Le petit groupe mené par Robin, avait rejoint la Forêt Enchantée pour mettre à mal le transport d'un coffre-fort en direction de Nottingham. Le plan était simple de prime abord, mais suffisamment bien rôdé pour s'exempter de l'échec. Il était temps pour les nouvelles recrues de faire leur preuve, de ce fait, c'est l'un des nouveaux Merry-Men qui était prédisposé à jouer les mendiants en se plaçant en plein milieu de la route pour stopper le convoi. Robin lui donna les derniers conseils d'usage et posa une main protectrice sur l'épaule du jeune homme légèrement anxieux pour le coup. « -Ne t'en fais pas, tout se passera bien. Tâche juste de faire arrêter le convoi, on s'occupe du reste. » Le jeune homme enfila sa cape et quitta les lieux suivis de près par ses camarades. Robin, accompagné par ses fidèles lieutenants, fermait la marche. Il pensait à tout un tas de choses, mais plus encore à Marianne restait dans leur campement à Sherwood aux côtés de Frère Tuck qui ne serait donc pas de la partie aujourd'hui.

« -Comment vas-t'elle ? » lança l'un des camarades de l'archer qui se contenta d'un « -Bien » tout en continuant à marcher, l'arc sur l'épaule. Le mariage, célébrait peu de temps avant ce vol, lui restait en mémoire. Ça et les attaques virulences du Shérif, qui semblait lutter nuits et jours pour les retrouver et faire payer à Robin l'amour que Marianne lui portait. Depuis longtemps Maid Marianne avait fait son choix, n'en déplaise au Shérif qui n'était cependant pas prêt à lâcher l'affaire quitte à employer des moyens peu conventionnels pour arriver à ses fins. Pour l'heure, Robin et les Merry-men étaient en route pour un nouveau vol. Le petit groupe arriva à terme, la jeune recrue lança un dernier regard à son mentor qui acquiesça, puis il se plaça au milieu de la route. Les autres se cachèrent sur les côtés et attendirent l'arrivée du groupe en charge de la protection du coffre. Quelques minutes plus tard, la terre trembla à proximité, le jeune Merry-Men commença à jouer sa partition dès qu'il vit arriver le chargement qui s'arrêta aussitôt. Les premiers soldats quittèrent le carrosse, main sur le fourreau. Le mendiant les implora, tout en gardant à l'œil ses compagnons qui traînaient à venir. Robin, qui testait les nerfs de sa recrue, avait au préalable demandé aux autres de ne pas intervenir trop rapidement, laissant ainsi le petit nouveau faire ses preuves. Il devait monopoliser toute l'attention des soldats, pour que les hommes qui se trouvaient en hauteurs et aux alentours, puissent se mouvoir sans être repéré. Petit John une fois positionné, devait donner le signal à Robin pour que le piège se referme.

Un geste, il leur avait suffi d'un seul geste pour prendre en étau le convoi. Les soldats, en infériorité, ne purent se résoudre à combattre les voleurs. Robin se paya même le luxe de se moquer gentiment des hommes à la solde du Prince Jean. « -N'ayez crainte messieurs. Nous réglerons cela en faisant preuve de diplomatie. Ne vous fiez pas aux apparences, nous ne sommes pas des rustres. » Et alors que le soldat semblait en confiance, Robin lui envoya un crochet du droit qui déséquilibra le jeune soldat qui s'étala aussitôt « - Diplomate ? » lança l'un des Merry-men dubitatifs. Robin haussa les épaules et prit son air innocent « -On fait ce qu'on peut ! » D'autre Merry-men vinrent le seconder pour qu'il puisse plus aisément voler le carrosse sur lequel se trouvait le butin. Robin prit les rênes en main et siffla pour que le reste de ses hommes grimpe sur les chevaux disponibles. Et c'est ainsi que la folle équipée délesta une fois encore le Prince Jean. Pour célébrer leur victoire, comme le voulait la tradition, les plus anciens du groupe ainsi que la nouvelle recrue, se retrouvèrent dans l'une des auberges qu'ils avaient l'habitude d'occuper après un vol. Le propriétaire de l'estaminet était un ami de Robin, ce dernier lui avait d'ailleurs permis d'ouvrir son commerce avec quelques écus emprunté à l'un des coffres contenant les nombreux impôts ponctionnés par l'ignoble shérif. « - Je suppose que vous avez une victoire à fêter ? » lança l'homme à Robin qui acquiesça aussitôt « - Rempli les chopes mon ami. Allan va te chatonner nos belles aventures. N'est-ce pas Allan. » Le ménestrel de la bande sortit alors son instrument de prédilection et commença à jouer sous les acclamations de son public. « -Dès que nous nous serons abreuvés mes frères, nous repartirons au campement. Nous avons des écus à distribuer et nous sommes attendus aux abords de la Cité. »

