Je suis Arsène.

Perchée en haut d’un arbre, j’espérais que le plan que j’avais fait pour Killian était assez clair. Il était difficile de faire partir le courrier qui lui était adressé. D’ailleurs, j’étais toujours surprise de voir qu’il recevait mes lettres, et que je parvenais à recevoir ses réponses. C’est un pirate, il a toujours de bonnes idées pour arriver à ses fins. Oui, mais nous deux, nous ne sommes que deux petites filles. Deux petites filles intelligentes ! Enfin, c’était surtout moi qui enfreignait les règles pour parvenir à envoyer nos lettres clandestines et à m’échapper du pensionnat. Jamais on nous aurait laissées nous éloignées aussi loin et aussi longtemps. Il n’était pas assuré que l’on ne soit pas punie une fois de retour. Mais ça, nous en avions pris l’habitude, et ça n’avait pas vraiment d’importance. Il était si bon de pouvoir sortir et de découvrir la ville. Oui, mais on va en ville avec papa et ce n’est pas drôle de se faire punir… On ne voit pas grand-chose de Camelot avec papa, et tu n’aimes pas te balader en forêt ? Si, bien sûr que si…. Mais le prix a payé est parfois bien cher. Quelques coups de canne, et l’isolation n’étaient pas si cher payer pour un peu de liberté… Même si la liberté ne devrait pas avoir de prix. Et aujourd’hui, ça en valait particulièrement la peine. Parce que c’est pour voir un ami. Un ami ? Je n’étais pas persuadée que c’était ainsi que Killian voyait les choses. Pouvait-il réellement être ami avec une enfant ? Deux enfants assez particulières. N’était-ce pas un simple sentiment protecteur qui l’animait et qui le poussait à nous rendre régulièrement visite ? C’était que la question se posait… C’est quelqu’un de sincère, je suis sûre que c’est un véritable ami. Je hochai simplement la tête face aux pensées d’Antonia et repris ma lecture, toujours installée sur ma branche, adossée au tronc de l’arbre, pieds nus. Mes chaussures étant restées au pied de mon perchoir.  

J’avais attendu, et il n’était pas venu... Je lui en voulais. Il doit avoir une bonne raison de ne pas être venu...Je ne répondis pas, rentrai au pensionnat, payai le prix de ma sortie et allai me coucher sans dîner en laissant la place à ma sœur. Je suis Antonia.

 

Je n'avais pu prévenir Antonia et Arsène de mon imprévu.

Le temps d'envoyer un message et je serai moi-même arrivé le lendemain.

J'avais passé une soirée des plus agréables avec Anne et donné les consignes pour que le Jolly Rogers soit prêt à repartir le lendemain au soir.
Un cheval frais et alerte et me voilà parti au petit matin avec toujours dans la fonte de mon cheval le cadeau que je destinais à ces deux petites filles qui partageaient le même corps.
Au bout de quatre heures je parvins enfin au lieu de rendez-vous.

Bien sûr, par acquis de conscience j'avais fait un crochet par l'arbre sous lequel nous avions l'habitude de nous retrouver mais elle n’était pas là.

Il était presque l'heure de déjeuner, je dirigeais ma monture vers l'internat et encore dans la forêt j'attachais le cheval à un arbre.

Discrètement, je m'approchais du bâtiment observant les allées et venues des gens, adultes et enfants qui l’occupaient.

Je connaissais l'emplacement de la chambre de la fillette et contournant le bâtiment, après avoir vérifié que personne ne pouvait me voir, je commençais à grimper le long de la façade afin d'arriver jusqu'à sa fenêtre. Par chance, elle s'y trouvait seule, probablement punie pour avoir fait la belle la veille.

Cognant de mon crochet au carreau, j'essayais  d'attirer son attention avant que quelqu'un ne me voit.
Le but étant d’entrer, de discuter et de l'enlever ensuite pour passer une après-midi agréable après avoir fait un crochet par les cuisines pour nous octroyer un petit pique-nique.

