Une bruine légère et froide tombait sur le port depuis plusieurs jours.
Nous avions essuyé une semi défaite et l’humeur était morose sur le Jolly Roger. Des informations erronées. Une trahison. Le navire marchand que nous devions attaquer s’était révélé être en vérité un bateau de soldats armés que nous avions finalement fait couler par le fond. Néanmoins, nous avions perdu notre temps, de la poudre, des boulets de canons, de nombreuses munitions et surtout deux hommes dans le combat.
Nous pouvions malgré tout nous estimer heureux, les pertes auraient pu être bien plus importantes, et après cette cuisante défaite les différentes autorités nous laisseraient en paix durant un moment.
Dans le premier port du royaume blanc, nous avions appontés et j’avais donné quartier libre à l’équipage hormis les quatre membres de gardes qui seraient relevés toutes les huit heures.
J’avais pris le premier tour avec deux hommes et une femme, mon équipage étant mixte et là nous descendions tranquillement vers l’auberge de la table blanche, lorsque mon regard fut attiré par une ombre mouvante. Pas très grande. Elle semblait chercher à se dissimuler.
La journée tirant sur sa fin, sous la grisaille, de la pluie qui persistait, je délaissais mes compagnons pour me diriger vers le jeune homme.
De loin, près d’un magasin qui vendait des fruits et des légumes, il m’avait semblé le reconnaître même si je ne parvenais pas à mettre un nom sur sa silhouette. A la faveur d’une lampe tempête accrochée devant l’établissement où il cherchait à être discret, je reconnus son visage. Je l’avais entre aperçu deux ans plus tôt alors qu’il quittait mon navire, sautant de caisses en tonneaux pour gagner le quai. Il s’était insinué à mon insu et à celui de mon équipage pendant que je faisais une livraison à Peter Pan sur le Pays Imaginaire. Il était resté caché à bord et avait réussis à grappiller de la nourriture pendant les trois jours qu’avaient durés le voyage et s’était esquivé de façon magnifique sous notre nez.
J’avais bien sûr puni le quartier maître, responsable des hommes et de leurs agissements, mais juste pour la forme.
J’avais été impressionné par ce petit bout d’homme et je ne pouvais qu’admirer sa ténacité et sa ruse.
Parvenant jusque devant les étals, je pris une pomme en main et la fit sauter en l’air avant de la rattraper sur mon crochet. Faisant mine de ne pas l’avoir remarqué, je lançais une piécette au marchand qui venait de sortir. Cela couvrait largement le prix de trois pommes et croquant dans celle que j’avais au bout de mon arme, j’en glissais une dans la poche de mon long manteau de cuir et tendit la troisième au gamin. « Tu as faim ? »
Je croquais une nouvelle bouchée de celle qui était empalée sur mon crochet, prenant le temps de mastiquer en l’observant. Ayant avalé le morceau de fruit délicieusement sucré et juteux, je lui souris.
« Il me semble que l’on s’est déjà croisé non ? Enfin brièvement d’après mon souvenir… »
Je ne voulais pas l’effrayer mais il avait piqué ma curiosité et j’avais vraiment envie d’en savoir plus sur lui.
