Les journées suivaient et se ressemblaient de plus en plus dans un certain sens. Les choses que je faisais la nuit m’appartenait et mon voisin du dessus avait finalement arrêté de me casser les oreilles à toutes heures du jour ou de la nuit. En fait, il semblait carrément absent durant plusieurs jours. Étrange, mais j’avais réussi à retrouver un sommeil paisible dans la mesure du possible.

Je terminais de classer de nombreux dossiers que je mettais soigneusement à leur place respective avant de prendre l’agenda pour vérifier les rendez-vous du lendemain. Peu de rendez-vous, mais beaucoup de documents administratifs. Petite journée pour Regina et donc grosse journée pour moi en perspective. Je fermais l’agenda ainsi que la lampe de mon bureau. J’avais pris soins de décorer un peu mon environnement après avoir demandé la permission de ma patronne. Je ne voulais pas d’un bureau triste. Je voulais qu’il représente bien la mairie mais également la femme que j’étais.

J’avais donc dit adieu au bureau et aux stores de plastique et bonjour les rideaux en jacquards bleu foncé et le bureau de style baroque qui s’associait parfaitement avec celui de ma patronne. J’avais utilisé des teintes froides pour rester en accord avec les siennes. Le bleu foncé était donc parfaitement indiqué. Je me sentais un peu comme à Londonia de cette façon et même mon appartement avait des allures de ce style. Je replaçais les chaises confortables en face de mon bureau et j’allais ensuite changer l’eau dans le vase qui contenait des fleurs. J’avais un faible pour les roses blanches. Un classique indémodable. Une fois mon petit tour d’horizon fait, j’entrais dans le bureau de Regina. La porte était ouverte, ce qui signifiait que je pouvais entrer sans la moindre gêne. Un code simple mais hautement efficace.

Je portais une jolie robe noire avec des talons. J’avais pris grand soin de cogner sur le cadre de porte pour signifier ma présence. Je n’avais encore jamais oser tutoyer Regina. Elle restait ma supérieure dans les faits. Je lui lançais mon plus beau sourire.

- J’ai terminé ma journée madame Mills à moins que vous n’ayez une autre tâche pour moi.

Je m’approchais doucement. Je sortais peu dans les faits et je n’avais pas vraiment d’amis en dehors de lui … Je m’approchais de la fenêtre pour regarder à l’extérieur en écartant délicatement le rideau.

- Ah la nuit … à la fois mystérieuse, envoûtante et dangereuse vous ne trouvez pas?

Je fermais les yeux quelques secondes en ayant une pensée pour Peter. Pourquoi il ne disparaissait pas de ma tête.

Le calme était revenu en ville, mais le travail ne manquait pas car en effet, de nombreux travaux avaient dû être entrepris à Storybrooke. Les citoyens étaient assez solidaires et il ne fut pas bien difficile de trouver de la main d’oeuvre, mais tout cela demandait beaucoup de travail : l’estimation des coûts des travaux pour commencer. Puis débloquer les fonds et faire appels aux bonnes personnes pour effectuer les tâches et les gérer. Et ce pour chaque lieu de la ville qui avait grand besoin d’être réparé. La maire avait mis la priorité sur l’hôpital et l’école, bien que cette dernière n’ait pas reçu énormément de dommages, il fallait s’assurer que la sécurité soit suffisante pour que les enfants et professeurs puissent aller en classe sans danger. La mairie elle-même avait besoin de quelques travaux, ainsi que la bibliothèque. Regina et Wendy n’avaient pas chômé. Madame le maire avait donné bien des tâches à effectuer à sa secrétaire, lui faisant suffisamment confiance pour lui déléguer des choses que d’ordinaire elle aurait fait elle-même. Mais là, il fallait se montrer doublement efficace au vu de l’ampleur de ce qu’il y avait à faire et Regina sut reconnaître les grandes qualités de la blondinette qu’elle avait engagée et qui n’avait pas menti sur son CV.
Le vendredi soir avait sonné, une semaine qui s’achevait avec beaucoup de choses réglées mais encore bien d’autres à faire. L’ancienne méchante reine n’avait pas vu le temps ni la journée filer. Ce n’est que quand Wendy toqua à la porte et entra dans son bureau que la brune réalisa qu’il faisait déjà nuit à l’extérieur.

- Oh… oui bien sûr Wendy.

