Il pleuvait, je pouvais sentir l’eau ruisseler sur mon visage et se mêler à mes larmes, pourtant je restais là, au milieu de la forêt sans bouger. Je ne pouvais pas, je ne pouvais plus, je n’avais plus la force de continuer…

Cela faisait des années que je faisais toujours le même rêve et en seulement quelques années il avait enfin un peu avancé. A chaque fois que je me réveillais, j’étais en nage mais aussi le visage couvert de larmes salées. Encore et encore. Je n’avais toujours pas compris ce que cela voulait signifier, ce que cela m’indiquait. J’avais le don de seconde vue, mais dès que j’étais concernée mes visions n’étaient plus très claires.
J’avais apprit que l’avenir n’est pas toujours fixé, bien sûr il y avait le Destin, mais certaines choses pouvaient se modifier, en prenant des décisions. C’était les grandes décisions de nos vies qui nous conduisaient à telle ou telle possibilité. Pour l’instant, pour ma part, l’avenir ne semblait pas changer. Toujours le même rêve incompréhensible, je ne devais pas encore avoir passé le point de passage.

« Lexie, viens m’aider mon enfant... », m’appelait Nina, la vieille femme qui m’avait recueillie étant encore un bébé. C’était une dame très gentille et très ouverte d’esprit, considérée comme étant la folle du village, une illuminée en quelque sorte, mais elle était devenue ma famille. C’est pourquoi dès qu’elle m’appelait, je venais l’aider à porter des choses, à faire la cuisine, faire un peu de jardinage, toutes les tâches qu’elle ne pouvait pas forcément accomplir seule.
C’était une bonne époque, Nina me croyait, elle croyait que certaines personnes avaient des dons, elle considérait le miens comme tel, un don qui permettait d’aider les autres à surmonter des épreuves, à les prévenir pour qu’ils puissent prendre les bonnes décisions. Même si ma Nina était la seule à me croire, cela me suffisait, les autres personnes ne nous aimait pas, ils nous toléraient seulement. Deux folles ensemble, enfin, une folle excentrique et une menteuse, voilà comment nous étions vues toutes les deux. Tant pis, on ne peut pas plaire à tout le monde…

Au fil des années, mes dons se développèrent jusqu’à ce que je puisse entrevoir l’avenir mais également le passé. Ce dernier était vraiment déroutant et me montrait des choses pas forcément très gaies pour une jeune fille. Lorsque les visions étaient les plus fortes, je pouvais rester des heures sans bouger, prise dans un flots d’images, d’odeurs parfois même, c’était si réaliste que ça me faisait peur, j’avais l’impression qu’un jour je resterai bloquée dans l’une de ses visions sans pouvoir revenir dans le présent. Dans ces moments là, ma chère Nina parvenait toujours à me réveiller, à prendre soin de moi jusqu’à ce que je puisse la rejoindre. « Ne t’en fais pas, laisse la vision se dérouler sans résister ma Lexie, laisse faire... », me disait-elle à chaque fois que les visions m’embarquaient ailleurs.

Sans elle, je n’étais pas sûre de pouvoir revenir, elle m’avait aidée, conseillée, consolée aussi. Elle était toujours là pour moi, me racontant des histoires, me brossant les cheveux et me susurrant des mots qui parvenaient à apaiser mon coeur. Nous n’étions pas du même sang et pourtant les liens que j’avais tissé avec cette gentille dame faisait d’elle un membre de ma famille, la personne qui comptait le plus pour moi. Même isolés, nous n’avions besoin que de l’une et de l’autre pour être heureuse.

Cela ne pouvait pas durer pour toujours, même si je l’avais souhaité très fort, Nina déclinait, elle prenait une année de plus chaque année et cela commençait réellement à peser. Je faisais tout mon possible pour qu’elle n’ait rien à faire, je prenais en charge notre petite maison, le jardin, les animaux, faire des réparations après que certains gosses se soient amusés à nous casser des pots, un abri. Je voulais la soulager un peu, lui enlever du souci…

Encore ce rêve, encore cette vision, cette pluie qui ruisselle sur mon corps, sur mon visage, ma tristesse, mon coeur qui se serre et je me sens perdue, seule, aujourd’hui je peux enfin regarder autour de moi, je reconnais la maison, mais c’est tout, je ne comprends pas...

Les visions m’emmenaient plus loin sans pour autant m’aider à comprendre clairement. La tête lourde, le corps tremblant, je fis un effort pour reprendre contenance et aller m’occuper de mes tâches quotidiennes. Puis, les sensations passèrent, tout finissaient par passer, c’était comme ça à chaque fois, il fallait juste que je sois forte, plus forte, toujours.
Pendant plusieurs semaines je revis les mêmes choses, même éveillée, les sensations, les impressions devenaient de plus en plus prenantes, pesantes, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Je finissais souvent auprès de Nina, en pleure, jusqu’à l’épuisement. Une fois après une de mes visions futuriste prédisant la mort de certaines personnes que je n’étais même pas sûre de connaître, Nina me prit alors dans ses bras, me chuchotant de douces paroles pour m’apaiser, puis me gardant contre elle, me mit autour du cou son collier porte-bonheur. Je regardais alors l’objet, interrogeant ma Nina du regard lorsqu’elle me dit ces mots : « Ce collier te portera bonheur, il t’aidera avec tes pouvoirs si tu le désire, il te soutiendra tout comme je te soutiens. Ainsi, je serai toujours là auprès de toi. », elle m’avait fait alors un petit bisou sur le front avant de continuer, « Gardes-le toujours avec toi et saches que je veillerai toujours sur toi. Tu es comme ma fille et je t’aime douce Lexie. », des mots, des gestes qui resteront toujours gravées dans ma mémoire. Je n’avais pas tout à fait compris, que ma Nina me faisait alors ses adieux, ce n’est que le lendemain que je réalisais alors ce qu’elle avait fait, dit. Je prenais alors pleinement conscience de ses mots.

