La vie reprenait tranquillement son cours dans le petit village de Beurk. Les gens reprenaient tous espoir et je voyais enfin le bout du tunnel de toute cette histoire. Il fallait bien l’avouer : la première malédiction nous avait tous affectée lourdement, mais les plans d’Ingrid n’étaient pas plus fameux, ni joyeux. La moitié de nos terres étaient sous la neige et la glace. Il fallait se relever, mais je savais qu’avec mon père et toute l’implication du village, les choses ne seraient pas totalement perdues et impossibles à réaliser. Beurk allait se relever debout, comme ils l’avaient toujours fait. C’était la même chose, avec les dragons. Ils pouvaient nous être très utiles et nous aider. J’étais souvent sur le dos de Krokmou pour aider à la reconstruction ou le renforcement de certaines habitations. C’était un plaisir de redonner à ma communauté. Et puis, il faut dire que c’était parfois épuisant. J’avais dû mettre mes plans de voyage avec Astrid, depuis ces vingt-huit dernières années, mais il y avait plus important pour le moment et nous avions décidé de ne pas repartir tant et aussi longtemps que le village n’était pas remis sur pied. Nos semblables avaient besoin de nous et mon père était devenu fou à l’idée de nous perdre à nouveau et avait mis des couvres feu pour ne pas qu’on sorte à certains moments de la journée. Le seul temps de liberté que j’avais, je devais le passer sur la terre ferme, en compagnie de mon fidèle compagnon. Dans les airs, mon père refusait qu’on vole plus haut que les arbres, histoire qu’il ne nous arrive absolument rien. Personnellement, j’étais surtout du genre à désobéir aux ordres, surtout quand ça concernait de voler bas. Je n’aimais pas ça, on se heurtait à des obstacles plus qu’autre chose et ce n’était pas agréable de faire des excursions plus basses. Par Thor, nous avions des dragons, c’était pour une raison ! Ils nous permettaient de voler, pas de simplement nous promener bas. Mais bon, même si j’étais le fils de Stoïck, il m’arrivait de lui désobéir parce que j’étais comme ça. Seulement, il faut croire que mon père était assez perdu parfois et il m’avait envoyé en mission dans la Forêt enchantée pour une commission qu’il avait oublié. Je ne pouvais pas lui refuser, surtout que j’avais la bougeotte. Je voulais voler plus haut et c’était les seules fois où on me permettait de le faire. Je n’étais pas seul, j’avais Krokmou à mes côtés. Alors, j’ai dû voler sur Krokmou et apporter des vêtements chauds, comme il faisait encore froid là-bas. J’étais donc dans la Forêt enchantée, dans les hauteurs. Je constatais surtout les dégâts d’Ingrid sur toutes ces belles terres... Ça me désolait de voir ces endroits détruits. Je me rappelais que plus jeunes, je les avais survolées avec Krokmou. D’ailleurs, mon fidèle compagnon émit un son de désolation. « Je sais mon grand, ce n’est pas les terres comme on a pu les connaître... » C’est à ce moment-là que je me rendais compte des dégâts que la magie pouvait faire. Je n’avais rien contre elle, mais elle pouvait être désastreuse. Ça me rappelait aussi pourquoi j’avais décidé de rester, malgré tout. Puis, je remarquai une tête familière, tout en bas. « Oh, Krokmou, je crois qu’on a de la compagnie ! » m’exclamai-je, tout en faisant une manœuvre pour qu’on puisse aller à l’endroit que je convoitais. Je n’en croyais pas mes yeux ! Il y avait un Vélocidard ! Que faisait-il aussi loin de chez lui ? Sûrement que toute cette histoire avait dû le détourner de son endroit. Mais ce n’était pas ce qui m’inquiétait, c’était plutôt qui était devant ce fameux dragon : Billy, un des pirates d’Anne, que j’avais rencontré en même temps que celle-ci. « Billy, fait attention ! » l’avertis-je. « Fais attention, mon grand, on ne peut pas se permettre de faire mal ni à Billy, ni à ce Vélocidard. » Il fallait effectivement que je fasse attention à mon plan pour sortir mon ami de cette fâcheuse situation.