Regina referma le dossier rempli de plans et de factures qu’elle était en train d’éplucher et fit pivoter son fauteuil vers sa secrétaire qui regardait au dehors par la fenêtre. Sa question la fit sourire. Pour le danger, à vrai dire, Regina ne craignait pas tellement la nuit.

- Mystérieuse, il est vrai.

Elle recula un peu sa chaise et se leva pour contourner son bureau et aller vers la grande table en marbre qui supportait toujours un saladier métallique rempli de pommes rouges. Juste derrière, contre le mur, se trouvait un meuble renfermant des verres et quelques bouteilles.

- Que diriez-vous d’un petit verre pour fêter cette fin de semaine ? J’ai bien cru que ce vendredi soir n’arriverait jamais, pas vous ?

Il était vrai qu’elles avaient énormément travaillé.

J’étais totalement perdue dans mes souvenirs et je jouais avec le collier autour de mon cou. Il s’agissait d’une chaîne en or avec une étoile. Une façon, pour moi, de ne jamais oublier la souffrance qu’il m’avait obligé à subir au travers de toutes ces années. Je fermais les yeux et je revoyais son visage s’éloigner en me promettant de revenir alors que je lui hurlais de rester au bord de la fenêtre dans ma robe de nuit en tendant la main dans le vide en espérant qu’il change d’idée. Mes parents étaient entré à ce moment et mon père m’avait ramené à l’intérieur en me disant que j’allais tombé de la fenêtre.

Les deux immenses fenêtres s’étaient fermées ce soir là, pour ne plus jamais s’ouvrir. Il m’avait abandonné. Je sentais les larmes coulées sur mes joues en retournant vers Regina qui venait de me proposer un verre.

- Volontiers. Je ne serais pas contre un verre.

Je lâchais mon collier en or et je me rendais lentement près de ma patronne. J’avais horreur lorsque mes émotions reprenaient le dessus. C’était toujours aussi douloureux à chaque fois et par chance, j’arrivais désormais à me contrôler depuis les années. Je m’appuyais dos à la table de réunion en mettant mes mains à plats pour me tenir sur le meuble en attendant mon meuble.

- Je suis d’accord avec vous Regina. Vendredi soir est une bénédiction. Nous avons eu une grosse semaine, mais nous pouvons être fière du travail que nous avons accompli.

Je lui faisais un petit sourire en coin avant de me passer une main dans les cheveux. J’étais parfois épuisée de toute cette double-vie, mais je savais que je devais respecter l’engagement que j’avais fait envers Victor.

- Si vous rentrez suffisamment tôt, vous pourrez passer la soirée avec monsieur De Locksley. Cela fait un moment que vous n’êtes pas sortie prendre un verre avec lui ou bien prendre un bon repas au restaurant.

Ma main se rapportait à mon collier sans même que je ne m’en rende compte. Mon autre main prenant le verre offert. Je me fichais bien de quelle était la boisson. J’avais juste envie de sentir cette brûlure parcourir mon œsophage durant quelques secondes. Pourquoi, les hommes que j’aimais me faisaient toujours souffrir de la sorte. Victor me manquait plus que je ne voulais me l’avouer.

- Je pourrais garder vos enfants si vous le souhaitez.

Au fond, je n’avais rien de mieux à faire de mes soirées dans un certain sens et gagner la confiance de la mairesse restait mon but principal dans l’immédiat, même si ce soir, je flanchais un peu intérieurement.

Quelle joie que cette lourde semaine de travail s’achève enfin ! Et surtout, quel bonheur d’avoir pu constater au cours de ce laps de temps qui avait semblé durer une éternité que Wendy était largement à la hauteur des espérances de Regina ! Cette dernière était enchantée du travail accompli par sa secrétaire qui ne lésinait pas sur les efforts et n’hésitait pas à prendre des initiatives. La jeune femme méritait bien un petit verre et la nouvelle maire s’empressa de le lui proposer. Cependant lorsqu’elle la vit revenir, la sorcière remarqua des larmes qui avaient coulé le long des joues pâles de Wendy. Le sourire de la maire se figea. Avait-elle dit quelque chose de blessant ? Pour une fois que cela n’aurait pas été intentionnel. Sans vouloir la dévisager, elle se leva pour servir deux verres de bourbon.

- Est-ce que tout va bien Wendy ? Si je vous donne trop de travail, n’hésitez pas à me le dire, je pourrais revoir le planning.