J’espérai qu’elle comprendrait que mon absence la veille était complètement indépendante de ma volonté. Je lui raconterai la vérité. Je n’avais rien à lui cacher. Partir la veille au soir aurait été complètement inconscient. De nuit à cheval, dans la forêt ou sur les chemins caillouteux, rien de mieux pour casser la patte à une monture.

  La nuit fut assez courte. J'avais perdu l'habitude du silence. Arsène n'avait pas dit un mot et semblait avoir complètement disparue. Elle faisait la tête. Elle en voulait à Killian pour ne pas être venue, alors elle ne parlait plus. J'avais essayé de l'appeler, de la faire venir, mais rien. Elle avait refusé de se manifester. Finalement, la fatigue m'avait vaincue, je m'étais endormie avec ce bruit assourdissant du silence.

Le lendemain matin, avant que le soleil ne se lève, Mme Lagny frappa à la porte. Du pensionnat, elle était la seule adulte à savoir qu'Arsène existait. C'était toujours elle qui nous punissait, c'était toujours avec elle que nous suivions nos cours. Les autres pensionnaires pensaient que nous avions un traitement de faveur, mais pas du tout. Lagny était la plus stricte des enseignantes.

- Pas de petit déjeuner ce matin pour toi... Et tu resteras enfermée toute la journée. Mais ça ne te dérangera pas, n'est-ce pas ? Tu n'es pas vraiment seule après tout.

Elle referma la porte sans rien ajouter. Je n'eus pas le temps de protester... De toute façon, je ne protestais jamais. J'écoutais. J'obéissais. C'était Arsène qui faisait des histoires, mais elle ne s'était toujours pas manifestée.

Je restais au lit, appelant ma sœur qui ne répondait pas.

- S'il te plait Arsène... Reviens... C'est pas moi qui ait manqué le rendez-vous. Et je suis sûre qu'il avait une bonne raison de ne pas venir... Il ne manquerait pas nos retrouvailles pour une broutille.

Toujours rien.

Soudain, j'entendis quelqu'un toquer à ma fenêtre. En me redressant, je reconnus la silhouette familière du pirate. Je partis rapidement lui ouvrir.

- Killian ! Tu es venu ! Je suis tellement contente de te voir !

Tu vois, il est là. Toujours pas de réponse.

 

Dès que la fenêtre s’ouvrit, je me faufilais dans la pièce.
Jetant un coup d’œil à la chambre, je revérifiais que nous soyons bien seuls puis l’enserrais dans mes bras.

« Antonia, je suis aussi très content de te revoir et je suis désolé de n’avoir pu venir hier. »


Si je me doutais qu’Antonia me pardonne sans soucis, sa bienveillance et sa bonté étant toujours surdéveloppée et bien trop présente à mon goût, je savais qu’Arsène ne serait pas aussi conciliante.

« J’étais en chemin quand une femme a eu des soucis, accusée de sorcellerie, elle allait être brulée ensuite les choses se sont enchaînées mais je te raconterai tout cela plus tard. »


Prenant sa cape accrochée à une patère,  je la lui posais sur les épaules.

« Je te propose de nous enfuir et d’aller déjeuner dans les bois. Cela te conviendrait ? »


Son cadeau était toujours dans les fontes de mon cheval. Je ne voulais pas encore lui en parler pour lui réserver la surprise.

Comme je n’avais nullement l’intention de faire sortir par la fenêtre, je sortis un petit nécessaire d’outil d’une poche pour crocheter la serrure de sa porte.

« On file aux cuisine prendre de quoi manger et on se sauve d’accord ? Je suis sûr que tu as beaucoup de choses à me raconter depuis la dernière fois. J’espère que ton père et le personnel du pensionnat ne te malmènent pas trop. »

Je les savais cruels, j’espérai toutefois qu’ils la considéraient encore comme une enfant, ce qu’elle était, et qu’Arsène ne les provoquait pas.
Si elles avaient accepté de me rejoindre sur le Jolly Roger tout aurait été différent, mais Antonia ne voulait pas décevoir son père même si celui n’avait pas hésité à la laisser brûler pour me capturer, risquant sa vie. Quel père pouvait agir ainsi ?