Billy était à côté d’Anne qui était derrière la gouvernail et manoeuvrait le Revenge. Ils s’étaient rapprocher des côtes mais surtout de l’archipel que formait Berk. On devinait à peine les bouts de terre à travers la brume. Billy se précipita vers le bord et jaugeait l’horizon. « Ouais, ça à l’air d’être ça ! » qu’il disait à sa capitaine en regardant par une longue vue que le Quartier-Maitre se dépêcha de récupérer et y jeter un oeil à son tour. Un regard au capitaine et un signe de tête. Billy grimaça. Il l’avait dit, pourquoi avoir besoin de le redire officiellement. Ma parole ne comptait pas ou quoi ? De toutes façons, cette excursion était pour lui. Anne confia à Billy qu’elle n’était pas trop pour. D’un, elle ne pouvait pas perdre de temps ayant des affaires à régler sur terre, un peu plus à l’est. De deux, elle ne connaissait pas si bien l’endroit et les archipels étaient souvent des nids de fond plein de roches affûtées qui risquaient d’abimer la coque ou bloquer le bateau. Pire encore, de le percer.
« Tu peux pas plus près ? » demanda Billy en s’approchant de son amie et cette dernière lui répondit que non. Il ne devrait pas y aller et attendre leur retour, et ils iraient tous ensemble. Billy en avait trop envie et on pouvait le voir à sa moue déçue. « J’ai compté les jours… Tu m’avais dis oui. » cherchait-il à avoir son accord. « Tout se passera bien ! » insista t-il et Anne soupira. « Tu vas y arriver au moins ? » lui demanda la capitaine, inquiète face à la distance. Billy regardait les îlots au loin et haussa les épaules. « Mais oui ! Tranquille… » ajouta t-il finalement après un moment de réflexion. Ses yeux se teintèrent tout de noir, noyant son iris. Il devait puiser dans pratiquement toute sa force magique pour réussir. Réussir à se déplacer aussi loin. Il ferma les yeux, ses dessins macabres marquèrent un très bref instant son visage avant de disparaissent brusquement, et son aura eut l’air d’imploser hors de lui, dégageant un nuage de fumée noir qui s’amenuisent lentement en de petits filaments à la danse saccadés comme accrochés à sa silhouette. Et d’un coup, il ne devint qu’une fumée et fila dans les airs.
Billy se concentrait, ne perdant pas de vue l’archipel. Il le devait, car trop longtemps sous cette forme, il risquait de se laisser emporté par la colère et la douleur pures qui l’avaient fait naitre. Destruction et vengeance. C’était un peu délicat et surtout une longue histoire. Et l’eau défilait sous lui, les terres se marquaient de plus en plus et Billy se sentit partir. Stop… Maintenant. Si encore un peu... Non. Je suis plus fort que ça. Je dois me concentrer. Non... Non !!! et il poussa un râle pour forcer le passage et ne pas laisser les noirceurs de son essence prendre le dessus, il réapparut au-dessus de l’eau. « Aaah ! » et plouf. Il battit des mains et des pieds dans l’eau pour regagner la surface, crachant l’eau et essoufflé. Il était encore au large. Il avait été surpris. « Et merde… Bon bah non, j’ai pas réussi… » soupira Billy, se parlant à lui même avant de commencer un crawl jusqu’à la plage. Quand il en eut marre de nager, un dernier petit coup très rapide de téléportation et le voilà allongé sur les cailloux et galets qui composaient les plages froides et isolées de Berk.