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Dernière édition par Killian Jones le Dim 19 Nov - 19:39, édité 1 fois
Cela faisait plusieurs jours que le jeune Zip avait faim. Il avait tenté dernièrement de voler une vieille dame qui ne faisait pas attention à sa bourse mais il avait failli se faire prendre par l’homme qui l’accompagnait. Il rageait d’avoir raté sa cible tout en se dirigeant inconsciemment vers le port tandis que la pluie commençait à tomber. En regardant les bateaux, il y en a un qui attira son attention : le Jolly Roger. Cela faisait environs deux ans qu’il s’était enfui de Neverland à bord de ce navire de pirate et à l’arrivée ici, il avait bien cru que c’était sa dernière heure lorsqu’il fut découvert par un pirate. S’en était suivi par une course-poursuite sur le bateau avant de sauter sur des tonneaux et des caisses et disparaitre au détour d’une ruelle sans demander son reste. Si la vie à Neverland était dure, c’était encore plus dur dans les rues de port de la Forêt Enchantée. Le gamin ne survivait que grâce à des petits vols et autres larcins. Tout à coup, il y eut du mouvement sur le Jolly Roger. Zip observa les trois hommes et la femme quitter les quais alors que d’autres camarades prenaient la relève. Parmis les trois hommes, le gosse, aujourd’hui âgé de huit ans, reconnut le capitaine Crochet. En même temps, difficile de ne pas le voir avec un crochet à la place de la main gauche. Il les suivit, plus par curiosité mais aussi parce qu’il s’était souvenu une fois, pendant qu’il se cachait des pirates et de Pan, il l’avait entendu parler de Rumplestiltskin. Tendant de son mieux pour se cacher du pirate, il vit celui-ci s’éloigner de ses compagnons et la direction qu’il prit ne rassura pas trop Zip. Et puis, cette pluie qui ne voulait pas cesser de tomber ! Il sentit le froid à travers ses vêtements mouillés mais le gamin tint bon. Il était bien plus résistant qu’il ne le faisait paraître. Quant au pirate, il venait d’acheter trois pommes : une finit dans sa poche, la second dans son crochet et la troisième dans sa main avant qu’il ne la tendit à Zip. « Tu as faim ? » demanda alors Hook. Le petit garçon l’observa un instant avant de poser les yeux sur la pomme qu’il lui tendait. Il hésita un moment avant de prendre le fruit. - Merci ! dit-il. Il avait beau être un gamin des rues, un ancien garçon perdu, il n’avait pas oublié le peu de bonnes manières qui lui avait inculqué sa pauvre mère. « Il me semble que l’on s’est déjà croisé non ? Enfin brièvement d’après mon souvenir… » reprit le pirate tout en lui souriant. Zip souria légèrement. Il avait eu peur mais une fois qu’il fut hors de la vue des pirates, il s’était tout de même bien marré. Il mordit dans la pomme et mâcha un morceau. - Oh, c’était il y a longtemps m’sieur ! Euh Capitaine ! Vous m’en voulez quand même pas pour si peu ? Si ? Si Hook avait voulu lui faire du mal, il ne lui aurait certainement pas offert cette pomme achetée sous son nez.
Poli. Un point de plus pour lui. J’avais toujours pensé que le respect était quelque chose qui devait être mutuel. Je respectais ceux qui me respectaient et j’appréciais vraiment qu’à son âge il ait déjà compris cette valeur importante.
Lui aussi se souvenait de moi et je souris franchement en continuant de manger ma pomme. Avalant ma bouchée, je lui répondis sans me départir de mon sourire. « T’en vouloir ? Quelle idée ! Il fallait être fou ou très courageux pour faire ce que tu as fait, et je doute que tu sois fou. Je me trompe ? »
Avec un clin d’œil, je l’encourageais à poursuivre son en-cas. D’après sa tenue et son apparence, il ne devait pas manger tous les jours à sa faim. A moins que ce ne soit une mise en scène pour faire pitié et jouer dans ce port la carte de la mendicité, ce qui ne devait pas fonctionner des masses en cet endroit.
Afin de le mettre à l’aise j’engageais nonchalamment les présentations.
« Tu peux m’appeler Killian. Le tutoiement sera aussi plus adapté. Et toi ? Quel est ton prénom ? »
Terminant ma pomme, j’en jetais le trognon au sol et m’essuyais les doigts sur un mouchoir sorti de la poche de mon long manteau de cuir qui recouvra rapidement sa place.
Les deux questions évidentes qui flottaient dans mon esprit filtrèrent entre mes lèvres.
« Pourquoi avoir quitté le Pays Imaginaire ? Tu ne t’y plaisais pas ? »
La pluie fine semblant vouloir s’intensifier, même si nous étions à l’abri de l’auvent du magasin, je proposais.
« Dis, cette pomme m’a mise en appétit, mais j’ai besoin de quelque chose de plus consistant. Je me dirigeais vers une auberge quand je t’ai vu. Cela te dirait de m’accompagner. Je t’invite bien sûr et si tu as envie de me fausser compagnie, tu pourras à tout moment me saluer et quitter la table. Je ne t’en demande pas plus. »
Pourquoi avais-je ainsi envie de lui être agréable ? De l’aider ? Parce qu’il me rappelait moi, quand j’étais je jeune. Lorsque mon père nous avait vendu moi et mon frère contre une barque pour se tirer comme un lâche. Sauf que moi j’avais tout de même quelqu’un sur qui compter. Liam. A son souvenir mon cœur se serra, comme à chaque fois que je pensais à lui. La blessure était toujours ouverte et le resterait. J’en voulais un peu à Peter Pan de ne pas m’avoir dit que son remède ne fonctionnait que sur l’île imaginaire, aussi pouvais-je comprendre qu’il n’était pas le gentil petit garçon chef des enfants perdus veillant à leur bien-être. Il avait probablement comme tous ses propres intérêts.
