Je ne suis rien. L'écume de haine provoqué par les vagues à l'âme d'un grand coeur brisé. Une douleur, un sentiment de vengeance et de destruction. Une peine qui suinte. Alors j’ai voulu être quelque chose. Quelqu’un.

« Il y a bien des siècles, une océanide. Non. Une grande océanide naquit. Une grande femme, à la force profonde et au grand coeur mais passionné. C’était même devenue une dame alors que la vie la grignotait toujours un peu plus sur sa ligne de vie éternelle. Il y a moins de cent ans, un homme eut l’honneur d’obtenir son coeur et sa passion. Qu’est-ce qu’il en a fait ? Il la nourrit et après ? Il la piétiner comme un mal propre alors qu’on est allé jusqu’à tout lui donner. Il a eut l’arrogance de s’en jouer. Savait-il au moins la valeur de notre amour ? Elle en a été brisée. Une douleur si insoutenable, face à une créature telle qu’elle, cette peine a fini par sortir. Elle était si grande que sa douleur avait prit forme. A genoux, anéantie, je me suis relevé pour elle. Je me suis lentement détaché de son corps. Au début, qu’une fumée noire et ténébreuse qui forma une silhouette, puis doucement, des traits se sont dessinés alors qu’elle plongeait son regard dans le mien. Elle avait compris. Et je me suis envolé, disparaissant dans mon nuage noir et je déferlai sa haine, sa rancoeur et sa rage en détruisant, hommes, bastion et navires, et bien sûr je m’acharnais sur Davy Jones. C’était pas méchant. Juste assez chiant pour regretter. Je n’étais qu’une force destructrice et pleine de rage, juste là pour tuer ou torturer. Une main pour punir.

Elle lui avait tout donné et il était parti. Elle était seule et il ne lui restait que moi comme seule compagnie. Je la comprenais d’un regard. J’étais elle après tout. Puis, je soulageais sa peine en vengeant seul ou à ses côtés, l’affront qu’on avait fait à son coeur, sur n’importe quel manant qu’on trouvait. Elle s’était alors déchargée de toute sa frustration sur moi. Pas de façon violente, non. Pas du tout. C’était tout le contraire. De l’amour. Et cet amour, de jour en jour faisait disparaitre les dessins lugubres sur mon visage. La mort tatouée de noir. Je me rappelle encore de cette fois où elle m’a caressé la joue et que mon visage s’est lissé d’humanité et le coeur qui venait de naitre en moi était lourd dans ma poitrine. Elle m’aimait tellement et me choyais comme une mère qu’elle a fait pousser un coeur en moi et de l’humanité. De simple sentiment je passais à humain. Enfin, humain amélioré.

C’était plaisant au début. Vraiment. J’étais innocent de tout. Forcément, elle m’a appris à gérer toutes ces pensées et ces émotions, les codes sociaux, les relations humaines, à canaliser l’amour que je lui portais, la rage qui pouvait m’animer, et l’émerveillement qui parfois me faisait pleurer tant j’étais touché. C’était magique. J’adore vivre. Elle m’a éduqué et je l’aimais de jour en jour. Puis une fois, je l’ai vu forniquer avec un autre et elle était si…. aimante et ravie. Je me suis dit qu’il fallait que je lui prouve ça. Lui dire que je l’aime aussi fort que ça. C’est la consécration des sentiments pour moi. C’est ce que j’ai vu dans son orgasme en tout cas. Soit. Elle ma jeté. C’était compliqué. Elle m’aimait, mais on ne pouvait pas. J’étais si blessé. Elle ne voulait même pas m’apprendre ça, elle ne voulait pas partager cette expérience intime avec moi. Elle ne voulait pas tout partager. Elle ne voulait pas non plus que je l’aime comme l’autre l’avait aimé. Pourquoi ? Je comprends pas. Enfin j’avais pas compris. Je comprends toujours pas je pense. J’étais frustré, en colère, déçu mais j’ai pris sur moi, l’air de rien. J’étais que némésis après tout. Une némésis. Un chagrin d’amour. Rien. Qu’est-ce que ça pouvait lui faire au final ? J’étais qu’un bout d’elle.

