Amis ?
J’ajuste la sangle de Sven, le regard fixé sur les bois sombres qui s'étendent devant moi. Le souffle de la forêt est lourd ce soir, pesant, comme si elle elle-même pansait les plaies laissées par la guerre. Je devrais m'en réjouir, et pourtant, j'ai cette impression sourde, une tension qui me suit, tapie dans chaque ombre. Et puis il y a cette silhouette, surgissant entre les arbres.
Je ne sais même plus pourquoi j’ai pris ce chemin à travers la forêt. C’était un élan, comme un instinct que je n’ai pas cherché à contrer. Peut-être qu’une part de moi espérait croiser quelqu’un, peut-être lui, ce cavalier taciturne et fuyant qui erre dans cette même forêt depuis quelques semaines. Mordred. Rien que d'y penser, je sens un poids au creux de mon ventre. C’est comme si je devais comprendre quelque chose en le revoyant, comme si l’univers me poussait à affronter un visage qui me rappelle trop de choses.
C’est étrange. Pendant cette foutue malédiction, je l’avais presque considéré comme un ami. Lui, ce cocher qui me transportait à travers les allées de Central Park. On ne se disait pas grand-chose, mais chaque trajet était un répit dans cette vie de faux-semblants. C’est idiot, mais j’avais même fini par apprécier son silence, presque comme une connivence. Aujourd’hui, en y repensant, tout ça me semble terriblement lointain, presque irréel.
Pourtant, la distance que j’ai maintenant envers lui me heurte plus que je ne veux l’admettre. Pourquoi est-ce que je devrais m’approcher de lui ? Pourquoi lui, précisément, alors qu’il semble lui-même fuir tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un lien à une connexion ? Sauf que, là, maintenant, je ne peux pas faire comme si je ne le voyais pas, je ne peux pas ignorer sa silhouette en train de graviter autour d'un feu vacillant.
Je m’approche lentement, mes pas faisant craquer les brindilles sous mes pieds. Je pourrais rester caché derrière cet arbre, mais il est trop tard, mes pas m’ont trahi. Il lève la tête, et je sens qu’il m’a vu. Je pourrais fuir, revenir sur mes pas, mais quelque chose m’en empêche, quelque chose qui me pousse à m’asseoir en face de lui.
— Sven commence à être trop vieux pour ces folies.
— Feat. @Mordred Pendragon