Le mardi... c'est sushi !

Suivant les instructions de Skipper, j’avais choisis de tout révélé au livreur de sushis. Après tout, il n’avait pas l’air aussi mauvais que cela ! Je lui racontais donc mon histoire tout en le fixant du regard. L’attitude tout d’abord choquée de Charlie se changea pour devenir plus douce et compatissante. J’étais heureux d’avoir reçu un tel retour de sa part. Seules quelques rares personnes connaissaient le secret de mes origines et de voir ce « quasi » inconnu exprimé une telle peine pour moi me rassurait et me poussait à poursuivre mon récit. Intérieurement, un raisonnement commença à pointe le bout de son nez à l’intérieur de mon esprit. Si Charlie pouvait influencer le comportement des animaux, peut-être pourrait-il faire renaître en moi l’animal doux et docile que j’aurais dû toujours être ? Cette pensée traversa mon esprit et disparut bien vite. Après ce que je lui avais fait, la dernière chose que je désirais c’était le refaire à nouveau souffrir.

Le garçon ne semblait cependant pas résolu à m’abandonner à mon sort, bien au contraire. Il s’approcha du canapé et intima l’ordre à Skipper de lui céder la place. J’étais alors véritablement surpris. Jamais personne n’avait osé donné d’ordres à mon commandant. Jamais personne n’avait pu l’obliger à faire quoi que ce soit contre sa volonté. A nouveau, il semblait lui prêter une confiance qui m’échappait. Personnellement, je craignais l’éloignement de Skipper. Il était le premier et le meilleur de mes amis et il n’y avait que lui qui avait le pouvoir de me réconforter lorsque je perdais la face. Etais-je vraiment prêt à faire confiance à Charlie ? Je pris alors une grande respiration, chassant par la même occasion les larmes qui avaient perlés à mes yeux le temps de mon récit. J’eus de la peine à relâcher mon regard de mon ami à plume. Skipper n’était d’ailleurs pas très rassuré lui-même. Plongé dans une profonde introspection, il se demandait quel était cet étrange pouvoir d’hypnotisme qu’il possédait ! Le connaissant, je l’imaginais également faire des plans sur la comète, à se demander ce qu’il pourrait faire d’une pareille recrue si elle rejoignait nos rangs. Je ne manquais pas de sourire à cette idée qui me permit de me détendre un tant soit peu ! Je me sentais alors prêt…

Me tournant vers mon livreur de sushis préféré, je l’écoutais parler tout en essayant de me calmer. Il s’exprimait avec honnêteté sur ses capacités. C’était un plaisir pour moi… d’autant plus que Juliette, ma chère assistante, ne s’était jamais aussi facilement livrée. Pourtant tous les deux possédaient un pouvoir similaire. Au cours de son discours, Charlie ne manqua pas d’adresser une petite pique à Skipper qui bien naturellement, le prit mal. Il n’avait jamais supporter l’idée que je puisse lui être supérieur en intelligence et bien sûr ce sujet le heurtait à chaque fois que quelqu’un lui en parlait. Il choisit cependant de se taire comprenant vite qu’une personne comme cet « humain » pourrait peut-être réaliser le miracle de me séparer de Hyde une bonne fois pour toutes ! C’était comme si nous étions à une séance chez un psychiatre.

Charlie me posa alors une question qui m’interpela à propos de mon propre bien-être. Je lui souris alors tristement « Bien évidemment que je le voudrais. Cela fait tant d’années que je me bats contre moi-même ! Je voudrais avoir l’impression que tout se passe bien dans ma tête… avoir l’impression, juste un moment, d’être normal ! » J’étouffais alors un sanglot, songeant à toutes les souffrances que j’avais enduré et fait enduré autour de moi depuis l’apparition de mon dangereux alter-ego. Mon interlocuteur déclara alors que c’était une chose facile. Il me suffirait pour y parvenir d’écouter l’animal qui était en moi. Je compris alors ce que Charlie voulait faire… Il souhaitait réaliser mon souhait, sans même que j’aie à lui demander. Je lui adressais alors un regard inquiet. « Charlie non, tu as vu ce qu’il a fait auparavant… Je ne veux pas qu’il recommence. Je ne veux surtout pas qu’il te fasse du mal ! »