Quand il retrouva enfin son énergie et qu’il avait très légèrement séché, il se leva et parcourut alors l’île pour trouver le village d’Harold. Anne lui avait laissé une carte, mais à part savoir les terres qui se trouvaient tout autour, il lui était difficile de s’orienter. Il s’évapora ici et là, pour réapparaître toujours dans son aura ténébreuse mais rien. Enfin « rien ». Si ! Un dragon ! Trooooop bien ! Il allait repartir pour se retrouver quelques mètres plus loin, mais un mouvement l’avait arrêté entre les arbres. Se cachant derrière le tronc de l’un d’eux, il observa la bête. Il avait une drôle de tête ! Au lieu d’attendre gentiment de retrouver Harold et voir avec lui, il avait envie d’essayer seul et ne pas attendre. Il se disait que s’il réussissait à poser les bases qu’il avait pu lui montrer, il allait peut-être l’impressionner.
Il a osé s’approcher et ça ne s’était pas du tout passé comme il l’avait imaginé ou souhaité. Il avait finit par perdre patience et l’animal le voir comme une menace. « Mais viens ici !!! » s’énervait-il et Billy plongea sur le côté pour échapper à l’une des attaques de l’imposante bête aillée. « Mais alors toi… » grogna Billy agacé et refroidit par la peur que le dragon lui avait faite. Il déplaça une vague qui inonda la créature, ayant usé de ses pouvoirs pour tirer l’eau qui se trouvait une centaine de mètres plus loin, sous une falaise. Et le dragon se fâcha genre vraiment. Billy se figea, les mains devant lui, en garde. Le dragon lui faisait face et ne bougeait pas non plus, la gueule légèrement ouverte. Ils se fixaient. La respiration de Billy n’était pas très sereine.
Soudain, une ombre passa au-dessus d’eux et une fois l’interpella. Il leva la tête et le dragon en profita pour avancer. Billy surpris, recula et trébucha sur un rocher, faisant une roulade. Il se retrouva sur les fesses. Le dragon avait l’air plus proche, mais pas forcément. Il avait juste ouvert ses ailes et paraissait encore plus gros. « J’avais pas remarqué... » avait grommelé le jeune pirate avec sarcasme aux propos du dragonnier. Peu lui importait d’avoir été entendu ou pas pour cette remarque. Il avait simplement peur de mourir et allait laisser son instinct de survie contrôler la situation. « Je te préviens que s’il essaie de me bouffer, je m’en fou, je le bute ! » dit-il totalement sérieux le regard profond comme les ténèbres face à la bête. « Dépêche toi… » continuait-il de grogner tout bas, jetant de bref coup d’oeil en l’air en espérant qu’Harold trouverait quelque chose. S’il pouvait éviter d’utiliser ses pouvoirs devant lui et lui faire peur. Bah oui, c’est que je l’aimais bien Harold. Il est sympa et en plus il est trop cool, il monte des dragons. Des dragons !!! Puis si je lui fais peur et qu’il décide de se débarrasser de moi, je vais devoir le tuer aussi. Ce serait dommage. Ah et je crois qu’il m’en voudrait si j’en tue un alors que c’est moi qui l’ait énervé.