L'ambiance était festive à la tablée des Merry-Men qui fêtaient dignement leur dernier vol. Robin en tête de gondole, encourageait ses camarades à entamer la chansonnette, guidaient par Allan et sa cithare. Le tavernier emportait par la frénésie de joie, emplit de nouvelles chopes qu'il tendit à sa serveuse pour que cette dernière s'occupe des nouveaux venus. « - Ah du bon hydromel ! » lança l'archer tout guilleret en attrapant une choppe qu'il frappa contre celle de Petit Jean, tandis qu'Allan se chauffait la voix pour entamer sa première chansonnette à la gloire de ses camarades. « -Aller vas-y donc Allan ! » lança l'un des Merry-Men qui tapota sur l'épaisse tablée en bois. Le ménestrel dû alors se lancer et commença à narrer les péripéties de ses camarades sous une multitude d'applaudissements. Robin un peu à part, cependant, observait ses camarades se repaître de leur précédent succès. Il pensait surtout à Lady Marianne, qui se pliant aux traditions des Merry-Men, avait accepté de rester au camp, gardant ainsi un œil bienveillant sur le fruit de « leur dur labeur » L'archer, perdu dans ses pensées ne prêta donc aucune attention à la nouvelle arrivante qui venait de s'accouder au comptoir et qui les observait s'amuser. L'archer termina sa chope et tapa dans le dos de Petit Jean tandis qu'Allan continuait à chanter leurs péripéties. Mais ce joyeux tintamarre prit fin lorsque l'un des clients se mit à hurler en pointant du doigt la nouvelle arrivante. Fronçant le sourcil le fieffer voleur se redressa et fit signe à ses camarades de ne pas s'en mêler.

« -Qui accuses-tu de la sorte mon ami ?! » lança Robin. Le pirate réitéra ses propos en affirmant qu'il s'agissait de Blanche Neige et qu'il fallait de ce fait la capturer. Pour se faire voir de tous, Robin monta sur l'une des tables et prit à partit les clients. « - Mon cher ami, si je puis me permettre ! Si tu étais un habitué des lieux, tu saurais qu'ici, on ne prend parti pour aucun monarque. As-tu vu sur les murs des annonces de recherches ? » Tous répondirent « non » en chœur. « -Peut-importe qui est cette demoiselle, peut-importe la prime, mes camarades et moi-même nous ne pouvons te laisser jouer les chasseurs de prime, ça n'est pas ainsi que fonctionne ces lieux. » L'homme échaudé se leva et menaça la foule de prévenir la reine de cet affront. Sans attendre, Robin récupéra son arc, il banda la corde et laissa une flèche partir. Le projectile s'enfonça dans le mur à quelques centimètres du visage du pirate d'eau douce. « -Mes flèches ne ratent jamais leur cible et j'ai très bonne mémoire. Donc si je te revois un jour par ici, il est très probable que cette flèche ne se loge pas dans le mur. Et s'il te prenait l'envie de dénoncer cette demoiselle et la taverne, n'oublie pas qui je suis et ce que je suis capable de faire avec mes Joyeux Compagnons. » Passé la menace, Robin balança son arc à l'un des Merry-Men puis il sauta de la table pour regagner la terre ferme, profitant du départ précipité du pirate pour s'approcher de Blanche Neige.

« -Robin des Bois pour vous servir ! J'ai donc affaire à Blanche Neige

Robin délesta ses camarades de sa présence et fit ce qu'il savait faire de mieux, voler au secours d'une âme en détresse. Aujourd'hui, il s'agissait d'une inconnue, rectification, de deux inconnus. La première étant la victime et le second, l'assaillant qui n'avait de toute évidence pas connaissance des us et coutumes de la taverne. Robin se fit donc un plaisir de l'instruire le menaçant au passage d'une flèche qui se logea dans le bois à quelques centimètres à peine de sa personne. Désarçonné par tant de précision, le pirate perdit aussitôt de sa superbe, ce qui amusa les Merry-men, pas les derniers pour ce genre d'affrontement. Robin qui pouvait prétendre à plus de raison, opta pour la diplomatie, du moins la sienne. Le pirate, après quelques mises au point, s'était ainsi convaincu de ne pas s'éterniser et détala comme un lapin. Bien sûr Robin pouvait craindre que ce dernier, aussi valeureux qu'une autruche qui se terre dans son trou, au moindre danger, se fasse un plaisir d'aller signaler les malotrus au shérif, la « première » autorité sous le souverain. Soit, le voleur aviserait par la suite, mais pour le moment, il avait d'autre priorité.

