Il est de retour... Nous l'avons croisé. Et il sait que Melody est ici... Il va venir la récupérer tôt ou tard même si nous sommes à l'abris chez Regina... Nous ne sommes plus en sécurité, ma fille n'est plus en sécurité... J'ai du mal à dormir depuis cette soirée. Je suis vraiment très inquiet. Je sais que je suis impuissant face à lui. Je ne ferais jamais le poids face à Rumplestilskin. Il a bien trop de pouvoir. Mais je n'ai pas peur que de cela... J'ai peur pour Ariel, qu'elle tente quelque chose. J'ai été impulsif le soir où nous l'avons revu... J'ai failli en venir aux mains, sachant pertinemment que je risquais gros... Je me suis retenu à temps... Je regrette de lui avoir parlé. Nous aurions du fuir dès son entrée... Partir pour notre royaume ou je ne sais où. Hélas, qu'importe l'endroit que nous choisirons pour nous cacher, nous ne serons jamais en sécurité. Il faudrait qu'on trouve un moyen d'annuler ou échanger le pacte passé il y a fort longtemps entre un crocodile et une petite sirène.

Depuis ce magnifique bal, je surveille ma fille, je la couve du regard, m'assurant qu'elle va bien et qu'elle est bien là. J'ai demandé de l'aide auprès de Regina, pour assurer la sécurité de ma petite princesse. Dans son château, je sais que nous avons beaucoup de soutien ; ils sont nombreux à vouloir nous aider. Mais est-ce suffisant ? Je n'en suis pas sur... Aujourd'hui, n'y tenant plus, je rejoins ma sirène, ma douce merveille, la femme de ma vie, pour discuter, pour qu'on fasse quelque chose... Je ne supporte plus de rester sans rien faire, impuissant. Quand j'arrive à ses côtés, je l'enlace tendrement et dépose un baiser sur son nez. Je l'ai vu ce matin, j'ai même passé ma matinée avec elle.

- Coucou ma sirène. Profitons que notre puce soit entrain de jouer... Il faut qu'on trouve une solution contre le crocodile... Qu'on sauve notre fille. Je suis prêt à pactiser avec lui pour annuler ton pacte. Mais je veux voir avec toi avant.

Je ferais tout ce qu'il faudra pour qu'Ariel puisse vivre avec notre fille ; pour qu'elles ne soient plus jamais séparées.

Depuis le bal où le crocodile avait fait sa réapparition, j’avais senti Eric stressé, et je le comprenais, moi aussi je l’étais. Mon sentiment de culpabilité ne faisait que remonter chaque fois que je voyais le regard inquiet de mon mari sur notre fille. Quelle idiote j’avais été de passer ce pacte ; La jeunesse n’excuse pas tout, j’avais été stupide, point. Dans notre malheur, nous avions néanmoins la chance de loger dans le château de Regina, et il semblait que tant que nous y étions, il ne pouvait rien nous arriver. La marraine de Melody avait protégé son palais avec un sortilège afin de prévenir les enlèvements magiques. Elle-même avait été victime de la disparition de ses enfants et pouvait donc comprendre mieux que personne nos craintes. Cependant, pouvions-nous décemment rester toute notre vie ici, dans ce château ? Comment faire comprendre à une enfant qu’elle n’était pas libre de se rendre où elle le voudrait parce qu’à tout moment, à l’extérieur de l’enceinte du château, elle pouvait être enlevée par un dangereux mage, le pire de tous ? Cette solution était salutaire à court et moyen terme, mais nous voulions à tout prix retirer cette épée de Damoclès du dessus de nos têtes.

La matinée avait été paisible, nous étions tous les trois réunis et comme toujours, c’était un véritable bonheur. J’avais réfléchi à quoi faire, et j’avais suffisamment embêté Regina, je voulais trouver une aide supplémentaire, et j’avais songé à ma tante. Je savais qu’Eric ne portait pas Ursula dans son coeur, mais je me souvenais de la discussion que nous avions eue. La redoutable sorcière des mers semblait prête à essayer de redorer son image. Quoi de mieux que d’aider sa nièce et accessoirement la petite fille de son frère le roi des Sept Mers pour montrer patte blanche ?
Lorsqu’Eric revint après une courte absence, je lui souris avant de me figer en entendant ses dires. Machinalement, je jetai un œil à Melody qui jouait sagement avec des coquillages et des poupées.

