Je ne cessais de me retourner encore et encore dans mon lit. Je n’arrivais pas à trouver le sommeil. Hades avait réussi et je ne voulais pas le réveiller avec mon insomnie. Je décidais donc de me lever et d’aller me promener en forêt. Je rentrerai à temps pour son réveil. La veille, nous avions eu une conversation qui m’avait fait réfléchir. On était devenu gentil et depuis ce jour, on s’ennuyait à mourir… Au début, j’avais trouvé ça ridicule, mais au fond, je réalisais qu’il avait tout à fait raison. On était devenu des pantoufles de salon. On vivait comme un vieux couple et il ne se passait plus rien. Mon couple allait mal par dessus le marché.
D’un mouvement de poignet, je m’habillais et je sortais du manoir que nous occupions au milieu de la forêt. C’était bien d’être à l’écart, Hades était dans un sale état et il avait besoin de voir le moins de personne possible. Le soleil n’allait pas tarder à se lever, je décidais alors de traverser la clairière et d’aller voir ce joli spectacle pour m’aider à réfléchir. Je ne me considérais pas comme une personne méchante, mais incomprise. Bon, d’accord, j’étais aussi jalouse et ça, je ne pouvais pas le nier.
Marcher me faisait du bien et sentir l’odeur de la rosée du matin était très agréable. Une fois arrivée à mon point préféré, j’allais m’assoir sur un cailloux et je pensais à ce qu’Hades m’avait dit. Au fond, quelle vie est-ce que je voulais avoir ? Celle d’une pantoufle de salon, ou celle de la sorcière que j’étais ? J’aimais ma sœur et je lui avais pardonné, mais il me manquait quelque chose. J’avais toujours aimé faire des mauvais coups, c’était ce qui me faisait vibrer, j’aimais aussi me battre avec des personnes aussi forte que je l’étais. Et puis, Hades avait aussi changé et je me savais plus vraiment ce que je ressentais pour lui.
J’avais besoin de trouver un objectif. En revanche, je ne voulais pas ôter la vie de qui que ce soit, mais faire payer la fée Clochette pour ce qu’elle m’avait fait, ce serait bien après tout. Ma vie avait été une catastrophe car elle n’avait pas été foutue de me protéger. Non, je ne pouvais pas laisser ce crime impuni. Pour tout dire, je ne savais pas vraiment par quoi commencer. Le bruit des sabots d’un cheval me sortit de ma réflexion. Qui pouvait se promener en forêt aussi tôt ? En fait, je m’en fichais, j’étais juste surprise. J’attendais que le cavalier se montre, car j’entendais qu’il arrivait dans ma direction.
Si ma rencontre improvisée avec une archère rousse de ma connaissance (ou du moins de celle de ce moi de New York qui ignorait tout de la vie qui est la mienne actuellement) m'a permis de mettre la situation au clair? Nous dirons que oui, à défaut de l'affirmer haut et fort. Si elle m'a permis d'y voir plus clair sur mon propre rôle à jouer dans ce nouveau chapitre de nos histoires? Assurément que non. Je reste le fils prodige, bâtard de son état, à qui le trône de son père échoit depuis le jour de sa naissance et qui aurait pu l'obtenir s'il n'avait pas croisé la route de la mauvaise lame, et qui, dans le même temps, a ensuite vécu une vie totalement différente dans les rues de l'Enfer puis du monde sans magie, pour ne plus savoir aujourd'hui où est réellement sa place dans ce monde. Dois-je oublier cette époque étrange et reprendre ma route où je l'avais laissée? Dois-je au contraire utiliser les savoirs que cette existence m'a donnés pour décider de mon avenir sans me soucier du destin décidé pour moi le jour de ma naissance? Tant de questions, si peu de réponses, et personne dans l'immédiat vers qui se tourner pour en obtenir. On m'a toujours dit que j'étais né pour être roi, mais au final, ne suis-je pas plutôt toujours resté dans l'ombre de personnes plus puissantes que moi? Fiona, Morgane, Maléfique, et même Guenièvre, reine parmi les reines... il semblerait que j'ai toujours su profiter des enseignements des meilleures dans leur domaine, mais en même temps, il semblerait que j'ai besoin de l'influence d'une "méchante" pour exister. Ca fait froid dans le dos, en y pensant. A y réfléchir, il se pourrait donc que je fasse cavalier seul quelques temps. On verra. Si les intérêts que je me choisis rejoignent ceux qu'on avait choisis pour moi.