Sans vraiment que je ne m’en rende compte, la voix de Charlie m’apaisait déjà peu à peu. Mon rythme cardiaque et ma respiration ralentissaient lentement. Je ne réagis même pas lorsque ce dernier posa une main sur ma joue. A cet instant, je commençais tout juste à me sentir bien ! Je refermais lentement les yeux lorsqu’il m’en intima l’ordre. Cependant, mon corps lui souhaitait réagir. Il voulait écartés les mains de sur mon visage. Non pas parce que je voulais l’agresser, non c’était parce que je voulais le protéger de cette force obscure qui brûlait en moi et qui n’avait que d’une chose. Terminer le travail commencer ! Partagé entre mon envie de le repousser et celle de me laisser aller, je sentis des larmes couler le long de mes joues. « Je t’en prie Charlie arrête… il n’en ressortira rien de bon ! S’il te plait part avant qu’il ne se réveille. "

Puis lentement, je retrouvais en moi les sensations de l’animal oublié. Je me rappelais de la douceur de mes bains dans l’eau salée de la mer, le plaisir que j’avais à plonger mon bec dans mes plumes pour me refaire une beauté et gratter tendrement mon dos, le goût du poisson et des autres fruits de mer. Je me sentais apaisé et les larmes coulant sur ma joue séchèrent peu à peu. Je sentais alors une profonde quiétude à l’intérieur de moi. Je faisais confiance à mon thérapeute. Je finis même par poser en toute confiance mes mains sur les siennes, craignant ce qui pourrait arriver s’il venait à relâcher la pression tout d’un coup.

Le mardi... c'est sushi !

Depuis le début de cette petite séance de relaxation improvisée, mon esprit était partagé. J’avais vraiment peur de me laisser totalement aller entre les mains de Charlie. Premièrement, parce que Hyde pouvait ressurgir subitement de mon esprit et l’agresser à nouveau. Deuxièmement, parce que je détestais l’idée de perdre le contrôle sur moi-même. J’aimais garder l’esprit en veille et alerte, prêt à trouver une solution à toute sorte d’obstacle. Ma vive intelligence me permettait de prendre confiance, moi qui en avait toujours tellement manqué ! Or le cet espèce de contrôle mental exercé par Charlie l’endormait et l’empêchait de penser clairement.

Voulais-je vraiment me prêter à cette sorte d’expérience ? Sans vouloir offenser mon invité, la seule raison qui m’avait poussé à lui faire totalement confiance c’était que Skipper se trouvait à peine à quelques pas de moi. Lui saurait agir si jamais le livreur de sushis venait à commettre à mon encontre une agression quelle qu’elle soit. Depuis toujours, j’avais appris à me méfier des humains. Ils avaient leur temps à martyriser la pauvre créature sans défense que j’étais à l’époque. Ils avaient abusé de moi et je craignais fortement qu’un jour mon enfer recommence. Mais tout la question était là. Le blondinet était-il réellement un humain ?

Charlie semblait être sûr ce qu’il faisait. Il m’intimait de me taire, ne perdant en rien sa concentration première. Je choisis dès lors de lui obéir et de fermer lentement les yeux. Après tout, je l’avais averti du danger. Si mon alter-ego venait à nouveau à l’agresser, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même ! Charlie posa lentement ses mains sur son visage. Je posais alors les mienne par-dessus puis détendu, le laissais redescendre sur ses avant-bras. Je ne pouvais et ne voulais surtout pas le lâcher. Son pouvoir était peut-être la seule chose qui empêchait mon jumeau de m’utiliser comme une vulgaire marionnette. Mon esprit semblait alors être comme une bouteille mise sous pression et qui finirait par exploser à un moment donné. A cet instant-là, je me sentais parfaitement serein ! Cela n’avait duré que quelques secondes mais quel bonheur cela avait été pour moi de retrouver cette paix intérieure.

Les mains de Charlie redescendirent lentement sur les deux avant-bras de mon fauteuil. Non ! Ne me lâche pas, c’est trop tôt ! Peu à peu, je voyais des nuages s’accumuler dans mon esprit, un orage menaçait le pauvre petit manchot su sa plage paradisiaque. La peur était en lui et il eut soudain l’envie de se cacher « Charlie, Skipper… je ne me sens pas bien. Qu’est-ce qui se passe ? » Par ma bouche, je retranscrivais les mots du petit manchot effrayé. « Il revient… pour s’en prendre à moi ! Pitié, faites quelque chose ! » Je resserrais alors mon emprise sur la main de Charlie. En était d’inconscience, tentais de reprendre le dessus sur moi-même. C’était terriblement délicat. « Charlie, ramène-moi ! ». Je me battais alors intérieurement dans mon esprit brisé. La petite plage où se trouvait le manchot était désormais envahie par l’eau. Il ne restait qu’un petit rocher où il pouvait trouver refuge. Bien sûr, il aurait pu s’enfuir à la nage mais pour aller où ? Il n’y avait pas de terres à des kilomètres à la ronde. Il était terrorisé et le rire cruel de Hyde raisonnant dans sa tête le paralysait sur place. Je priais alors pour que mes amis puissent m’aider à reprendre contact avec la réalité.