- Hors de question que tu pactises avec lui. Ecoute-moi mon Amour. J’ai eu une idée. Pourquoi ne demanderions-nous pas l’aide d’Ursula ? Je sais que tu te méfies d’elle, mais imagine : si elle dit vrai et qu’elle veut vraiment trouver une place au sein de la communauté sans en être sans arrêt rejetée, elle doit améliorer son image. Quoi de mieux que nous venir en aide ?

Je me tortillai une mèche de cheveux un peu nerveusement, signe que je n’avais pas tout dit. Eric me connaissait mieux que personne, alors autant que je lui dise directement.

- En fait… je l’ai déjà invitée à venir… Pour discuter. Tu m’en veux ? ajoutai-je avec un petit sourire crispé.

Ma tante serait là d’une minute à l’autre, je le savais.

Le bal des retrouvailles m'a laissé un petit goût amer dans la bouche. Outre le fait que mon invitation se soit égarée - car je n'imagine pas un autre scénario possible - revoir mon père a remué plus de colère en moi que je ne veux bien me l'avouer.
J'ai donc profité d'un moment où je me suis retrouvée seule dans un coin de la salle pour m'éclipser de cet horripilant Palais Sombre et rejoindre mon antre au fond du Royaume des 7 Mers. Quelle joie de retrouver après tant d'années la vieille carcasse de baleine que j'avais aménagée avec tant de soins !

Rien n'a bougé pendant mon absence non désirée. Chaque ingrédient, chaque potion que j'avais faite était toujours là où je l'avais laissée. Même mes murènes chéries sont présentes pour m'accueillir. Flotsam, Jetsam, mes amours. Elles m'ont drôlement manqué ces deux-là.
Je ne peux pas dire la même chose de certains individus que j'avais croisé au château. Regina, cette chère Regina, elle m’énerve à se prendre pour la reine de toute la Forêt Enchantée et à donner des leçons à droite et à gauche. Que dire de ce vendeur de poissons dont s’est entichée ma nièce, une vraie tête de morue celui-là !

Mais la palme d’or de la personne que j’avais le moins envie de revoir – en dehors de mon très cher père – c’était ce cher Nain Tracassin, le Ténébreux : Rumpelstiltskin. Même si je n’ai pas de marché en cours avec lui, il me donne toujours la chair de poulpe quand je suis en sa présence.
Mais, il va être la bonne raison pour me rapprocher de ma si candide nièce et rentrer dans ses bonnes grâces. Si je vais vivre un jour avec toute la tribu des « gentils » à Storybrooke, avoir un allié ou deux pourrait servir.

Au moment où je suis en pleine réflexion et élaboration de mon plan, un ban de poissons entre dans mon antre et forme un cercle au centre duquel apparaît l’image de la progéniture de mon frère détesté. Que me veut Ariel ?
QUOI ? Elle m’invite à se joindre à elle et son bouffeur de poissons de mari pour une petite discussion en famille ! Que cherche –t-elle à faire ? Me réconcilier avec sushiman ? Même pas en rêve !

Serait-ce en lien avec son petit esturgeon innocent et le marché passé avec le Ténébreux dont elle n'a pas voulu me parler durant le bal ? Dans ce cas, il serait intéressant de voir où les courants vont me porter dans cette histoire.
Je me rends donc à travers un portail aquatique de ma création de nouveau dans le Palais Sombre si cher à cette soi-disant repentie Regina. Je toque à la porte et pénètre dans la pièce avant que quiconque ne m’y invite.

« Il paraît que tu voulais me voir pour discuter chère nièce ? Eh bien, je suis là, discutons ! » dis-je avec un geste des plus théâtrales avant de prendre place dans le plus confortable des fauteuils présents dans la salle.