Et un jour je suis parti. Il y a un demi-siècle. J’ai rien dit, c’était un peu froid entre nous mais ça ne présageait pas ça de ma part. Sauf que je l’ai fais. Pas un mot, pas une trace, rien. J’avais comme disparu. Elle ne voulait pas me partager certaine expérience, bah alors j’irai les apprendre moi même. Tout seul. A l’aventure. Puis, je lui en voulait de ne pas m’aimer sans limite. Et je lui en voulais aussi de m’avoir donner un coeur pour ressentir cette frustrante douleur du refus. Bref, j’ai boudé comme un gosse. Je lui ai rien dit… Comme un lâche et un voleur, je suis parti. Je voulais lui faire un peu mal, c’est vrai. Et j’ai roulé ma bosse depuis un demi-siècle, puis j’ai fini sur le bateau. Donc, ces trucs étranges que t’as vu avec moi, c’est… némésis, le doppleganger brisé de cette océanide. Et Billy, c’est l’humain. Tu vois ? »

Anne Bonny resta un moment interdite, puis versa de nouveau du rhum dans le verre vide de son matelot. « Tiens bois… Ca te fera du bien » et elle le pensait pour elle aussi. Elle risquait d’en avoir besoin. Elle finit la bouteille directement au goulot. Jamais elle n’aurait imaginé avoir une telle chose sur son bateau. Ce n’était pas très rassurant, mais elle sentait bien que Billy n’aimait pas trop némésis. Elle le comprenait tout bêtement. Alors elle le garderait et elle le soutiendrait et l’aiderait à s’aliéner le moins possible. Elle saurait prévenir ses sautes d’humeur.

Il lui avait donc tout raconté, car elle l’avait croisé et coincé sur le bastingage du pont, et il arborait son visage de némésis. C’était la gorgée-tranchée et par-dessus bord, mais de son regard implorant de Billy, les dessins évaporés, il lui dit qu’il pouvait tout lui expliquer...

Il avait été embarqué, il y presque deux mois. C’était dans une taverne, le Revenge mouillant au port. Un bâtiment splendide. Il avait demandé à Anne Bonny de le prendre sur son bateau. Il voulait être marin. Un pirate qu’elle l’avait reprit. Peu importe, je veux aller sur ton beau bateau et partir à l’aventure qu’on lui avait répondu. Elle avait rit au début en voyant le gringalet. Il insista et revint les trois jours qui suivirent.  Anne finit par accepter, aimant sa détermination et lui demanda son nom. « Euuuuuuh… » il n’y avait pas pensé à ça. « Billy ! Billy ? » se reprit-il, lui-même étonné. Hein ! Billy ? T’es sûr ? Mais pourquoi ? C’est pas très imaginatif. « Billy. » confirma t-il autant pour la capitaine que lui. Elle savait déjà qu’il était louche, mais il était touchant. Puis à part ça, c’était un brave gars, plutôt gentil et serviable, plein de motivation. C’est aussi pour cela qu’elle décida de le garder malgré sa nature délicate.

