Le Jolly Roger avait essuyé une tempête de tous les diables. Les vagues cinglantes ayant malmenées ses voiles et l’équipage, charriant des baquets d’eaux qui avaient peine à s’évacuer du pont.
La proue s’était relevée à maintes reprises à la verticale comme voulant défier le ciel avant que le bateau ne retombe de tout son poids dans les eaux sombres, faisant jaillir de part et d’autres des gerbes titanesque. Les bois du navire avaient grincés de douleur, entre rugissements et plaintes, éveillant dans les esprits ceux d’une entité démoniaque.
Les vagues avaient dépassées de loin la hauteur du grand mât pour s’abattre sur les hommes, provoquant les cris d’effroi des quelques mousses et les prières des vieux matelots. Les éclairs illuminaient la mer déchaînée comme pour permettre aux mortels de voir un aperçu de l’enfer qui s’ouvrait devant eux. Des eaux noires, tourbillonnantes, prêtes à les engloutir et à les faire disparaître dans le plus profond des abysses.
Dans ce déchaînement des éléments, Killian tenait bon à la barre de son Vaisseau, toujours droit devant. Insensible aux rafales de pluie et de vent qui le fouettait. Lisant à la faveur de chaque épée de lumière le chemin qu’il lui fallait prendre pour permettre à son navire de fendre les flots déchaînés et de traverser l’ouragan.
Le poing serré sur le bois patiné du gouvernail et le crochet bien ancré, il ne faisait qu’un avec Jolly Roger, partageant avec lui sa force, sa détermination, sa confiance. Confiance en les possibilités de son navire et en lui-même. A eux deux, ils avaient traversés la tempête, et lorsque la mer s’était calmé, que le gros des nuages s’était étiolé, les hourras de l’équipage avaient sonné comme la plus douce des musiques aux oreilles du Capitaine.
Il était maintenant temps de réparer les dégâts, de recoudre les voiles, et de chercher un endroit où refaire provisions d’eau potable et de victuailles.
Killian s’était retiré dans sa cabine afin d’étudier ses cartes et il n’avait qu’à peine eu le temps de se servir un verre de vin que Côme, l’un de ses plus vieux matelot vint frapper à sa porte. Il lui tendit un coquillage étrange que les vagues avaient jeté sur le pont et le pirate n’y aurait pas porté plus d’attention que cela s’il n’avait vu briller à la lueur de la lanterne principale qui éclairait sa cabine un reflet vert à l’intérieur de la coquille à peine ouverte. Intrigué, Killian lui avait désigné du menton le bureau pour qu’il y pose ce présent de la mer et l’avait remercié, avant de l’envoyer aider les autres. Puis d’une traite il avait terminé le doux nectar carmin pour libérer sa main valide. De son crochet, il l’ouvrit un peu plus et découvrit, niché dans la chair du coquillage une perle étrange. Magnifique.
Si un sourire passa fugitivement sur ses lèvres, ce fut à la pensée des étoiles qui seraient nées dans les yeux de sa douce Milah s’il la lui avait offerte. Son regard glissa sur le mur jusqu’à son portrait, puis jusqu’à son poignet.
Le temps n’étant pas à la nostalgie, il remit à plus tard l’examen de l’objet, et se mit à jouer du compas sur la carte dépliée sur son bureau pour déterminer grâce à sa boussole où guider son équipage afin de réapprovisionner les cales.
Après une légère collation, ayant remis au quartier maître la responsabilité de les guider vers une île qui serait un havre de paix et leur permettrait de se reposer quelques jours le temps de réparer les dégâts occasionnés par la tempête, il accorda un repos bien mérité à son corps épuisé.
Il s’endormit sur une dernière pensée pour Milah, lorsque de sa couchette, à la faveur d’un rayon de Lune passant par la fenêtre de sa cabine, la perle se mit à briller d’une étrange lueur verte qui dans sa fatigue sembla rendre vivant le regard du portrait de la disparue. Encore une fois, il ressentait sa présence à ses côtés.
***
Combien de temps avait duré son sommeil ?
Par la petite fenêtre, il pouvait voir encore les étoiles et le navire était calme comme dans les heures du milieu de la nuit où la majorité de l’équipage se reposait. Le calme après la tempête.
Il s’était réveillé suite à une sensation curieuse de picotement dans sa main, dans sa poitrine.
Le coquillage s’était totalement ouvert et la perle semblait auréolée d’une lumière verte un peu floue.
Entre ses paupières mi-closes, il observait la cabine, persuadé d’une présence alors qu’il ne voyait rien. Lentement sous sa couverture, il vérifia la fixation de son crochet. Prêt à agir si nécessaire. Rêve ? Réalité ?
Aucun membre de son équipage ne serait venu pour le voler ou le tuer.
Enfin, c’est ce dont il était persuadé, mais au fil des ans il avait vu tant de certitudes s’effondrer que l’espace d’un instant il se permit de douter.
Comme en un mouvement naturel de dormeur, il se tourna sous sa couverture pour avoir le dos au mur de sa couche, les muscles tendus, prêt à bondir.
