Oh ma douce Askavar. Je me souviens encore de tes vastes étendues de forêt avec ces hauts arbres de différentes espèces. Sapin, boulot, hêtre ou encore du chêne. Il était tellement agréable de marcher en ces lieux si reposant et calme uniquement accompagnés des bruits de la nature et des habitants qui vivaient dans ces forêts. Ce sentiment de calme et de sérénité apaisait les âmes et les rancœurs, nous qui nous pensions si différents de nos voisins les hommes. Cependant, cette apparente paix ne dura pas longtemps, une fois de plus une guerre éclata. Cette fois-ci fut différente. Différente des autres guerres auxquelles j’avais participé sans aucune hésitions. Différente, car mes batailles et mes combats avaient un goût amer. Je ne me battais plus par plaisir, je ne tuais plus sans état d’âme. Dans chaque gorge que je tranchais, j’imaginais ton sang coulé le long de cette gorge qui n’était pas la tienne. Mes mains avaient commencé à trembler et à devenir moites avant chaque combat, la peur me prenant au ventre. Cette peur qui me saisissait avec temps de force ne pouvait être liée qu’à toi, Melaminé, ennemie de mon peuple et amant de cœur. Peut-être que notre amour aurait pu servir d’exemple à ces deux peuples si borné et si conservateur. Nous qui nous pensions mieux que les hommes nous n’étions en réalité que plus minables et pathétiques. Je me souviens encore de cette larme qui coula le long de ta joue avant que la vie ne te quitte, avant que le ciel ne te réclame et t’arrache à moi. J’aurais voulu être là jusqu’à t'as toute fin, que tu ne meurs pas seul. Et pourtant je n’ai pas pu et je devrais vivre avec ce poids toute ma vie. Oh Melaminé, pardonne-moi. Pardonne ma loyauté envers la mauvaise personne… je regretterai ce choix toute ma vie. J’aurais tellement voulu te dire au revoir et t’embrasser encore une fois…
Askavar, pays des elfes et des nains envahit depuis des siècles par les ogres. Comment rejoindre ce royaume ? Au plus profond de la forêt enchanté, juste après sa limite, un deuxième territoire s’étendu. Bien moins grand que son principal voisin, Askavar est néanmoins présent depuis bon nombre d’année sur ces contrés. Les elfes et les nains ont toujours été les deux seuls peuples habitants sur ce royaume, deux peuples que tout opposent, n’hésitant pas à se faire la guerre pour quelques kilomètres de territoire. Toutefois, alors que la paix avait enfin trouvé refuge dans ce royaume l’invasion des ogres relança les hostilités, il fallait à présente combattre les nains et les ogres. Alors que les nains eux combattaient les elfes et les ogres. Une alliance aurait pu être faite, cela aurait même simplifié la chose si naine et elfe avait mis de côté leur fierté. Vivant plus longtemps que les humains cette durée de vie étendue aurait pu favoriser et enseigner les sagesses, mais la rancœur reste présente dans tout les cœurs, autant elfe, nain ou homme. Mon dévotion pour mon peuple en était quasiment aveugle, avant que je le rencontre. Avant que ma vision des choses ne change. Pourquoi ne pouvait-il pas les voir comme je les voyais ? Pourquoi ne pas faire la paix et lutter contre un ennemi commun ? Fierté ? Non. Stupidité. Des morts auraient pu être évités, des vies auraient pu être épargnées et pourtant ce ne fut pas le cas.
Carafinwë Eressëa, mon prénom signifie l’habile dans ma langue maternelle. Je ne pourrais te dire de qui me vient cette longue chevelure rousse et de ces grands yeux verts n’ayant aucun souvenir de mes parents. J’étais bien trop jeune à l’époque de leur disparition pour avoir une représentation de ces derniers. Leur disparition fut soudaine et sans aucune explication. La seule chose que l’on m’a racontée à leur sujet était leur passion pour le monde humain, cela aurait causé leur perte. Sans doute. Hypothèse parmi tant d’autre, je ne préfère ne pas m’attarder sur ces choses là du passé, à quoi bon ? Je préfère me souvenir de mon enfance ni malheureuse ni heureuse auprès des gens du château. Le roi et la reine, par bonté et bienveillance, décidèrent de m’accueillir dans leur château, les serviteurs s’occupaient de moi le soir et je passais mes journées à m’amuser avec le prince. Puis, les années passèrent et je deviens une jeune femme en pleins dans la fleur de l’âge. Ma loyauté était sans faille et devenir capitaine de la garde secrète du roi fut le plus grand honneur et la plus grande joie que j’eus dans toute ma vie. En quoi consistait cette garde secrète ? Et bien… nous nous chargions d’éliminer les personnes posant problèmes, de récolter des informations et de faire de l’espionnage surtout concernant les nains, nos ennemies de toujours. C’est d’ailleurs lors d’une mission d’espionnage que je fis sa rencontre. Un piège nous avait été tendu et malheureusement pour mes compagnons je fus la seule encore debout quand l’assaut cessa.