Voler, c’était à ça que servait les dragons. Et puis, on voyait beaucoup plus le danger quand on prenait de la hauteur, soyons honnêtes. Je veux dire, je comprenais parfaitement en quoi consistait les discours de mon père à propos de la prudence et tout ça, mais j’avais besoin de liberté aussi et c’est ce que je recherchais. Bien entendu, si je m’étais attendu à croiser un Vélocidard aussi loin de sa meute, jamais je ne m’en serais douté. De plus, la dernière fois qu’on en avait sauvé un, les choses avaient très mal tourné. Mais il y avait plus que dangereux avec ces dragons, ils avaient la queue fine et ce n’était pas pour rien : un seul contact avec cette dernière et vous pouviez vous retrouver paralyser pour un bon moment. Bien évidemment, ce n’était qu’un seul petit dragon, alors il était peut-être trop jeune pour avoir une telle portée, mais je ne devais pas prendre de chance. Mon ami avait besoin d’un coup de main avant que le pire n’arrive. Surtout que le dragon était seul, alors que les Vélocidards sont souvent en groupe et en meute. J’étais étonné de voir qu’un membre de leur espèce avait réussi à se frayer un chemin jusque dans la Forêt Enchantée. En même temps, avec toute cette histoire avec Ingrid, je devais me douter que les choses allaient être bousculées de cette manière. Il fallait que je fasse vite avant que la cavalerie ne décide de débarquer dans le coin. « Non, lui fait surtout pas de mal pour le provoquer, Billy. Les Vélocidards ont la queue pointue et si ça te touche, tu te retrouveras paralysé ! » l’avertis-je. Krokmou était en train de s’approcher pour que je puisse prendre un élan pour simplement l’éloigner assez, sans qu’il ne touche mon dragon. Bien entendu, je devais aussi prendre en compte que Billy n’était pas vraiment loin du Vélocidard. Je devais faire vite. Ma stratégie ? Simplement les séparer plus aisément avec un feu de Krokmou. « Allez mon grand, sépare ce Vélocidard juste un peu. » C’est alors que Krokmou cracha du feu, assez pour éloigner le Vélocidard de Billy. Et ça n’avait pas touché mon ami. Le dragon s’éloigna un peu, mais j’avais comme l’impression qu’il allait revenir faire son tour... J’avais rencontré Anne et Billy lors d’un malentendu. Lors d’une balade avec Krokmou dans les airs, j’avais pris leur bateau de pirate pour des chasseurs de dragons, avant de nous rendre compte qu’ils étaient simplement des... pirates quoi ! En sympathisant avec eux, je m’étais rendu compte qu’ils n’étaient pas ce qu’ils laissaient paraître. En réalité, ils n’avaient pas trop de mauvaises intentions et je me disais surtout qu’ils pouvaient être de véritables alliés pour Beurk, malgré leur apparence. Billy était un jeune garçon très courageux qui avait été fasciné par Krokmou dès le début et qui avait voulu en apprendre davantage sur les dragons, chose que j’avais aisément pu lui faire part. Cependant, je ne me doutais pas qu’il allait prendre toutes mes notes en pratique, surtout avec ce genre de dragon. Quand on ne connaît pas trop une espèce, on peut difficilement calculer comment elle va réagir à certaine réaction. Heureusement que j’étais (un peu trop) familier avec les Vélocidards. Après ce court épisode, Krokmou me descendit sur la terre ferme pour que je puisse donner un coup de main à mon ami pour le remettre sur pied. « Rien de cassé, j’espère ? » lui demandai-je, tout en lui donnant un petit sourire. Krokmou était bien content de revoir notre camarade, mais lui semblait un peu déçu que sa manœuvre n’est pas fonctionnée. Je pouvais le comprendre en même temps. Sur papier, tout a l’air merveilleux, mais quand on essaye, ça passe ou ça casse. « Je suis désolé que t’aies eu à faire à un Vélocidard pour commencer... Cependant, c’est pas impossible de les apprivoiser. » J’essayais un peu de le rassurer, sachant que ça pouvait être difficile à supporter une première fois. Toutefois, je refusais que cet épisode lui fasse baisser les bras pour retenter le coup.
Billy était dans une situation délicate. Il avait cherché le village de Berk, mais finalement il croisa un dragon en route et il ne put se retenir de jouer les dragonniers amateurs. Malheureusement, il ne connaissait rien sur cette espèce de dragon qui lui fit face et il avait fini par l’énerver un petit peu. Le voilà maintenant au sol, le dragon ailes dressés qui s’approchait dangereusement de lui et Harold chevauchant Krockmou qui tournoyaient autour d’eux pour tenter de le sortir de ce pétrin. Le viking prenait son temps pour attaquer, juste assez pour épargner tous le monde et être efficace avant l'accident. Billy avait râlé un peu paniqué et l’envie de se défendre ou de disparaitre le démangeait. Sauf que s’il se défendait, le dragon risquait de ne pas en sortir vivant et s’il disparaissait, qui sait si Harold n’allait pas le tuer ou être effrayé.