J'avais le corps raide et l'esprit las. Mes journées n'avaient rien de reposante ou d'agréables, surtout ces derniers temps. Trop de temps passé à courir. Trop de temps passer à se battre, à chercher des réponses, à trouver des ennuis supplémentaires. J'aurais aimé qu'au moins mes rêves soient reposant, mais ils étaient tout, sauf ça. Pire, ils semblaient parfois bien trop réel. La douleur physique, le mal de tête, les yeux vitreux. J'en venais presque à me dire que fort heureusement, j'avais eu besoin de relire un dossier avant de me coucher et m'étais écroulée dans mon lit, mes lunettes sur le nez. J'avais retiré mes lentilles avant d'enfiler mon débardeur noir et mon fin pantalon de yoga en lin avant d'aller me coucher et si je ne les avais pas eu, ce rêve semblant si réel, nul doute que j'aurais été aussi myope qu'une taupe. Il suffisait que je regarde par-dessus la monture pour me rendre compte qu'effectivement, je voyais plutôt flou sans mes verres correcteurs. Et en plus j'avais froid...
Je pouvais sentir le bois humide sous mes pieds nus, la brise légère, mais glaciale à travers les planches mal agencées et les vitres mal isolées. Bien que l'endroit semblait investit d'une présence qui n'avait rien de repoussante, mon faible vêtement et la construction à l'ancienne du bâtiment ne faisait que me confronter directement au froid de l'extérieur. Un froid typique d'un après tempête. Posant mon regard à travers le mince carreau de verre, j'ouvris de grands yeux plein de surprise. La mer... Je suis sur un bateau... Cela expliquait sans doute le doux roulis sous mes pieds, m'empêchant de me tenir complètement droite et fière sur le plancher.
Sans faire de bruit, je me retournais, pour réaliser que j'étais dans la pièce, sans doute la plus importante du navire. Les quartiers capitaine... Il y avait là un bureau plein de cartes des mers, des livres, des objets précieux, un seul couchage occupé par une forme complètement inconsciente de ma présence... Trop d'élément pour un seul homme sans importance si c'était bien le genre de bateau que je pensais que c'était... Un bateau pirate. J'en avais trop souvent rêvé dans mon enfance pour en douter. Peter Pan venant à ma fenêtre à l'orphelinat, me sauvant de cette vie misérable d'orpheline pour faire de moi un enfant perdu, les tentatives du vile Capitaine Crochet pour nous capturer, les garçons et moi, Peter venant nous sauver. J'avais trop souvent posé les pieds sur un bateau pirate pour ne pas en reconnaître un quand mon esprit ensommeillé m'y conduisait.
Puis la lumière verte attira mon attention. Elle semblait provenir d'une perle dans un coquillage et illuminer toute la pièce, moi y compris. Je posais mes deux mains sur la table, me penchant pour regarder la chose de plus prêt, alors que l'homme endormit bougeait dans son lit. Si j'avais cru en la magie, j'aurais juré que cet objet l'était. Rien d'autre ne semblait pouvoir expliquer cette étrange lumière. Et puis si j'étais dans un rêve, ce ne pouvait être que cela. Et puis tout ça ne pouvait être qu'un rêve. J'étais encore en pyjama et je m'étais endormie dans mon lit. A aucun moment quelqu'un aurait pu me kidnapper et me conduire sur un bateau pirate et me faire prendre la mer sans que je ne m'en rende compte... N'est-ce pas ?
« Et si on arrêtait de prétendre que je pense que vous dormez encore ? », demandais-je finalement, regardant toujours la perle avec suspicion. « Ça sera bien plus simple pour nous deux ! » J'avais trop l'habitude de jouer avec la vérité et le mensonge et je connaissais trop les hommes. Aucun n'était réellement capable de simuler réellement le sommeil. Cet homme encore moins. Pas à mes yeux.
Voir ses mains appuyées sur mon bureau me rassure. A la faveur de la clarté de la lune qui chasse la pénombre de ma cabine, je peux ainsi constater que la demoiselle n’est pas armée. Et ce ne sont pas ses habits qui contrediront ce fait. Pieds nus, elle porte un linge si fin sur ses cuisses qu’il ne doit pas la réchauffer beaucoup et souligne bien plus son entrejambe que la bienséance ne l’autoriserait. Sa poitrine est mise en valeur par un tissu aussi léger et la fraîcheur de la nuit exacerbe la pointe de ses seins.
Son visage est des plus agréables même si elle porte d’étranges bésicles. La cascade de ses cheveux blonds coule le long de ses épaules.
Même si elle n’a pas d’armes apparentes, je reste sur mes gardes quand à de possible pouvoirs magiques, car d’une part elle semble attirée par la perle verte du coquillage et d’autre part elle n’est pas du tout mouillée. Je doute qu’elle soit arrivée ici par la voie des airs. Quoique. Je connais l’existence de la magie et je ne m’explique pas sa présence ici.