La sentence était tombé : nous resterions seules toute la journée, sans manger… Enfin, “nous”… Il n’y avait pas vraiment de “nous”, puisqu’Arsène refusait de refaire son apparition. Elle faisait la tête. Et je savais qu’elle pouvait faire la tête très longtemps. Je n’avais plus l’habitude du silence et la solitude, ça faisait maintenant quelques années que nous étions toujours toutes les deux.

L’arrivée inespérée me laissait croire que ma sœur allait revenir, même si c’était pour râler. Mais il n’en était rien. Elle restait terrée dans son silence. Sans doute était-elle blessée, mais qu’elle ne voulait pas l’admettre. J’avais fini par apprendre à la connaitre. Tout ceci ne m’empêchait pas d’accueillir joyeusement le pirate et de le laisser entrer dans la chambre.

Je savais bien qu’il avait une bonne excuse pour ne pas être venu hier. Il avait sauvé quelqu’un, il était venu en aide à une personne dans le besoin. Tu as entendu Arsène ? Allez ! Arrête de bouder ! Toujours rien. Je retins un soupir.

- Je comprends. Répondis-je avec un petit sourire. Mais je ne peux pas sortir, c’est fermé à clé…

Je le regardai alors sortir tous ses outils. Il allait crocheter la serrure…

- Comment on fait ça… ? ça fonctionne vraiment ?

C’était dans le livre qu’ils réussissaient à ouvrir des verrous, jamais dans la réalité. En tout cas, Arsène n’avait jamais réussi, même en s’y appliquant des heures.

- On ne se fera pas prendre, hein… ? Parce que sinon, je serais encore plus punie… Trop me malmener ? Oh, non. Enfin, je ne crois pas. Je suis punie quand nous faisons des bêtises… Mais c’est tout… Expliquai-je.

Maintenant, j’étais prête à le suivre en cuisine. J’étais persuadée qu’il ne me laisserait pas me faire prendre…

- Merci pour cette sortie Killian… On devait rester ici toute seule aujourd’hui… A cause de la sortie d’hier. Arsène est fâchée.

 

Antonia était toujours égale à elle-même. Bienveillante et souriante. Même si je me doutais qu’elle ait ressenti de la peine et de la tristesse hier en ne me voyant pas venir.
Je lui rendis son sourire puis m’attaquais à la serrure, impatient de quitter cette chambre austère.
Devant sa surprise je lui adressais un clin d’œil et lui promis.

« Je t’apprendrais si tu veux. »

Arsène serait probablement plus intéressée par cette activité qu’elle mais cela leur serait utiles à tous les deux.

Devant son inquiétude, je serrais les dents.
Je ne pouvais jurer ni lui promettre que nous ne nous ferions pas prendre mais rester ici serait tout aussi dangereux.
Il me fallait tout de même lui laisser le choix. Alors que le déclic de la serrure annonçait notre délivrance, je me retournais toujours accroupi vers elle.

« Préfères-tu que l’on reste ici ? Je peux aller chercher de quoi manger en bas et ainsi on limite les risques ? »

Cela voulait dire adieu à la balade. J’irai chercher son cadeau néanmoins dans les fontes de mon cheval mais nous ne pourrions-nous promener dans la nature.
En disant cela, j’espérai aussi  qu’Arsène montrerait le bout de son nez pour réagir et s’insurger contre le fait de rester prisonnière de ces murs.

« Ou on peut faire avec les oreillers une forme représentant ton corps sous les draps ainsi si quelqu’un vient, l’on pensera que tu dors ? »

Je ne voulais pas la forcer. Je voulais passer du temps avec elle. Envers et contre le personnel de l’établissement et la volonté de son père.

  Arsène pouvait être très rancunière. Mais l’envie de sortir allait peut-être la faire sortir de sa cachette. Sans l’entendre, je savais qu’elle était là. Je sentais sa présence. Ça faisait maintenant quelques années que nous étions toutes les deux, et je ne ressentais plus le même vide qu’il y avait dans mon cœur avant sa venue. Accepter sa présence avait été un peu compliqué, mais à présent, je savais que je ne pouvais plus me passer d’elle. Même ses silences me rendaient malheureuse. Reviens… Et allons-nous amuser avec Killian. Il est là, n’est-ce pas le plus importants ? Elle ne désirait toujours pas répondre.