Ma décision prise, je talonne mon cheval, qui commence doucement à s'endormir littéralement sous ma selle, alors que le sentier entre les arbres s'élargit jusqu'à rejoindre une route carrossable pour les carrosses. Je profite donc d'une centaine de mètres de galop, de quoi me permettre de ne plus penser qu'à mon cheval et la liberté retrouvée de ce moment un instant, avant de reprendre les rênes et la direction pour engouffrer l'étalon dans une coulée m'écartant de la voie principale. Si je voulais suivre les routes principales, je m'offrirai un carrosse. Cela dit, à serpenter entre les arbres, l'allure se réduit fortement, et Argo reprend un petit trot confortable qui me permet de rester assis dans ma selle. Au moins jusqu'à arriver dans une clairière où je lui fais reprendre un pas tranquille jusqu'à l'arrêter lorsque je remarque une présence, qui regarde clairement dans notre direction.
Mes bottes tapent lourdement le sol quand je met pied à terre, et je passe les rênes par dessus l'encolure de mon cheval jusqu'à les glisser à la branche d'un arbuste. Normalement, il ne devrait pas bouger. Concernant la femme assise sur son rocher? La première chose que je remarque, c'est son regard clair, même dans le clair-obscur de la levée du jour. La seconde? Que si la beauté n'est pas signe de noblesse, il me semble tout de même évident qu'elle n'est pas du bas peuple. D'accord, sa livrée est sans doute un signe assez évident. Ayant côtoyé plus d'une magicienne, puis-je émettre cette hypothèse? Je l'ignore avec certitude.
"Madame. Pardonnez-moi de troubler votre solitude."
Je m'incline respectueusement devant elle, me permettant de lui emprunter sa main pour la saluer comme un chevalier digne de ce nom doit le faire, avant de me relever, reculant d'un pas tout en repoussant ma cape en arrière pour ne pas marcher dessus.
"Permettez-moi de me présenter. Sir Mordred. Et qui ai-je le plaisir d'avoir face à moi?"
Plus le temps passait plus le cavalier approchait. Le cheval avait commencé à ralentir son allure. En ce qui me concernais, je n’avais pas bougé de ma position. Je ne savais pas encore à qui j’avais à faire, mais je savais me défendre. Bon d’accord, je n’avais pas utilisé la magie depuis longtemps, mais ce n’est pas vraiment le genre de chose que l’on oublie facilement. Moi qui voulais rester seule, me voilà bien avancée. Si ça se trouvait, il n’avait pas de mauvaise intention. En tout cas, ce visage ne mettait pas inconnu. J’étais certaine de l’avoir déjà vu quelque part.
Il descendit de sa monture et il avança vers moi toujours avec beaucoup de classe. Il commençait à être par me présenter des excuses et je devais bien avouer que son comportement me plaisait de plus en plus. « Ce n’est rien. Après tout, la forêt ne m’appartient pas. » Je lui faisais un petit sourire en coin. Je ne savais pas à quand remontait mon dernier sourire en plus du reste. Puis, il s’inclina et prit ma main. Je le laissais faire. Il y déposa un baiser et se présenta. Mais bien sûr! Je le reconnaissais à présent.
« Nous nous connaissons Sir Mordred. Enfin, nous nous sommes déjà vus. Nous sommes venus au sein de votre Royaume avec ma sœur. Je m’appelle Zelena Mills, je suis la sorcière de l’ouest. Je suis certaine que vous avez déjà entendu parler de moi. Ma demi-sœur s’appelle Régina Mills. Est-ce que ça vous dit quelque chose? » J’étais surprise de le voir ici. Je ne m’y attendais vraiment pas. Finalement, cette rencontre tombait plutôt bien. Je mettais pas mal isolée avec Hades. C’était un peu compliqué pour moi de le laisser et compliqué pour lui de voir trop de monde.
Je comprenais tout à fait que ce dernier ne se rappel pas de moi. Nous nous étions vus une seule fois et pas trop longtemps. « Je pensais prendre un verre. Seriez-vous prêt à vous joindre à moi? Je pourrai aussi donner de l’eau à votre cheval. Ce dernier doit-être assoiffé à force d’avoir couru ainsi. » J’avais toujours aimé les chevaux. C’était des animaux absolument magnifiques qui ne jugeaient personne et qui étaient capable de vous donner de l’affection et de vous consoler quand vous étiez au plus bas. Mon père adoptif en avait un quand j’étais petite.
J'apprécie sa franchise quand elle me dit que la forêt ne lui appartient pas. Cependant, je crois que quand nous désirons être seul, c'est un peu comme si le périmètre immédiat autour de nous nous appartenait, l'espace de temps nécessaire à combler ce besoin de solitude. Il n'est nul besoin de titre de propriété pour le réclamer. C'est un accord qui devrait être tacite entre êtres doués d'intelligence. La question qui se pose parfois, en revanche, c'est de savoir si certaines personnes font réellement partie de ce groupe. Pour être honnête, j'y catalogue plus facilement mon cheval que certains êtres de ma connaissance. Mais c'est un avis subjectif très certainement biaisé par mon expérience personnelle.
