Durnik était d’un réconfort incroyable. Sans Robin, lui et Neïlina étaient les personnes qui m’étaient le plus proches et qui me comprenaient le mieux. Son idée de briser des objets pour extérioriser la colère et la souffrance était plutôt bonne. Il était vrai que je me sentais un peu mieux, même si évidemment j’étais loin de respirer la joie de vivre. Alors que je reprenais mon souffle, une larme roulant sur ma joue, Durnik reprit la parole. Mais ce qu’il disait me paraissait vide de sens. Je ne comprenais pas comment il pouvait voir les choses sous un angle aussi positif. Pour lui, apprendre que j’avais une sœur de cette manière était le problème. Non, sœur ou pas, je m’en fichais, tout ce que je voyais, c’était que cette Zelena m’avait privée de Robin en se faisant passer pour Marianne, qu’elle m’avait ouvertement déclaré la guerre. Néanmoins son conseil était judicieux. Il fallait que j’aille parler avec ma mère. Il se proposait même de m’accompagner.

- Oui, je prévois d’aller parler à ma mère. J’attends juste de me calmer un peu avant.

Je soupirai avant de le regarder dans les yeux.

- Comment peux-tu être sûr qu’elle n’essaiera pas de s’en prendre à moi ou aux enfants ? Elle semblait déterminée à me pourrir l’existence. Te rends-tu compte de ce qu’elle a fait ? Qui peut être assez fou pour se faire passer pour la femme décédée de quelqu’un ?

C’est alors que Durnik me parla d’une amulette qu’il possédait. Je le regardai, écoutant attentivement. Il se proposait de m’en offrir une semblable. Etonnée, je le suivis alors qu’il m’emmenait marcher à quelques dizaines de mètres. Une forge en construction se trouvait là. Qu’est-ce qu’il fabriquait ? Je ne tarderais pas à le savoir. Il me montra son amulette et m’expliqua un peu plus son histoire. C’était touchant, vraiment.

- Oh Durnik, c’est vraiment très gentil. Si tu me fabriques une amulette, elle me permettrait de communiquer avec toi ?

Cet homme avait des capacités incroyables et j’étais certaine que je n’en connaissais même pas la moitié. J’ignorais encore beaucoup de son histoire personnelle. Je pouvais sentir qu’il avait de grands pouvoirs, de grandes capacités, mais je n’en connaissais pas exactement la teneur. Au moins, j’étais sure que ce n’était pas cette maudite sœur Zelena qui avait pris son apparence, car les pouvoirs de Durnik étaient différents de ceux que nous possédions, je le sentais.

- De quel genre de protection est capable ton amulette ?

Je songeais déjà à en demander une pour mes enfants. C’était surtout eux que je voulais protéger. Henry, CJ et Roland, même si ce dernier n’était plus sous ma responsabilité, étaient ceux qui importaient le plus.

Durnik essayait de me démontrer que je n’avais guère mieux agi que cette prétendue sœur. Subtilement. Je devais bien reconnaître qu’il avait raison, j’avais puni tout un royaume, privant chacun de ses habitants de ses souvenirs, pour me venger d’une seule personne. Enfin, d’un certain côté, pour moi, tous méritaient alors d’être punis puisqu’ils la soutenaient et donc me trahissaient. Mais tout ceci était derrière moi, et alors qu’enfin j’allais avoir ma fin heureuse, peut-être pas « bien méritée » mais presque, voilà qu’on me la retirait. Qu’ELLE me la retirait. J’avais bien du mal à être aussi bienveillante que mon ami et à laisser couler. Je croisai les bras, il me faudrait réfléchir à la situation, après tout, moi aussi j’avais privé Blanche de son prince en leur ôtant la mémoire.. ceci dit, c’était elle qui avait commencé.

- Je vois où tu veux en venir, Durnik, mais la différence entre ce que j’ai fait et ce qu’elle m’a fait, c’est que moi, je n’ai jamais vu cette femme de ma vie. Je ne lui ai jamais fait le moindre mal puisque je ne la connais pas.

Et cela faisait toute la différence entre la sorcière cruelle que j’ai été, et la sorcière folle qu’elle était ! Comme je lui en voulais, à cette rouquine ! Si c’était là son vrai visage, puisqu’elle savait changer d’apparence. Je songeai furtivement qu’il fallait que je m’entraîne à ce sort, ne l’ayant jamais utilisé moi-même. Quand j’avais voulu y avoir recours, c’était Rumpel qui m’y avait aidée.

