elle était une princesse du royaume de Dun Broch. C'était tout ce que je savais d'elle au final. Et elle connaissait la magie. Je sais que j'ai arraché une jambe à son père lorsque j'étais en ours mais tout ces souvenirs sont flous dans mon esprit. Trop lointain, trop animal et sauvage pour que mon esprit d'homme puisse démêler mes pensées et mes émotions. C'était étrange de se souvenir de flash. Je me souviens que j'ai bien failli la tuer quand elle n'était qu'une adolescente. Mais elle avait grandit et était une femme à présent. Etait elle devenue reine de son royaume ? Je pointais du menton sa personne et pencha la tête sur le côté, curieux.
"Et toi, qui es tu ? Dans quel royaume sommes nous ?"
En vérité, je n'avais qu'une envie, c'était de me reposer et de dormir dans un bon lit. J'avais cependant milles questions qui me taraudaient l'esprit et j'ignorais par laquelle commencer.
Après avoir sommé à l’inconnu de se présenter, Merida commença à détailler ce nouvel arrivant. Il donnait l’impression de ne pas savoir où il était. Ses vêtements étaient déchirés à de nombreux endroits, ses cheveux étaient détachés et en broussaille. Il se tenait d’une drôle de façon, le dos voûté, comme s'il n'arrivait pas à se tenir droit comme n’importe quel homme. Il était gauche dans ses gestes. Ainsi, il faisait penser plutôt à un ours et cette impression fut confirmée à la rouquine lorsqu’il essaya de parler.
Il se tourna vers Merida les paumes bien visibles afin de lui prouver qu’il ne souhaitait pas l’attaquer, du moins pas pour le moment. La jeune femme baissa un peu son arc tout en le laissant légèrement bandé et avec la flèche toujours prête à être tirée. Il se présenta sous le nom d’Aodan Dun Morith. Ce nom semblait familier aux oreilles de l’archère sans qu’elle ne sût précisément pourquoi elle semblait le connaître. Elle aurait le temps de poser la question à ce nouvel arrivant quand elle considérerait qu’il n’était pas une menace, ni pour elle ni pour les autres personnes vivant dans cette forêt.
Il avait l’air complètement perdu que ce fut dans son corps comme dans la forêt. Merida se demanda si elle devait l’aider ou non. Elle était toujours aussi méfiante quand elle ne connaissait pas une personne ou ses intentions à son égard ou à celui de ceux qu’elle aimait. Merida s’approcha doucement de cet Aodan tout en gardant malgré tout une distance de sécurité entre la pointe de sa flèche et le cœur de cet homme. Il lui demanda à son tour son nom et le lieu où ils se trouvaient actuellement. La rouquine réfléchit quelques instants et s’accorda sur le fait qu’elle pouvait répondre sans crainte à ces deux questions.
“Je suis la Reine Merida de DunBroch et on se trouve actuellement dans la Forêt Enchantée qui est sous l’autorité du Roi Robin de Locksley et de la Reine Regina Mills de Locksley.” dit-elle de façon très pompeuse et très officielle.
Pourquoi lui avait-elle donné autant d’informations pas forcément nécessaire à une personne de passage ? Merida aurait été incapable de répondre à cette question. Peut-être pour se rassurer elle-même ou pour se souvenir de ce statut de souverain qu’elle avait fui il y avait tant de temps. Elle se concentra à nouveau sur son interlocuteur. Elle se fit un résumé rapide dans la tête de ce qu’elle avait découvert à son sujet. Il s’appelait Aodan Dun Morith, il avait l’air désorienté et venait d’arriver dans le Royaume. Son nom ressemblait beaucoup à ceux qu’on pouvait trouver dans les tribus dans le Royaume de DunBroch et aux alentours. Venait-il lui aussi de chez elle ? Non, impossible. En bonne souveraine, elle connaissait le nom de toutes les familles vivant sur ses terres.
“Comment es-tu arrivé ici ? D’où viens-tu ? Que veux-tu ? Que cherches-tu dans ce royaume ? Rappelle-toi qu’au moindre mauvais geste ou à une explication qui ne me convient pas, je tire.”
Merida remit son arc bien en évidence afin de prouver à cet étranger qu’elle ne plaisantait pas et qu’elle était prête à se défendre.