Lorsqu'elle se présente, m'annonçant sans détour que nous nous sommes déjà croisés par le passé, je croise son regard du mien, tâchant de faire appel à des souvenirs qui remontent à ce qu'on pourrait appeler une autre vie pour moi. Avant New York, avant Storybrooke, avant l'Enfer... oui, je pense que le terme d'autre vie n'est pas emprunté à tort dans ce schéma.
"Régina était maire à Storybrooke, n'est-il pas? Avant que le curé et le démon ne s'en mêlent."
Je dois admettre qu'il me faut un certain temps pour pouvoir lui répondre que je me souviens sans que cela ne soit que formule de politesse. Les visites diplomatiques n'étaient somme toute pas si rares à Camelot à une époque, quand la moitié des dignitaires des royaumes alentours voulaient s'assurer le soutien du roi Arthur et de sa légendaire épée. Pas si légendaire pour qui connaissait la chute de l'histoire. Une épée brisée pour un royaume brisé, et qui devrait par la suite briser le destin d'un roi qui aurait pourtant pu tant offrir à son royaume. Sans doute pas la bonne génération. Arthur garde le trône au chaud le temps que je revienne, assurément! Mais je divague, revenons à nos brebis.
"Je me souviens de vous. Vaguement, pour être honnête. Je n'étais guère friand des innombrables bals que Arthur dispensait à chaque étranger qui pénétrait dans le royaume. J'ai plus d'une fois pris la tangente pour rester seul à seul avec mon cheval."
A moins que Dame Guenièvre en personne ne me convainque de ne pas disparaitre trop vite. De part mon adoubement, j'aurai dû être fidèle à Arthur, mais en vérité, dans cette cour, la seule qui avait obtenu mon respect et mon dévouement, c'est elle. Et sans doute que si les choses avaient été différentes (elle non mariée à l'homme que je me destinais à assassiner par exemple), je n'aurai pas hésité à lui faire la cour. Peut-être l'ai-je fait, inconsciemment. De toute manière, l'eau est passée sous les ponts depuis, et je ne suis pas homme à m'attacher au passé.
"J'accepterai volontiers un verre en si bonne compagnie. Et mon cheval appréciera très certainement votre attention à son égard."
Parlant d'Argo, je profite qu'il se rapproche de nous, ayant une nouvelle fois oublié qu'il était supposé être attaché, pour desserrer sa sangle de deux trous, lui permettant de respirer avec le ventre moins serré. Notez qu'il est probable que j'oublie l'avoir fait en remontant en selle. Cela fait, je reporte mon entière attention sur Zelena, m'adossant à l'épaule de l'animal dont le museau est parti en quête des quelques brins d'herbe à sa portée.
"Puis-je vous poser une question qui me taraude, au risque de vous offusquer? Pourquoi vous présenter comme "la demi-soeur de Regina"? N'êtes-vous pas la Sorcière de l'Ouest? Tout le monde devrait vous connaitre pour ce que vous êtes, comme on connait le roi Arthur ou la Fée Morgane." J'attends un instant de voir si je peux me permettre de conclure mon petit laïus ou si j'ai déjà dépassé les bornes. Avec la mère que j'ai, j'ai appris à les identifier assez vite, ces bornes. "Je ne suis qu'un chevalier sans terre et sans roi, et pourtant, les dieux savent que je refuse de n'être que le fils de mes parents, aussi illustres puissent-ils être."
J’avais l’impression que la période où ma sœur était Maire de Storybrooke remontait à une véritable décennie. « Oui, c’est exact. » Il vint ensuite me dire qu’il ne se souvenait pas spécialement de moi et je pouvais tout à fait le comprendre. Il devait y avoir vraiment beaucoup de passage au château de Camelot. Arthur adorait les bals et il en organisait bien trop à mon goût. Toutes ces mondanités m’avaient toujours donnée envie de vomir. « J’apprécie vraiment votre honnêteté et je ne suis pas du tout vexée, je comprends tout à fait votre point de vue et les animaux sont tellement plus fidèles et compréhensif que les humains. »
Je levais les yeux vers son cheval avec un petit sourire en coin. A première vue, l’animal cherchait l’attention de son humain et je le comprenais tout à fait. Pour moi, le cheval n’est pas juste une machine, c’est un être vivant avec des besoins et des sentiments. « Mais je vous en prie, c’est bien normal. » D’un simple mouvement de poignets, je fis apparaître deux fauteuils, deux verres et une bassine d’eau pour son cheval. Je m’avançais pour lui apporter son verre et j’allais ensuite prendre place sur mon fauteuil.
