Zelena avait vraiment l’air contrarié par les propos de Clochette. Elle avait des teintes de vert un peu partout sur le visage, la jalousie ne lui allait vraiment pas au teint. Quand cette couleur disparaissait, c’était pour laisser la place à du rouge de colère.
Même si elle essayait de rester maitresse de ses émotions, la méchante sorcière de l’Ouest avait du mal à les cacher et elles étaient bien visibles sur son visage. Les deux émotions se mêlaient à part égale dès que le nom de Regina était prononcé par l’une ou l’autre durant leur conversation.

Les deux sœurs avaient l’air d’avoir officiellement fait la paix, pourtant, d’avoir eu cette discussion avait dû raviver beaucoup de choses au fond du cœur et de l’esprit de la rousse incendiaire. La Fée Verte en était bien désolée pour elle, désolée d’avoir déterré des souvenirs du passé aussi douloureux que ceux qu’avait dû vivre son invitée.
L’hôte involontaire du jour avait essayé de répondre du mieux qu’elle pouvait à toutes les interrogations qu’avait pu avoir ou avait encore Zelena. Elle ne savait pas si tout ce qu’elle lui avait raconté lui convenait et surtout si elle la croyait après toutes ces années.

Clochette s’était sentie très vulnérable pendant tout leur entretien. Elle avait choisi de répliquer à chaque attaque personnelle de Zelena au début puis elle s’était rendue compte que cela ne servait à rien, bien au contraire, cela avait tendance à énerver encore plus la rouquine.
La blondinette avait reçu les coups suivants sans broncher même s’ils lui avaient fait horriblement mal. Beaucoup plus mal qu’elle ne l’aurait cru possible et qu’elle ne pensait pouvoir supporter. Il lui fallait une grosse dose de rhum pour oublier tout ça, une très grosse dose…

Rien que de penser aux conséquences de ce geste, la jeune femme se dépêcha de penser à tout ce qu’elle avait appris pendant sa cure de désintoxication à New York afin d’évacuer cette énorme tentation de céder à ses vieux démons.
Elle se mit à se concentrer sur sa respiration et à imaginer qu’elle était dans un lieu accueillant et reposant. Elle se promit ensuite de se rendre à la prochaine réunion des Alcooliques Anonymes afin de rester sur la bonne voie.

Zelena se rassit dans le fauteuil et accepta de lui raconter ce passé si compliqué qui lui faisait tant de mal encore aujourd’hui. Elle lui expliqua qu’elle avait quitté la Forêt Enchantée après une énième avalanche de coups et d’insultes de la part de son père adoptif.
Elle avait atterri à Oz afin de consulter le magicien qui y régnait. Il lui apporta une partie des réponses qu’elle cherchait depuis tant d’années, peut-être pas avec les explications nécessaires et peut-être seulement les images qu’il voulait bien lui montrer.

Bien entendu, la jalousie maladive de Zelena suffit pour faire le reste. Elle rencontra par la suite Rumpelstiltskin qui lui raconta son baratin habituel afin d’obtenir ce qu’il voulait d’elle. Voyant qu’il ne réussissait pas à faire d’elle ce qu’il avait prévu et que sa jalousie reprenait le dessus, il s’était concentré à nouveau sur Regina ce qui augmenta les ressentiments de Zelena envers sa sœur.

Tout ce que Zelena lui racontait fit prendre conscience à Clochette de tout ce qu’elle avait aidé à faire subir à cette dernière et combien chacun de ses actes avait affecté d’une façon ou d’une autre la personnalité, la destinée et les choix de son interlocutrice tout au long de sa vie.
Elle comprenait qu’elle était une des responsables de ce qu’était devenu Zelena en grandissant : la méchante sorcière de l’Ouest, crainte par tout le Pays d’Oz et bien au-delà. L’explication de la rouquine se termina avec son arrivée à Storybrooke lors de la première malédiction, donc quand sa petite sœur avait réussi à faire ce que Rumpelstiltskin attendait d’elle, lancer le Sort Noir.