C’est elle qui ouvre le dialogue en soulignant son intelligence et son intuition.
Je me redresse donc sur un bras avec un sourire. Mon crochet toujours dissimulé sous la couverture, ma main passant par-dessus.
Vêtu d’une chemise ouverte, j’ai conservé mon pantalon de cuir, n’ayant pas l’habitude de me dévêtir entièrement d’une part à cause de la température mais surtout pour être prêt à toute éventualité. Sur un navire, en tant que Capitaine, il me faut être prêt à tout instant.
Si je regrette mon épée suspendue au mur, j’ai tout de même ma dague sous mon oreiller qu’il me sera facile de saisir.
L’heure n’étant pas pour le moment aux hostilités, je lui réponds, sur un ton neutre, par une question, même si cela peut être discourtois.
« Et si vous me disiez ce que vous faites dans ma cabine et surtout comment vous êtes arrivée ici ? »
Demande tout à fait légitime. Est-ce que la perle aurait une incidence sur sa présence ici ? Que veut-elle ? Qui est-elle ? Pour ne pas effaroucher la demoiselle, je garde pour le moment ma position allongée mais lui désigne de la main une cape de laine accrochée à un clou près de la porte.
« Vous semblez avoir froid. Je vous en prie, couvrez-vous. »
A moins qu’elle ne soit ici en cadeau ? De la part de mon équipage ? Impossible. J’aurai remarqué sa présence. Nous avons quitté terre depuis plusieurs semaines.
Redressé sur mon coude, je l’observe à la faveur de la lumière naturelle qui filtre par la petite fenêtre. Non encore disposé à sortir de ma couche ce qui dévoilerait mon crochet. Je n’en ai aucune honte, j’en suis même fier désormais. Je ne le lui montre pas de suite pour ne pas l’effrayer ou vendre la mèche au cas où elle n’en connaîtrait pas encore l’existence. Toujours garder des cartes en réserve si l’on souhaite tirer parti au mieux de la situation.
« Je suis le Capitaine Killian Jones, mais cela vous le savez peut être déjà ? »
A aucun moment, je n’envisage qu’il puisse s’agir d’un rêve.
Je conserve un sourire poli et séducteur, qui pourrait vite se changer en rictus carnassier si le combat devait s’envisager. Je ne fais pas de cadeaux à mes ennemis. Pour le moment je ne sais pas de quel côté je dois la situer. Je ne connais même pas son nom et encore moins ses intentions.
Afin d’éclaircir la situation et compte tenu qu’elle a semblé directe, ce qui me plaît tout à fait, je lui demande sans plus de cérémonie.
Ce n'était sans doute pas vraiment étonnant que dans un rêve, il y ait un homme. Encore moins que cet homme soit agréable à regarder et qu'il ait les yeux les plus envoûtant que je n'ai jamais vu. C'était un rêve, après tout. Il n'avait pas à sembler réel. Il n'avait pas à avoir un vrai regard d'homme – même si pour le coup, il avait le regard lubrique de n'importe quel homme qui me verrait dans une si mince tenue, l'effet du froid affichant clairement les parties les plus intimes de mon anatomie de femme.
Il me demanda ce que je faisais là et comment j'étais arrivée et je n'avais, honnêtement, aucune réponse à lui donner pour assouvir sa soif de curiosité. « Je n'en sais rien », soufflais-je, regardant toujours la perle mystérieuse. « Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression que c'est lié à... ça. C'est stupide, hein ? »
Je ne m'attendais pas à ce qu'il dise autre chose. Sexy ou pas, inconnus ou amant de fantasme, les gens n'avaient jamais caché le fait que je n'étais rien d'autre qu'une pauvre orpheline ni connaissant rien à la vie. Stupide, seule, pas même aimé... J'avais entendu ces mots trop souvent dans mes rêves se transformant en cauchemars. Je ne m'attendais pas à ce que cette fois-ci soit différente des autres...
Pourtant, elle le fut, un peu différente. Parce qu'il sembla inquiet que je prenne froid et me montra une cape pour me couvrir plus amplement. Je me redressais, méfiante. Aller chercher l'objet obligeait que je passe plus proche de lui ou contourne la table et bouge la chaise. Je devrais donc le quitter des yeux, même rien qu'une seconde. J'avais appris depuis longtemps à ne pas tourner le dos à un homme, surtout pas un inconnu et surtout pas quand on était si peu vêtue. Certains hommes avaient bien trop de mal à comprendre qu'une tenue de nuit n'était pas un appel direct au sexe. ''Non'' restait un mot qui leur était étranger. Alors, autant je pouvais être dans un rêve, autant je préférais rester sur mes gardes. De par les mêmes expériences, je savais que mes rêves pouvaient être aussi tordus que la réalité. Je croisais néanmoins les bras sur ma poitrine, essayant de cacher les sommets délicats de mes seins, alors que je comprenais que c'était, en partie, due à la réaction de ces derniers au froid qu'il proposait le vêtement. « Non, c'est bon », dis-je, de façon tout aussi neutre que toute cette conversation avait commencé. « Je n'ai pas froid. » Mensonge. Pur mensonge. La chair de poule sur mes bras trahissait la chose, mais j'espérais que mon regard déterminé suffisait à lui montrer que je n'étais pas une faible femme, une princesse à sauver ou une putain offerte au pirate... Ne sachant trop le scénario attendue par cette étrange scène, je ne pouvais déterminer le sous-tendu de ses intentions.