Je prenais une gorgée de mon verre tout en écoutant ce qu’il me disait avec attention. « Pour commencer, je ne me suis pas présentée comme sa demi-sœur mais comme sa sœur. Ensuite. » Je soupirais avant de reprendre mon explication. « Je suis dans une période où j’ai honte de ce que j’ai fait à l’époque où j’étais connue comme la méchante sorcière de l’Ouest… » J’étais surtout dans une période où je ne savais plus du tout où j’en étais. Mais je ne le connaissais pas assez pour commencer à me confier. C’était pour ça que j’avais prit la décision de m’isoler un peu.
« Je ne sais pas vraiment comment vous expliquez ça. C’est un peu comme si je me sentais séparée en deux personnalités et qu’elles étaient en train de se déclarer la guerre. » Je prenais une gorgée de vin pour me donner une contenance car je ne sais plus du tout où j’en suis. Ma guerre intérieure devenait de plus en plus compliquée à gérer et ma relation avec Hades ne m’aidait vraiment pas. Je me sentais complètement abandonnée par l’homme que j’aimais et je ne voulais pas en parler à ma sœur.
Ses paroles concernant les animaux et le fait qu'on est mieux avec eux qu'avec les hommes me font réfléchir. Son point de vue se défend, y a pas à dire. Je ne vois aucune jument destiner son poulain à devenir un régicide en herbe à peine sait-il tenir sur ses sabots. Mais on s'égare. Autant que mes doigts perdus dans les crins ondulés de mon cheval, je dirai.
"J'ai mis longtemps à le comprendre. Qu'il était possible d'accorder sa confiance à un autre être vivant, je veux dire. Ce cheval m'a appris bien plus que je ne lui apprendrais jamais."
Pas même d'accorder un minimum de dignité à son cavalier, étant donné qu'à défaut d'herbe, c'est ma botte qu'il essaye d'attaquer avec ses dents, et je bouge juste assez mon pied pour le chasser sans non plus lui mettre un coup dans les dents.
Zelena fait apparaitre deux fauteuils, assise que mes muscles endoloris après la chevauchée apprécient déjà avant de la tester, ainsi que de quoi nous désaltérer tous les trois. De quoi faire changer d'idée à Argo, qui délaisse ma botte pour s'abreuver tout son saoul. Pour ma part, j'accepte de bonne grâce le verre de vin qu'elle me tend avant de m'asseoir à mon aise dans le fauteuil. Y a pas à dire, ça fait du bien.
"Je savais que j'aurai du être plus attentif aux leçons de Mal'."
Je prend une gorgée de vin avant de lever une main en guise d'excuse quand il me parait évident que je l'ai offensée tout comme je craignais de le faire. Mais apparemment pas pour la raison à laquelle je pensais. En vérité, son dilemme intérieur ne m'est pas inconnu. J'ignore ce que je vais faire à présent que je suis de retour dans ce monde, où je compte aller, mais une chose est certaine, je suis à peu près sur de ne pas être le bienvenu chez moi, à Camelot. Ni du coté de ma mère, qui a vu son magnifique plan me concernant tomber à l'eau aussi efficacement que la lame de mon père m'a envoyé de vie à trépas, ni du coté de mon père, vu que je doute que ma trahison ait été fort appréciée au palais. Non, du coté de Camelot, rien à attendre.
"Croyez bien que je pense savoir ce que vous voulez dire par là. J'ai moi-même toujours pensé que ma quête était juste, et mon but noble, au bas mot. Avant." Je bois une nouvelle gorgée de vin, tout en fronçant légèrement les sourcils, signe évident de ma réflexion intérieure. "Aujourd'hui, la seule chose dont je sois sur, c'est de mon cheval. Ce qui, étant donné le destin qui était censé être le mien, est relativement pitoyable, je dois l'admettre."
Je lui offre un sourire aussi sincère que contrit. Pitoyable, oui, c'est un mot qui sied assez bien à mon état d'esprit à l'heure actuelle. Je suis comme ces loups d'Abyssinie voués à l'extinction prochaine car trop spécialisés dans la chasse d'un seul et unique gibier qui se fait de plus en plus rare. Hors du but que m'a donné ma mère à la naissance, il faut croire que je ne sais rien faire de mes dix doigts. Enfin si, pardon, l'Enfer m'aura appris à servir des pintes derrière un comptoir... mais autant cela me convenait dans le huis clos de cette ville à demi détruite, comme cela me convenait dans le huis clos de Storybrooke, autant sur les terres ouvertes qui sont celles de ma naissance... j'ai autant envie de m'enfermer dans une taverne que dans une salle du trône... S'il n'en était de ma haine viscérale envers Arthur, chevalier, cela ne me déplaisait pas comme situation.
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Lun 9 Oct - 15:18