Un silence se fit après ma question. Elle semblait réellement hésiter à me répondre. En avais je trop dit juste avec mon prénom ? La légende de Mor'Du avait traversé les siècles mais le nom de Aodan fut perdu dans les sables du temps. Impossible qu'elle se souvienne de ce nom. Tentant de me rassurer, je gardais un oeil sur elle et sur son arc, toujours braqué vers ma poitrine. Il était évident qu'elle se méfiait de moi. Avait elle été attaqué ici ? Cependant, elle prit la décision de s'approcher toujours une flèche dirigé vers moi.
Je devais être pitoyable.
Elle finit par me répondre d'une façon pompeuse qu'elle ne remarqua peut être pas. Un sourire traversa furtivement mon visage. Elle était bien digne d'être reine cette petite. Puis l'information traversa le nuage épais de mon cerveau. La forêt enchantée. Je ne connaissais ni le lieu, ni les rois de ce royaume. Je n'étais finalement pas plus avancé. Mais si je lui parle de mon royaume, elle va vite comprendre d'où je viens. Trop fatigué pour réfléchir correctement et prononcer une requête cohérente, je préférais garder le silence. Jusqu'à ce qu'elle reprenne son flot de questions.
Comment ai je atterri ici ? Excellente question. Je fronçais les sourcils sincèrement à la réflexion de cette question.
Je... Je ne sais pas. J'étais... j'étais mort et me revoilà, vivant, au milieu d'un endroit que je connais pas.
La colère était semble t-il revenu habiter la jeune rousse en face de moi car elle me rappela qu'à la moindre réponse qui ne pouvait lui plaire, elle tirerai sans la moindre hésitation.
La fatigue me pesait trop et j'avais besoin de récupérer et de manger. Pourtant, bien que la faim me tiraillait le ventre, j'étais sur que la moindre nourriture qui pouvait franchir la barrière de mes lèvres ressortirait aussitôt. L'estomac trop noué, j'inspirai un coup, essaya tant bien que mal de me redresser et annonça avec empressement.
-Ecoute, j'ai juste besoin de vêtement chaud, de nourriture et je rentre chez moi. Je ne veux rien à ce royaume, je ne le connais pas. Si tu as si peur que je ne t'attaque, garde moi en joue si tu le souhaites. Mais laisse moi juste reprendre des forces, et je m'en irai d'ici demain à la première heure.
Je ne voulais pas répondre à ses questions. Je ne voulais pas rester ici. L'empressement devait se faire sentir dans mes paroles décousues mais il fallait que je retourne dans mon royaume. La vie m'offrait une seconde chance. Et je devais la saisir.
Tout était étrange dans cette rencontre. Le lieu, la personne en face d’elle et la conversation qu’ils avaient depuis quelques instants. Merida ne savait plus quel comportement adapté. Il était vrai qu’elle se sentait en sécurité dans cette forêt depuis leur retour mais elle se souvenait également de tous les ennuis qu'ils avaient tous traversé jusque-là. Elle s’en serait voulu toute sa vie d’être à l'origine d'un nouveau désastre. Elle pensa à Regina et Robin qui avaient été si accueillants avec tout le monde, puis ses pensées dérivèrent sur Elsa. Sa belle et douce Elsa, pourvu que jamais rien de dangereux ne lui arrivât.
Merida regarda à nouveau son interlocuteur et après un long débat intérieur se rendit à l’évidence qu’il ne présentait pas un danger pour elle-même. Les différentes réponses qu’il lui donna la conforta dans cette décision. Elle remit sa flèche dans son carquois et son arc en bandoulière. Le dénommé Aodan lui fit bien comprendre qu’il avait juste envie de manger un peu, se reposer et repartir sur ses terres aussi vite que ses jambes flageolantes pouvaient le porter.
Il était donc revenu d’entre les morts. Comment cela était-ce possible en sachant qu’Hadès ne régnait plus sur le monde d’en bas et qu’aucune faille entre les deux mondes n’avait été remarquée et rapportée aux différents souverains du Monde des Contes. La rouquine fouilla dans le sac reposant sur sa hanche derrière son carquois. Elle en sortit une miche de pain et un morceau de viande. Elle se promit de glisser un mot à Regina en faveur de la servante qui lui avait préparé la nourriture qu’elle avait emporté en partant du château.
“Tiens, Aodan. Essaye de manger un peu de ce pain et de cette viande. Ça devrait déjà à t’aider à te réchauffer un peu.” lui dit-elle en lui tendant les vivres.