Lui tendant la seule main en ma possession, je demandais.
Cela pourrait parfois paraître surprenant de voir un gamin comme Zip aussi poli et faire preuve de bonnes manières mais se rappeler des bonnes manières lui permettait de ne pas oublier sa mère. Ce n’était pas que le gosse respectait le pirate mais c’était juste par politesse, surtout qu’il ne s’était pas montré hostile avec lui mais Zip restait un peu méfiant. « T’en vouloir ? Quelle idée ! Il fallait être fou ou très courageux pour faire ce que tu as fait, et je doute que tu sois fou. Je me trompe ? » Il était sérieux en disant ça ? Cela surprit le petit mais il lui répondit en faisant un non de la tête. Bien sûr qu’il n’était pas fou mais il ne se considérait pas vraiment comme quelqu’un de courageux. Pour lui, il faisait les choses parce que ça devait être ainsi. Il continua à manger sa pomme, encouragé par le clin d’œil que lui fit Hook. Ce dernier se présenta : Killian. Il ajouta qu’ils pouvaient se tutoyer, ce qui arrangeait aussi le gamin. Tout en terminant sa propre pomme, le capitaine lui demanda quel était son prénom. - Zip ! répondit le marmot en mangeant un morceau. Vint la question qui était inévitable : « Pourquoi avoir quitté le Pays Imaginaire ? Tu ne t’y plaisais pas ? » - Ma mère me manquait et je m’étais enfui comme un lâche ! Il n’en dit pas plus, les larmes commençant à brouiller sa vue. Il s’en voulait pour n’avoir rien fait pour la sauver, pour l’avoir mis dans cette situation. S’il n’avait pas changé sa place avec cet idiot de Chip ! « Dis, cette pomme m’a mise en appétit, mais j’ai besoin de quelque chose de plus consistant. Je me dirigeais vers une auberge quand je t’ai vu. Cela te dirait de m’accompagner. Je t’invite bien sûr et si tu as envie de me fausser compagnie, tu pourras à tout moment me saluer et quitter la table. Je ne t’en demande pas plus. » La proposition était alléchante. Lui aussi avait encore faim. Ce n’était pas avec une pomme qu’il avait suffisamment mangé. Mais Zip ne comprenait pas pourquoi pas le pirate se montrait gentil avec lui. Qu’est-ce qu’il cherchait à faire ? Si c’était pour avoir des informations sur Peter Pan, il n’était pas la personne idéale. Mais son ventre se remit à gargouiller et il avait vraiment besoin de se nourrir. Il serra alors la seule main qui lui tendait Hook. - Marché conclu !
Ainsi il se trouvait lâche. Je pensais de lui tout le contraire. La lâcheté aurait été de rester sous la coupe de Peter Pan. A moins qu’il ne parle d’avoir fui la présence de sa mère ? Dans ce cas l’affaire se révélait bien plus compliquée.
Ses yeux se mirent à briller, comme s’il allait pleurer. Je ne voulais pas faire ressurgir de mauvais souvenir. Remettant les questions à plus tard, j’orientais la conversation sur un possible repas.
Avec plaisir, je le vis accepter ma proposition. Serrant sa main, je lui fis signe de me suivre, et gagnais rapidement l’abri de l’auberge du cochon rôti. Leur spécialité était justement cet animal qui trônait sur une broche gigantesque fixée dans un coin de la cheminée. Les braises étaient parfaitement maintenue pour ne pas brûler la viande et le feu sur l’autre côté réchauffait la grande pièce enfumée. « Ca sent bon n’est-ce pas ? »
Les effluves de cochon rôtis mettaient en appétit. Je fis un signe de refus à mes hommes qui venaient de m’inviter à les rejoindre, et me dirigeais vers une petite table à l’écart pour être tranquille. Puis je m’installais dos au mur et appelais une serveuse. La jeune femme à la poitrine bien mise en avant et à la taille fine me fit un clin d’œil m’ayant facilement identifié grâce à mon crochet. Ma réputation n’était plus à faire et j’avais souvent un bon accueil de la part de la gente féminine dans chaque port où je faisais mouiller l’ancre de mon navire.