L'homme se présenta alors, Capitaine Killian Jones, insinuant que je le savais sans doute déjà. Il me demanda alors qui j'étais et si j'étais réticente à lui donner mon identité, il avait eu la politesse de se présenter d'abord. « Emma... Swan... », soufflais-je après un moment d'un silence d'observation, étrangement trop confortable entre deux inconnus. « Et je ne sais pas qui vous êtes. Je ne sais pas... Où je suis... », avouais-je, bien que je devinais sans mal être sur un bateau. « C'est un rêve ? N'est-ce pas ? »
Etait-elle honnête lorsqu’elle disait ne pas savoir comment elle était arrivée là ? Elle le semblait en tous cas. Moi aussi je commençais à soupçonner la perle d’être en rapport avec tout ça. Afin de la rassurer, je décidais de partager aussi mon opinion.
« Cela n’a rien de stupide. J’ai vu des choses plus étranges. »
Un haricot par exemple. Mais ceci était une autre histoire.
Honnête, honnête, pas tant que ça. La voici qu’elle se mettait à mentir sur le fait d’avoir froid. Tout son corps criait le contraire. Pensait-elle que la laine était mitée ? Pucée ? A moins qu’elle n’ait eu envie de me provoquer ? Souhaitait-elle que je me déplace pour aller la réchauffer moi-même de mes bras ? J’avais comme un doute, mais je voulais bien tenter l’aventure après tout.
Son prénom était joli, son nom plus encore. Un cygne ? La clarté de la lune qui baignait son visage lui donnait effectivement une aura blanchâtre. Féérique. Irréelle. La nimbant d’une force fragile. Etrange paradoxe. Qui définissait malgré tout parfaitement mon ressenti.
Elle semblait perdue. Réellement. Ecartant la couverture, je décidais de lui révéler mon crochet et m’assis sur le rebord de ma couche.
« Vous êtes sur le Jolly Roger. Mon navire. Et je crains qu’il ne s’agisse pas d’un rêve. »
Tout au plus un cauchemar. Etre ainsi projeté en un endroit inconnu en petite tenue ne devait pas faire partie de ses doux rêves féminins. Après avoir pris le temps d’enfiler mes bottes sans la quitter du regard, me redressant sur mes pieds, je me dirigeais vers la cape, lui tournant sciemment le dos avant de saisir le tissu et de m’approcher d’elle. La lui posant sur les épaules en un geste doux, je lui murmurai à l’oreille, mes lèvres effleurant ses boucles dorées comme les blés.
« N’ayez pas peur. Je ne vous veux aucun mal. »
Ce n’était pas un rêve, la pression de ma main sur son épaule à travers l’épaisseur de la laine devait le lui faire comprendre sans que la nécessité de lui pincer un morceau de peau ne devienne indispensable. Un morceau de peau ou un téton qui pointait outrageusement sous son vêtement.
M’écartant d’un pas, je désignais de mon crochet la perle.
« Il devient évident que ceci a joué un rôle dans votre venue ici. Maintenant la question et pourquoi ? Et qui a commandité tout ça ? »
L’observant de la tête jusqu’au pied, j’essayais de chercher dans ma mémoire si j’avais déjà croisé la demoiselle. En vain.
« D’où venez-vous ? »
Si déjà elle pouvait répondre à cette question, cela pourrait nous éclaircir quelque peu.
« Avez-vous fait un souhait en vous endormant ? »
Quelquefois les désirs deviennent bien plus réels que nous ne le souhaiterions. Cela pourrait être le cas ici.
Elevant mes doigts vers son visage, je replaçais une mèche avec douceur derrière son oreille et mes yeux plongés dans les siens, je lui posais une question simple qui pouvait aussi conduire à une méprise, tout en ayant connaissance de la possibilité.
« Quel est votre désir le plus cher… »
Rien ne pouvait assurer qu’elle s’ouvrirait à moi, mais si elle était persuadée d’être dans un rêve, si le doute était permis, peut-être que sur un malentendu elle pourrait se laisser aller à me faire confiance. Peut-être. Ou pas.
Il y avait plus étrange qu'une perle magique capable de me transporter de mon lit à un bateau pirate, hein ? Cet homme semblait presque aussi fou que cette hallucination ne l'était, si tentée que ça ne soit pas un rêve... Ou un cauchemar. Je ne semblais pas en danger immédiat, cependant et même si ma fierté m'obligeait à faire preuve de prudence et à lui montrer que je n'étais une faible demoiselle dont il pourrait faire ce qu'il voulait, vu que j'étais dans ses appartements, je me sentais, somme toute, en relative sécurité. Ce qui était étrange, malgré tout, parce que je ne connaissais pas cet homme. Je n'étais pas femme à faire confiance facilement. Je n'étais pas femme à accepter de faire confiance à qui que ce soit. Il n'allait pas échapper à la règle. Je n'allais pas lui faire confiance. Point. Je devais juste trouver comment rentrer chez moi. Ou comment me réveiller...