Maintenant qu’elle était proche de lui, elle retroussa son nez car en plus de ressembler à un ours dans sa démarche, il sentait l’ours. Il avait l’air encore plus fatigué de près que de loin et effectivement cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu le soleil. Elle s’assit à côté de lui afin de lui prouver que pour le moment, elle croyait en sa volonté d’être pacifiste. Même si elle restait sur ses gardes, sa curiosité prenait le dessus et elle voulait en savoir plus sur cet étrange personnage qu’avait l’air d’être Aodan.
“Pour le lit, je ne te promets rien mais les souverains de la Forêt Enchantée sont toujours prêts à aider et à offrir le logis à quiconque le leur demande. Je peux toujours te les présenter. Tu comptes ensuite retourner dans ton royaume après, c’est ça ? Lequel est-il ? Comme tu as l’air de ne pas trop connaître le coin, on peut te donner les bonnes indications pour le rejoindre si tu le souhaites. Ou sinon, tu as toujours la possibilité de consulter les cartes de la bibliothèque du château."
L'archère se leva et attendit que le nouveau venu fît de même afin de rentrer au château et montrer qu'elle était digne de confiance et qu'on pouvait se fier à la parole qu'elle donnait.
Un long moment dans le silence le plus absolu passa. Même la forêt semblait se taire à cet instant alors que la rouquine semblait peser le pour et le contre. Puis, après ce qui sembla une éternité, la rousse décida que je ne présentais surement aucun danger car elle remit la flèche dans son carquois et remit son arc autour d'elle. Je soupirais libérant une tension sur l'instant et abaissa les mains pour m'appuyer à l'arbre le plus proche. Même maintenant, elle va finir par me donner des sueurs froides. Maudite reine.
Je respirais un coup, me redressant un instant alors qu'elle s'avançait vers moi. Elle fouilla dans son sac mais garda le silence. Je fixais chacun de ses gestes, m'attendant à ce qu'elle sorte un couteau pour m'étriper. Mais là, j'aurais eu l'avantage. J'étais bien plus grand et bien plus fort qu'elle malgré mon manque d'énergie. Au lieu de cela, elle en sortit un morceau de pain et de viande séchée. Elle me les tendis et comprit à peine ce qu'elle me disait. Mon ventre se réveilla subitement et sans réfléchir arracha des mains de Merida la nourriture qu'elle me tendait. Sentir sous la paume de mes mains la texture du pain et de la viande était encore plus étrange. L'odeur du pain frais et le salé de ce carré de protéine me semblait si délicieux. Un sourire traversa enfin mon visage depuis un moment et la remercia chaleureusement avant de mordre à pleine dent dans le pain.
Elle s'assit par terre et j'en fis de même en prenant appui sur l'arbre et m'adossant contre le tronc. Je soupirais d'extase presque en mâchant la mie. Par Taranis que c'était bon ! Cependant je ne mordis pas tout de suite, préférant prendre mon temps et laisser mon estomac redécouvrir les aliments. Elle reprit la parole m'assurant qu'elle ne promettait rien pour le logis mais qu'elle pouvait toujours demander au souverain de ce royaume. Ils ont l'air plutôt généreux ici. Je hochais la tête à cette information pour signifier mon approbation. Mais la suite me semblait trop compliqué à expliquer. Comment lui dire que je venais du royaume perdu ? Elle devinerait instantanément qui je suis réellement.
Il y a longtemps que mon royaume n'existe plus et que ses frontières ont été morcelées. Il doit être au Nord. Mais je compte bien reprendre les terres qui me revienne de droit. Mais surement pas par la force. Si je dois obtenir ce que je veux, je le ferais cette fois ci dans les règles.
Cette dernière phrase était plus pour moi pour m'en convaincre. Elle n'était pas adressé à Merida et peut être que déjà j'en avais trop dit. Pour me donner bonne impression, je mordis cette fois ci dans la viande. Bien plus dur que le pain, le gout en était cette fois ci, cent fois meilleur. Je humais l'odeur de la chair séchée en même tant que je mangeais mon morceau de viande. Merida avait raison. Cela me réchauffait de manger un morceau, je pouvais le sentir au niveau de mon ventre. Tout semblait revenir à la vie tout doucement.