Le silence régnait dans la forêt. Nous nous rapprochions avec la plus grande des discrétions du lieu de rendez-vous avec notre informateur. Le roi nous avait chargés de partie en mission d’espionnage et l’un de mes soldats avait eu une information cruciale sur l’emplacement des nains. Qu’est-ce que nous avons été prétentieux et naïfs ce jour-là. Évidemment que cet informateur était une taupe, un piège que les nains nous tendirent et pourtant nous ne nous sommes rendu compte de rien. J’observai l’horizon cacher sur une branche avant de donner le signal qu’on pouvait avancer, aucun danger ne semblait à présent. Mon groupe et moi finîmes par attendre le lieu de rendez-vous, mais sans surprise, l’informateur n’était pas présent. Alors que j’allais prendre la parole pour demander des explications à mon lieutenant des cris retentirent proches de nous. À la vitesse de l’éclair, les nains nous attaquaient déjà. L’un des miens tomba. Puis encore un autre avant qu’on a eu le temps de réagir et de nous défendre. Ils étaient en surnombre, une dizaine de nains pour seulement cinq elfes encore vivants. Sans aucune hésitation je sortis mes deux dagues, le combat était trop proche pour combattre à l’arc, et je me ruai au secours de mes soldats. On ne pouvait pas perdre. Il était hors de question de mourir d’une façon aussi stupide. Nous avions été naïfs et étions tombés la tête la première dans un piège. Je réussis à blesser plusieurs adversaires, mais je me rendis vite compte que j’étais la dernière des miens encore debout. Acculé à un rocher, je refusais de me rendre. Telle une lionne je fonçai dans le tas, hors de question de se rendre. Ils n’obtiendront aucun renseignement venant de moi. Puis subitement quelque chose me frappa derrière la tête et je m’écroulai sans ne rien pouvoir faire.
Je me réveillai avec un mal de crâne insupportable, il me fallut plusieurs secondes avant de reprendre mes esprits. Je me levai précipitamment regardant les alentours. Enfermé. Il m’avait enfermé dans leur minable prison. Ils auraient dû me tuer, je ne dirai rien. Un nain arriva devant ma cellule, il semblait plutôt grand pour son espèce et je me surpris à le trouver séduisant. Je détournai la tête, furieuse contre moi-même, croisant les bras sous ma poitrine. Et ce fichu nain qui restait planté là devant cette cellule à me regarder. Je ne supportai pas d’être enfermé ainsi je perdis rapidement mon calme. « Qu’est-ce que tu veux nain ? » Demandais-je froidement en lançant un regard assassin à mon joaillier. Un grand sourire s’afficha sur les lèvres du nain qui rapprocha son doigt de sa bouche pour me dire de me taire. « J’ai un prénom, tu le sais ? » Commença-t-il en ricana doucement. Le son de son rire était étrangement agréable à mes oreilles. Je secouai la tête avant de reporter malgré moi mon attention sur lui lorsqu’il prit la parole de nouveau. « Ne fait pas trop de bruit, je ne suis pas censé être ici. » Dit-il en s’asseyant près des barreaux. « Que fais-tu ici alors ? » Demandai-je ma curiosité piquée à vif. « Je veux plus te connaître, tu m’intrigues. » Répondit-il avec une franchise déstabilisante. Il passa sa main à travers les barreaux avant de reprendre la parole. « Je suis Tori et toi ? » Malgré moi je tendis à mon tour ma main pour serrer la sienne. Elle était douce malgré la force qu’elle semblait contenir. Je retirai ma main quand une décharge électrique me toucha. « Carafinwë. » De nouveau ce beau et grand sourire s’afficha sur ces lèvres et mon cœur s’emballa. Ne soit pas stupide Cara, c’est un nain et tu viens de le rencontrer voyons ! J’essayais de me montrer distante et froide, mais cela ne semblait pas refroidir ledit Tori qui passa toute la soirée avec moi. Nous nous découvrîmes peu à peu et contre toute attente nos caractères semblaient complémentaires. Pendant plusieurs semaines Tori me rendait visite en secret la nuit tandis que le jour ces copains nains essayaient de me faire parler. Je ne sais pas si j’aurais tenu aussi longtemps sans ces visites.
