Ma naissance et ma petite enfance entière furent un grand point d'interrogation une grande partie de ma vie. Je n'avais rien. Pas un indice. A peine un objet : un médaillon aux armoiries inconnues. Rien qui ne me permettait de savoir qui j'étais. Lorsque je fus trouvé, à l'orée des bois de la Forêt Enchantée, je fus recueillie par des vieilles religieuses. Pas le genre de religieuse qu'on trouve ici, sur cette Terre, mais le genre à prier les dieux de la nature et à réciter des sortilèges, plutôt que des prières. Le genre de prêtresses qui vous enseigne dès le plus jeune âge que la magie existe et qu'il faut la manipuler avec précaution. Qui m'ont enseigné dès le plus jeune âge, que mon médaillon était doté d'un puissant charme de protection, destiné à sauver ma vie. De mon passage chez elle, je ne garde que peu de souvenirs. Mais je me souviens d'une chose, un mantra, une prière plus forte que les autres : Toute magie vient avec un prix.

Et le premier prix, j'ai dû le payer très jeune, alors que je n'avais même pas sept ans. Les religieuses aimaient la magie blanche, mais le roi du royaume voisin avait si peur qu'un jour, elles utilisent leur magie contre lui, qu'un matin, il vint les faire emprisonner. Et moi, petit enfant dans défense, je ne pus rien faire, alors qu'on m'abandonnait là, me laissant de nouveau orphelin errant, sans famille... Enfin, ça, c'était la version officielle, celle dont je me suis convaincu, avec les années. Parce qu'il a toujours été plus simple de me dire que la seule magie que j'avais un jour utilisé - même pour une bonne action, pour protéger les femmes - provenait du médaillon que je portais autour du coup, plutôt que d'accepter qu'elle puisse venir de moi. La seule victoire des religieuses fut de me donner l'occasion de m'enfuir, avant que les soldats ne les emmènent et ne racontent la version officielle, pour éviter la honte d'avoir été mis à terre par un enfant...

Ce n'est que quinze ans plus tard que j'appris la vérité, auprès d'une voyante avec qui j'avais accepté de partager le maigre bout de pain que j'avais pu voler. « Ton destin est grand, Mordred. Aussi grand que ton passé est sombre. » Je n'avais jamais entendu ce nom avant. Mordred. Les religieuses m'avaient toujours appelé Eugène. « Ton nom est bien Mordred », avais soufflé la voyante, comme si elle pouvait aussi lire dans mes pensées. « Tu es né, fils du péché. D'un roi et d'une fée qu'il n'avait aucun droit de toucher. Descendant de grands pouvoirs, fils de la plus Maléfique des âmes errantes. » J'étais en âge de comprendre, mais je n'avais pas saisi. Peut-être que j'étais trop peu instruit, peut-être que j'avais juste trop peur, mais la vérité, c'est que je n'avais pas saisi, à l'époque, toutes les subtilités des mots employés et les sous-entendus derrière la mélodie. La seule chose que j'avais compris, c'est que je n'avais aucun droit d'être né. « Mais tu es en grand danger, Mordred, car ton destin est de mettre fin au règne de ton père... »

Voilà pourquoi j'étais ici, seul, loin de toute, d'une mère aimante ou même d'un père. Mon propre père avait fait croire à ma mort, pour le peu de personnes qui avaient eu connaissance de ma naissance et il m'avait envoyé aussi loin que possible de lui et de sa puissance, pour s'assurer que jamais je ne puisse lui nuire ainsi. Et la voyante avait fini avec une prédiction. Une mise en garde qui resta toujours tracé dans mon esprit : « Lorsque le roi ours sera de nouveau face à toi, il n'y aura plus d'échappatoire, Mordred et l'un de vous deux chuteras... »

J'avais su, à partir de ce jour, que Mordred ne devrait jamais réapparaître. Pour mon propre bien, moi qui n'avait rien, ni personne, sinon le lourd poids d'une prophétie sur les épaules, je devais devenir un autre et laisser Mordred au royaume des morts...