Durnik me fit alors une proposition quant à une amulette qu’il voulait me forger. J’étais quelque part heureuse d’en apprendre un peu plus sur lui. J’étais très intriguée par les capacités de cette amulette dont il me parlait, ne serait-ce que pas la capacité de communiquer, mais plus encore cette possibilité de protection. Immédiatement, je pensais à mes enfants. Les protéger était ce qui m’importait le plus. Je me demandais alors quel était le prix à payer. Mon maître de magie, le Ténébreux, m’avait assez prévenue sur le prix que toute magie demandait, et j’avais bien assez été confrontée à cela. Le sourire de mon ami me rassurait cependant. J’avais confiance en lui et je savais qu’il ne me mentirait pas. Il m’expliquait alors les subtilités de ce bijou magique. Appartenir à un groupe, un monde, c’était tentant, moi qui me sentais si seule ces derniers temps. Cependant, est-ce que cela me ressemblait ? Je me posais la question. J’apprenais alors la triste histoire de sa famille, ceux qui, eux aussi étaient pourvus d’une amulette et qui avaient perdu la vie.

- Je ne comprends pas. Pourquoi ne peux-tu pas communiquer avec ceux qui restent, alors ? Je suis désolée de te poser cette question, si ça te fait trop mal, ne me réponds pas, mais je me demande aussi pourquoi la protection qu’apporte l’amulette n’a pas fonctionné pour sauver ta famille ?

Comme il me le soulignait, il fallait que je réfléchisse. l’idée de ne pouvoir me défaire de l’objet m’angoissait un peu. Je n’aimais pas vraiment l’idée d’être dépendante de quelque chose ou de quelqu’un, moi qui avait toujours agi seule. Mais Durnik semblait s’en accommoder. Je m’asseyais sur un tronc renversé au sol, invitant du regard mon ami à en faire de même.

- Quels sont les mauvais côtés ? Les vrais, je veux dire. Qu’appelles-tu être dépendant d’un groupe ?

J’étais réellement curieuse de comprendre comment cela fonctionnait. Je n’avais jamais entendu parler de ce genre de magie et de capacité et cela m’intriguait beaucoup. Je voulais en comprendre les tenants et aboutissants.

Plus j’en apprenais sur Durnik et son passé, plus je constatai à quel point nous étions semblables, à quel point nous avions souffert tous les deux, et à quel point lui aussi souffrait encore. J’avais osé lui posé des questions qui pouvaient sans doute le blesser en remuant le couteau dans la plaie, mais mon ami me répondait avec franchise et honnêteté, ce que je saluai.

- Je comprends, répondis-je alors qu’il m’expliquait pourquoi il n’essayait pas de communiquer avec sa famille disparue ou non.

Il craignait d’être déçu ou au contraire d’avoir soudain de l’espoir. Il avait peur et je ne pouvais que le comprendre.
Durnik m’expliqua ensuite la complexité du pouvoir de protection des amulettes. La mort ne pouvait être évitée. Mais ce qui J’hochame faisait le plus m’interroger était cette histoire de communication avec les autres membres de cette communauté. Cette idée me fascinait mais m’effrayait aussi. Etait-ce comme Rumpelstiltskin qui entendait les autres ténébreux ? J’écoutai avec attention mon ami et psychologue. Il me parlait lui aussi du prix à payer quand on recourait à la magie. Je ne savais mieux que personne, le Sort Noir m’avait coûté la vie de mon père. J’acquiesçais aux dires de Durnik d’un hochement de tête. Oui, une mauvaise utilisation de la magie demandait un grand prix, autrement dit un sacrifice. La magie noire était fourbe.
Il me demanda alors de toucher son amulette puis d’envoyer une boule de feu dans sa forge. Un peu étonnée, mais lui faisant confiance, je m’exécutais. Je pus alors sentir au moment de former la sphère brûlante, mais plus encore en l’envoyant dans le foyer, la puissance que son amulette m’avait conférée. L’espace d’un instant, je retrouvai les sensations que j’avais eues la première fois que j’avais arraché un coeur. J’en étais effrayée. D’un geste vif, je retirai ma main du pendentif de Durnik pendant que celui-ci m’expliquait un peu mieux ce qui s’était passé. J’étais surprise, je ne m’attendais pas à cela. Il fallait que je réfléchisse. C’était tentant, mais j’eus peur soudain que cette tentation ne soit le fruit de ma noirceur qui essayait de revenir. Je souffrais, et quand je souffrais, je faisais de mauvaises choses. C’était un fait avéré et historique. Je fus touchée aussi d’entendre mon ami parler de sa famille. Il avait l’air si seul. Pourtant, j’étais là pour lui. Même si pour l’instant, c’était surtout lui qui étais là pour moi.