« Je ne veux pas remuer encore plus le couteau dans la plaie, Zelena. Je ne suis pas revenue à Storybrooke pour ça. Mais si tu veux me montrer une partie de ton passé, je serai heureuse de t’y accompagner. Peut-être que cela nous permettra à toutes les deux à mieux comprendre les situations et nos erreurs et à mieux nous les pardonner.
Qu’en dis-tu ? Je te laisse choisir l’épisode de ta vie que tu veux, je ne veux pas t’imposer quoi que ce soit et surtout pas revivre un moment douloureux de ton passé sans que tu y sois préparée et que tu sois d’accord. »

En faisant cette proposition, Clochette espérait montrer à Zelena qu’elle voulait être la plus franche, la plus sincère et la plus compatissante possible envers elle et ce lourd passé qui la hantait toujours aujourd’hui.
Intérieurement, la Fée Verte voulait aussi se prouver qu’elle n’avait rien fait de mal à cette époque-là et essayer ainsi de se débarrasser de ce sentiment de culpabilité qui ne cessait de grandir en elle depuis l’arrivée de la rouquine dans sa maison.

C’était ce sentiment qui l’avait amené à prendre des décisions pas toujours les plus justes et les plus adéquates quand elle suivait l’enseignement de la Fée Bleue. Ce même sentiment qui quelques années auparavant l’avait fait plonger très loin dans l’alcool.
Toujours ce sentiment qui l’a poussé à revenir à Storybrooke pour voir Regina et qui l’a forcé à ouvrir la porte à la Méchante Sorcière de l’Ouest il y a quelques dizaines de minutes. Elle espérait qu’en ayant cette discussion avec Zelena en combinant avec celle qu’elle avait eu avec Regina à son arrivée lui permettrait de faire diminuer voire disparaitre cet horrible sentiment.

L’invitée surprise du jour lui expliqua que Clochette pourrait voir chaque histoire du passé choisie comme si elle était à sa place. Il lui fallait juste un peu de préparation, elle devait aller chez elle prendre une potion.
Pendant ce temps-là, la blondinette devait prendre un de ses miroirs pour que le sortilège puisse fonctionner correctement. D’un claquement de doigts, Zelena disparut. Clochette profita de ce moment de répit pour éponger les larmes qui se remettaient à couler de ses yeux, ranger son nécessaire à thé et alla choisir un petit miroir de poche délicatement orné de jolies petites fleurs.

Elle avait trouvé ce miroir quand elle était encore une élève dans la Forêt Enchantée lors d’une de ses nombreuses virées dans les tréfonds des différentes contrées du Monde des Contes. Quelque chose qui scintillait avait attiré son attention alors qu’elle se baladait sur la frontière Nord près du Royaume de Camelot.
Il ne l’avait plus quitté depuis, pendant son exil au Pays Imaginaire, son passage auprès de la Reine de Cœur au Pays des Merveilles, lors de son premier séjour à Storybrooke et pendant toute sa cure de désintoxication à New York. Il lui rappelait la personne qu’elle était à ce moment-là, innocente, insouciante et surtout sans ce sentiment de culpabilité et ses remords.

Zelena revint assez vite avec une petite bouteille à la main, dedans, se balançait un liquide d’une belle couleur verte émeraude. Clochette s’approcha de la rouquine et lui tendit le miroir qu’elle avait choisi. Elle réfléchit quelques instants puis exprima à haute voix l’épisode du passé de la sorcière qu’elle souhaitait voir.

« Si tu veux bien, je souhaiterais voir ton arrivée à Oz. Je suis intriguée par ce que le magicien a bien pu te dire et te montrer qui a autant attisé cette jalousie en toi contre ta sœur et contre le monde entier. »

La Fée Verte voulait vraiment savoir comment une jeune fille à qui pleins de malheurs étaient arrivés était devenue la femme froide, méchante et jalouse que l’on craignait plus que tout par la suite. Zelena acquiesça d'un signe de tête et versa le contenu de sa fiole sur la surface du miroir.
Après quelques instants, le reflet des deux femmes se transforma et laissa apparaître un paysage que Clochette ne connaissait que de nom et par les nombreux livres lus : le Pays d'Oz.

Clochette observa attentivement tout le paysage qui s’étalait devant ses yeux. Même si elle était spectatrice des événements, la blondinette ressentait tous les sentiments que la Méchante Sorcière de l’Ouest avait eu à ce moment-là.
Elle se préparait donc mentalement à vivre des instants de peur, de colère, de jalousie plus ou moins intense et sûrement très peu de moments de joie ou de bonheur. Le premier souvenir que Zelena accepta de lui montrer débuta.

Les deux jeunes femmes se trouvèrent devant une maison modeste, avec un tas de bois bien rangé juste à côté, de la fumée qui sortait de la cheminée et quelques chemises qui séchaient pendues à un fil entre deux arbres.
Deux personnes se trouvaient également devant l’habitation, la Fée Verte reconnut la jeune fille comme étant une version plus jeune de son invitée du jour. Cette dernière était en train de s’appliquer au rasage d’un homme qui devait être son père adoptif.