Que c'est bon d'être réuni avec sa famille... De pouvoir passer du temps avec notre fille. Elle m'a tant manqué. J'ai l'impression de vivre comme avant toutes ces histoires mais, hélas, je n'arrive pas à me sortir de la tête cette épée qui pèse au dessus de nos têtes. Le vieux crocodile est là et il veut nous la prendre, il veut qu'on honore la part du contrat d'Ariel. Mais cela n'arrivera jamais... A chaque fois que mes yeux se posent sur notre petite merveille, je me dis que je dois trouver une solution, que je dois passer à l'action. Je ne peux pas rester sans rien faire. On ne vit plus actuellement... Nous survivons, avec la peur au ventre. Nous passons notre temps à la surveiller, à faire en sorte qu'elle s'amuse et profite, sans se rendre compte qu'elle est en danger et qu'elle pourrait nous quitter à tout instant... Cela pourrait avoir lieu n'importe où, n'importe quand, sans que nous ne puissions faire quoi que ce soit. C'est donc en pensant à tout cela que j'informe Ariel de mon idée. Je vais pactiser avec le crocodile. Je vais lui proposer ce qu'il désire en échange de Melody. Mais ma merveilleuse Sirène refuse sans surprise. Mais elle me propose alors autre chose. Quelque chose qui ne me plait pas du tout. Je ne m'attendais vraiment pas à cela... D'autant plus que je vois son trouble... Elle me cache quelque chose et je n'aime pas cela. Et... Elle a invité Ursula... Je serre la mâchoire et je viens la prendre dans mes bras. Comment pourrais-je lui en vouloir...

- Je ne me méfie pas seulement d'elle... Je la déteste. Je ne la porte vraiment pas dans mon cœur après tout ce qu'elle nous a fait. Mais je peux te comprendre... Je ne t'en veux pas. A situation désespérée, solution désespérée. J'aurais aimé, malgré tout, que tu m'en informes avant, que je puisse m'y préparer... Je ferai un effort pour toi...

Je dépose un baiser chaste sur ses lèvres et la garde contre moi. Reste à savoir maintenant quand cette sorcière des mers va venir... Soudain, je me retourne en entendant qu'on frappe à la porte. Mon regard se porte immédiatement sur notre fille, pour savoir si elle est en sécurité. La porte s'ouvre sans qu'on n'ait dit quoi que ce soit. Et elle entre... Elle est là... Ursula ose même s'installer comme si de rien était... Comme si elle était la bienvenue... Non mais quelle.... Quelle... Raaaa cette vipère m'agace.

- Bonjour Ursula, je t'en prie tu peux entrer et t'installer. Merci d'avoir accepté notre invitation...

Je me décale doucement d'Ariel, et je viens me placer de façon stratégique. C'est à dire entre ma fille et Ursula. On ne sait jamais. Il vaut mieux se montrer prudent. Je ne baisserai pas ma garde. Je ferai tout pour protéger les femmes que j'aime. Je regarde ma tendre épouse. C'est elle qui a eu l'idée, je vais la laisser parler. Et de toute façon cela est bien plus sage que je garde le silence pour l'instant. Je ne sais pas de quoi je serais capable actuellement...

À croire que les années et l'expérience ne m'avaient pas guérie de mon impulsivité, une fois encore j'avais agi sans réfléchir, ou plutôt, j'avais réfléchi seule dans mon coin et était passée à l'action en invitant Ursula, sans en parler d'abord à Éric. Je m'en voulus en entendant mon mari souligner que j'aurais pu lui en parler. Il avait raison, en fait j'aurais dû. Je me sentais bête comme un poisson-globe. Baissant le regard, je pris ses mains dans les miennes alors qu'il s'était rapproché.

- Je te demande pardon, mon amour. Je crois que... Quelque part je savais que tu dirais non. Je n'aime pas t'imposer des choses, mais là, j'avais si peur que tu fonces tête baissé voir le crocodile, que j'ai préféré faire ça d'abord...

Il n'eut pas l'air de m'en vouloir cependant, ce qui me rassura. J'étais dans ses bras, la place où je me sentais le mieux au monde. Nous devions trouver une solution pour sauver l'avenir de notre fille.
Et finalement, ma tante arriva. Une entrée comme elle seule en avait le secret. Je manquai de rouler des yeux, mais je devais me montrer polie, d'autant que Melody était là. Elle remarqua d'ailleurs notre incitée et s'arrêta de jouer pour la regarder avec curiosité.