Puis un jour, après une énième séance de torture, Tori vient me rejoindre, le visage fermé et préoccupé. Je n’avais pas la force de me lever pour le taquiner comme je le faisais d’habitude. Je réagis à peine quand il ouvrit la porte de la prison. Ces bras musclés s’entourèrent autour de ma taille et il me souleva avec douceur malgré sa force. À moitié dans les vapes je me laissai faire. Plusieurs minutes plus tard, je me retrouvai sur un cheval avec Tori au règne qui le fit parti au galop sans plus attendre. L’air frais de la nature, la caresse du vent, toute cette liberté et nature qui m’avait cruellement manqué me permit de reprendre mes esprits. Je me relevai subitement forçant Tori à arrêter la monture. Je sautai sur le sol et le regarda avec incompréhension. « Qu’est-ce que tu fais ? Tu veux te faire tuer ? Tori… pourquoi ? On est en territoire elfe tu dois partir ! Pourquoi ? Je… » Mes mots moururent contre les lèvres de Tori qui m’embrassait pour me faire taire. Il caressa mon visage avec délicatesse. « Mon cœur est tien Cara, je ne supportais pas te voir souffrir… ils allaient finir par te tuer… ne t’inquiète pas pour moi… Amralime. » Finit-il de dire. Je détournai la tête. « Je ne sais pas ce que ça veut dire… » Un grand sourire s’afficha sur son visage. « Je pense que si. » Il commença à reculer ce sourire toujours présent sur ces lèvres. Il remonta sur sa monture et parti au loin. J’aurais tellement voulu te retenir ce jour-là et pourtant je ne le fis pas. C’est silencieusement et mélancolique que je retournai au château de mon roi envers qui m’a loyauté avait toujours été et pourtant quand cette énième guerre éclata cette loyauté n’était plus sans faille, quelqu’un faisait à présent partie de mon cœur et rien d’autre que lui n’importait à présent.
Mon Roi. L’homme que j’admirai le plus à relancer cette guerre. Il s’est servi de ma capture, de ces tortures, pour lancer une nouvelle guerre. Je n’étais qu’un pion sur son échiquier. Une raison dont il avait besoin pour attaquer les nains, ce n’était pas amour envers moi. Uniquement pour lui. Seulement pour lui. Quelques semaines passèrent avant que je sois entièrement rétabli, mais une fois que ce fut le cas sans aucun regret le roi m’envoya au front avec son fils, le prince. Mon ami. Nous étions de très bons combats séparément, mais ensemble nous étions imbattables. Cela faisait des années, si ce n’est dire un siècle que nous combattions ensemble. Nous nous connaissions par cœur, aucun mot n’avait besoin d’être échangé, nous étions des machines à tuer, mais cela tout ceci n’était plus vrai. Avant je n’avais aucune peur, mais maintenant je craignais, non j’étais terrifiée. Terrifié de le rencontrer sur-le-champ de bataille, terrifié de devoir l’affronter. Chaque nain que je tuais portait ton visage. Oh Tori, dis-moi que tu es en sécurité. Dis-moi que tu es en vie… Par pitié, soit vivant.
Malheureusement cette nouvelle arriva. Il était en vie. Oui, mais nous voilà de nouveau ennemis. Pourquoi Tori ? Pourquoi ? Je combattis les autres nains en essayant de me rapprocher de toi et tu semblais faire la même chose, alors que nous n’étions plus qu’à quelques mètres l’un de l’autre, les ogres débarquèrent et attaquèrent autant les nains que les elfes. Une lance te transperça alors. Je m’entends encore crier et courir vers toi, crier son nom. Ton visage se tourne vers le mien et une larme coule le long de ta joue. J’ai beau courir je n’arrive pas à te rattraper, je n’arrive pas jusqu’à toi. Mon prince m’attrape par les hanches avant de nous faire rouler tous les deux sur le côté évitant la masse d’un ogre. « Cara ! Qu’est-ce que tu fabriques ?! » Je ne répondis pas. Tu n’étais plus là, je n’arrivais pas à retrouver ton corps. Je serrai les poings si forts que je m’arrachai un petit couinement de douleur. Les ogres étaient bien trop nombreux et nous durent fuir. Une fois hors du champ de bataille je m’effondrai.