« Pourquoi me montrer ce moment alors que j’espérais voir directement sa rencontre avec la magicien d’Oz ? Je dois être trop impatiente, si Zelena a décidé de me montrer ce souvenir, c’est qu’elle doit avoir ses raisons. A moi d’être spectatrice et de voir où tout cela nous mènera. » pensa-t-elle.

D’un coup, Clochette comprit l’intérêt de cette scène. Les sentiments qu’elle ressentit passèrent très rapidement de la joie avec un brin de fierté à de la peur et de la colère mélangées. La jeune fée vit pour la première fois la colère froide et menaçante de l’homme qui avait dû élever la rouquine comme sa propre fille, presque contre son gré.
Ce fut à cet instant que la blondinette comprit sa première erreur et par conséquent celle de la Fée Bleue. Elles avaient laissé un petit bébé sans défense, certes avec des pouvoirs magiques par la suite, dans une famille dont un seul des parents avait vraiment de l’affection voire de l’amour à lui offrir.

Oui, Zelena avait hérité des pouvoirs magiques de sa mère. Rien d’étonnant à cela. Mais, si elle avait été guidée par des personnes avec un bon fond et entourée de l’amour que n’importe quel enfant mérite, peut-être que beaucoup de choses auraient été différentes par la suite.
La Fée Verte se reconcentra sur le film des souvenirs qui se déployait devant elle. La Zelena enfant venait de prendre ses jambes à son cou et de quitter ce qu’elle avait considéré jusque-là comme son foyer, son refuge, là où elle devait se sentir en sécurité. Clochette ressentit de la peine, beaucoup de peine et de tristesse. La sienne et celle de la rouquine.

La propriétaire de ces pensées alla rejoindre le château du Magicien d’Oz en suivant le parcours habituel : des briques jaunes sur le sol. « Enfin le moment que j’attendais, que lui a dit ce satané magicien pour qu’elle développe une jalousie aussi importante vis-à-vis de sa petite sœur ? » se dit Clochette pour elle-même.

Pêle-mêle, défilèrent devant les yeux médusés de la jeune fée le grand rideau vert cachant le magicien, les flammes bloquant le passage à la jeune Zelena, les images de Cora l’abandonnant, les images de Regina enfant avec sa mère qui s’occupait d’elle, les balbutiements de la magie de Regina et ses cours avec le Ténébreux.
Un sentiment très puissant de jalousie grandit irrépressiblement en Clochette. Elle savait que ce n’était pas elle qui ressentait tout cela mais la rousse incendiaire présente à ses côtés. Elle ne pouvait que comprendre cette émotion.

Le souvenir s’interrompit et les deux femmes se retrouvèrent à nouveau dans le salon de la blondinette. Zelena se leva et expliqua qu’elle avait besoin d’une pause. Clochette accepta d’un signe de la tête et regarda son invitée avec compassion.

« Je suis désolée de t’avoir fait revivre ces moments tellement douloureux pour toi. Je te présente à nouveau mes excuses, j’ai compris que j’avais fait une erreur, la Fée Bleue aussi, en te laissant dans cette famille surtout après le décès de ta mère adoptive. Si j’avais insisté auprès de mon professeur pour garder un œil sur toi, les choses auraient peut-être été différentes pour toi… »

Elle marqua une pause afin de laisser reprendre ses esprits à son interlocutrice. La Fée Verte était quand même avide de connaitre la suite des mésaventures de la rouquine, notamment sa rencontre avec le Ténébreux.
Connaissait-elle les ingrédients nécessaire pour pouvoir lancer le Sort Noir ? Car il y avait un ingrédient, le plus important et le plus puissant du sortilège qui avait dû tout faire basculer dans la tête de Rumpel mais également dans la vie de Zelena…

« Tu es donc devenue à la suite de cet épisode toi aussi une élève du Ténébreux, tout comme ta mère et ta sœur avant toi. Ta magie et ta soif d’apprendre ont dû le convaincre assez facilement, je suppose. Sais-tu pourquoi il n’a pas voulu continuer ton apprentissage après ta tentative ratée de tuer Regina ? Quels étaient tes sentiments vis-à-vis de lui ? »

