New York, quelle ville merveilleuse, pleine d’âme si innocente, prête à croire qu’un ancien voleur pouvait se repentir en allant faire le ménage dans les immeubles du quartier. D’accord, j’avais peut-être un peu menti sur mon CV, mais qui ne faisait pas ça, de nos jours ? Et je n’aurais jamais obtenu ce job sans ça. Personne n’avait envie d’embaucher un voleur. Après, j’avais été honnête sur ma situation, mes employeurs savaient que j’avais commis quelques délits, mais pas des vols. Les meilleurs mensonges sont ceux qui se mêlent à la vérité.

Tout ça pour dire, je n’étais pas mécontent d’aller travailler, et j’étais toujours étonné de constater que certaines personnes étaient assez tête en l’air pour ne pas fermer la porte de leur appartement en partant de chez eux pour aller travailler le matin. C’est eux les âmes les plus innocentes du lot. Mais que voulez-vous, ce sont toujours les mêmes qui paient le prix. Est-ce que j’avais des remords à m’introduire dans cet appartement pour dérober quelques objets de valeur ? Nullement. Il fallait bien que je ramène de l’argent à la maison aussi. Le loyer n’allait pas se payer tout seul. Bon, et il se trouvait que j’avais quelques dettes à droite à gauche, si je n’avais pas les moyens de les rembourser rapidement, ça risquait de mal tourner pour moi. Et je crois que je préférais avoir des problèmes avec la justice qu’avec mes créanciers.

Cela faisait déjà plusieurs jours que je faisais le ménage dans cet immeuble et que j’avais remarqué cette porte qui n’était pas verrouillée et l’appartement semblait vide. Alors aujourd’hui était le jour. Après avoir fait mon travail, parce que j’étais quand même un bon agent d’entretien, je rangeais mes équipements dans le placard prévu à cet effet pour aller m’introduire dans cet appartement ouvert. Malheureusement, je n’avais pas de coéquipier pour m’informer si quelqu’un arrivait, mais tant pis. J’étais plutôt confiant sur ce coup. Mais par acquis de conscience, je ne perdis pas de temps, et commençais à me mettre en quête d’objet de valeur immédiatement.

Tout aurait pu se passer parfaitement bien, si quelques minutes à peine après mon arrivée il y eu un bruit. Quelqu’un venait d’entrer dans l’appartement. Je jurais silencieusement :

- Bloody Hell…

C’était bien mon jour de chance. En plus, cet appartement était nul en matière de cachette. Sans réfléchir je plongeais pour me réfugier derrière le canapé. Sûrement pas le geste le plus discret du monde. Mais ça valait le coup d’essayer. Enfin, je crois, surtout j’espère à vrai dire. Saleté de New York avec ses habitants imprévisibles.

C’était la pire des cachettes. C’était la pire des cachettes. Cette phrase tournait en boucle dans ma tête alors que j’entendais la propriétaire des lieux s’avancer chez elle. Pendant un instant, j’eus l’espoir qu’elle ne m’aie pas entendu. J’entendais chacun de ses pas, j’avais presque l’impression que les battements de mon cœur s’étaient calqués sur ce rythme de peur d’être entendus autrement. Mais mon espoir fut de courte durée. Je me demandais ce qui avait mit la puce à l’oreille de la jeune femme. Parce que si la porte ouverte ne l’avait pas étonnée, de ce que j’avais entendu, elle n’avait pas encore vu que j’avais dérangé une partie de son appartement, à la recherche d’objets de valeur.

Bien sûr, je n’allais pas surgir de ma cachette soudainement, en disant “coucou c’est moi ! Je suis là !”. J’étais peut-être pas une flèche, mais pas à ce point non plus. Avec un peu de chance, elle se dirait que son imagination lui jouait des tours, retournerai à ses occupations, ce qui me laisserait le temps de m’échapper discrètement par la porte d’entrée, qui, il me semblait, n’avait pas été verrouillée derrière elle. Mais ça tournait mal cette histoire. Elle ne démordait pas de son intuition. J’entendis un bruit qui devait provenir de la cuisine. Elle avait dit qu’elle était armée. Est-ce qu’elle venait de prendre un couteau ? Cette femme était folle. J’allais me faire planté avant même d’avoir bougé le petit doigt.

Mon instinct me dictait pourtant de rester à ma place encore quelque secondes, juste dans le doute. Elle parla à nouveau et cette fois, sa voix me parut familière. Attendez, si je la connaissais, il y avait peut-être encore un espoir. Je me redressai de ma cachette et levai les mains comme si ce geste allait prouver mon innocence. Une jeune femme apparu alors dans mon champs de vision presque au même moment. Son cri ne me fit même pas sursauter, à croire que je devenais habitué à ce genre de scène. Et pourtant, cela ne m’empêcha pas d’être surpris de découvrir l’identité de la propriétaire.

- Ruby ?