Le pirate avait donc annoncé la couleur à Harold en disant qu’il n’allait pas se retenir longtemps de lui montrer de quel bois il chauffait. Le plus jeune lui conseilla de ne pas le faire, précisant qu’il pouvait se retrouver paralyser par un coup de queue de l’animal. Billy avait roulé des yeux, blasé. Bah voyons, sinon ce n’était pas drôle. A peine dit, aussitôt fait. Le vélocidard cracha la gueule ouverte d’agacement comme un serpent ou alors un chat et le mousse vit une chose fine lui arriver dessus, par-dessus l’aile de la bête. Il se décala rapidement sur le côté en roulant et se recroquevillant sur lui même. La queue toucha le sol. Il l’avait échappé belle. La tête dans ses mains, on ne pouvait voir son visage mais les dessins de sa nature de sans-coeur étaient apparents. Soudain, un boule de feu puissante frappa le sol non loin du matelots qui tressaillit, toujours en boule. Il avait lâché un grognement entre la peur et la colère. Le vélocidard était parti et Billy restait encore un moment dans sa position avant de relever rapidement la tête pour jeter un oeil. Il n’y avait plus rien et Harold arrivait lentement. Avec ses cheveux en bataille, il reprenait un visage normal, ni vu ni connu.
Harold descendit de son dragon et s’approchait de Billy. Il lui tendait la main et le pirate la pris volontiers pour se relever. Il souffla de soulagement, venant taper sur ses vêtements pour retirer les brins d’herbe, les cailloux ou la poussière mais aussi vérifier qu’il lui restait tous ses membres. « Nope ! J’ai tout ! » dit-il une fois sa vérification faite avec un petit sourire innocent comme s’il avait déjà oublié qu’il avait peut-être frôlé la mort. Il finit par tordre la bouche, en regardant le terrain vide de toute menace et porta ensuite son attention sur Krockmou, apprivoisé et si adorable avec Harold. Billy aussi avait envie de vivre ça avec un tel animal. Ils étaient si majestueux, drôle et tout simplement fascinant pour le matelot. « Hmm oui, mauvaise pioche ! » dit Billy quand le dragonnier lui confiait qu’on pouvait les apprivoiser, laissant sous-entendre que c’était difficile.
Billy soupira et haussa les épaules. « Anne elle veut pas de toutes façons. Je peux pas en ramener un sur le Revenge ? Dis moi, toi tu trouves ça insensé d’avoir un dragon sur un bateau ? Logiquement, s’il est dressé il n’y a aucun soucis non ? » se mit-il à partager sa peine en essayant de trouver un parti du côté d’Harold face au « non » catégorique d’une mère face à un adolescent capricieux que lui avait donné Anne. « Ah au fait, Anne est partie finir une chose plus à l’est. Elle nous rejoindra plus tard, dans quelques jours. » dit-il presque d’un air absent, regardant le dragon d’Harold. Il lui fit un grand sourire toute dent dehors et tendit les mains timidement vers lui. Il l’invitait à un câlin.
Lui gratouillant juste sous la mâchoire, il finit par jeter un oeil à son ami. « Bon même si je peux pas avoir de dragon rien que pour moi, je peux quand même apprendre à les approcher. Qui sait, un jour j’aurais peut-être l’occasion d’en adopter un. Caly ne serait pas contre je pense. » avait-il dit sa phrase plus bas, une note à lui-même. « Tu veux bien me montrer quand même ? Promis je t’écouterais et je ferais pas de tentative suicidaire comme là ! ». Il s’était détaché de Krockmou. Il le trouvait tellement adorable. « Ooooh… Dis, tu peux me montrer des dragons marins ? C’est possible ? Sinon, un autre fois ! Hein ! Alors ? » lui demandait-il les yeux brillants, tout excité. Etant lui-même une créature marine, il était bien curieux de voir ceux qui partageaient son élément. « Non ? Tant pis... » avait-il relancé sans s’arrêter, soufflant avec une sorte de soupir, le sourire pincé et regardant le sol déçu.