Préférant ignorer cette absence de manifestation de la part de ma sœur. Je regardais ce que faisait le pirate. Il allait ouvrir la porte verrouillée !

- Je ne sais pas si j’y arriverai… Mais je suis sûre qu’Arsène aimerait apprendre.

Pas vrai Arsène ? Peut-être… Tue s revenue! Ou pas… Elle recommeçait à faire la morte. Quand elle boudait, ce n’était vraiment pas drôle… Et sans elle, j’avais peur. Je ne savais pas si c’était vraiment une bonne idée de sortir. Killian était assez gentil pour me proposer de rester ici, ce qui me rassurerait. Quoi ?! Tu refuserais de sortir et de profiter de la nature ?! Il t’offre la chance de te sentir libre un instant et tu prends peur ?! Mais Arsène… On va encore nous priver de repas. Que serait la vie sans risque ? Prends donc ton courage à deux mains !

- Arsène est revenue… Et elle veut sortir… Elle n’aime pas être enfermée…

Quoi ? Tu aimes être enfermée toi ? Non… bien sûr que non… Voila pourquoi l’absence d’Arsène me manquait… Elle était très vivante, très autoritaire et elle savait se faire entendre. Sans elle, c’était très vide dans ma tête.

- Oui, d’accord… On peut faire ça. Et Arsène serait contente… Et moi aussi bien sûr… tant qu’on fait attention, je suis d’accord pour sortir. Dis-je avec un petit sourire.

Je retournais près de mon lit et posais  les oreilles comme il fallait pour faire croire à une silhouette endormie… Après la sortie de la veille, il était tout à fait plausible que l’on soit fatiguée et qu’on est besoin de dormir…

- Nous pouvons y aller. Je te suis. Déclarai-je timidement.

 

Arsène avait enfin décidé de sortir de sa réserve. Je la savais têtue et capable de bouder ad vitam aeternam heureusement, l’espoir de sortir de cet endroit où elles étaient prisonnières avait changé la donne.

Avec plaisir je vis Antonia prendre les choses en mains et former un simulacre de corps dans son lit.

Attrapant une cape accrochée à une patère, je la lui nouais autour du coup avec un clin d’œil.

« Au cas où tu ais froid. »

Avisant qu’il n’y avait personne dans le couloir, je sortis, la fis sortir et en un clin d’œil refermais la serrure. Autant laisser tout en état afin de donner le change.
Puis la prenant par la main, avec un sourire complice, je l’entraînais dans l’escalier, nous jouions avec les déplacements des autres élèves, des enseignantes, du personnel.

Nous nous cachions dans les recoins, avançant prudemment, jusqu’aux cuisines. Le tintamarre des casseroles et des ustensiles nous guidant, la préparation du déjeuner était en cours.

L’heure du repas des pensionnaires approchant, il serait plus difficile de trouver de quoi nous sustenter à moins de faire une diversion. Ou de piquer directement dans la réserve.

Cette solution étant la plus prudente, je pris cette option. Laissant quelques instants Antonia et Arsène, je me glissais rapidement jusqu’à l’endroit de stockage et pris du jambon, du saucisson, du fromage, du jus de fruit et une bouteille de vin ainsi que du fromage et des gâteaux secs.
Estimant que cela devrait suffire, je pris le sac et le jetais sur mon épaule, puis je rejoignis la fillette pour l’entraîner au dehors.

Bien vite nous avions quittés le parc afin de rejoindre ma monture puis la hissant sur la selle, je l’emmenais loin de cette propriété où elle ne connaissait que privations et châtiment.

La journée s’annonçait belle, le soleil brillait haut dans le ciel, un vent léger portait à notre nez le parfum de la nature.

Lorsque j’estimais nous être suffisamment écartés, je fis stopper le cheval et l’aidait à en descendre.

  Tu réponds enfin… Tu savais très bien que j’étais là… Tu sens ma présence autant que je sens la tienne. Oui, mais je préfère t’entendre. Et tu as entendu. Killian ne nous a pas oubliées, il a eu un empêchement c’est tout. Pour se faire pardonner, il est venu. C’est ce que je vois. Allez, ne boude plus. On va sortir.