Si j’avais su que c’était chez elle, jamais je ne serais rentré. J’aurais dû faire attention en la voyant sortir, mais je ne l’avais pas reconnu de dos, au bout du couloir. J’étais trop obnubilé par l’idée de cambrioler cet appartement facilement. Et merde, mais non, mais j’aimais bien Ruby, comment j’allais me sortir de là ?

- Oh ! C’est chez toi ? Désolé je…

Un voleur et un voleur et même si j’appréciais Ruby, je ne voyais pas d’autre moyen de me sortir de là, si ce n’était avec un beau mensonge. Je lui désignais mon uniforme d’agent d’entretien en disant :

- J’étais en train de faire le ménage dans le couloir et j’ai vu la porte ouverte. Ca m’a intrigué, je pensais qu’il y avait un problème, alors je suis rentré et… Et quand t’es arrivé, ça m’a fait super peur alors j’ai sauté là et…

Je fronçais les sourcils, perplexe, en réalisant que Ruby se tenait bien en face de moi, prête à attaquer avec… Une casserole ?

- Attends ? C’est ça ton arme ? Tu comptais m’assommer avec une casserole ? Et moi qui flippait à l’idée de me prendre un coup de couteau…

Pour le coup, j’étais vraiment étonné, amusé et elle m’offrait là une merveilleuse opportunité de reporter le sujet de conversation sur autre chose que ma présence douteuse dans son appartement. Bon, il ne restait qu’à espérer qu’elle prendrait les choses que j’ai dérangé pour un coup de peur aussi. Genre, dans le feu de l’action, j’aurais paniqué, bousculé ses affaires avant de sauter derrière le canapé, ce n’était pas trop illogique.

C’était bien ma veine ça. Pour une fois que je pensais avoir un bon plan, sans embrouille, il fallait que l’appartement soit celui de Ruby. Je n’étais pas un voleur avec un code moral ou quoique ce soit. Mais j’aimais bien la brunette, en plus d’être indéniablement belle, elle est gentille et drôle. Je ne pouvais définitivement pas lui faire un coup pareil. Finalement, ce n’était pas plus mal qu’elle soit rentrée avant que je n’aie commencé à prendre quoique ce soit. Vous imaginez ? J’aurais volé des trucs à Ruby, pour me faire de l’argent, pour me payer des cafés qui auraient servis à payer le salaire de Ruby. Au final, elle n’était pas si perdante. Quoique, si un peu quand même.

Je me sentais coupable pour elle, c’était une proie tellement facile. J’hochais la tête positivement à sa question. Oui, la porte était ouverte, là dessus je ne mentais pas. Au moins, maintenant elle ferait attention à bien verrouiller derrière elle quand elle sortirait. Ce n’était pas une si mauvaise leçon au final.

- Hum, non je crois pas. Enfin, pas pour le moment.

Je n’allais pas lui dire que j’étais bien certain d’être seul et que c’était même mon but. Je sais, ça n’allait pas aider la jeune femme à mieux dormir cette nuit et à se détendre dans l’immédiat, mais elle s’en remettrait, j’en étais sûr, Ruby était une grande fille, je ne me faisais pas tant de soucis pour elle. En attendant, elle finit par lâcher sa casserole. Ce qui n’était pas plus mal. Surtout pour moi, au moins elle ne risquait plus de m’en coller un coup, même si c’était pas inadvertance. Je me détendis un peu. Il faut croire qu’elle ne me suspectait pas de quoique ce soit et tant mieux.

- Désolé pour ça, ce n’était pas le but…

Et là non plus je n’étais pas en train de mentir. J’étais un voleur, pas un épouvanteur. Ni même un tueur d’ailleurs. Cela n’était pas du tout dans mon intérêt. Je cherchais simplement à me remplir les poches, pas à me salir les mains. De toute façon, j’étais déjà un piètre voleur, alors je vous laisse imaginer quel genre de tueur je ferais. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais pour la suite, mais sûrement pas à ce que Ruby me demande à moi, de l’escorter dans le reste de l’appartement. Je restais un instant planté là, comme un imbécile avant de réagir.

- Oh euh ouais bien sûr pas de problème !

Je quittais donc mon refuge derrière le canapé. Je n’avais pas osé bouger depuis le début de cette conversation. Je rejoignis Ruby et avant qu’on se mette en route, j’attrapai la casserole qu’elle venait de lâcher.

- Quoi ? T’as vu ma carrure ? Si ya vraiment un type dans ta chambre, je préfère encore être armé.

Je savais très bien qu’il n’y avait personne dans sa chambre. Mais sait-on jamais. Ca se trouve un type était rentré avant moi et il s’était planqué dans sa chambre. Dans tous les cas, je préférai encore être armé, même si c’était d’une casserole. Puis je crois que je m’étais fait contaminé par le stresse de Ruby. Nous prîmes notre courage à deux mains pour aller jusqu’à sa chambre. Ok ok, j’étais plus du tout serein à présent. J’échangeais un regard avec Ruby avant de pousser doucement la porte. La pièce semblait silencieuse. Mes muscles se relâchèrent. Personne. Je fis quelques pas dans la chambre, histoire de voir si personne n’était caché.