Je me mis à observer Merida du coin de l'œil. Elle semblait avoir murit et grandit tout en gardant ce caractère si tempétueux. Elle était reine à présent donc Fergus devait être soit mort, soit à la retraite. Elle ne semblait pourtant pas accablé par la tristesse ou par tout autre émotion. Donc cela devait faire un moment. Content de mes quelques déductions et de voir que mon cerveau tournait bien, je mordis de nouveau dans la nourriture et finalement, réussit à finir la portion que la rousse m'avait donné avec gentillesse. Me redressant avec difficulté, je soufflais pour observer à nouveau les arbres et fit retomber mon regard vers Merida. Je ne lui tendis pas de main amicale pour l'aider à se redresser. Elle serait capable de le prendre comme une insulte. Aussi, je lui fis simplement la remarque :
Je ne sais pas si on est loin ou nous du chateau royal mais on devrait se mettre en route. L'après midi est déjà bien entamé et j'ai besoin de dormir un peu et pour cela, plaider ma cause auprès des souverains.
“Non, je te rassure, le château n'est pas loin. On en a pour même pas une heure de marche. On a juste à suivre ce sentier qui serpente dans la forêt. Et on n'aura pas besoin de plaider très longtemps ta cause, ça se voit que tu as besoin de repos. Par contre, tu risques d'avoir droit à un petit interrogatoire après ta sieste pour comprendre comment tu as pu t’échapper des Enfers sans qu’on le sache.”
Une fois Aodan repu et sur ses pieds, les deux compagnons de voyage se mirent en route. Merida pouvait maintenant détailler autant qu’elle le souhaitait cet étrange personnage qui sortait elle ne savait d’où. Plus elle l’observait plus il lui faisait penser à quelqu’un qu’elle connaissait ou qu’elle devait connaître. Son cerveau essayait de lui envoyer des signaux mais elle avait du mal à tout remettre dans le bon ordre. Sa mémoire n’était plus aussi affûtée qu’avant. Elle se promit à elle-même d'y remédier très rapidement car elle avait toujours pu s'y fier et il fallait que cela durât.
Elle se concentra à nouveau sur Aodan, le regarda encore du coin de l’œil. Son cerveau essayait encore de lui dire quelque chose mais elle n’arrivait toujours pas à mettre le doigt dessus. Tant pis, ça reviendra plus tard. Aodan évoqua quand même vaguement son royaume. La rouquine se focalisa sur ses propos. Il venait donc du Nord, son Royaume avait été morcelé depuis un long moment et il souhaitait le reconquérir.
Mais pourquoi son royaume avait disparu ? Pourquoi parlait-il de le reprendre correctement cette fois-ci ? Qu’y avait-il dans son passé qui pouvait à ce point l’obnubiler ? Que pouvait-il caché de si embarrassant sur son histoire ? Le cerveau de la reine de DunBroch se mit à sonner dans tous les sens. Elle commença à faire les liens entre plusieurs bribes d’informations et son intuition. Son esprit tournait à toute vitesse. Dun Morith... Un homme ours... Un royaume morcelé et disparu... Le reprendre cette fois-ci dans les règles... Elle se figea sur place et regarda Aodan droit dans les yeux.
“Tu es le roi du royaume perdu de Cadal A Ghrian. Tu es Mor’Du, l’ours que mon père a pourchassé pendant des années. Celui que j’ai croisé dans les ruines de ton château il y a des années !!”
Merida se mit à rire de soulagement. Aodan venait de chez elle ou presque, ce n’était plus un simple inconnu égaré au milieu de la forêt. Sa mémoire et ses capacités de déduction étaient toujours aussi vives.
“Pourquoi tu ne me l’as pas dit de suite ? Tu avais peur que je te laisse mourir dans un coin ? Oui, tu m’as fait très peur quand on s’est rencontrés la première fois mais j’étais jeune, insouciante voire imprudente et j’étais sur ton territoire. Tu ne faisais que protéger tes terres. Je l’ai compris bien plus tard.”
Elle reprit sa route en direction du Palais Sombre, le cœur léger et l’esprit apaisé. Elle avait trouvé ou peut-être retrouvé un compatriote. DunBroch lui manquait tellement ces derniers temps. Elle allait pouvoir en parler avec une personne qui connaissait les paysages, les habitants et les légendes de là-bas.
“Une question me taraude depuis tout à l’heure, comment le charme de la vieille sorcière a été rompu ? La dernière fois qu’on a eu de tes nouvelles ou qu’on t’a vu, tu étais toujours un ours, et plus maintenant même si tu en as toujours l'odeur et la démarche.”
Elle ponctua sa phrase par un petit coup de coude amical dans les côtes d'Aodan. Elle voulait lui montrer encore plus qu'elle ne se méfiait plus de lui et qu'elle n'était absolument pas rancunière concernant leur passé commun.