Il sembla finalement être le premier à perdre patience dans cette attente observative et tira sur les couvertures qui le couvraient encore pour s'asseoir, révélant au passage qu'il n'avait plus de main gauche et qu'un crochet avait pris sa place. Sérieusement ? Le Capitaine Crochet?, songeais-je, désormais convaincu d'être dans un sacré rêve tordu. Il m'expliqua alors que nous nous trouvions sur son navire, le Jolly Roger. Oui, logique si c'était le Capitaine Crochet, non ? Il annonça que nous n'étions pas dans un rêve, cependant, mais je savais, dès lors que j'avais vu son crochet, qu'il s'agissait bien d'un de ceux-là. Ou alors, si ce monde était réel, j'avais été kidnappé par un psychopathe se prenant pour le Capitaine Crochet.
Il alla de lui-même chercher la cape, me tournant délibérément le dos, comme pour me montrer que lui n'avait pas peur, que je n'avais pas à jouer à ce jeu-là, avant de revenir et de me la poser sur les épaules, assurant qu'il ne me voulait aucun mal. Malgré moi, je frissonnais. Mon orgueil voulait que ça soit à cause du froid et de son souffle chaud, soudainement contre mon oreille. Une autre petite part de moi pensait que c'était plutôt à cause de sa proximité. Qu'importe. Je n'avais pas le temps de m'appesantir sur cela. D'autant que son regard porté sur mes seins ne laissait que peu de place à l'imagination sur les intentions qu'il pouvait avoir à mon égard. Était-il toujours ainsi ou l'était-il uniquement avec moi ? J'avais dans l'idée que non. Qu'il était un homme comme ça. Joueur, séducteur et fanfaron.
Et ce sentiment ne fut que plus fort encore lorsqu'il reprit la parole sur la parle, profitant de l'idée que cela avait servi à quelqu'un pour m'amener ici pour me demander si j'avais souhaité cela et pour tenter une approche de... séduction ? « Ce que je veux... », soufflais-je, doucement, comme prise au piège par son ton charmeur. Je levais la main en direction de son torse, comme pour le toucher sans l'oser, avant de finalement dériver pour repousser sa main, avant de répondre d'un ton totalement clair et fermé à toutes ses tentatives : « C'est qu'un pseudo Capitaine Crochet arrête de penser qu'il a la moindre chance de profiter de la situation ! » Je reculais, avant de serrer sa cape contre moi pour cacher les parties de mon corps qui semblaient tant lui plaire, détournant le regard un instant pour me recomposer un visage totalement neutre. « Boston. Je viens de Boston. Et je me fiche de pourquoi je suis là. Je veux simplement rentrer chez moi. Alors, soit c'est un rêve vraiment très réel et je dois vite me réveiller... Soit vous êtes un foutu psychopathe qui m'a kidnappé et je dois vous dire que le plus simple serait de me reconduire au plus vite au port avant que je ne vous fasse la peau. Je vous préviens, je sais me défendre. »
Elle avait bien sûr remarqué mon regard égaré sur sa poitrine lorsque je l’avais couverte, mais comment fermer les yeux sur deux si belles créations de la nature ?
Apparemment, je n’étais pas le seul à être troublé par notre mutuelle proximité. Un instant, j’avais cru qu’elle allait poser sa main sur mon torse, avant qu’elle ne se ravise et lance des paroles qui auraient pu blesser un autre.
« Un pseudo Capitaine Crochet ? »
Je levais un sourcil d’étonnement en répétant ses paroles.
« Je suis le Capitaine Crochet. Pirate et fier de l’être. »
Que les choses soient claire, si son nom et son visage n’évoquaient rien pour moi et probablement pour mon équipage, mon surnom était connu sur les sept mers, dans la forêt enchantée et au pays imaginaire. « Quant à profiter de la situation, avouez que me réveiller avec vous dans cette tenue dans ma cabine, cela donne forcément des idées. »
La franchise était une fois de plus sortie de ma bouche tout naturellement. J’avais l’habitude d’user de la vérité lorsque cela était possible et que cela ne desservait pas mes intérêts.
La laissant se couvrir dans cette cape qui semblait la rassurer, elle prononça deux syllabes qui m’étaient totalement étrangère.
Boston. Jamais entendu parler.
Mon sourire aurait pu s’éteindre face à l’insulte qu’elle me porta mais je ne me départi pas de mon sourire, passant devant elle, je posai une main à côté du coquillage placé sur mon bureau et de mon crochet, j’hésitai à toucher la perle. Redoutant les conséquences.