« Amenez-nous deux bonnes part de votre spécialité et de son accompagnement, ainsi que du pain, du fromage et du vin et de l’eau. Merci.»
J’espérai que cela suffirait à satisfaire son appétit, le cas échéant, je commanderai plus.
En attendant l’arrivée de ma commande, je me renversais sur mon siège et sorti la flasque que m’avait offerte Anne et dont je ne me séparai pas. En buvant une gorgée, je refixais le bouchon et la rangeais dans la poche intérieure de mon long manteau. « Alors dis-moi. Comment survis-tu ici ? »
D’après sa tenue et sa maigreur, cela ne devait pas être plaisant chaque jour.
« Tu dors où ? »
Je l’imaginais survivre à travers de petites rapines et trouvant abris dans des granges ou les entrepôts du port. Avait-il cherché à quitter les lieux ? A rejoindre sa mère ? Que fuyait-il ? Pour ne pas le brusquer et le braquer je faisais en sorte de retenir encore un peu mes questions.
Qui aurait cru que le fameux capitaine Crochet pouvait parfois se montrer généreux avec un garçon perdu ou plutôt un ancien garçon perdu mais sans sa mère près de lui, Zip restait malgré tout un garçon perdu. Après avoir accepté la proposition du pirate, il le suivit donc jusqu’à l’auberge du « Cochon Rôti » où ils se réfugièrent rapidement sous l’abri avant d’entrer. « Ca sent bon n’est-ce pas ? » fit le pirate. Le gosse hocha la tête positivement avant de continuer à le suivre jusqu’à une table. A une autre table se tenait le reste de l’équipage du Jolly Roger. Zip reconnut quelques têtes qu’il avait aperçues soit à Neverland soit lors de sa fuite du navire lorsque ce dernier avait accosté le port. Le petit blondinet s’assit sagement à côté du capitaine et attendit. Une serveuse vint prendre leur commande, non sans avoir aguiché un peu Hook qui ne semblait pas être insensible au charme de la demoiselle. Le gamin fit une petite grimace, trouvant ça dégueulasse. Il se promit une fois plus grand de ne jamais faire ce genre de chose avec une dame mais il arrive parfois que l’on ne puisse jamais tenir certaines promesses. « Alors dis-moi. Comment survis-tu ici ? » demanda le pirate en attendant la commande qu’il avait faite. - Des petits vols par-ci par-là ! Soit en détroussant des passants riches à leur insu ou en volant dans les étalages ! Parfois, quand il fait beau, ça m’arrive d’aller pêcher mais le poisson n’est pas fort terrible. A Neverland, il avait appris à pêcher avec quelques garçons plus âgés que lui à l’époque. Parfois, il cueillait des fruits et des baies mais rien de plus. Il était bien trop petit pour aller chasser mais c’était un gosse intelligent. Il avait essayé une fois et avait réussi à avoir une prise mais Devin lui avait piqué sa proie en prétendant que c’était la sienne devant les autres. Zip n’avait pas apprécié et avait depuis pris son camarade en grippe. « Tu dors où ? » L’enfant n’avait vraiment pas l’habitude de ce genre de comportement. Crochet lui semblait différent des souvenirs qu’il avait eu de lui sur l’île. Était-il différent une fois qu’il n’était plus sous les ordres de Pan ? Le gamin commençait à se poser des questions. Mais il continua pourtant à répondre à celles de l’adulte. - Parfois à la belle étoile les nuits d’été, parfois dans les granges ou un vieil entrepôt quand il fait plus froid. A vous maintenant de répondre à mes questions ! Pourquoi vous vous montrez gentil avec moi alors que j’ai monté sans autorisation dans votre bateau et que j’étais avant avec Pan ?
Zip semblait apprécier les effluves de nourriture qui embaumaient l’auberge. L’une des femmes de mon équipage donna un coup de coude à l’un de ses comparses en le reconnaissant et en le désignant d’un signe de tête. En passant à côté, je leur fis un sourire entendu, pour ne pas qu’ils interviennent.
