Kidnappé. C’était trop la honte. Les triplés Dunbroch ne cessaient de dire à qui voulait bien les entendre qu’ils pouvaient très bien se débrouiller seuls et qu’ils souhaitaient plus que tout au monde qu’on les prenne pour de vrais guerriers. Et pourtant, les voilà encore aujourd’hui emprisonnés à attendre et prier pour que leur sœur vienne les délivrer. Ils n’étaient pas prêts à passer de zéro à héro. Enfin, « les triplés attendaient », c’était un bien grand mot. A l’heure actuelle, cela devait bien faire plusieurs jours, difficile d’avoir une estimation exacte au vu de la tempête qui s’abattait à l’extérieur, qu’Hamish avait été emmener par des gardes. Depuis on ne l’avait plus revu et j’avais passé des heures à réconforter Hubert sur notre sort à tous. Oui on allait s’en sortir. Bien sûr que Merida allait venir nous sortir de là, c’est ce qu’elle faisait tout le temps non ? Oui bon d’accord, la dernière fois elle n’avait pas été là, mais elle était sur le coup, c’est sûr ! Au final, à chaque nouvelle question de mon frère et après chaque nouvelle journée qui s’achevait, mon propre espoir s’amenuisait. Pourtant, je m’efforçai de montrer une humeur constante vis-à-vis de mon frère. Si nous perdions espoir, alors tout serait véritablement fini. Nous étions des guerriers, du moins nous devions en être convaincu, et nous allions trouver une solution pour nous sortir de ce guêpier. Du moins c’est ce que j’espérais. Mais avec Hamish en moins dans notre trio infernal et Hubert que je voyais de plus en plus perdre espoir, cette histoire semblait de plus en plus compliquée.
Nous étions un matin. J’en étais pratiquement certain. Hubert avait fait des cauchemars une bonne partie de la nuit et j’avais dû le rassurer, mais même mon imitation de papa racontant l’histoire de Mor’du n’avait pas réussi à lui redonner le sourire. Pire, cela lui avait presque donner les larmes aux yeux. J’étais vraiment nul. Mais désormais, nous étions le petit matin et je savais que son sommeil serait plus paisible à ce moment-là. J’attendais recroquevillé sur mon lit dans un coin de la cellule et j’écoutais la respiration, pour une fois, paisible de mon frère. Un garde n’allait sans doute pas tarder à nous ramener notre petit-déjeuner. Comme chaque matin, cela allait réveiller Hubert en sursaut, voire en panique dans le pire des cas, et j’allais me lever d’un bond pour pratiquement sauter à la gorge du garde, qui, comme à son habitude, serait bien plus rapide que moi pour refermer la porte. Comment avions-nous pu tomber dans une telle routine au vu de notre situation ? C’était horrible. En tendant l’oreille, j’entendis des bruits de pas dans le couloir. Pendant un dixième de secondes, j’envisageais d’aller réveiller moi-même mon frère, mais je ne me sentais pas capable d’affronter son regard paniqué de si bon matin. Le garde ouvrit la porte de notre cellule en grand, la claquant contre le mur, réveillant Hubert au passage, mais avant que je ne puisse esquisser un mouvement, il avait déjà jeté nos plateaux repas sur le sol de la glace et refermer la porte. Bordel, soit ils étaient désormais rôdés sur notre petit manège, soit je devenais vraiment lent. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’était pas bon pour nous. Je me réveillai enfin de ma torpeur face au visage paniqué de mon frère. Je m’empressai de m’articuler pour prendre l’un des plateaux sur le sol et lui ramener, quelques paroles rassurantes plus tard et je le vis manger, sans appétit mais il avait au moins le mérite de ne pas se laisser dépérir.
J’étais sur le point d’attaquer mon propre petit-déjeuner lorsque j’entendis à nouveau des bruits de pas. Bizarre. En même temps, nous ne devions pas être la seule cellule de cette aile. Pourtant, les bruits s’arrêtèrent juste devant notre porte. Je me relevais rapidement et sans bruit en lançant un regard à mon frère lui signifiant qu’il devait se faire le plus petit possible. Si je devais me battre, je ne voulais pas qu’il soit impliqué là-dedans. En même temps, je me rendis bien vite compte que je n’avais aucune arme, plutôt compliqué de se battre dans ces circonstances, jusqu’à ce que je me rappelle les leçons de Merida : « Utilise ta tête sombre idiot, les muscles ne font pas tout. » Ok, j’allais utiliser ma tête, mais si le garde avait une épée, je ne donnais pas cher de ma peau. J’inspirai et expirai profondément. Ça allait le faire. La porte s’ouvrit avec une lenteur qui me sidéra, j’avais l’impression d’attendre l’heure de ma mort.
Faire des prisonniers, tenir en otages des innocents ou torturer les survivants. Ce serait mentir de dire que Petit Jean aimait ces aspects de la guerre. Lui-même s'était retrouvé dans la situation de prisonnier de guerre ou de celui tout aussi peu enviable de chair à canon. Sans le sortilège de la reine, sans doute, aurait-il pu compatir à la situation des triplés. Le miroir ayant plié sa volonté, il se demandait surtout à quoi servait ces deux bouches inutiles à nourrir. Les triplés n'étaient pas leurs seuls prisonniers, loin de là, mais ils étaient les seuls à entrer dans une situation assez particulière : Un des frères avait entendu la raison et juré fidélité à la reine. Il avait ainsi à la fois un otage et un soldat fidèle à leur cause. De ce fait, à quoi pouvait servir de garder les deux autres en vies ? C'était le sortilège qui parlait et non sa propre conviction. Tout comme le sortilège le freinait dans la remise en question des ordres d'Ingrid. Il n'était qu'un soldat. Son rôle était d’exécuter les ordres et non de les discuter.