- Maman, c'est la dame qu'on a vu dans la cuisine et qui a fait les magnifiques gâteau coquillage.

- C'est vrai ma chérie. Dis bonjour à tante Ursula.

Ma filles exécuta en faisant une petite révérence tandis que son père vint se mettre près d'elle. De mon côté, je m'approchai de ma tante.

- Merci d'être venue. Oui c'est vrai. J'ai réfléchi à nos deux dernières conversations, et avec Éric, nous nous sommes dit que nous pouvions peut-être faire en sorte de contenter tout le monde.

Je tournai mon regard vers Melody avec bienveillance.

- Ma petite étoile de mer, les adultes discutent, tu veux bien aller jouer ?

Obéissante, notre princesse s'éloigna un peu pour retrouver ses jouets. De mon côté, je vins m'asseoir en face de ma tante, laissant le choix à mon mari de nous rejoindre ou de rester où il était.

- Si tu nous aides à protéger Melody en rompant le pacte avec le ténébreux, il y a fort à parier qje tu retrouveras une place de choix au sein de la communauté.

Je soutenais sin regard, espérant qu'elle aurait une idée. Je n'avais jamais entendu parler d'un moyen de contrer Rumpelstiltskin, mais après tout entre méchants, ils devaient connaître les trucs des autres... Du moins je l'espérais. Sans doute aurait-elle une idée. C'était ce que j'espérais. Je lançai furtivement un regard à Éric pour qu'il me rejoigne. J'avais besoin du contact de sa main.

Je regarde le tableau que forme cette petite famille à laquelle je suis liée par le sang. Le petit alevin est tout sage dans son coin en train de jouer avec de jolis coquillages. Le vendeur de poisson ambulant reste debout hésitant à faire barrage de son corps pour protéger sa fille ou sa femme.
Ma nièce à écailles, quant à elle, vient me voir et me remercie de ma venue. Elle congédie gentiment son petit poisson après que cette dernière m’a saluée. Je lui fais un geste de la main et essaye de ne pas lui montrer mon ennui. Je constate qu’elle porte toujours au poignet le bracelet que je lui ai donné lors du bal.

“ Qu’est ce qui t’arrive Fisher ? On dirait que tu as mangé un sushi pas frais. Je suis là à sa demande et uniquement à sa demande. Donc détends toi un peu et assieds toi près de ta femme. Tu ne vois pas qu’elle n’attend que ça !” commencé-je à dire une fois la petite hors de portée de mes propos.

Je n’ai jamais apprécié ce pêcheur et cela ne va pas changer du jour au lendemain. Je veux bien faire un effort en présence d’une âme innocente comme sa fille mais là, ce n’est plus le cas donc je peux le piquer aussi bien qu’un oursin ou une vive.
Mon petit poisson rouge de nièce finit par m’expliquer la raison de ma présence dans ces murs même si je m’en doute fortement. Elle veut donc mon aide pour rompre le pacte qu’elle a passé il y a fort longtemps avec le Ténébreux.

“Je me doutais bien qu’il y avait une histoire de pacte avec le Tracassin. Tu sais bien qu’il est impossible de rompre un pacte passé avec lui. Quelle était la teneur de ce pacte exactement ?” lui demandé-je

Je fais exprès de ne m’adresser qu’à ma nièce. L’autre bouffeur de poissons me sort tellement par les yeux que je ne le regarde même pas, il ne m’intéresse pas. Je commence à réfléchir aux raisons qui aurait poussé Rumple à demander à une jeune femme son enfant premier-né.
Je ne vois que deux raisons possibles : avoir encore plus de pouvoirs ou contrer une prophétie qui les lui ferait perdre. Pour la deuxième possibilité, il a dû trouver et consulter l’Oracle. Rien qu’à l’idée, un frisson me parcourt le corps. Je n'aime pas ce que cela peut impliquer pour nous tous.