« - Merci à vous d'apprécier mon allocution ! » renchérit-il en serrant la main de la demoiselle. Le gentleman qu'il était, aurait en de telles circonstances, consentit à lui offrir le baise main, mais puisqu'il se trouvait dans une taverne, à la bonne « franquette » il s'autorisa quelques manquements aux formules d'usage. Derrière lui, ses camarades l'applaudirent, certains semblaient déjà bien entamés par l'ivresse, un constat qui fit sourire le prince des voleurs. « -Donc vous êtes Blanche Neige ! J'ai cru voir votre visage sur plusieurs avis de recherche. Je vais finir par croire que j'ai de la concurrence dans le coin ! » Elle s'excusa aussitôt de l'avoir interrompue, il ne s'en formalisa pas, bien au contraire « -Mais non, je vous assure que ça va ! La fête est loin d'être terminée. Vous pouvez vous joindre à nous si vous voulez ! Et puisque nos portraits partagent plusieurs mûrs autant en faire de même avec les chopes d'hydromel. Aller, c'est ma tournée ! » Il fit signe au tavernier qui commençait déjà à préparer quelques chopes pour ses habitués. Robin entraîna ensuite Blanche jusqu'à sa table et la présenta comme il se doit à ses camarades. « -Donc vous disiez ?! » La demoiselle intriguée par la dextérité de son « hôte » se lança dès lors dans une série d'interrogations que Robin prit plaisir à éluder. « - Mes flèches ne ratent que très rarement leur cible effectivement. Il n'y a aucun secret, si ce n'est la persévérance. C'est l'homme qui m'a élevé qui m'a appris à tirer. Et cet arc que vous voyez est un cadeau de Richard Cœur de Lion, l'un des plus grands monarques que cette terre ait porté. C'était mon mentor, un homme bien. » Il se tue reprit sa chope et la délesta d'une gorgée avant de remarquer l'arc de Blanche. « -Vous tirez à l'arc vous aussi ? »

Malgré l'ouverture d'esprit dont il faisait preuve depuis des années, Robin qu'ici, l'on surnommait « Robin des bois » ne tenait pas en haute estime les pirates. Et n'allez surtout pas lui dire que les pirates sont à ceci prêts semblables aux voleurs tels que notre prince ainsi nommé les conçoit. À savoir des êtres (les voleurs) qui s'oublient eux-mêmes et qui volent pour les autres, pour subsister, pour survivre. Le voleur version « merry men » était donc, par définition, altruiste à l'inverse du pirate qui pillait terres et océans afin de s'enrichir. Il n'a de ce fait aucune valeur, obéit à des lois sommes toutes triviales, et se voit dépourvu d'un quelconque sens de l'honneur. Oui, l'on peut dire que Robin de Locksley ne porte et n'a jamais porté les pirates dans son cœur de voleur. « -Les pirates ne respectent rien même pas la tranquillité ! » renchérit-il après le départ « forcé » du fameux gredin des mers. Et alors que Blanche s'en inquiétait, la fête reprit son cours comme si rien ne l'avait ébranlé. Robin en profita donc pour relancer une tournée et invita de ce fait la fugitive à se joindre à sa tablée qui accueillit comme il se doit la nouvelle arrivante plombant malgré elle l'ambiance avec de nouvelles interrogations.

« - Wow ce n'est pas le genre d'interrogations que je m'attendais à devoir éluder. » lança Robin interloqué tandis que la demoiselle commençait déjà à chercher ses mots pour excuser sa maladresse. Les chopes d'hydromel arrivèrent alors. Robin sourit au tavernier et invita Blanche à s'asseoir en face de lui. « -Ne vous excusez pas de faire preuve de curiosité et de franchise. Vous savez mon visage trône sur bon nombre d'avis de recherche. La prime est d'ailleurs de plus en plus élevée. Je ne serais pas étonné, que le shérif se décide, un jour, à employer les grands moyens, si vous voyez ce que je veux dire. Dès lors, je pense que je ferais cessé tout ça. Je refuse que quiconque paye le prix fort pour me protéger. Je suis plus du genre à me sacrifier moi que les autres. Néanmoins, vous n'avez pas à vous sentir responsable. J'imagine que les personnes qui ont accepté de vous aider, connaissaient les risques. » Tentant de rassurer la jeune demoiselle, l'archer trinqua avec elle et détourna habillement le sujet. « - L'arc est une arme capricieuse à l'inverse de l'épée. Il faut de ce fait, un peu de temps et de patience pour parvenir à s'en servir. Mais à ce que je vois, le temps semble vous faire défaut. Peut-être pourrais-je vous permettre de perfectionner vos rudiments si l'envie vous en prend. Et ne vous en faites point pour votre reine. Le shérif et le Prince Jean nous traque en vain depuis des années, Sherwood est un bon rempart contre la tyrannie. »