- Avant toute chose, je veux te dire, je veux que tu saches, que tu comptes beaucoup pour moi. Que je sais ce que c’est que de manquer de sa famille. Mon père me manque énormément. Et Robin maintenant. Je comprends le vide que tu ressens à l’intérieur. Et je veux que tu saches que je suis là pour toi, comme tu l’es pour moi. Je n’ai pas la prétention de remplacer ceux que tu as perdu, mais c’est toujours ça, non ?

Un homme comme lui ne méritait pas de souffrir. Moi, j’avais fait le mal, mais lui, pour quelle raison le sort s’acharnait-il sur lui ?

- En ce qui concerne ton offre… je dois vraiment y réfléchir. Cette puissance que je serai capable d’avoir me pose quelques doutes. Je crains d’être tentée de faire des bêtises. Je te propose une chose, retrouvons-nous ici dans trois jours.

Cela me laisserait le temps de réfléchir et au moins, durant ces trois jours, je pourrais tenter de penser à autre chose que la perte de Robin.

Trois jours s’étaient écoulés depuis notre discussion avec Durnik. J’étais toujours ravagée par la tristesse, la douleur, le deuil et la colère. Mais un nouveau sentiment s’était ajouté à l’équation : l’espoir. Aujourd’hui, un peu plus tôt dans l’après-midi, j’avais reçu une visite à mon bureau. Eve, la fée bleue. Jamais je n’aurais cru que cette personne puisse venir me voir pour essayer de me remonter le moral. J’avais été si mauvaise avec les fées, à commencer par Clochette. Mais passons. La mère supérieure était venue me faire part d’une chose qu’elle avait apprise sur moi, quelque chose qui, de mon point de vue, remettait tout en question. Je ne pouvais désormais plus me permettre d’agir sans réfléchir. Ce rendez-vous avec Durnik tombait à pic. J’étais déboussolée par cette nouvelle et je devais en parler à quelqu’un. En plus d’être mon psychologue, il était mon meilleur ami. Lui et Neïlina étaient les deux personnes à qui je savais que je pouvais me confier sans craintes. A la vérité, j’avais vraiment besoin de quelqu’un à qui parler, je ne savais plus où j’en étais. Bien sûr que cette nouvelle était bonne, excellente, même, la meilleure nouvelle que j’aurais pu avoir et que jamais je n’aurais osé espérer. Seulement, méritais-je vraiment ce bonheur ? Pourquoi le Destin m’aurait-il arraché mon grand Amour et âme-sœur si c’était pour me laisser porter son bébé ? Je n’y comprenais rien, il fallait l’avouer. Durnik avait toujours eu cette capacité à m’aider à lever le brouillard de mes yeux, aussi étais-je heureuse de le retrouver.

Me voilà donc au point de rendez-vous, et je ne pus que constater que sa forge avait une tout autre allure. Il n’avait pas chômé. Depuis l’extérieur, je pouvais entendre le bruit du métal que l’on frappe. Il y travaillait. Je toquai à la porte mais bien évidemment, je ne fus pas entendue avec tout ce raffut, alors j’entrai. Après tout, il savait que j’arrivais, je présume. Je vis que mon ami m’avait remarquée et je constatai en le voyant se retourner qu’il était torse nu. Détournant le regard, je refermai la porte.

- Oh excuse-moi, je… je te pensais un peu plus vêtu.

J’approchai à son invitation et remarquai qu’il avait déjà bien avancé dans son travail. En seulement trois jours ! J’étais impressionnée.

- Bonjour Durnik. Tu n’as pas chômé, dis-donc. C’est impressionnant.

J’observais son travail.

- Une épée ? Quel dragon comptes-tu terrasser avec ça ?

L’espace d’un quart de seconde, je ne pus m’empêcher de penser à mon ignoble sœur qui mériterait bien ce métal froid au travers de son gosier de sorcière médisante. Les mauvaises habitudes avaient la vie dure. Je secouai la tête.