Je peux la comprendre. Je sais qu'elle pense à la sécurité de notre fille mais... Ursula quoi... Cette vieille pieuvre pourrie... Elle va forcément attendre quelque chose en retour. Je ne la porte pas dans mon cœur, pas après tout ce qu'elle nous a fait subir... Elle est de la famille de ma sirène et pourtant... Elle a cherché à lui nuire. Cette vieille sorcière ne mérite même pas de connaître Melody... Elle ne devrait pas être dans sa vie. Mais hélas, nous avons besoin d'elle selon Ariel. Et même si je n'arrive pas à l'avouer, elle a surement raison...

- Tu as bien fait ma sirène... Je serais allé le voir... J'ai plus ou moins essayé lors de la soirée chez Regina... Effectivement j'aurais dit non. Et tu sais très bien pourquoi. On ne s'apprécie pas elle et moi et cela ne changera jamais...

Aimant ma femme plus que tout, je lui pardonnerai toujours tout... Et je ne peux lui tenir rigueur pour ce geste de désespoir qu'elle vient d'avoir en demandant de l'aide à cet horrible être... Et en parlant d'elle... La voilà... Tante Ursula... Je serre la mâchoire. Si seulement ma fille pouvait l'appeler autrement... Ne pas avoir un lien avec elle, tenir de la distance... Je viens me placer tout près de ma petite princesse pour la protéger. Je me méfie tellement... Je ferme les yeux une petite seconde quand Ariel demande à notre merveille d'aller jouer plus loin... Je ne parle pas, je reste à ma place, le visage froid, la bouche bien fermée. Je ne regarde que mon épouse. Je la laisse parler. Mais l'autre vipère s'adresse alors à moi...

- Non, c'est sans doutes les tentacules de pieuvre que j'ai mangé qui ne passent pas... Et je suis encore libre de m'installer où je veux quand je veux, je suis dans nos appartements, prêtés par notre amie.

Non mais pour qui elle se prend ? Bien évidemment, je ne mange plus de poissons ou d'animaux qui viennent de la mer, depuis que j'ai retrouvé ma sirène. Hors de question de la faire souffrir pour rien. Mais malgré tout, j'ai gardé mon métier... J'ai un rictus de dégout quand Ariel annonce qu'Ursula aura une place de choix au sein de la communauté. Oh que oui... Cette sale crapule qui devrait retourner dans les bas fond et disparaître à tout jamais... Loin de ma famille, loin des gens que j'aime. Je sais que Regina a changé mais ce truc à tentacules peut se retourner contre nous à tout moment dans son propre intérêt. Que je sois là ou pas ne change rien... Elles se parlent entre elles mais je ne compte pas laisser faire.

- S'il n'est pas possible de rompre le pacte ou de le modifier, la porte est par là, on ne te retient pas sorcière. Pourquoi la teneur du pacte t'intéresse autant ? Il s'agit juste de sauver notre fille...

Pourquoi elle a besoin de connaître la nature du pacte entre le crocodile et la femme que j'aime ? Pour se moquer d'elle ? Pour la juger ? Je n'aime vraiment pas ça... Je m'approche finalement de ma sirène, je me place derrière elle et pose mes mains sur ses épaules. Je reste malgré tout debout. J'ai besoin d'être libre de mes mouvements en cas de danger.

J’avais été naïve d’imaginer ne serait-ce qu’une seconde qu’une entrevue avec Ursula et Eric dans la même pièce pourrait bien se passer. La réputation de la sorcière des mers n’était plus à faire, et elle était responsable de nombreuses pertes humaines. Et même si ma tante essayait de se disculper de ce qui s’était passé dans notre famille, je restais consciente que ses tentacules étaient loin d’être blanc comme os de seiche. J’avais très envie de continuer à faire confiance à mon père, mais aujourd’hui il n’était pas là, et la seule sur qui je pouvais compter en dehors de mon incroyable prince, c’était elle. Elle disait vouloir se racheter une conduite et vivre en harmonie avec les autres, ou du moins être acceptée… N’était-ce pas le bon moment pour prouver sa bonne foi ? En tout cas, c’était ce que je m’imaginais. Etais-je encore une fois trop naïve ? L’avenir nous le dirait.