Mon médaillon, mon seul lien avec une famille qui n'aurait jamais dû être formé, avec une mère qui n'avait eu d'autres choix que de me perdre et un père qui voulait ma mort. Même après ça, même après la révélation de mon histoire, je n'avais pu m'en défaire. Ce médaillon avait été tellement important au cours de ma vie. Il m'avait protégé, plus que toute autre chose. Plus encore, même, que mon doigté de pick-pocket ou mes instincts de survivant. J'avais échappé à des tempêtes en mer, des gardes bien trop nombreux pour que je puisse leur échapper, les flèches et les épées. J'avais beau dire que c'était mes aptitudes, que j'étais fort et malin, je savais que le médaillon avait aussi son implication dans ma survie, que le sort était puissant et transperçait le temps. C'est pourquoi, même si j'avais été jusqu'à vendre mes chaussures dans les pires moments, je n'avais jamais vendu cet objet, à la fois protecteur et détesté pour tout ce qu'il représentait. Même dans les pires moment, je ne m'en étais jamais séparé. Jamais jusqu'à elle...

Elle... Elle n'a jamais connu Mordred. Lorsqu'elle a fait ma rencontre, j'étais déjà Flynn Rider, depuis si longtemps... Depuis que les religieuses s'étaient sacrifiées pour moi, en vérité. Parce que c'était le nom qui m'était venu. Parce que Flynnagan Rider était tout ce qu'il me semblait bon à attendre de la vie. Eugène était mort avec les religieuses, Mordred n'était pas encore un nom que j'avais entendu et j'avais sept ans et un livre d'histoire pour seul repère dans la vie. Je suis devenu Flynn Rider avec joie et je me suis promis d'être un grand aventurier. Tout jeune, je voulais être riche et créer un royaume où tous les enfants comme moi et tous les laissés pour compte, pourraient trouver refuge. Mais mes beaux idéaux avaient fini par s'enfuir avec les années et les désillusions sur les hommes – les mauvais, comme les bons – tant et si bien qu'à vingt-six ans, lorsque je posais pour la première fois les yeux sur la princesse aux cheveux d'or, je n'étais plus qu'un voleur, menteur et fuyard, qui n'avait plus d'autre ambition dans la vie que de réussir le coup de sa vie, celui qui me rendrait riche et me permettrait de ne plus jamais avoir à me fatiguer...

J'avais cru faire enfin le coup de ma vie. Voler le carrosse des royaux de Corona et tout revendre, des bijoux à l'intérieur aux roues. Je ne sais comment, mais la course poursuite qui s'en suivi me fit atterrir devant une tour immense, sans porte et sans escaliers pour y monter. Je parvins malgré tout en haut de celle-ci une fois le carrosse caché, seulement quelques bijoux précieux dans ma besace, au cas où il me faudrait fuir en abandonnant mon larcin.

Elle s'appelait Raiponce. Elle était prisonnière de cette tour, n'avait vu personne depuis deux ans et avait, malgré tout, gardé un sacré bon coup de poêle à frire. Ce fut à la fois un coup de foudre et une histoire d'amour longue à venir. Si j'avais, depuis le premier jour, craqué pour ses beaux yeux et ses longs cheveux blonds, moi qui avait toujours préféré les brunes, je mis plus longtemps à m'avouer être tombé amoureux. Assez longtemps pour connaître son âme, en plus de ses courbes. Assez longtemps pour connaître son histoire, en plus de cette magie qu'elle détenait en elle et qui semblait si précieuse aux yeux de la Méchante Reine. Peu à peu, j'avais réalisé que vivre éternellement dans cette tour ne me dérangerait absolument pas, tant que j'étais avec Raiponce et c'est ainsi, un matin, alors qu'elle dormait encore et que je l'observais simplement, comme si souvent, que je réalisais combien j'étais tombé amoureux d'elle.

Un matin, la Méchante Reine débarqua dans la tour si vite, qu'elle faillit me voir. Avec une menace sombre et un sourire de délice, elle avoua à la princesse qu'elle serait libre plus tôt que prévu et rien dans son ton, ni dans son allure, ne laissait présager une bonne chose. Décidé à fuir pour de bon, avant qu'elle ne mette ses menaces à peine voilée à exécution, Raiponce et moi furent contraints d'admettre que nous ne pourrions rien contre elle lorsqu'à travers la fenêtre, à l'horizon, un épais nuage noir commença à se dessiner.