- J’ai quelque chose à te dire, Durnik, quelque chose d’important. Je…

J’esquissai un sourire un peu idiot parce que je savais pas vraiment par où commencer. Je me raclai la gorge avant de croiser les bras.

- J’ai bien réfléchi et je crois que pour le moment, ce n’est pas une bonne idée que j’accepte ton offre. Il y a deux raisons. Comme je te l’ai dit la dernière fois, j’ai peur que tant de pouvoirs, je veux dire les miens combinés à ceux de ton amulette, risqueraient de me précipiter vers les ténèbres… j’ai… encore, parfois… des pensées que je ne devrais pas avoir. Je n’en suis pas fière, et tu peux me blâmer, tu aurais raison. Mais j’ai passé tant d’années à faire le mal que…

Je soupirai. Qu’est-ce que je pouvais être faible, je me dégoûtais.

- C’est parfois difficile.

Et je n’avais plus Robin. Il savait si bien m’encourager. Je n’avais qu’à regarder dans ses yeux pour y puiser la force qui venait à me manquer.

- Je sais bien qu’il y fait chaud… quand elle est en activité. A vrai dire, je ne pensais pas te trouver en train de t’activer.

Je lui souris. J’étais heureuse de le revoir malgré la chaleur inhérente à cette pièce et qui me faisait déjà suer. Je retirai mon manteau pour me retrouver en chemisier. Je n’avais pas tarder à l’interroger avec humour sur le destinataire de la lame de cette superbe épée qu’il confectionnait avec tant d’application. Entendre son rire me fit du bien.

- Personne ne s’en prendra à toi, tout le monde t’aime, Durnik.

Puis, j’en venais à une partie de ce que j’avais à lui dire. Je devais décliner son offre pour l’amulette, pour le bien de tous. J’avais peur de ce dont j’étais capable, et j’étais pleine d’inquiétude quant à ce que j’avais appris aujourd’hui. Demain ce serait mon anniversaire et la fée bleue m’avait fait un joli cadeau en avance en m’annonçant une grossesse que je n’avais plus osé espérer. J’expliquais donc à mon meilleur ami mes craintes quant aux pouvoirs me paraissant démesurés que l’amulette me conférerait, accentuant les miens qui étaient déjà extrêmement puissants. J’avais si peur de sombrer à nouveau, alors je le lui dis, sans restriction. Si quelqu’un ici pouvait tout entendre de moi, c’était Durnik. Il m’assura comprendre, mais la seconde suivante, je l’entendis me dire avec une voix qui ne semblait pas la sienne que je n’étais pas encore prête. Je le regardai, surprise, les yeux légèrement écarquillés.

- Durnik ?

Il s’excusa aussitôt mais je le sentais préoccupé. Malgré tout, je le vis me sourire pour me rassurer. Cet homme savait se montrer d’une telle douceur. Il faudrait que je lui demande plus tard ce que c'était que cette voix qui ne semblait pas être la sienne.

- Eh bien… si, je ne veux pas que tu me prennes pour une ingrate. En fait, ce n’est pas la seule raison. J’ai appris quelque chose aujourd’hui. Quelque chose d’important qui va changer ma vie, et je t’avoue que beaucoup trop de changements ont déjà eu lieu, il faut que je m’y fasse.

Toujours aussi doux dans ses propos et dans ses gestes, Durnik m’offrit un bracelet, magnifique soit dit en passant, orné de jolies pierres blanches. J’étais touchée, presque émue aux larmes. Je tendis mon poignet pour l’aider à l’accrocher.

- Oh Durnik… c’est tellement gentil… je te remercie, il est superbe. C’est toi qui l’as fait?

Je voulais le serrer dans mes bras, mais au vu de toute la sueur qui ruisselait sur son corps, je me fixais devant lui avec un sourire.

- Tu permets ?

Puis, je levai ma main face à lui pour lui ôter toute cette transpiration d’un petit éclair magique, avant de me blottir contre lui.

- Merci d’être toujours si adorable.

Je me détachai de lui tandis qu’il me demandait comment j’allais.

- Il fait vraiment chaud, veux-tu bien que l’on sorte pour continuer cette conversation ?

Il fallait que je me décide à lui dire.

- Je te parlais de changements dans ma vie, tout à l’heure. Il faut que je te dise ce que j’ai appris tout à l’heure. Je suis enceinte.