Me retournant face à la jolie furie blonde, je croisais mes bras sur mon torse. « Que vous sachiez vous défendre, c’est fort possible. J’ai vu des petits bouts de femme donner la leçon à de grands gaillards plus forts que moi. »
Je levais ensuite un sourcil et secouais doucement la tête.
« Quant à être un psychopathe, si tel était le cas vous seriez entravée pour mon bon plaisir. »
Je ne l’avais jamais invitée à mon bord. C’est elle qui était apparue à mon réveil.
« Je n’ai jamais entendu le nom de ce village, Boss ton. A moins que ce ne soit une région ? Vous êtes ici sur les Sept Mers. Etiez-vous seule ? Dois-je m’attendre à d’autres invités non désirés ? »
Je remettais les choses en place. Lui rappelant que sa présence était juste tolérée. Haussant les épaules, je ne la quittais pas du regard tout en continuant. « Je peux vous débarquer si vous restez correcte dans un prochain port ou dans le cas contraire je sacrifierai une chaloupe. »
Les choses étaient dites. J’étais prêt à la mettre dans une barque et laisser le canot dériver au grès des flots si elle se mettait à devenir hystérique, mais j’étais prêt aussi à faire des efforts pour l’aider si elle se révélait vraiment dans le besoin.
Jetant encore un coup d’œil à la perle, j’insistais de nouveau. « Vous n’avez pas répondu. Avez-vous fait un souhait en vous endormant ? Aviez-vous en votre possession une perle identique ? »
Il aurait pu s’agir d’un objet magique qui permettrait de passer d’un monde à un autre. Comme le haricot magique. Ne souhaitant pas qu’elle tombe dans les pommes, je me dirigeais vers une armoire fixée au mur de la cabine et en sorti une bouteille et deux petits verres de terre cuite.
Lui servant le remontant, je laissais son godet sur la table, prêt de mes cartes et de la perle, et lui désignant sa part du menton, je pris la mienne entre mes doigts.
« Ce n’est pas du poison, juste un fortifiant pour vous permettre de reprendre vos esprits. »
Elle m’avait l’air un peu pâle, et si lui faire du bouche à bouche ne m’aurait pas été désagréable, je souhaitais surtout lever le voile sur les événements.
D'accord. Rêve ou pas, ce type était complètement fou. Le Capitaine Crochet en personne. Et puis quoi d'autre ? Non, il se moquait clairement de moi là. Ou alors je faisais un rêve des plus étrangement fou... Je ne savais pas trop quoi encore. Et en plus, le Capitaine Crochet de cet homme était un pervers, reluquant mon corps sans vergogne et m'accusant presque d'être entièrement fautive pour être ici, dans cette tenue. Les droits des femmes, il connaît ou pas ?, m'interrogeais-je en silence, avant de choisir de ne pas répliquer. Pas tout de suite, du moins. J'avais trop besoin de savoir où je me trouvais et comment rentrer chez moi – ou me réveiller – en premier lieu.
J'avais pourtant l'impression qu'avec lui, mieux valait ne pas se laisser faire. Chaque occasion semblait bonne pour rendre toute situation sexuellement explicite. La preuve, il transformait le fait que je l'accuse d'être un psychopathe pour assurer qu'il aurait fait de moi un objet destiné à son bon plaisir s'il l'avait été. Et en prime de toute cette folie, il ne connaissait pas Boston, l'endroit où je vivais. L'endroit où j'étais avant de m'endormir et de me retrouver ici. Comment, alors, pouvait-il dire qu'il n'y était pour rien ? Qu'il ne m'avait pas invité à son bord ?
Qui pourrait m'accompagner ?, eus-je envie de railler quand il me demanda si j'étais seule. Comme si un fou allait kidnapper une femme qui avait du monde autour d'elle. Comme-ci n'importe qui s'intéresserait – pour d'aussi viles projets que ceux qu'il pouvait imaginer pour me taquiner – à quelqu'un qui était autre chose qu'une fille solitaire, sans personne. « Vous n'avez pas à vous en faire », dis-je finalement. « Tout ce que je désire, c'est rentrer chez moi et retrouver le confort de mon lit, dans mon appartement. » Je ne voulais rien d'autre, sinon sortir de ce truc. J'ignorais même pourquoi je restais aussi calme, pourquoi je n'étais pas plus stressée ou plus énervée que cela. Je voulais rentrer chez moi, oui, mais je ne me sentais pas vraiment en danger outre mesure. Du moins pas en danger immédiat. Pas en danger physique. Il avait beau avoir un crochet à la place d'une main et probablement de sérieux problèmes psychologiques, il ne me ferait pas de mal. Je le savais... Juste... Et j'avais le sentiment qu'il était homme à ne pas cacher, quand il voulait réellement du mal à quelqu'un. Non.