Les Vélocidards étaient des dragons plutôt... coriaces et très sur la défensive, surtout quand on ne les connaissait pas. En réalité, les fois où on avait essayé d’en approcher un, ça ne se terminait jamais assez bien, sauf une fois où on avait réussi à en sauver un et qu’il nous était très redevable pour sa vie. Mais il était reparti avec sa meute, car ce type de dragon ne vivait qu’en groupe. J’étais donc surpris d’en voir un aussi éloigné du reste de sa meute, comme il n’y avait pas de plan d’eau dans le coin, mais la température était débalancée un peu partout dans les royaumes, depuis l’arrivée d’Ingrid et de ses plans barbares. Par Thor, je ne pouvais pas croire que je pensais à cette sorcière de cette manière ! Et ce pauvre Billy se retrouvait maintenant avec un Vélocidard assoiffé par son instinct animal. J’avais donné quelques leçons sur les dragons au matelot et depuis, on n’avait pas vraiment eu l’occasion de se reparler de tout ça... Cependant, depuis ma dernière conversation avec Anne, je n’étais pas surpris de le voir dans une telle situation. Selon ce que j’avais compris, Billy voulait absolument un dragon à bord du bateau pour lui donner un peu de compagnie et je ne pouvais que le comprendre : Krokmou était un fidèle compagnon, unique en son genre, mais il était très affectueux. Il m’aidait dans mes tâches quotidiennes, après tout, c’était un animal comme les autres qui pouvait agir selon ses instincts, mais il était très doux à l’intérieur, je le connaissais bien, mon vieux ! Cependant, je ne savais pas ce que ce serait d’avoir un dragon sur un navire. J’ignorais même si cela pouvait être possible. Je ne voulais pas, d’un côté, décevoir Anne, mais faire de la peine à ce pauvre Billy. Des deux côtés, ils avaient tous raison et je détestais devoir trancher ainsi. Et j’aspirais à devenir le futur de chef de Beurk, oui, c’était moi. Je ne savais même pas prendre de décision correctement au niveau de mon entourage, alors pour un village tout entier... J’espérais sincèrement que mon père vive longtemps pour ne pas que je reprenne cette responsabilité. J’étais heureux d’avoir ma liberté avec Krokmou, même si elle était assez restreinte depuis l’arrivée de l’hiver dans une partie de notre monde. Donc, je me déposai sur le sol avec Krokmou pour voir si Billy allait bien. Il était encore chanceux que ce Vélocidard n’ait pas décidé de le mettre en statue pour un nombre indéterminé de temps. C’était ce que leur queue pointue donnait comme venin. On ne savait jamais à quoi s’attendre. Mais que faisait-il aussi loin de sa meute ? Je ne pouvais répondre à cette question, à ce moment-là, puisque j’aidais un bon ami à se relever de cette petite mésaventure de rien du tout. Mais je sentais qui avait quelque chose dans son ton de voix. Je pouvais le comprendre, mon père non plus n’avait pas du tout aimé, pour ne pas dire détesté, le fait que je sois ami avec un dragon. Donc, je sentais qu’Anne avait ce même instinct protecteur, mais elle ne devait pas protéger qu’un seul homme, mais toute une équipe derrière elle. Je ne voulais pas le décevoir, ni même le décourager complètement à ce sujet. On n’avait jamais vu un dragon sur un bateau, mais il aurait pu être un pionnier en la matière. « Je n’ai jamais vu un dragon sur un bateau... Enfin, à l’exception des chasseurs de dragons, qui eux, les enchaînent à fond de cale. » Et ça me donna des frissons dans le dos. Ça nous était déjà arrivé à Astrid et moi, de retrouver nos dragons dans un sal état. Et je ne voulais plus jamais avoir cette image dans ma tête, mais le mal était malheureusement déjà fait pour moi. Krokmou émit un son de colère et je