Tu n’étais plus là. J’avais l’impression que mon cœur avait été arraché. Mon prince ne comprenait pas ce qui m’arrivait, pourtant il resta à mes côtés tandis que le souvenir de notre dernière et unique rencontre secrète me revient en mémoire. J’aurais te dire à ce moment-là que je tenais à toi. J’aurais dû te dire à quel point tu tenais pour moi. On aurait dû fuir ensemble. J’aurais du te suivre… j’aurais du… pardonne-moi Tori. Pardonne-moi pour t’avoir abandonné. Je t’en prie, pardonne-moi…
Une fois que je fus suffisamment calme, mon prince m’aida à me relever afin de rentrer au château. Je m’échappai de son étreinte une fois qu’arriver dans cet antre que j’avais toujours considéré comme chez moi. Ce n’était plus le cas, je ne voulais pas. Je ne pouvais côtoyais des êtres qui ne pensait qu’à la guerre et non les conséquences. Je me dirigeai vers ma chambre, prit mes affaires et m’enfuit par la fenêtre avant de voler un cheval.
Je quittai mon pays sans aucun regret, sans aucun regard en arrière. J’avais tout perdu alors que je n’avais encore rien gagné. Le visage de Tori ne cessait de me hanter jour et nuit. Cela faisait à peine une semaine que je vagabondais dans la forêt enchantée quand la malédiction toucha la région.
Mais avant cela, avant que cette malédiction ne m’emporte dans cette drôle de ville, je rencontra des personnes étranges. J’étais encore sur le dos de mon cheval quand je croisai cette bande qui pouvait paraître originale, mais qui ne l’était en rien pour moi. Qu’est-ce que ces nains de malheur faisaient dans la forêt enchantée ? Avec des pioches qui plus est. Essayaient-ils de voler les ressources de ce pays ? Par réflexe, du à mon éducation, je les considérai comme dangereux et il était de mon devoir de les arrêter. J’étais donc descendu de ma monture pour les surprendre. Mon fidèle arc à la main j’attendis le bon moment pour sortir de mon buisson, flèche prête à être décroché. La bande de nain s’arrêta subitement, certains semblaient avoir peur, un autre faisait la tête. Plus je les observais et plus mes sourcils se fronçait. Ils n’avaient rien à voir avec les nains que je connaissais. Déjà il semblait plus petit, ensuite ils étaient moins musclés, ils n’étaient pas taillés pour la guerre. De plus, ils n’avaient pas ces cheveux mi-long accompagné d’une barde, certains avaient des barbes, mais pas tous. Je baissais mon arc en m’excusant pour cette agression. Les nains ne comprenaient pas et je me senti obligée de leur expliquer la situation, après les avoir attaqués c’était la moindre des choses. Malgré qu’un certain grincheux s’oppose à cela, le chef des nains m’invita à passer la nuit chez eux avant que je ne reprenne mon voyage. Je passai donc le repas du soir avec eux, chacun avait leur propre caractère et ils étaient tellement différents des nains que je connaissais que je me surpris à les apprécier. Mais cette apparente choix ne dura pas bien longtemps, mon comportement un peu plus tôt dans la journée m’avait rappelé ce que je tentais de fuir. Mon peuple et ces guerres incessantes contre les nains d’Akasvar. La douleur que je pensais enfin parti me frappa en plein cœur alors que je rigolais de bon cœur avec mes hôtes. Je ne montrai rien, mais une fois le repas terminé, quand tout le monde fut endormi, je rassemblai mes affaires dans le plus grand silence avant de m’enfuir de nouveau sur le dos de mon cheval. Je n’eus pas le temps de faire d’autre rencontre après cela, déjà parce que je ne passais pas par des chemins fréquentés, puis parce que la malédiction arriva bien trop rapidement pour que j’ai le temps de rencontrer de nouvelles personnes.