Depuis cette confession, leur lien s’était renforcé. Elle gardait un oeil sur lui, assez fréquemment. Elle lui parla de sa propre nature de louve et ils se portaient l’un l’autre dans cette animosité qu’ils possédaient et cherchaient à enfermer dans une boite à l’abris des autres. Pour les protéger ou se protéger. Il était resté tout aussi gentil, discret et plutôt rigolo. Déterminé. De jour en jour, il eut le pied marin et de mois en mois, il devenait un pirate. On l’avait adopté. Je les avais adopté aussi. Il aimait beaucoup la vie de Billy, c’était lui l’humain. Le quelqu’un. Il le sentait. Et némésis était « l’autre ». Il avait séparé les deux personnalités de façon disctinces. Anne comprit rapidement que la barrière entre ses deux natures était fine et fragile, mais avec un bon coup de main de la capitaine, Billy sut enterrer némésis petit à petit, continuellement. L’équipage le savait aussi, car avant cela, il y eut quelques incidents et frayeurs. Entre les fois où il se téléportait par accident, que ses yeux étaient comme le miroir des ténèbres ou que son visage morbide se marquait sur sa peau de jeune matelot maladroit. Mais ça c’était avant. Anne savait le calmer, le faire revenir et surtout prévenir ses sautes d’humeur. Ou plutôt de personnalité. Rien que de savoir cela, il était en confiance et se maitrisait encore mieux.

Or parfois, ça ne marchait pas, ou elle arrivait trop tard, et que parfois elle ne pouvait rien y faire. Il était un sentiment de colère. Alors quand lui était en colère, il en était l’essence même. Comme cette fois où… on a du baisser les armes contre la marine. Ils avaient pris le Revenge. J’ai pas supporté la droite que l’enfoiré à donner à notre Capitaine après l’avoir mis à genoux à coup de pied, sans parler du reste de leur comportement humiliant. Il lui a craché dessus et un autre s’apprêtait à la souillé de son urine. J’étais devenu fou. Après tout ce qu’elle avait fait pour moi. La force et la vie qu’elle m’a donné n’a pas de prix. Je sentais qu’il voulait venir. Il ne voulait pas laisser une autre femme ainsi désabusée. Parce qu’on avait une dette à payer pour ce qu’on avait fait à Caly. J’ai pas pu. Il est venu. némésis. Je me débattais, m’attrapant les cheveux. J’en gémissais presque. J’ai fait peur au marin qui me tenait, parce qu’il m’avait lâché. Elle a vu mes yeux, qui se teintaient tout de noir et mon coeur, je ne le sentais plus. « Billy non ! » avait-elle hurlé. Mais c’était trop tard. Je pouvais pas. Ça me brûlait. Je les ai noyé en ayant rapidement fait courir l’eau le long de la coque et sur le planché du pont, grimpant leur ignobles corps de manant avant de me frayer un chemin jusqu’au fond de leurs poumons. Tous. En même temps, se tortillant sous la douleur et s’écrasant vidés de leur âme. Sauf le capitaine. J’ai échangé ma place avec Anne dans une majestueuse ombre noire. Et… Quand j’ai repris conscience et que j’ai vu l’état de l’ennemi, mon état et la tête de mon équipage. Le regard de Anne. J’aurais aimé n'avoir jamais existé. J’ai eu du mal à l’admettre. Je m’en voulais tellement. Avoir conscience de ses horreurs n’était pas un cadeau.

Ni même le capitaine Bonny ou encore le reste de marins avec qui il partageait le bateau n’avait reparlé de ce moment. Personne. Il faut dire qu’il en a passé quatre jours dans les cales à s’isoler et se morfondre. Puis le temps passa. Il n’y eut vraiment que ce moment où Billy était allé un petit peu loin. En trente ans, à naviguer avec elle et le reste des pirates, ça avait tassé les choses. C’est pas qu’on avait oublié, c’est que Billy, il est cool et gentil. Un peu gamin. On faisait avec. On s’y habituait. Et vraiment, en ce moment, ça va mieux… Je pense à larevoir. C’est une bonne chose. Enfin je crois. Elle me manque. On se manque. C’était un membre comme un autre avant tout, qui parfois finissait dans l’eau à cause d’un soucis de parcours ou qui parlait tout seul. En dehors de ça, il était normal. En gros on me fait pas toujours des fleurs. Je fais une connerie par accident ou volontairement j'en paie le prix comme tous le monde. Son poste préféré ? Le nid-de-pie. Au moins il pouvait avoir des conversations avec lui même tranquille sans qu’on finisse par lui dire de fermer sa gueule.