me mis à le rassurer aussitôt. Lui non plus, il n’avait pas du tout apprécié l’expérience. « Tout doux mon grand, on se calme. Billy n’est pas ce genre de pirate. Je sais que tu serais capable d’en prendre soin, comme on les aime ici. » Puis, je sentais toute sa nervosité face au sujet de posséder son propre dragon. Je comprenais son désir, ce n’était pas tous les jours qu’on voyait des humains s’en approcher. Il ne suffisait pas de choisir le dragon, le dragon devait également nous choisir, en tant qu’humain et avoir la même confiance en nous qu’on avait en lui. « Tu sais, avoir un dragon, ce n’est pas comme n’importe quel animal. Il y en a tellement qu’il faut savoir comment ils peuvent s’habituer à notre rythme de vie. Mais je serais curieux de voir comment le pionnier en la matière pourrait avoir un dragon sur un navire. » lui dis-je, tout en lui donnant mon plus beau sourire. Évidemment, si Billy réalisait cet exploit, j’allais être le premier impressionné. Je ne savais pas ce que cela pouvait donner, mais en attendant, je pouvais toujours le faire patienter et lui montrer quelques trucs par-ci et par-là. « Une chose à la fois, Billy. Les dragons marins sont plus difficiles à apprivoiser parce qu’on ne sait pas grand-chose d’eux. Ils sont plus sauvages, mais... » Et c’est alors que notre ami le Vélocidard refit son apparition parmi nous. Il semblait être moins apeuré et Krokmou se dressa automatiquement contre lui. Peut-être était-ce le bon moment pour lui montrer comment approche un dragon. « Du calme mon grand. Alors, tu veux t’essayer ? Approche-toi doucement de lui... C’est ça, voilà. Et là, tend ta main discrètement pour ne pas l’effrayer... » J’espérais vraiment que ça puisse marcher pour lui. Et puis, les Vélocidards pouvaient marcher sur l’eau, c’était un avantage.
Billy pouvait être parfois si irresponsable et capricieux. La candeur d’un enfant. Non, simplement une émotion et des sentiments trop fort qui avaient été matérialisé. Il était du genre passionné dirons-nous. Alors en ce moment, ce qu’il voulait c’était un dragon. Des mois qu’il ne pensait qu’à ça et s’imaginait son quotidien avec ce genre de créature. Il la voyait comme Harold et son fidèle Krokmou. Il enviait leur relation. Cette complicité lui manquait dans sa vie. C’était pas avec les autres pirates que je pouvais vivre ça. Même les rats. Tfaçon, il finissait toujours par perdre celui qu’il avait adopté et baptisé. Enfin, une envie si forte qu’il s’était mis bêtement en danger. Il le savait qu’il n’avait pas les capacités optimales pour se lancer dans l’approche d’un dragon. Il ne connaissait même pas celui-là, de vue ou de nom, rien. Il pouvait se montrer si effronté parfois. Heureusement pour lui, Harold en personne est venu pour le sortir de là. Le matelots ou le dragon aurait pu y laisser la vie.
A peine le dragonnier avait-il mis le pied sur le sol et Billy remist de ses émotions que le marin se plaignit. Il voulait un dragon, il voulait un dragon, il voulait un dragon ! Mais Anne ne le voulait pas à son grand désarroi. On avait pu sentir sa colère et son agacement face au refus de sa capitaine. Dans cette histoire, il ne pensait clairement qu’à lui. Un des mauvais côtés de Némée. Le brun ne savait pas vraiment quoi lui dire, ne trouvant pas un parti à prendre pour être le plus équitable. Ce qui était sûr, c’est que la réponse ne conviennait pas à Billy. Il avait tordu sa bouche en biais, pas content. « Tu veux dire quoi ? Que sur un bateau t’es obligé de les attacher ? Moi je suis persuadé qu’il peut très bien aller sur le pont et faire sa vie, sans tuer personne ni brûler quoi que ce soit ! » protesta t-il.
