Depuis notre retour de New-York et la fin de cette malédiction, j’avais énormément travaillé sur moi pour essayer de combattre l’anxiété sociale qui avait découlé de mon passage au Pays des Merveilles et de mon isolement à Storybrooke pendant le Sort Noir. Vivre dans la peau d’un paria instable tout en ayant toujours les souvenirs de ma vie d’avant avait été une épreuve terrible et il ne faisait aucun doute que mon esprit l’avait très très mal supporté.

Pourtant, tandis que la plupart des gens m’avaient laissé seul dans mon manoir, craignant la réputation fabriquée de toutes pièces par la Malédiction et que j’entretenais savamment pour ne pas qu’on me croie réellement fou, une personne s’était donnée la peine de venir me trouver pratiquement tous les jours, même après qu’Emma Swann ait brisé le sort : un jeune pompier répondant au nom d’Heracles Mylonas. Il avait voulu m’aider à sortir de mon isolement, me proposant encore et encore de rejoindre les pompiers volontaires de Storybrooke. Je devais bien avouer que je n’avais pas toujours été très réceptif à ses tentatives, enfermé dans ma douleur et ma frustration comme j’étais. Mais au fil du temps, j’avais fini par me radoucir et si j’avais toujours refusé son offre, je l’avais toujours accueilli chez moi avec bienveillance. Un peu de compagnie ne pouvait pas me faire de mal, surtout pas quelqu’un d’aussi gentil et prévenant.

À New-York, nous nous étions perdus de vue et de toutes manières, nous n’avions plus nos souvenirs. Nous ne nous serions pas reconnus, même si nous nous étions croisés.

Alors que je faisais mon possible pour reconstruire ma vie après le retour de New-York, j’avais recroisé la route du beau jeune homme dans la Forêt Enchantée. Pendant nos retrouvailles, j’avais proposé de l’inviter à manger chez moi pour le remercier de tout ce qu’il avait fait pour moi et pour pouvoir discuter et renouer contact. Je ne savais pas vraiment d’où il venait avant Storybrooke et mis à part sa bienveillance, son énergie et son amour du sport, je ne connaissais pas grand’chose de cet homme.

J’étais donc rentré chez moi pour trouver une Grace sur le départ. Elle allait passer la nuit chez des amis dans la ville voisine, car les parents d’une de ses amies étaient souffrants et leur fille avait besoin de compagnie pour lui remonter le moral. J’aurais bien voulu pouvoir la présenter à Héraclès, mais ma fille m’assura que passer une soirée avec une connaissance sans elle dans les pattes me ferait le plus grand bien. Elle prépara ses affaires, vint m’embrasser sur la joue et me souhaita une excellente soirée avant de partir en trottinant.

Une fois Grace partie, je m’étais mis au travail, cuisinant et rangeant la maison au mieux que je pouvais avec le temps que j’avais à disposition. J’eus également le temps de passer ma tenue décontractée la plus élégante : un pantalon sombre et relativement moulant, des bottes montantes, une chemise rouge sombre et un gilet en brocard. J’hésitai longtemps entre mettre mon écharpe pour dissimuler la cicatrice sur mon cou ou espérer que le col de ma chemise y suffirait, mais je finis par opter pour la deuxième solution. Je ne voulais pas avoir trop chaud.

À l’heure dite, on frappa à ma porte et je m’empressai d’aller ouvrir. Je souris à mon invité et lui fis signe d’entrer.

« - Bienvenue chez moi, très cher. »

L’accolade me prit un peu de court, mais je me laissai faire et finis par y répondre avec un sourire. Les contacts physiques étaient encore un peu étranges pour moi, mais je savais que je ne risquais rien avec Héraclès. Je le laissai entrer et refermai doucement la porte derrière lui avant de prendre la bouteille.

« - Oh merci beaucoup. Je vais nous chercher des verres. Installe-toi, j’arrive tout de suite. »

Je lui souris et allai poser le vin sur la table avant d’aller chercher des gobelets. Je n’avais pas vraiment de coupe en verre ou de vaisselle raffinée. Dans une maison dans les bois, on n’avait pas besoin de porcelaine et de verres en cristal. À présent, je regrettais un peu ma prudence et mon économie, car je n’avais que des gobelets en terre cuite, en bois ou en métal.

Je pris les deux verres les plus beaux que je possédais et retournai vers la table et mon invité.

« - Je suis désolé, je n’ai pas mieux à t’offrir comme verre. Et pour le repas, j’ai préparé un ragoût de porc avec des légumes du jardin, des champignons cueillis en forêt et des pommes de terre. J’espère que ça t’ira. »

J’avais pris l’habitude d’entretenir un petit potager près de ma maison depuis la mort de mon épouse : cela me permettait de m’occuper et de subvenir aux besoins de ma fille sans avoir à partir trop loin. Ca n’avait pas été facile de l’élever dans la pauvreté quand j’avais passé ma jeunesse à ne manquer de rien et à vivre une vie d’aventure. À présent, Grace et moi avions de quoi vivre, mais c’était plaisant de s’occuper d’un potager.

« - La Forêt Enchantée n’est ni Storybrooke, ni New-York en terme de confort moderne, j’en suis désolé. »

Malgré le manque de confort, j’aimais être de retour dans notre monde, dans un environnement familier, là où j’étais né, là où j’avais grandi et où j’avais appris mon métier et ma vocation.

Je servis deux verres et en tendis un à Héraclès avec un sourire amical, puis je m’assis face à lui.

« - Ca me fait plaisir de te voir, en tous cas. Comment vas-tu, toi ? »

Je passai une main sur ma cicatrice, me rappelant soudain que je ne l’avais pas dissimulée et me sentant soudain un peu gêné par le fait qu’elle soit visible.