Il ne manquerait plus qu’elle soit déjà surmenée. Elle acquiesça en retrouvant le sourire face aux dires de sa secrétaires, cette semaine, elles pouvaient en être fières.

- C’est vrai, dit-elle en lui tendant le verre.

Puis, elle trinqua avec elle.

- A votre première semaine.

Wendy souligna le fait que cela faisait bien longtemps que Regina n’avait pas pris le temps de profiter d’une soirée avec Robin. A quand remontait la dernière fois qu’ils avaient pu profiter d’un peu d’accalmie dans leur vie ? Bien trop longtemps il est vrai. L’idée de sortir boire un verre ou aller au restaurant avec son mari la fit sourire. Ils en avaient sûrement besoin. Wendy se proposa alors de garder les enfants.Voilà bien une tâche délicate et d’une part, la nouvelle maire de Storybrooke aurait l’impression d’abuser en demandant cela à sa secrétaire alors qu’elle faisait déjà tant pour elle à la mairie sur ses heures de travail, et puis… elle ne la connaissait pas encore assez pour la laisser venir chez elle seule avec ses enfants. D’autant qu’ils étaient grands maintenant, certains un peu trop tôt, mais après tout Lina était une adulte, CJ était trop grande pour avoir une baby-sitter et les filles étaient tout à fait aptes à surveiller Henry et Roland, bien que ce dernier ait lui aussi l’apparence d’un grand.

- C’est très gentil à vous, Wendy, mais je crois que j’aurais droit à une crise d’adolescente en colère si je lui dis qu’elle aura une gardienne au même titre que ses petits frères. Par ailleurs, ils aiment passer du temps ensemble et j’ai confiance en mes filles, elles savent se montrer responsables et je sais qu’elles m’appelleront s’il y a quoi que soit.

Elle sourit en pensant à ses deux princesses dont elle était si fière.

- Mais merci beaucoup, vous êtes vraiment très gentille.

Elle s’assit à la grande table et invita Wendy à en faire de même, elles seraient plus à l’aise pour discuter.

- Je suis déjà en train de réfléchir à ce que nous pourrions faire pour Pâques. Que diriez-vous d’organiser une chasse aux œufs quelque part en ville ? Et peut-être d’autres activités pour les plus grands ?

Regina avait vu les larmes sur mes joues. Je me sentais mal à l’aise. Ce n’était pas mon genre de pleurer ainsi devant une personne. Je la regardais dans les yeux en souriant. Elle était sympathique au fond, même si je savais que je ne devais pas m’attacher. Elle était une cible et non une amie. Je me devais de garder cette idée en tête. Ne pas m’attacher. J’avais envie de discuter avec elle plus profondément. Je voulais savoir qui elle était en réalité et pourquoi ne pas lui avouer qui j’étais moi-même? Elle me poserait sans doute des questions mais en même temps … C’était un moyen de gagner sa confiance.

- Oh ne vous en faites pas. C’était une vague de nostalgie en regardant les étoiles. Cela m’arrive parfois et ça n’a rien à voir avec le travail. Ne vous en faites pas.

Je trinquais avec ma patronne en lui offrant mon plus beau sourire. Je prenais une petite gorgée en me retenant de grimacer. Je buvais peu dans cette vie. Ce n’était pas comme dans l’autre où je buvais pour ne plus entendre les gémissements de mon mari avec ses amants. Je continuais de toucher l’étoile dans mon cou alors que Regina me parlait de sa famille. Je l’enviais profondément. Je n’avais jamais réussi à avoir un enfant malgré tous mes efforts. Je les avais tous perdu malgré mes efforts et le repos. Je continuais de lui sourire.

- Vous avez une chance inouïe d’avoir des enfants. Je vous envie un peu.

Je buvais une autre gorgée et je m’appuyais contre la table pour la regarder dans les yeux. Elle proposait une nouvelle activité pour Pâques. Était-elle réellement sérieuse dans ce projet? Nous avions déjà les rénovations de la ville à gérer en plus des nouveaux habitants. Mais, je comprenais son point de vue de distraire le peuple en les mettant en confiance. Je passais une main dans mes cheveux.

- Une chasse aux œufs serait sans aucun doute intéressant pour les enfants. Pour les adultes cependant mise à part cacher des chocolats alcoolisés, je vois mal ce que nous pourrions faire.