En revanche, il voulait clairement me pousser à bout sur un tout autre plan, réitérant une demande à laquelle je n'avais, selon lui, pas répondu. Avais-je souhaité quelque-chose ? Rien, sinon pouvoir passer une nuit entière à dormir. Mes vœux depuis quelques années, hormis pour mon anniversaire, n'avaient rien de plus ambitieux que du terre à terre, du concret. Dormir. Avoir un bon salaire. Trouver des chaussures affriolantes et confortable pour pouvoir aguicher un hors-la-loi et courir si nécessaire pour le rattraper. Avais-je une perle identique en ma possession ? Non. Bien sûr que non. Mon bien le plus cher était mon cuir rouge. Je n'avais rien d'autre de valeur. Du moins rien de valeur monétaire. Je secouais donc la tête par la négative, posant à mon tour les yeux sur la perle qui brillait toujours d'une lueur complètement surnaturelle. « Pas de perle et aucun vœux qui n'implique plus que ma personne, de l'eau chaude ou un oreiller confortable », soufflais-je sans lâcher la chose des yeux, comme hypnotiser par la magie latente. La magie... N'importe quoi. Dans tes rêves ma grande! La magie n'existait pas. Il fallait vraiment que je me réveille.
Le bruit d'un objet contre le bois de la table me ramena à la réalité et je constatais qu'il avait posé là un verre rempli d'un liquide. Il m'assura qu'il n'y avait aucun poison dedans. J'attrapais le verre, l'apportant à mon nez pour en humer l'odeur. Hormis la forte odeur d'alcool, je ne détectais effectivement rien de suspect. Osant pousser le vice, je trempais mes lèvres dans rien d'autre que du rhum. Un très bon rhum, d'ailleurs. « C'est donc ça ton plan ? », demandais-je, presque amusé, ne réalisant même pas vraiment que j'étais passée du vouvoiement au tutoiement dans un naturel déconcertant. « Me saouler jusqu'à ce que je coopère et adhère à tes plans pervers ? » J'aurais presque pu en rire et je m'étonnais, une nouvelle fois, du confort de la situation. De l'impression de sécurité qui se dégageait de ce navire pourtant inconnu, la lueur de la perle ne m'apportant que plus de chaleur. Comme la promesse d'une sécurité dans ce monde irréel. Peut-être que c'était ça, le mystère de la perle. Elle me protégeait. Sérieux, Emma?« Pirate ! », lâchais-je avec un rictus, avant de vider le verre d'une traite. Tout semblait tellement réel et irréel à la fois.
Elle semblait surprise de ma question pourtant toute naturelle. Etait-elle seule ? J’étais en droit de m’interroger. Après tout elle était dans ma cabine alors que nous étions en plein mer. Si elle avait pu arriver ici pourquoi pas d’autres ? Ses mots confirmèrent mes soupçons et un petit sourire amusé se dessina sur mes lèvres. Ainsi elle voulait déjà me quitter ? Allons, c’est qu’elle ne me connaissait pas encore.
J’appréciais son comportement serein et réfléchi. Si elle avait été hystérique j’aurai pu avoir moi-même d’autres agissements, comme la mettre aux fers ou la passer par-dessus bord.
Ainsi pas de perle. Pas de vœux. Ça n’éclairait en rien la situation par contre l’un de ses souhaits me fit franchement sourire.
« De l’eau chaude ? C’est ici un luxe que peu peuvent obtenir. »
Sur un bateau, les bains ne sont pas monnaie courante. Même si les cuisines étaient à bord suffisamment équipées pour nourrir une bonne vingtaine d’homme, les utiliser pour chauffer de l’eau n’était pas dans les priorités de l’équipage.
Avec plaisir je la vis prendre le verre et l’élever jusqu’à son nez. Prudente mais pas stupide au point de refuser ou de me jeter au visage ce bon rhum de ma réserve privée. D’ailleurs cela sembla m’attirer ses faveurs car elle se mit à me tutoyer. Je marquais des points et étrangement j’en étais ravi. Je ressentais une étrange attirance, bien plus que physique envers cette femme.
Sa suggestion était des plus intéressantes, et éclatant de rire, je me moquais gentiment.
« Oups, je suis démasqué ! »
Me rapprochant d’elle, je vidais mon verre en même temps qu’elle sans la quitter des yeux.
Pirate était loin d’être une insulte pour moi, c’était plutôt un compliment. Indubitablement. Et je lui confirmais oralement.
« Pirate et fier de l’être. »
La cabine n’était pas très grande. Aucune échappatoire. Elle se sentait pourtant en sécurité en ma présence et je ne sais pourquoi j’appréciais tant sa présence. Le rhum semblait lui redonner quelques couleurs. A moins que ce ne soit l’éclairage de la lune qui passait par la petite fenêtre. Pour cacher le trouble qui m’envahissait, je m’approchais de celle-ci pour l’ouvrir et laisser entrer l’air frais marin.
Nous en étions toujours au même point. Pourquoi était-elle ici ? Comment avait-elle fait pour arriver dans ma cabine ?
Lorsque je me retournais, les rayons de l’astre nocturne semblaient nimbés sa chevelure d’une lumière irréelle.
Reprenant mon sérieux, je revins vers elle reprenant son verre vide entre ses mains dans l’intention de le remplir de nouveau mais avec l’objectif réel de sentir le contact de sa peau pour vérifier sa présence charnelle.