Cependant, Petit Jean avait peut-être trouvé une utilité à ces prisonniers, tout en respectant les désirs de sa reine. De bon matin, il s'était rendu vers les cellules pour mettre à bien son projet. L'Agrabien rendit d'abord visite à un prisonnier particulièrement récalcitrant. Le guerrier avait résisté à toute les tortures possibles et, pourtant, les dieux savaient combien les bourreaux au service d'Ingrid pouvaient être imaginatifs dans leur domaine de prédilection. Peut-être serait-il plus sensible à la douleur des autres ? Surtout celle d'une des deux têtes rousses inutiles qui grossissaient dans la cellule d'à côté ? C'était un coup à tenter.
Petit Jean ordonna aux soldats qui l'accompagnait d'emmener le prisonnier auprès du bourreau tandis que lui se charger d'aller 'cueillir' un des mioches Dunbroch. Il était escorté d'un seul garde, plus par excès de prévoyance que par réelle crainte d'une tentative d'évasion. S'arrêtant devant la porte, l'Agrabien hocha silencieusement la tête pour signaler à l'autre soldat de se tenir prêt, puis il ouvrit.
Un pas dans la pièce et une des deux têtes rousses s'était jeté sur lui. Sans broncher, Petit Jean administra une gifle de toutes ses forces afin d'étourdir le jeune homme avant de le saisir par le coup. Il rit de la tentative du garçon. "Ah ! Une forte tête, j'aime ça ! Moi qui me demandais lequel de vous deux j'allais emmener faire un tour... Le choix fut vite fait." Ironisa-t-il avec un sourire aucunement chaleureux. Pendant ce temps, l'autre soldat menaçait de sa lance le deuxième pensionnaire, mais il fut rapidement évident qu'aucun danger ne viendrait du dernier membre de la fratrie. "D'une façon ou d'une autre, tu vas me suivre. Si tu me suis gentiment, il n'arrivera rien à ton frère. Alors, tu choisis la manière docile ou tu continues à faire le rebelle ?" Demanda-t-il en desserrant légèrement sa prise afin de permettre à son captif de respirer et de répondre.
hrp : désolé de l'horrible retard et de la maigre réponse, j'espère que ça t'ira tout de même :maiseuh:
HRPG : Ceci est à l'insu de mon plein gré, poussé par le calendrier de l'avent, qui voulait du ninja !
C'est pas moi c'est le calendrier !
Trois semaines. Cela faisait déjà trois semaines que j'avais rejoint les rangs de l'armée de la sorcière blanche. Je n'étais pas entièrement remise de ma blessure, mais je prenais peu à peu mes marques. Et, surtout, malgré le fait que je n'avais pas pu triompher de Petit-Jean, je commençais à acquérir un début de respect général. A défaut, d'aucun des hommes se méfiaient de moi. J'avais acquis, enfin, la réputation d'être une dure à cuire et pas le genre de personnes à qui il fallait chercher des noises. J'avais pris du grade et j'étais en charge de pas mal de choses à présent. Oh, je n'avais pas encore gagné un échelon de commandement trop important, mais j'étais déjà à la tête d'une escadrille de six hommes. C'étaient des bons bougres et, au moins, je n'avais pas à être sur mes gardes en permanence. Ils n'oseraient pas tenter quelque chose contre moi. Ils avaient également compris que je ne serais pas sujette à répondre favorablement à d'éventuelles avances. Ma priorité, c'était ma mission, quelle qu'elle soit. Ce jour là, j'étais de corvée prisonniers. J'avais dû accompagner deux hommes vers une prison au fin fond d'un désert glacé. Je n'étais jamais venue dans cette contrée et, franchement, ça ne me manquait pas. Je m'en serais bien passé d'ailleurs, mais les ordres venaient de la reine en personne. J'imagine que les deux bougres étaient importants, ou dangereux. J'avais fait mon travail et je ne comptais pas m'éterniser. Après avoir mangé un plat chaud et bu une boisson qui ne l'était pas moins, je me retrouvais à faire le tour de la structure pour retrouver mes hommes. Ils avaient plaidé pour prendre le temps de dormir un peu mais je ne souhaitais pas m'éterniser. Plus j'étais efficace, plus la reine serait encline à m'aider à retrouver mon frère. Je me devais donc de donner mon maximum. Si mes hommes avaient du mal à me suivre, ce n'était pas mon problème... J'en étais là dans mes réflexions lorsque mon regard accrocha une silhouette familière. J'ignorais que Petit-Jean se trouvait ici. Malgré moi, un frisson me gagna et il n'était pas provoqué par le froid cette fois-ci... Souriant, je l'observais de loin, n'hésitant pas à laisser mon regard le détailler sans vergogne. Puisque les hommes se privent rarement de le faire, je ne voyais pas pourquoi je n'en aurais pas fait autant ! Puis, parce que ma liberté ne m'appartenait plus vraiment, je laissais l'instant se briser. De toute façon, personne ne pouvait se mettre entre mon but et moi, pas même un homme aussi séduisant que l'Ours. J'aurais bien eu envie de me réchauffer contre lui, laisser mon corps se mouler au sien, voler sa chaleur et sa vigueur... Me perdre une heure ou deux dans une couche avec lui aurait été sans aucun doute plaisant. Mais je ne pouvais pas me laisser aller, pas maintenant. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui me manquait...