Le comportement d’Eric ne facilitait pas les choses, il était clairement hostile envers Ursula, et elle le lui rendait bien. Comment aurais-je pu leur en vouloir, à l’un comme l’autre ? Je ne comprenais que trop bien la nature de ce qui les opposait. Quand mon mari posa ses mains sur mes épaules, l’une des miennes vint couvrir la sienne, j’espérais ainsi l’adoucir un peu.

- Je sais que les pactes du ténébreux sont impossible à rompre, mais j’imagine qu’il y a une façon de les contourner, non ? Tu dois être au fait de ce genre de faille, toi qui en as fait passer aussi…

Elle me demanda la nature du pacte et Eric était réticent, je le sentait. Malgré tout, il fallait dire la vérité à ma tante, sans quoi, il n’y avait aucune chance qu’elle puisse nous aider.

- J’étais jeune… je… Je ne pensais pas à mal.

J'avais seize ans à l'époque, je ne pensais même pas avoir des enfants un jour. Je soupirai en jetant un regard au loin vers Melody qui jouait tranquillement dans la pièce d’à côté. Elle semblait si gaie, ne se doutant pas un instant de ce qui pesait sur elle.

- J’ai demandé des jambes, être humaine pour retrouver Eric, en échange de mon premier enfant.

Rien que de prononcer à voix haute la teneur infâme de mon erreur me rendait malade. J’avais le coeur serré et je m’en voulais. Si j’avais pu donner ma vie pour annuler ce pacte et que ma fille puisse vivre normalement, je l’aurais fait dans la seconde.

- Nous avons réussi à l’y soustraire temporairement… Eric est parti avec Melody à peine née dans le royaume où le temps passe plus vite… Il était indétectable ainsi. Mais ça m’a fait perdre toute son enfance, et puis les circonstances ont fait qu’ils ont dû revenir.

Je me mordillai la lèvre, les yeux humides et brillants d’émotions avant de lever la tête vers mon époux, toujours debout derrière moi.

Ce vendeur de poissons du dimanche m’hérisse les écailles. Il est d’une telle insolence et si je n’avais pas un peu de pitié pour ma si naïve nièce et un peu d’empathie pour son fretin qui joue avec tant d’innocence, je serai déjà retournée dans mon antre.
Il ose parler de sujet dont il ne sait strictement rien. De quoi se mêle-t-il ? Est-ce que je lui explique quel appât il doit utiliser pour être le plus efficace ? Non, donc qu’il arrête de vouloir prendre part à cette conversation dont il ne pipe pas un seul mot.

“Imbécile de sale humain ignorant ! Si je demande la teneur exacte du pacte, c’est parce que les mots utilisés et leur place dans la phrase sont aussi importants pour valider comme pour rompre un pacte.
J'ai rédigé suffisamment de marchés dans ma vie pour savoir que tout est dans la formulation. Un vieux sorcier que j’ai croisé dans une autre vie, a dit un jour “les mots sont notre plus inépuisable source de magie. Ils peuvent à la fois infliger des blessures et y porter remède.”
Retourne à tes filets et reviens quand tu seras un peu plus calé sur le sujet ! Si c’est pour nous sortir d’autres inepties du même genre, vas plutôt jouer avec tes hameçons et tes appâts."

Je me concentre à nouveau sur ma truite à pied de nièce. Donc, elle a signé un pacte avec le Ténébreux pour avoir enfin des jambes et rejoindre cet imbécile au cerveau rempli d’algues qu’elle a fini par épouser. Oui, je comprends bien que tu ne pensais pas à mal.
Tu étais amoureuse, tu étais prête à tout pour rejoindre l'humain qui faisait battre ton cœur. Malgré tout ce que son père lui avait dit sur moi et ses mises en garde, elle n’en a fait qu’à sa tête et maintenant on vient chercher la grande méchante que je suis pour sauver la situation.