Soudain, Krokmou s’agita et lui jetait le regard d’un prédateur. Billy levait les mains en toutes innocence alors qu’Harold calmait son compagnon de vol. Durant un court instant, juste entre le dragon et Billy, le regard du matelot s’assombrit. Se couvrant d’un voile noir, il lui rendait son regard sévère. La seconde d’après, il souriait, revenant à la normale. Il n’y avait que Krokmou qui l’avait vu. Billy se payait juste sa tête. Il le trouvait tellement adorable ce dragon là. Il avait tant envie de le câliner. Harold reprit alors la problématique d’avoir un dragon sur un navire. « Moi je dis, un dragon marin. Un léviathan. En plus il serait pas toujours sur le bateau, mais à côté » mimait-il de geste l’image du bateau et du dragon côte-côte. « Bateau, dragon, dragon, bateau. Tu vois ? » continuait-il d’imager avec ses mains.
Les dragons marins, il était vraiment curieux d’en voir. Ce qui dévia alors sur ce sujet. Encore une fois, ce fut une sacrée déception pour lui. Ces types de dragon seraient plus délicats à voir ou à approcher. Trop tard, il ne tenait plus, il s’était approché de Krokmou pour sentir ses écailles sous sa main, son sang pulsé et ses muscles se mouver au moindre de ses gestes. Il en avait marre qu’on lui dise toujours non. C’est un peu ce qui l’avait fait quitté la seule qui comptait pour lui en ce monde : Calypso. Elle lui avait dit le « non » de trop et le voilà entrain de grandir comme du chien-dent.
C’est alors que sa colère allait vite disparaitre. Harold l’interpellait. Le Vélocidard était revenu. Billy eut un sursaut de joie et tapotait dans ses mains, un sourire d’enfant sur les lèvres. Son ami lui demandait s’il voulait alors mettre ses cours en pratique. « Oui ! » avait-il dit avec engouement s’approchant déjà de l’animal. Harold l’avait ralentit et lui donnait des conseils. Billy se concentrait et respirait lentement. Du moins il essayait. Ventre gonflé…. Ventre plaaaaat…. Il était tiraillé entre le stress et l’excitation. Un pas, puis un autre. Doucement. Il paraissait bloqué dans une armure de pierre. Il peinait toujours à se contenir. Il était un sentiment rageur d'origine. Bref, c’était mal parti. Il tendit la main aussi tranquillement qu’il le put, mais il avait tellement envie qu’il avait jeté sa main entre lui et le dragon. La bête s’en alla pour reculer de quelques pas. Elle tourna sur elle même et dressait sa tête tel un cygne offusqué, son regard porté sur Billy, les ailes légèrement relevées. Il était en alerte. « Mais non ! Viens ! Allez fait un effort aussi, t’es pas cool ! » grogna Billy en tapant du pied d’agacement.
Il poussa un autre grognement et se secoua de la tête aux pieds. Le dragon jaugeait l’humanoïde d’un air sceptique, penchant légèrement la tête. Il chassait tout son stress et surtout sa tête. Il gardait ses mains devant lui, levées à mi-hauteur pour que le Vélocidard les voit. Il approchait très lentement. Il était concentré. Oui, il portait toute son attention au dragon et juste la curiosité d’échanger quelque chose avec cette créature face à lui. Il y allait en paix et sérénité, peut-être de la joie. Le dragon continuait d’ouvrir ses ailes plus Billy s’approchait et il tendit la main. La bête sursauta. Billy ne bougea plus. C’est qu’il était un peu plus loin d'Harold, tout seul et encore face à un animal qui pouvait le réduire en cendre s’il ne réagissait pas assez vite. La queue derrière lui, le dragon finit par relâcher sa position défensive et tapota la main de Billy du bout de son museau. Une fois, deux… trois et elle vint y frotter sa tête. Billy, au comble du bonheur poussa un cri de joie et l’animal se déroba pour se cacher derrière les arbres. « Mais… » gémit-il, comme si il venait de perdre un ami.