Je regardais par la fenêtre et je voyais l’étoile de Peter. Impossible de l’atteindre sans la poussière de fée et encore. Je n’avais plus vraiment de souvenirs heureux. L’innocente jeune fille que j’étais s’était éteinte des années auparavant dans un mariage arrangé. Je savais également que je m’enfonçais seule dans une relation probablement à sens unique avec lui. Je n’osais jamais penser à son nom ou même le prononcer. Je me devais de garder son identité secrète pour le bien de la cause.

- Les étoiles sont si magnifiques. Elles renferment leurs lots de secrets. C’était il y a si longtemps … trop de temps semble-t-il. Je ne suis plus une petite fille comme à l’époque où je croyais naïvement qu’il reviendrait. Vous savez de qui je parle … N’est-ce pas?

Regina avait été inquiète de voir des larmes rouler sur les joues de son adorable secrétaire mais cette dernière la rassura. Ce n’était peut-être pas à cause du travail, mais ces derniers temps, tout un chacun avait reçu une charge d’émotions assez importantes. Les quotidiens avaient changé pour beaucoup, notamment ceux qui avaient dû, encore une fois, changer de monde. La maire de Storybrooke ne savait pas exactement dans quelle catégorie se situait Wendy mais elle tâchait de faire preuve d’empathie.

- Si vous avez besoin d’en parler… proposa-t-elle.

Elle avait appris à être une oreille attentive, bien que de base, peu de personnes lui faisait confiance à cause de son passif. Mais peu à peu les opinions avaient changé… avant qu’elle ne gâche tout à nouveau. Regina se demandait parfois si elle était destinée à faire ses preuves jusqu’à la fin des temps. Wendy retrouva le sourire, ce qui fut rassurant. Elle échangèrent sur la famille et les enfants.

- Oh… eh bien j’ai bien failli ne jamais en avoir. J’ai adopté les deux premiers, Henry, puis CJ. Roland est le fils de Robin. Et nos jumeaux, je dois reconnaître qu’ils sont un vrai miracle. J’ai dû trouver un contre-sort pour une bêtise que j’ai faite quand j’étais jeune… Vous souhaiteriez en avoir ? Adopter ?

A son tour, Regina délesta son verre d’une gorgée avant de faire part de ses idées pour Pâques. Il fallait que la vie reprenne son cours avec les traditions de ce monde auxquelles les gens étaient habitués, du moins dans leur faux souvenirs apportés voilà des années par la malédiction. Chacun s’y était fait désormais, comme pour Noël.

- Peut-être des ateliers pour diverses activités… Cela ferait travailler les artisans ? On pourrait aussi faire des stands avec des thèmes comme le chocolat chaud, les diverses décorations artisanales…

Il n’était pas toujours aisé de trouver des idées, il fallait sans cesse se renouveler.

- Pourquoi pas une tombola ?

Mais après tout, la fin de semaine était arrivée, il n’était plus temps de parler travail. Wendy avait bien mérité de s’évader un peu, de penser à autre chose, et Regina aussi. La rouquine parla des étoiles. Machinalement, l’ancienne méchante reine jeta un œil par la fenêtre à son tour pour observer le ciel, avant de se lever pour approcher elle aussi de la fenêtre. L’identité de Wendy paraissait claire à présent, entre son nom, ses diverses évocations des étoiles, de l’enfance envolée.

- Peter Pan ? hasarda-t-elle même si cela semblait évident à présent.

Une chose était clair pour moi. Regina Mills avait usé de la magie et elle savait comment s’en servir. Elle venait de me parler elle-même de contre-sort alors que je ne lui avais rien demandé. Les confidences commençaient lentement à couler et c’était une excellente chose. Je cachais parfaitement mon mépris pour la magie, mais une chose m’agaçait. Je m’attachais un peu à cette femme à la chevelure pratiquement noir. Elle dégageait quelque chose d’attractif. Pas comme Victor, loin de là, mais quelque chose tout de même. Je gardais cependant en tête que je ne devais pas perdre Victor de vue. Je voulais pouvoir vivre dans un monde totalement sans magie et avec un peu de chance avec lui. Depuis combien de temps est-ce que j’étais dans cette relation? Aucune idée. Les jours se changeaient rapidement en semaines, en mois puis en années. Des décennies s’étaient écoulées depuis notre première rencontre et pourtant, je continuais à entrevoir l’espoir de recevoir son amour. J’étais sotte et naïve. J’étais aveuglée par mon amour pour lui qui n’était en rien réciproque. Le véritable amour n’existe pas au fond.