Comment dire à ces deux parents apeurés que leur fille ne risque plus rien à l’âge qu'elle a. Elle est beaucoup trop grande pour ce que pourrait projeter Rumplestiltskin, en tout cas si j’ai vu juste. Mais monsieur je-suis-trop-fier-et-je-ne-pense-qu'à-moi ne renoncera jamais à un contrat qu’il a passé avec qui que ce soit.  
Il ne veut pas perdre la face et laisser penser au commun des mortels qu’on peut le berner aussi aisément qu’en changeant de monde ou d’espace-temps. J'en reviens à ma première idée, si la fille n’est plus utile, il faudra lui proposer quelque chose de plus puissant et de plus important.

“Est-ce précisément les mots employés par le Ténébreux au moment où tu as signé ce pacte avec lui ? Il me faut la tournure exacte si tu veux qu’on trouve un moyen de contourner le pacte. Même si je pense que cela va être compliqué voire impossible.
En tout cas, il faut se préparer à lui proposer quelque chose d'autre en échange, quelque chose avec un immense potentiel de magie. Car ne vous trompez pas, le Tracassin ne cherche sans cesse que de nouvelles sources de magie ou tout élément qui pourrait l'en priver. Il préfèrera avoir cet objet en sa possession plutôt que dans les mains de potentiels ennemies.”

Je reste proche d'Ariel et je tente de me contrôler mais ce n'est vraiment pas évident. La sorcière en face de moi me débecte. Je l'ai en horreur. Il ne faut pas oublier qu'elle est la cause du décès de ma famille et de nombreux amis à moi. Et je sais qu'elle s'est mal comportée également avec la famille de mon épouse. Alors comment pourrais-je lui pardonner et faire des efforts ? Surtout qu'elle semble s'en moquer royalement. Sans doute parce qu'elle a oublié tout cela... Mais moi je n'oublie pas. Malgré tout, je reste calme grâce à sa main sur la mienne. Ma douce sirène sait toujours m'apaiser. Et puis mine de rien, je suis en droit d'être en colère et stressé... On parle de ma vie, de son avenir... Comment imaginer que cette vieille morue va nous aider ? Et quel en sera le prix ? Parce que même si Ariel pense qu'elle tente de se racheter et qu'elle a changé, je sais pertinemment que ce n'est pas le cas.

Je n'aime pas l'idée qu'elle sache toute l'histoire, qu'Ariel se livre ainsi devant elle. Je ne suis pas tendre en parlant, tout comme Ursula... Elle m'incendie et je sens la colère bouillir en moi. Pour qui elle se prend ???

- Je sais que nous avons besoin de toi vieille sorcière pour aider notre fille, mais je ne te permets pas de t'adresser à moi de la sorte ! Un peu de respect ! Je ne garderai pas mon calme bien longtemps et ce n'est pas un hameçon que tu vas manger mais mon harpon. Garde tes jurons et ta méchanceté pour quelqu'un d'autre. Encore plus en présence de mon épouse et de ma fille. Et surtout, n'oublie pas que je bouffe des pieuvres et que tu en es une...

Je vais me la faire... Je jure que je vais finir par l'étriper... Et finalement, Ariel lui explique... Elle lui avoue que c'est pour moi qu'elle a fait ce pacte... Elle raconte même comment nous avons fait pour échapper au crocodile... Et cela me rappelle combien elle en a souffert... Ne pas voir grandir sa fille, et voir son époux vieillir... Tant d'années sont passées pour nous, alors que pour elle, seuls quelques mois sont passés... Je la regarde avec amour et dépose un baiser sur sa joue. C'est fou comme elle a le don de me garder sage...

- Donc le seul moyen c'est d'échanger notre fille contre un objet magique ? Comme si elle était de la vulgaire marchandise ? Et as-tu une idée d'objet ?

Oui je lui parle encore, mais je n'ai pas le choix. J'ai besoin de réponse ; et si elle parle du trident de la famille d'Ariel, il faudra qu'on trouve autre chose. Je serais prêt à parcourir terre, mer et ciel afin de trouver l'objet qui permettra de rompre le pacte. Je ferais tout pour la sauver et pour que la pieuvre nous laisse tranquille. Je ne veux plus la voir, je ne veux pas qu'elle soit proche de Melody.