Son honnêteté vis-à-vis de ses moyens de survie jouait encore en sa faveur. Il savait quand être sincère. Je hochais la tête sans rien dire.
Puis lorsqu'il évoqua ses pêches, j'ajoutais songeur. « Le poisson est meilleur en mer. »
Encore fallait-il savoir le choisir. En ce qui concernait ses abris de fortune pour dormir, c’était du courant. A sa place j’aurai peut-être cherché un petit boulot, tenté ma chance comme apprenti.
Incisif, il chercha à connaître les raisons de mes agissements envers lui. Ce que j’aurais fait à sa place.
« Peter Pan n’est pas un ami. Juste une relation de travail. Je lui fournis les denrées dont il a besoin pour vivre en quasi autarcie sur son île mais rien n’est gratuit. »
Ce n’était pas forcément de l’argent, cela pouvait être un objet, un service, de la poudre de fée, de l’Ombrève ou autre chose… Cela Zip n’avait pas à le savoir. C'était nos affaires, entre Peter Pan et moi.
« Si je t’offre le repas ce soir, c’est que j’en ai les moyens, que cela ne me manqueras pas et que j’étais curieux d’entendre ton histoire. »
Il ne m’avait pourtant pour le moment pas dit grand-chose. A lui de voir s’il voulait m’en dire plus ou pas. Je ne le forcerai pas. « Ce n’est pas tout. J’ai été aussi gamin comme toi, abandonné, ou plutôt vendu sur un bateau, mais la différence est que je n’étais pas seul. La solitude je l’ai connue plus tard. »
A la mort de Liam. Et ce fut très difficile. J’imaginais ce que cela devait être pour lui.
« Si tu n’as personne sur qui compter, je peux te proposer d’être mousse sur le Jolly Roger. »
Pour ne pas qu’il se méprenne sur mes intentions, j’ajoutais rapidement.
« Bien sûr quand nous irons au Pays Imaginaire, nous te déposerons dans un port avant et repasserons te chercher histoire que Peter Pan ne puisse t’attraper. Je suppose que tu avais tes raisons de le fuir ? »
Le ton de ma voix indiquait qu’il s’agissait d’une question. A lui de voir s’il voulait y répondre.
La serveuse revint les bras chargés de nourritures et de boissons et il eut devant lui une assiette pleine, deux énormes côtes de porc la surmontant. « Bon appétit ! »
Son verre rempli d’eau, le miens de vin, je remerciais la serveuse et sans attendre plus, je commençais à manger avec entrain.
S’il y avait bien une chose que Zip avait compris, c’était que dans certaines situations, il valait mieux être honnête. Fort heureusement, c’était très rare que le jeune garçon mente. Si c’était le cas, c’était toujours pour une bonne raison comme protéger un ami ou éviter d’inquiéter quelqu’un ou mieux, s’éviter des ennuis. Mais est-ce que mentir n’amenait-il pas justement des ennuis ? Quant au pirate, il se contenta juste de hocher par moment la tête tout en l’écoutant, rajoutant par après que le poisson était bien meilleur en mer. Sans doute avait-il raison mais le gamin ne pouvait pas se permettre d’aller en mer rien que pour du poisson. De plus, il n’avait aucune notion en ce qui concernait la navigation. Il serait bien vite perdu en mer et qui sait, peut-être pris dans une tempête à laquelle il n’échapperait certainement pas. Lorsqu’il demanda la raison au sujet de la gentillesse dont faisait preuve le pirate envers lui, ce dernier lui expliqua en premier que ce qui se passait entre lui et Pan, c’était juste une relation de travail mais dont rien n’était gratuit. Ça, Zip voulait bien le croire qu’avec Pan, rien n’était gratuit. Le nombre de fois qu’il avait dû faire certaines choses pour avoir un peu de nourriture ou pour être tranquille. Par contre, le gosse fut surpris d’apprendre que Hook était curieux d’entendre son histoire. Elle n’était pourtant pas si extraordinaire et il n’avait encore pas tout dit. « Ce n’est pas tout. J’ai été aussi gamin comme toi, abandonné, ou plutôt vendu sur un bateau, mais la différence est que je n’étais pas seul. La solitude je l’ai connue plus tard. » Ça, Zip n’avait pas pensé que le pirate avait pu