« Souhaites-tu passer d’autres vêtements plus chauds. Nous sommes vraiment sur mon navire à des jours des premières côtes. Il n'y a aucun Boss ton à l’horizon et je ne connais pas le moyen de de t’y renvoyer. Parole de Pirate. »
J’aurais bien mis ma main sur mon cœur en faisant ce serment, mais elle était occupée par son godet. Le reposant sur la table je le remplis de nouveau, comme le mien. Ce n’était pas avec cela que nous serions ivres, mais l’alcool détend et désinhibe. De quoi faire en sorte d’installer un climat propice à une entente cordiale.
Goutant une nouvelle gorgée de rhum, je cherchais un moyen de la rassurer lorsqu’un souvenir me remonta en mémoire.
« Il y a des légendes, des contes, qui parlent de voyageurs d’entre différents mondes. Mais je n’en ai jamais croisé… de comme toi. »
Se pourrait-il qu’elle en soit ? Qu'elle vienne du monde des humains ? Et dans ce cas pouvait-elle être un atout pour ma quête ? Pour retrouver le Crocodile qui avait tué celle que j’aimais et dont le portrait trônait sur le mur principal de ma cabine ?
Un court éclat de tristesse passa dans mon regard alors qu’il glissait brièvement sur le visage peint dont émanait tant de douceur et de tendresse.
Bien sûr que l'eau chaude était un luxe ici. Je ne me serais pas attendue à autre chose de la part d'un cauchemar. Un bateau pirate d'un autre temps où l'hygiène devait être plus que douteuse. Quoi que l'homme face à moi ne semblait pas être de ceux qui pouvaient avoir la pire à bord. Je semblais quand même avoir un peu de veine et un homme propre en face de moi. En même temps, je n'avais pas l'intention de prendre de bain ici et certainement pas en sa présence. Non, ma baignoire attendrait mon réveil – ou ma sortie de ce cauchemar vivant – pour m'accueillir. Nul doute qu'après tout ça, j'allais réellement en avoir besoin, de ce long bain relaxant.
Le rhum, lui au moins, semblait bien réel et très bon, soit dit en passant. Une très bonne bouteille. N'avait-il que des bonnes bouteilles ou en avait-il sorti une spéciale pour l'occasion ? Après tout, rêve ou réalité, ça n'était pas tous les jours qu'on se retrouvait avec une inconnue dans sa chambre. J'aurais été bien plus étonné qu'il ne cherche pas à en profiter plutôt que l'inverse. D'ailleurs, ma remarque à ce sujet le fit rire et il ne put s'empêcher d'esquisser un trait d'esprit en retour. Et en plus il était fier de lui et de son statut de pirate. Pourquoi tous les hommes que je rencontrais, réels ou imaginaires, aimaient se targuer d'être des délinquant en puissance ? Avais-je à ce point cessé de croire au prince charmant au fil des ans, que même dans mes rêves les plus fous, il ne pouvait en débarquer un en quête d'un sauvetage héroïque ? De toute façon, me connaissant, je lui aurais certainement mis mon poing dans la figure en répliquant que je personne ne me sauvait, sinon moi, alors... Même dans mes rêves, ils devaient fuir loin de moi...
Bien. Rêve ou pas, il semblait que je doive jouer le jeu pour tenter d'en apprendre plus, vu qu'il assurait encore et toujours qu'il ne connaissait pas Boston. Il n'allait pas me ramener chez moi comme ça. Qu'il ait raison en disant que nous étions à des jours de la moindre terre ou non. Et encore une fois, il évoqua ma tenue et la possibilité d'en changer. Un instant surprise par son contact, furtif, mais si palpable, je ne répondis pas tout de suite, récupérant d'abord le verre qu'il m'avait re-rempli, avant de le vider à nouveau d'une traite. Décidée à entrer dans le jeu – puisque cela semblait la seule chose à faire – je souris un peu. « Il me faudra bien plus que deux verres de rhum pour que je me déshabille devant toi, même simplement pour changer de vêtements », dis-je, comme une mise au défi, reposant le verre sur la table.
Je ne comprenais pas vraiment grand-chose à ses diatribes sur la magie et les autres mondes, mais cela semblait être d'une logique sans pareil pour lui, alors peut-être que je devais entrer dans ce jeu-là aussi pour obtenir plus d'informations sur les faits réels. Ne pas oublier de rester sur mes gardes, mais jouer le jeu pour peut-être m'attirer ses bonnes grâces et obtenir mon retour. « Mais j'y pense », soufflais-je, indiquant la perle du regard. « Si cette chose est réellement en cause et s'il faut un vœux pour cette... » je pointais un doigt sur lui, puis sur moi. « … rencontre. C'est toi qui est en sa possession. » La logique était imparable et qu'importe qu'il soit un rêve ou un fou, il devait avoir l'intelligence nécessaire pour comprendre où je voulais en venir. « Un vœu ou un désir cher à ton être à me faire partager, Capitaine ? »