Vivre tous ces événements en étant dans la peau de Zelena avait été très instructif pour Clochette. Elle était très curieuse mais plus que tout elle voulait comprendre. Elle voulait toujours tout comprendre. Ça lui avait valu de nombreuses remontrances de la part de la Fée Bleue pendant ses études. Mais au lieu de lui faire passer l’envie, sa professeure n’avait fait que renforcer cette envie, plutôt ce besoin de tout comprendre.
La Fée Verte aimait donc connaître les moindres détails de n’importe quelle situation : une histoire héroïque, une histoire d’amour comme le fonctionnement d’un moteur ou la vannerie. Elle adorait comprendre la complexité de l’être humain et les raisons qui l’avaient poussé dans une direction ou une autre.
C’était ce besoin de compréhension qui avait poussé la jeune femme à faire cette demande à Zelena il y avait quelques minutes. La blondinette voulait vraiment comprendre comment un si joli petit bébé abandonné par une mère avide de pouvoir avait pu devenir une des sorcières les plus redoutées de tout le Monde des Contes.

Avec ce premier souvenir, Clochette comprit que l’acte même le plus insignifiant d’une personne pouvait être catastrophique à la fin pour une autre. Son attitude passive suite à la découverte du panier contenant le bébé Zelena avait conduit à que cette dernière développa une jalousie extrême et une peur viscérale du rejet dans toutes ses relations futures.
La Fée Verte ne pouvait pas la blâmer pour cela, si les rôles avaient été inversés, elle aurait sûrement réagi d’une façon assez similaire. Clochette avait ressenti la colère, une colère tellement envahissante qu’elle l’avait poussé à voler de la poudre de fée dans la réserve personnelle de la Fée Bleue, à tout faire pour faire tomber Regina lors de son arrivée à Storybrooke.
Les conséquences de cette colère l’avaient conduite à boire plus que de raison et à perdre tout ce qui faisait d’elle une fée : ses ailes, sa magie, sa gentillesse et sa bienveillance. La honte et la contrition avaient remplacé ce sentiment dévastateur.

La jolie blonde revint au moment présent car la Méchante Sorcière de l’Ouest répondait à ses questions concernant les cours de magie et sa relation avec le Ténébreux. Qu’elle fut plus brillante que sa sœur, ce n’était pas une surprise.
Son envie de prouver qu’elle était à la hauteur de n’importe qui malgré toutes les épreuves qu’elle avait traversées, elle voulait montrer qu’elle méritait elle-aussi de l’attention, surtout de la part de sa mère qui n’avait d’yeux que pour sa petite sœur.
La rouquine était lucide quant à sa relation avec Rumpel et surtout pourquoi elle avait pris fin. Le Sort Noir avait besoin pour fonctionner que la personne qui le lançait sacrifia le cœur de l’être le plus important à ses yeux.
Dans le cas de Zelena, elle aurait dû sacrifier celui de Rumpel, chose qu’il ne pouvait accepter car il avait besoin de ce sort pour avoir une chance de se retrouver dans ce monde sans magie où tout le monde vivait actuellement.

« Oui, effectivement, il n’aurait pas obtenu ce qu’il voulait si c’était toi qui avais lancé le Sort Noir. C’est logique qu’il ait mis de la distance entre vous. Tu as dû vivre cette rupture comme un nouvel abandon. Un de plus dans ta vie… » La voix de Clochette s’éteignait doucement à la fin de sa phrase.

Un silence s’installa entre les deux jeunes femmes sans qu’aucune des deux n’osa le briser. La Fée Verte se perdit pendant quelques instants dans ses pensées. Elle se rendait encore plus compte de l’impact de son geste, plutôt de son absence, sur la vie de Zelena.
Combien d’autres vies avait-elle chamboulé en faisant un choix au détriment d’un autre ? Il allait falloir qu’elle apprenne à vivre avec cette question dont elle n’était pas sûre de vouloir connaître la réponse.

« Une nouvelle fois, Zelena, je suis vraiment désolée de tout ce que tu as vécu dans ton enfance. En grande partie à cause de moi… Je te remercie d’avoir partagé ce souvenir avec moi, je n’imagine même pas la souffrance que tu as dû ressentir en revivant ces instants difficiles. Merci encore. Si tu as d’autres questions ou d’autres choses à me raconter aujourd’hui, je suis à ta disposition. Si c’est dans le futur, ma porte te sera toujours ouverte. »

Par ces quelques mots, Clochette voulait vraiment que toute tension, toute animosité entre elles disparaissent afin de laisser la chance à une amitié de naître.