- J’ai abandonné le projet d’avoir des enfants malheureusement. Je suis seule dans un petit appartement. Ce n’est pas une vie pour eux. J’ai toujours cru que j’aurais des enfants avec l’homme que j’aimais … Je me suis fait avoir.

Dire que je ne croyais pas en l’amour était vrai. Je regardais Regina dans les yeux sans broncher lorsqu’elle s’approchait pour me rejoindre au bord de la fenêtre. Elle avait compris mon identité. Il faut dire que je ne l’avais jamais réellement cachée. Je n’avais pas honte de qui j’étais désormais. J’avais simplement honte de mon passé.

- Vous avez des idées merveilleuses. Je m’occuperai lundi de tout mettre en place avec les artisans et j’irai les sollicités.

Je sentais ma gorge se serrer lorsqu’elle mentionnait le nom de Peter Pan. Un sanglot trop longtemps étouffé depuis des années. Tous pensaient que Wendy Darling était restée une petite fille douce au bord de sa fenêtre avant de s’envoler pour le pays imaginaire. Erreur. Je n’étais jamais repartie malgré mes plus grandes aspirations.

- Peter Pan en effet. Le plus grand menteur de tous les mondes magiques. Il m’avait promis tellement de chose … Au final, je n’ai eu qu’un mariage arrangé avec un autre homme qui ne m’a jamais aimé. Il aimait simplement mon nom et tous ce qui venait avec.

Je parlais, évidemment, de l’argent. La dote que mon père lui avait donné avait été colossale. Du jamais vue. Wendy Darling venait avec de l’argent, un statut et du pouvoir. Trois choses que les hommes de Londonia cherchaient par-dessus tout. Je prenais une gorgée de mon verre.

- Mon histoire après Peter n’est pas de celle que l’on raconte aux enfants. Il vaut mieux les laisser rêver et imaginer que la douce Wendy est retournée aux Pays Imaginaires avec l’homme de sa vie.

Il était vrai que j’avais été quelque peu négligente sur la prudence en parlant aussi librement à Wendy de magie, mais après tout je l’avais identifiée comme étant elle aussi ce qu’Henry appelait « un personnage de conte », elle connaissait l’existence de la magie et je me doutais que ma réputation me précédait, je n’allais donc pas jouer les hypocrites en prétendant ne pas être une sorcière, ce serait insulter son intelligence. Elle me paraissait digne de confiance, je l’appréciais de plus en plus. J’étais tellement dans une phase optimiste et positive que j’étais loin de me douter qu’elle serait ma perte un jour proche. Ma nouvelle secrétaire me parla d’enfants qu’elle aurait aimé avoir mais dont elle avait abandonné l’idée. Cela m’attristait.

- Vous savez, j’étais seule quand j’ai adopté Henry. Je pensais ne jamais retrouver l’Amour après Daniel. Ce que je veux dire, c’est que la vie est pleine de surprises et d’imprévus. Qui sait, tout pourrait changer pour vous, d’une manière inattendue qui vous plaira.

Oui, j’étais devenue optimiste. Je commençais à un peu mieux comprendre ma belle-fille. Finalement, ça faisait du bien de voir les choses du bon côté. Je n’avais pas l’habitude, il était vrai.
Cependant je ne voulais pas l’attrister, elle était libre de m’en parler si elle le voulait. Bien que la fin de semaine soit arrivée, je lui fis part de quelques idées pour les événements à venir en ville et l’enthousiasme dont elle fit preuve me fit sourire.

- Bien, merci , dis-je avec un sourire.

Wendy savait se montrer efficace et j’appréciais énormément cette qualité. Puis le sujet dévia. Je sentis comme une profonde tristesse chez elle. Elle évoqua son passé, et le fameux Peter Pan. Je connaissais mal cette histoire, du moins la vraie version et ce qu’elle me dit me conforta dans l’idée que nul ne connaissait réellement Wendy Darling et Peter Pan, ainsi que leur histoire. Dans ce monde, les choses avaient été édulcorées.

- Je vois que tous les royaumes ont leur lot de menteur éhonté qui se servent des jeunes filles innocentes, dis-je avec une légère amertume.