« Accepte de m'épouser, Raiponce... », avais-je soufflé, la tenant fermement dans mes bras, une bague de fiançailles récupérée dans le carrosse, toujours caché au pied de la tour. « Flynn c'est... » « Je sais... Je sais », l'avais-je coupé, avant de tirer le médaillon que je portais autour du cou pour le mettre autour du sien. « Mais tu vas survivre. Ce médaillon va te protéger. Il est ensorcelé, pour protéger celui qui le porte de tout et croit moi, il m'a sauvé la vie plus de fois que je ne peux le compter. Il te permettra de me retrouver. Je te le promets. Alors, Raiponce, je te le quémande encore une fois, avec tout mon amour et tous mes espoirs pour cette avenir dont nous avons rêvé si souvent : fait de moi l'homme le plus heureux du monde en acceptant de devenir ma femme... »

Pendant vingt-huit ans, j'ai cru être cet homme. Finley Fitzherbert. Ironie du sort, mon deuxième prénom était Mordred, dans ce monde où j'ignorais totalement qui j'étais réellement. Un second prénom que je révélais peu, d'ailleurs, la connotation n'étant pas la plus délicate au monde. Aussi, un nombre infiniment réduit de personne pourrait, fort heureusement pour moi, faire le parallèle entre l'enfant d'Arthur Pandragon et moi. Autre ironie du sort, c'est quand la Sauveuse a brisé la malédiction de la Méchante Reine que j'ai réellement pu mettre un nom ses parents que j'avais passé ma vie à fuir. Arthur Pandragon et sa demi-sœur Morgane la Fée. Pas étonnant que ma première action, une fois réveillée avait été de vomir. J'avais toujours pensé que l'union « interdite » était dû au fait que mon géniteur était marié lorsqu'il avait couché avec ma mère. Je n'avais jamais pensé qu'elle aurait pu être incestueuse, en plus de cela.

Étonnamment pour mes proches, découvrir qui j'étais vraiment ne me rendit pas plus heureux que je ne l'étais avant la malédiction. Certes, j'avais toujours eu le sentiment qu'il me manquait quelque-chose, que ma vie était incomplète, mais j'étais heureux. J'avais un métier que je tolérais de mieux en mieux – Palefrenier quand on a mon passif avec les chevaux des pouvoirs en place n'est pas l'idéal, mais j'avais fini par apprécier ces animaux qui avaient tant de fois tenté de me piétiner par le passé –, une activité dans l'ombre que j'adorais – je n'avais jamais vraiment pu me défaire du plaisir d'être un voleur et un bandit – et une compagne avec qui je prenais du bon temps. Certes, notre relation était bancale, faite de beaucoup de disputes et de ruptures, mais je l'aimais, j'en étais convaincu et même si maintenant je sais qu'elle n'est pas mon véritable amour et pas la femme avec qui je souhaite finir ma vie, mes sentiments pour elle étaient réels... Du moins, ils l'étaient devenus, avec le temps...

Perdre tout cela m'a mis un coup. Redécouvrir la vérité m'a rappelé, plus que jamais, qu'il me fallait être discret et depuis l'arrivée des nouveaux habitants, c'est encore pire. Parce qu'il y a des gens de Camelot (potentiellement Arthur) et que découvrir qui est qui est devenue une priorité pour beaucoup de gens. Une préoccupation loin de la mienne, qui me pousserait plutôt à faire tout l'inverse : rester discret et ne pas réapparaître, pas même auprès de ma Raiponce. Parce qu'elle porte sur elle une preuve irréfutable de mon identité. Parce que je le lui ai donné et parce que je suis certain qu'elle a dû le montrer et dire que son Flynn Rider le lui avait donné pour la protéger. Un symbole, des armoiries, assurément liées à Camelot... Un risque trop grand pour moi...