En écoutant les directives d’Arsène qui savait comment donner un aspect humain à des oreillers sous une couette, je fis mon lit afin de faire croire que j’étais entrain de dormir. Lorsque nous fûmes satisfaites, nous pûmes sortir. Avant de pouvoir quitter la chambre, le pirate posa ma cape sur mes épaules.

- Merci Killian, c’est gentil.

Essayant d’être la plus silencieuse possible, je suivis mon ami en dehors de la chambre, le laissant refermer la porte derrière nous. Ensuite, nous nous glissâmes dans les différents couloirs pour atteindre la cuisine sans nous faire remarquer. Sa main était chaude et réconfortante. J’étais persuadée qu’avec lui, il ne m’arriverait rien. Alors pourquoi on ne partirait pas avec lui ? Loin du pensionnat ? Mais papa ? On s’en fiche de papa ! Je préférais ne pas répondre. C’était toujours un sujet de dispute. Quoi qu’il ait fait, il était mon père et je l’aimais.

Lorsqu’il fallut trouver à manger, Killian nous laissa un instant cachée. Il partit dans les réserve et revint avec de quoi faire un petit repas dehors. Il avait un sac bien rempli, et l’idée qu’il y avait de la nourriture juste à côté me donnait faim. Si faim que mon ventre gargouilla. En l’entendant, je rougis et n’osais pas regarder le pirate. Ce n’était pas vraiment convenable de laisser estomac crier ainsi famine. Nous n’avions pas le temps pour ces détails, et nous sortîmes bien vite. Nous quittions même le parc pour arriver près d’un cheval. Je me retrouvais vite en selle et nous nous éloignâmes du pensionnat.

Arrivés là où il voulait. Nous remîmes pieds à terre. En descendant, j’allais caresser la tête du cheval qui semblait bien gentil.

- Merci Killian pour cette sortie… C’est gentil d’être venu malgré le danger. Même si elle ne le dit pas, Arsène est contente de te voir. Elle boude juste un peu. C’est Arsène. Et malgré tout, elle t’aime vraiment beaucoup. Elle aimerait bien partir avec toi, tu sais ?

 


Je n’oubliai pas ma proposition de l’emmener avec moi. Même si elle m’avait opposé un refus une première fois, je prévoyais de lui redemander de nouveau. Qui sait, peut-être avait-elle réfléchi ?

Pendant qu’elle faisait connaissance avec notre monture, je sortis une couverture que j’installais près d’un cours d’eau à l’ombre d’un saule pleureur dont les branches tombantes nous serviraient d’abri.
Je disposais dessus notre déjeuner, pain, fromages, charcuteries, diverses jus de fruit et vin ainsi que des gâteaux secs et le paquet qui était encore emballé dans une écharpe douce et agréable qui serait un plus pour elle.  

« C’est avec plaisir jeune fille. Venez donc me rejoindre toutes les deux, j’ai un cadeau pour vous. »

J’avais repris le vouvoiement car je m’adressais aux deux personnes qui habitaient le même corps.
Tapotant la couverture à mes côtés je les invitais à s’asseoir.

« Moi aussi je vous aime beaucoup. Toutes les deux. Et si vous voulez venir avec moi, mon offre est toujours valable. »

Elles ne méritaient pas de souffrir et de rester prisonnières de ce pensionnat sous la houlette d’adultes et d’un père qui se fichaient d’elles.

Ouvrant de mon crochet les deux bouteilles, je désignais ensuite le paquet qui renfermait une poupée.

« Voici une étole en laine bleue tirant sur le gris qui se mariera merveilleusement avec tes yeux et vois ce qu’il y a à l’intérieur. »

La poupée que j’avais faite faire à son intention avait la moitié des cheveux blonds, la moitié des cheveux noirs, elle lui ressemblait un peu, autant que son créateur avait pu selon mes indications reproduire ses traits. Sa robe était de soie grise et de fourrure blanche. Une petite bague à son index droit et un joli collier rehaussaient la finesse de la porcelaine.

J’attendais avec impatience de voir sa réaction.