Face au regard septique qui se dresse devant moi, je ne peux que soupirer. J’ignore ce qui m’a fait penser que, peut-être, cette fois serait différente. C’est peut-être à ce moment que j’ai réalisé, du haut de mes dix-sept ans, que je ne serais véritablement jamais prise au sérieux, que l’on me regarderait toujours avec ces yeux la lorsque je raconterais mon histoire. L’histoire de la petite fille devenue amie avec les monstres de son placard.

Le monde ne comprend pas. Il ne comprend rien. Il ne comprendra jamais. Le monde pense que je suis une enfant en manque d’attention, une enfant à problème qui cherche à ce que l’on s’occupe d’elle.
Le monde se trompe.
L’histoire que je raconte n’est pas le fruit de mon imagination. Je sais ce que j’ai vécu. Je le sais et pourtant je doute parfois. Je doute de moi, je doute de tout. Puis je repense à toute cette aventure et je me dis que jamais je n’aurais pu inventer tout ça.
Cet horrible monstre araignée, et le caméléon. J’en frissonne lorsque je repense à eux. Et mes deux amis, qui m’ont sauvé. Ils me manquent.
J’ai toujours un moment d’hésitation en ouvrant la porte de mon placard. Mais ce monde ne s’est jamais plus ouvert à moi. Quelle ingratitude. A chaque fois je leur en veux un peu plus de m’avoir oubliée, alors que je n’ai jamais cessé de penser à eux.

L’histoire n’a jamais plus été évoquée, depuis ce fameux jour lors de mes dix-sept ans. Je me suis éloignée et je n’ai plus jamais parlé de tout ça. J’ai simplement prétexté que les psychologues que j’ai vus avaient raison, et que je ne chercherais plus à me faire remarquer. Je me suis voilée. Je me suis créer une carapace qui s’est renforcée au fil des années. Je me suis éloignée de ce monde. Je me suis occupée de ma cousine, mon petit trésor et tout ce qui me rattachait encore à ma famille. Et finalement, lorsqu’elle a déménagé, je suis partie de la maison. J’ai disparu, j’ai trouvé un petit travail et un petit appartement très loin d’ici. Je ne voulais plus de cette vie ou l’on me regardait comme une folle, une crieuse au loup.

Je suis bien vite devenue détective. Après des années à faire des recherches sur mon passée, on peut dire que je suis devenue assez douée dans ce domaine. Le bouche à oreilles faisant son œuvre, j’avais assez de clients pour vivre de ça, bien que ce soit assez pitoyable. Les premiers temps, je croyais mes clientes qui pensaient qu’il se passait réellement quelque chose. Mais finalement, les hommes étant ce qu’ils sont, la plupart de mes affaires se résumaient à prouver leurs infidélités. Triste façon de gagner sa vie, n’est-ce ?

Tout ça, c’était jusqu’à ce qu’ils me contactent. Pour être honnête, je ne sais même pas qui est à la tête de cette organisation et je m’en contre fiche. Tout ce que je sais ce qu’ils faisaient des recherche sur la magie et tout ce qui s’y rapproche, et que ça servait autant ma cause que la leur de les rejoindre, alors je l’ai fait et j’ai travaillé, tant pour eux que pour moi.

C’est à la suite d’une mission confiée par mon employeur que je me suis retrouvée dans cette petite ville perdue dans le Maine. Je n’en avais jamais entendu parler, comme la plupart des petites villes aux Etats-Unis. Mais le plus curieux restait que je ne trouvais pas beaucoup d’informations à son sujet, même en creusant. Pas de faits marquants, pas d’histoires insolites…Pas même une affaire de chat perdu qu’on trouverait dans les petites annonces d’un journal. Rien de tel pour me mettre l’eau à la bouche et pour me donner envie de creuser tout ça…

L’avantage lorsqu’on ne travaille pas à son compte mais pour quelqu’un, c’est que toute la partie chiante est gérée par quelqu’un d’autre. Aussi, tout ce que j’ai eu à faire fût de débarquer avec mes quelques affaires dans l’appartement qui m’était déjà loué, en plein centre-ville. Et bien sûr, je n’avais plus qu’à commencer mes recherches.

Le premier objectif, lorsqu’on arrive dans une petite ville comme celle-ci, c’est de se faire connaitre des habitants. Car tout le monde se connait déjà et on arrive toujours comme un cheveu sur la soupe. Je laisse donc pour le moment l’enquête de côté et je cherche à tisser des liens avec les habitants. Qui sait ? Peut-être que l’un d’entre pourra même finir par me donner des informations alors que je sympathise...