Les Merry-men reprirent la fête au son de la mandoline d'Allan qui continuait à chanter leur aventure. Le sourire aux lèvres, Robin observait ses camarades non sans se défaire de l'attention de son interlocutrice. La chope en main, il avala quelques gorgées d'hydromel et reprit la parole. « -Ce que nous fêtons ? Une victoire, une de plus j'ai envie de dire ! Voudriez-vous nous accompagner jusqu'à Sherwood lorsque nous aurons terminé ? Vous y serez à l'abri le temps qu'il faut et je pourrais vous apprendre à manier l'arc si vous voulez ? Qu'en dites-vous ? »

La fête battait son plein, les chopes continuaient à se remplir puis à se vider aux rythmes des accords de l'instrument à cordes d'Allan et de ses quelques compositions rendues presque inaudibles par le brouhaha des Merry-men les plus imbibés d'alcool. Le regard rieur, Robin les observait tout en continuant de tenir compagnie à Blanche « -Je crois qu'il nous faudra une charrette pour ramener certains camarades à bon port ! Mais non n'avons qu'une seule vie alors tâchons d'en profiter correctement. À notre rencontre ! » dit-il en faisant cogner sa chope dans celle de sa nouvelle acolyte. « - Je vous enseignerez tout ce qu'il y a à savoir sur le maniement de l'arc. Mais je tâcherai d'être exigeant dans la pédagogie. Vous avez besoin de vous faire respecter davantage, de viser l'horizon avec certitude. Une fois tirée, la flèche ne revient jamais en arrière ! Ce qui est logique me diriez-vous. Je deviens un peu philosophe avec quelques chopes d'hydromel. Aller, c'est ma tournée » Les chopes furent donc à nouveau remplies pour le plus grand bonheur du commerçant et de ses invités. La nouvelle arrivée, de plus en plus à l'aise, délesta même le leader des Joyeux Compagnons pour se joindre à Allan dans un duo aussi inattendu qu'intéressant. Robin frappa dans les mains, siffla même à plusieurs reprises ravies d'entendre une nouvelle voix au sein de son équipe. À la fin de la prestation, le groupe se mit à applaudir avec intensité, réclamant une nouvelle chanson, mais Blanche-Neige laissa la note au ménestrel et retrouva sa place.

« -Vous chantonnez divinement bien ! Je comprends mieux pourquoi cette méchante reine vous jalouse ! » Le sourire aux lèvres, il tapa à nouveau dans sa chope. La fête se prolongea encore deux heures, à coup de jeux, de chansons et d'histoires plus ou moins alambiquées pour les oreilles d'une jeune demoiselle, qui semblait cependant ne pas s'en offusquer, bien au contraire. « - Ah vous allez plaire à mon épouse, ça je n'en doute pas une seconde. Pour preuve, vous êtes déjà immunisé contre les histoires alambiquées de certains d'entre eux. De vraies canailles lorsqu'ils ont un coup dans le nez comme on dit ! Pour ma part, je vais m'arrêter là ! Mieux vaut que j'ai l'air presque sobre en rentrant au campement, sinon quoi Lady Marianne risque de me faire une petite scène. Allé, les joyeux lurons, on remballe. » Il sortit sa bourse en cuir et prit la direction du comptoir pour s'acquitter de ce qu'il devait au gérant de la taverne. « -Et pas de non mon ami ! Tu ne vas pas nous offrir toutes les tournées hein ! Mon pauvre, tu vas finir sur la paille ! » Il se tourna ensuite vers Blanche « -Bon la première leçon ne sera pas pour ce soir ! Nous allons rentrer jusqu'au campement et nous défaire des quelques verres en trop que nous avons ingurgités. Et puisque vous allez rester avec nous, je vous impose le tutoiement. Pas de titre avec nous, nous sommes tous égaux princesse. Aller allons-y ! » La fine équipe quitta donc l'estaminet pour rejoindre les quelques montures à disposition. « -Nous allons éviter la route ! Il est fort possible qu'elle soit gardée. Le shérif est du genre paranoïaque si tu vois ce que je veux dire ! J'imagine que tu as aussi ce même genre de soucis non ? » dit-il en faisant référence à celle qui des années plus tard, deviendra le deuxième grand amour de sa vie.