Le mardi... c'est sushi !

Sans vraiment le vouloir, j’étais tombé dans un long et profond sommeil… comme si Charlie m’avait plongé en état d’hypnose. Je me sentais détendu et serein car j’ignorais que ce phénomène ne correspondait pas au pouvoir du livreur de sushis. Après quelques minutes de concentration, je commençais à faire des cauchemars rêvant à l’arrivée de mon alter-ego qui s’en prenait directement à moi en tant que manchot. Ce n’était pas bon… non vraiment ce n’était pas bon du tout ! Je cherchais de l’aide et du réconfort auprès de Charlie. Après tout c’était lui qui m’avait mis cet état, non ? Il devait savoir comment me réveiller, comment me ramener à la raison. Bloqué dans mon fauteuil, incapable de bouger, j’avais gardé ma main sur celle du blondinet qui la serrait toujours plus fort entre ma main. Je ne voulais pas que Charlie me lâche et j’espérais que Skipper se joindrait à lui pour trouver un moyen de m’aider. Ce n’était pas la première fois que mon meilleur ami se trouvait confronter au problème Hyde après tout. J’étais persuadé qu’il trouverait un moyen de me sortir de là !

Mon enveloppe corporelle extérieure était agitée par des tremblements qui faisait accéléré ma respiration et mon rythme cardiaque ! A l’intérieur, c’était un vrai combat qui se déroulait entre mes deux personnalités. Je me retrouvais pauvre petit manchot effrayé dans un mer agitée par des vagues de plus en plus forte. Je devais me calmer, trouver un moyen de reprendre conscience. Puis soudain, je vis un raz-de-marée s’abattre sur la mer. Il venait de dégager un gros rocher sur lequel je grimpais. Bien sûr, la situation aurait été bien plus cocasse si j’avais su qu’au même moment, Charlie venait en réalité de m’asperger de soupe miso ! C’était un détail que je préférais ignorer pour le moment. Le roche ne semblait pas subir les effets néfastes de l’eau. Ce qui voulait également signifier que je reprenais gentiment conscience. Les rires maléfiques de mon alter-ego raisonnait encore en moi. Hyde me faisait des remarques méchantes, menaçant mes proches et se moquant des initiatives de mes deux amis. Bientôt, un nouveau miracle se produisit. Skipper venait de me frapper violemment de sa nageoire et le niveau de l’eau commençait enfin à descendre. L’île sur laquelle je me trouvais au début, refaisait gentiment surface. Je plongeais alors dans l’eau, bien résolu l’atteindre. Bientôt, j’entendis la voix de Skipper raisonner en moi.

« Kowalski… Kowalski écoute-moi ! Souviens-toi, sois le soldat mais pas l’arme ! Tu peux le vaincre, tu l’as déjà fait. » « Mais Skipper, il est beaucoup trop fort pour moi ! » « Je veux pas vous entendre parler comme ça lieutenant, c’est clair ? Tu l’as déjà vaincu, tu peux recommencer. Tu dois juste y mettre un peu de bonne volonté, d’accord ? Pense aux personnes que tu aimes, à tous ces bons moments qu’on a passés ensemble… à toutes ces fois où devant le feu de l’ennemi tu n’as pas baisser le bec mais tu as continué à avancer ! Allez soldat, je veux te l’entendre dire ! » Je savais exactement de quoi Skipper voulait parler. La plus belle journée de ma vie fut le jour où de soldats, je passais enfin officier. Ce jour où Skipper m’avait prouvé qu’il me voulait comme bras droit ! Je répétais alors le même serment que j’avais prêté à l’époque. Je le prononçais d’une voix qui passais du murmure au cri jusqu’à ce que j’atteigne enfin cette fichue île !

Je me réveillais alors dans un sursaut et j’avais de la peine à retrouver mes esprits. Skipper était là, il me regardait en souriant alors que sa nageoire était posée sur ma joue. « C’est très bien, soldat ! Je suis extrêmement fier de toi ! ». Je le serrais alors dans mes bras, laissant mes larmes couler sur mes plumes. Skipper avait fini par se dégager, il regardais Charlie furibond.