être un gamin lui aussi seul, enfin seul sans un père ou une mère. Et puis vendu sur un bateau, cela devait être aussi horrible qu’être transformé en tasse de thé ou théière. Le capitaine lui fit par la suite une proposition que le petit jugea fort intéressante, voire même alléchante. Mais le désir de retrouver sa mère et de la sauver des sales pattes du Ténébreux était bien plus fort. Avant même qu’il ait le temps de répondre, la serveuse apporta enfin la commande. Zip n’en revenait pas d’avoir une telle assiette devant lui. - Euh oui bon appétit ! Il se mit alors à manger à son tour. Bon dieu que c’était délicieux. Cela lui rappelait la bonne cuisine de sa chère maman. Quand il eut bien mangé, parce que sa mère lui avait appris qu’on ne parlait pas en mangeant, il se décida de répondre à la proposition mais également à la question du pirate. Pendant qu’il prenait bien le temps de manger, il avait aussi pris le temps de réfléchir. - J’ai réfléchi à votre proposition, capitaine. C’est intéressant mais je dois refuser. La raison pour laquelle j’ai fui le Pays Imaginaire, c’était pour retrouver ma mère mais je ne sais toujours pas comment faire. En fait, je sais où elle est mais je ne sais pas comment faire pour la délivrer du sort que lui avait jeté le Ténébreux en plus de la faire sortir du château de ce dernier. Il y avait songé les dernières années avant de s’enfuir mais le gosse n’avait pas les moyens pour sauver sa mère et c’était ce qui l’attristait le plus.
Le gamin mangeait comme s’il n’avait rien eu dans le ventre depuis des jours et c’était peut-être le cas.
Je le laissais faire, n’étant pas en reste. Je n’avais pas pris de déjeuner trop occupé à régler les affaires du Jolly Roger.
Laissant glisser dans ma gorge le vin aigrelet de l’auberge, j’attendis patiemment qu’il termine et qu’il me donne son choix face à ma proposition.
Mon poing se crispa lorsqu’il me donna sa raison. Sa position était tout à fait honorable.
« Encore lui. »
Ces deux mots avaient grincés sur mes dents. Je sentais désormais toute l’acidité du vin qui me brûlait la gorge. A moins que ce ne soit la rage qui faisaient remonter la bile en moi.
« C’est à lui que je dois ça. »
Je montrais mon crochet.
« Et la perte de celle que j’aimais dont il a arraché et écrasé le cœur devant mes yeux. »
Ma voix était sourde et chargée de haine. Se rendait-il compte de qui il attaquait ? Que ses chances étaient infimes voire inexistantes.
« Peut-être aurais-tu besoin d’un coup de main ? »
Mon regard plongé dans le sien je lui proposais mon aide pour délivrer sa mère. Bien fou ou orgueilleux aurait été celui qui aurait refusé. A moins que la peur ne le tétanise. Ou que sa motivation ne soit suffisante.
« Sais-tu où elle est retenue prisonnière ? »
Monter une expédition ne serait pas tâche facile et je ne pourrais aller dans les terres avec le Jolly Roger. Il me faudrait motiver quelques hommes et femmes de mon équipage mais la promesse de ce que nous pourrions trouver dans la demeure du Ténébreux pourrait en motiver plus d’un, le danger en faire reculer plus encore.
Me renfonçant dans mon siège, je réfléchissais à tout cela très rapidement et reprit.
« Je vais être sincère. Je doute que beaucoup des membres du Jolly Roger ne me suivent car il s’agit là d’un gros morceau. »
Tous savaient que le crocodile m’avait pris ma main et Milah. Certains me suivraient pas fidélité mais la crainte viscérale que ce monstre faisait naître en beaucoup d’humains était communicative.
« Tout le monde connaît les pouvoirs du Ténébreux et en a peur. Mais moi je suis prêt à courir le risque. Je ne désire rien de plus précieux que sa mort. Aussi si nos intérêts convergent pourquoi ne pas nous allier ? »
Je ne savais pas où était son trou à rat. Le débusquer ne serait pas chose facile. L’affronter pire encore. Mais je ne me défilerai pas.
« Ce sera dangereux tu sais. Peut-être un voyage sans retour. »