Je songeai à Rumpelstiltskin qui avait fait de moi la méchante reine en profitant de mes souffrances et de ma relation chaotique avec ma mère pour faire de moi la méchante reine et parvenir à ses fins avec la malédiction. J’appris que Wendy avait, elle aussi, dû subir un mariage arrangé qui n’avait pas fait son bonheur. Je hochai la tête avec un air compatissant, parce que je compatissais réellement, je ne pouvais que comprendre.

- Les mariages arrangés sont une véritable plaie pour les jeunes filles de bonne famille. Même si nous étions restés dans la Forêt Enchantée, jamais je n’aurais imposé cela à mes filles. J’en ai trop souffert moi aussi. Nous avons tous besoin de nous sentir aimer, et se marier sans l’être est sans doute la pire des choses souhaitable pour un couple.

Je plaignais sincèrement Wendy. Mais contrairement à moi, elle semblait avoir mieux tourné.

- J’espère que vous aurez ici l’opportunité de changer tout cela, de trouver le bonheur.

Je lui souris avec enthousiasme.

- Peut-être souhaitez-vous rentrer chez vous à présent ? Ou… j’ai une idée, si vous voulez, nous pourrions aller boire un verre dehors ensemble ? Ou même une autre fois. Je pourrais vous présenter mon mari.

Elle n’avait pas l’air de sortir beaucoup et peut-être que ça lui ferait du bien. Quoi de mieux pour faire de nouvelles rencontres après tout.

Les confidences de Regina me touchaient dans un certain sens. Je comprenais son désir d’avoir des enfants et je la trouvais plus que courageuse d’avoir adopté son fils Henry. Je n’aurais jamais eu le courage. J’avais vu mon rêve d’avoir des enfants filer comme une étoile filante sans avoir eu la chance de faire le moindre souhait. Non … Les fées n’existaient pas. La magie ne m’avait pas aidé. Elle avait ruiné ma vie au plus haut point. Je ne croyais pas vraiment en l’avenir. J’avais perdu espoir de vivre des jours heureux. Je savais, au plus profond de moi, que Victor ne me donnerait jamais la chance d’avoir d’enfants. Il n’était pas de ceux en qui en voulait.

- Vous avez eu bien du courage je trouve madame Mills. Un courage que je n’ai malheureusement pas la force d’avoir.

Elle parlait ensuite de Peter alors que mon cœur se serrait dans un étau impossible à contenir. Je ne m’étais jamais remise de cet abandon. Il était trop criant dans ma vie. La jeune fille innocente que j’étais était morte de toute la souffrance que j’avais accumulée au fils des années. La seule lueur que j’avais eu était dans mon ami Henry Jekyll.

- Oh alors ça pour être un menteur et un manipulateur… Peter était excellent dans ce domaine. Je ne lui souhaite pas de croiser ma route. La rencontre pourrait devenir explosive.

Je n’étais pas une femme violente. J’avais plutôt une forte tendance à manipuler et agir au niveau psychologique, mais ce connard allait se mériter la gifle la plus violente de toute sa vie! Le mariage dans lequel j’avais ensuite été plongé aurait pu être magnifique et heureux … Si mon mari avait eu la moindre attirance pour la gente féminine. J’étais sans aucun doute la plus malchanceuse en amour. Dans tous le cas, je poussais un soupir intérieur profond. Victor me rendait heureuse, mais parfois je me demandais si les sentiments qu’il avait à mon égard étaient réellement sincère après toutes ces longues années.

- Oui … se marier sans être amoureux est un fardeau plus que lourd à porter…

Je sortais de ma torpeur intérieure pour lui faire un sublime sourire.

- Je pense que je devrais rentrer, mais je serais très heureuse de rencontrer votre époux ainsi que vos enfants lors d’un dîner. Cela pourrait être l’occasion de tisser de nouveaux liens.

Je voulais m’inclure pleinement dans cette société. Je voulais me fondre dans la masse au maximum. Je posais mon verre vide dans la cuisinette avant d’aller prendre mon sac à mon bureau ainsi que mes clefs. Je m’approchais de Regina en lui souriant.

- Merci beaucoup pour ce petit moment entre femme. Je l’apprécie plus que grandement. Ne rentrez pas trop tard cependant, votre époux a besoin de vous. Profitez de vos soirées pour moi.

Je sortais de la mairie lentement en regardant autour. Je décidais de me rendre au Granny’s pour manger. Boire l’estomac vide était une mauvaise chose car l’alcool montait plus vide au cerveau.