- Je suis presque déçu en fait.

Non définitivement, même pas un monstre sous le lit. Je rendis alors sa casserole à Ruby.

- Ca va aller ?

Bah ouais, j’allais pas rester chez elle non plus, c’était bizarre, non ? Certes, mon service était fini à cette heure, donc rien ne me forçais à partir. Mais je me sentais un peu de trop. Après si Ruby voulait que je reste, par peur qu’un autre type chelou débarque, pourquoi pas. Enfin, je sais pas. Cependant, je n’eus pas le temps de bouger le moindre orteil qu’un bruit se fit entendre, j’écarquillais les yeux et ajoutai d’une voix plus basse :

- Ca venait de la salle de bain ça, non ?

L’aventure n’était apparemment pas fini. Je sens que ce n’était pas ma journée du tout, et pas celle de Ruby non plus.

Je n’en revenais toujours pas que Ruby aie accepté tous mes mensonges aussi facilement. D’habitude, tout le monde était dubitatif, il faut dire que là, je n’avais pas un cadavre de bouteille à la main et pas un cerveau trop embrumé, ça devait aider à être plus convaincant. Vous voyez, que je le veux bien, je savais être un bon voleur. Enfin, pas tant que ça, c’était un coup raté au final, je n’avais rien pu voler, mais au moins, je ne finirais pas le nuit en prison, ce qui était un bon gros point ! Je crois tout de même, que j’allais éviter de raconter cette histoire à Mercutio. Autant ne pas entacher davantage ma réputation, elle était déjà bien assez sale comme ça.

Et vous savez quoi ? Le pire dans tout ça, c’était que j’étais assez con pour presque croire à mes propres mensonges. Certes, je n’avais vu personne d’autre que moi. Mais je n’avais pas fait toutes les pièces. Et si quelqu’un d’autre avait eu la même idée que moi ? J’étais réellement flippé à l’idée de faire une mauvaise rencontre dans cet appartement. Je sentais bien le regard moqueur de Ruby lorsque j’avais saisi la casserole qu’elle avait lâché peu de temps auparavant. Est-ce que j’avais vraiment l’intention de m’en servir comme d’une arme ou est-ce que j’avais juste envie de faire le pitre devant la brunette ? Je dirais qu’il y a un peu des deux. Je souris en l’entendant râler sur le fait que je me sois moquée d’elle un peu plus tôt avec cette casserole mais ne répondit pas.

Heureusement, RAS dans la chambre, il n’y avait rien d’alarmant, ce qui nous détendit tous les deux. Je levais la casserole en essayant de prendre un air menaçant :

- Hey, mais justement, pendant que le cambrioleur rigole face à la casserole, il a pas le temps de la voir arriver dans le coin de sa figure. C’était un bon choix dès le début, ne sous-estime pas la casserole !

Mais quand on pensait que tout était fini….. Un bruit se fait entendre venant de la salle de bain. La réaction de Ruby fut immédiate. Elle s'agrippa à moi et je ne faisais pas le fier non plus.

- Oh j’en avais pas l’intention…

C’était trop tard pour fuir de toute façon et c’est moi qui avait la casserole, il était de mon devoir de nous protéger tous les deux. Question de survie. Je poussais la porte de la salle de bain doucement et… Personne, cette pièce était aussi vide que la première. Le bruit venait d’une étagère qui était tombée et tout ce qui semblait être ses produits de maquillage étaient au sol. Ce qui ne ravit pas des masses Ruby.

- Décidément, on enchaîne les déceptions ce soir !

Maintenant que j’étais là, je n’allais pas regarder bêtement la jeune femme sans rien faire. Je l’aidais donc à ramasser ses affaires. C’était le moins que je puisse faire. J’examinai alors l’étagère.

- Hum, si t’as rien pour re-fixer ton étagère, je peux aller jeter un coup d’oeil dans le local technique, il doit bien traîner une boîte à outil ou quoi.

Je ne voulais pas passer pour le mec qui pense qu’une femme est incapable de réparer une étagère toute seule. Surtout que ça n’avait rien de diabolique. Par contre, je savais que, chez moi, je n’avais pas du tout de quoi le faire. J’avais peut-être un tournevis et une pince qui traînaient quelque part, mais c’est tout. A si j’avais une chaîne aussi. Pff, non, ne me demandez pas pourquoi. A croire que je ne volais jamais autant quand j’avais trop bu, donc évidemment, mes trophées de chasse étaient très... variés. Mais bon, ce n’est définitivement pas avec une chaîne qu’on répare une étagère.

- Ton loup ? Tu as un chien d’habitude ?

Oui, ça ne montait au cerveau que maintenant. Que voulez-vous, j’étais un peu long à la détente. Mais pour avoir cet appartement à l’oeil depuis un moment, je n’y avais jamais vu de chien. Surtout si c’était un chien-loup, je crois que je l’aurais remarqué. Ce n’était pas le genre d’animal de compagnie qui passait inaperçu. Puis c’était assez inhabituel d’avoir un animal pareil en appartement.