Elle n’était pas là, son corps oui mais ma Nina nous avait quittée, le sourire aux lèvres. Et même si avec un peu de recul, c’était une belle mort, pour moi c’était juste injuste que l’on m’enlève la seule personne a m’avoir jamais aimée ! Pourquoi ça, je ne l’avais pas vu venir ? Pas une seule vision ! Pourquoi ? J’aurai peut-être pu faire quelque chose, alors que là… je me retrouvais seule. Toute seule sans ma Nina pour me guider !

J’ai pleuré longtemps, crié aussi, c’était tellement injuste ! Puis, je suis allée au village trouver de l’aide, je ne savais pas trop ce qu’il fallait faire, par où commencer pour être sûre que son âme irait au paradis et non dans un endroit effroyable, c’était tout ce que je pouvais faire pour elle à présent. Alors, j’avais prit sur moi allant voir ces gens qui ne nous aimaient pas, me disant que là, au moins ils feraient quelque chose, m’aideraient un peu. Pourtant ce fut le contraire, ils furent méchants dans leurs paroles, méchants dans leurs gestes, me traitant plus bas que terre et se réjouissant même. C’était horrible et cela me confortait dans l’idée de ne pas faire confiance au gens, car au plus bas ils vous enfonceront toujours. Alors je rentrais à la maison, cette maison où j’avais vécu, elle était encore rempli de la présence de la petite grand-mère.
Le choc n’était pas passé, mais je devais faire quelque chose, alors je fis la seule chose que je pouvais faire, me rendant dans notre endroit secret, un petit coin dans la forêt enchantée à l’orée de d’une rivière et je commençais à creuser pour pouvoir y mettre ma Nina. Ce fut long et assez difficile, mes bras me faisait mal et mes larmes me gênaient au point que parfois j’étais obligée de m’arrêter pour y voir plus clair. Puis une fois celle qui avait tenu le rôle de mère, amie, conseillère fut placée, je remis la terre puis des fleurs, des pensées, ses préférées.

Je restais là, sur la tombe de ma Nina des jours durant, n’arrivant plus à bouger. La pluie se mit à tomber assez violemment sur la région, mais je restais là, à pleurer encore et encore, espérant toujours que ce soit un mauvais rêve, et qu’elle arriverait vers moi et me prendrait dans les bras. Mais rien, rien ne changeait, la situation restait la même… je pus enfin tourner la tête, et j’aperçus notre maison. C’est à ce moment là que je fus frappée de l’illumination, ma vision, depuis des années, c’était réalisée, j’étais en train de vivre ce moment, glacée jusqu’aux os, pleurant le décès de l’unique membre de ce que je pouvais appeler « famille ». Restant là pendant des jours jusqu’à ce que je tombe de fatigue, la dernière vision que j’eus fut un immense nuage violacé se diriger vers moi, je n’eus ni le temps ni la force de m’en inquiétais, j’avais juste une pensée : « Si seulement ça pouvait m’emmener auprès de ma Nina... », avant de sombrer dans le sommeil et de me faire embarquer par une malédiction.

Pendant la malédiction j’ai vécu comme étant la petite Lexie Roseberry, une jeune fille sans parents, vivant dans un foyer, puis de temps en temps dans une famille qui finissait par la ramener au foyer. Oui, j’ai été un peu baladée de partout mais disons que ce n’était pas leur faute, au début ils essayaient de me parler, de me faire sourire tout ça, mais non, rien n’y faisait, je préférais largement être seule plutôt qu’accompagnée par eux. Le coeur toujours lourd, une envie de pleurer incessante pour je ne sais pas quelle raison, j’étais seule, parlant le moins possible, me mêlant aux autres seulement lorsque c’était nécessaire.

Mes seuls véritables plaisirs, ceux qui faisaient que j’étais un peu plus heureuse, c’était le dessin, la photographie, partir dans la forêt, toute seule, grimper aux arbres et bouquiner tranquillement jusqu’à ce qu’on finisse par venir me chercher… Car oui, même si c’était ce que je désirais, on ne me laissait pas tranquille, apparemment ils ne pouvaient pas laisser une mineur seule dans la nature. D’autant plus que, bien souvent je ne pouvais pas rentrer même si je le voulais, j’avais, je dirai même plus j’ai, un sens de l’orientation assez déplorable. Bref.
J’étais alors reconduite à nouveau au foyer, une sorte d’habitude, je restais quelques temps mais je finissais toujours par m’enfuir ailleurs, je ne me sentais pas bien, pas à ma place, déjà qu’avec les autres ça ne se passait pas bien. Ils se moquaient, ils étaient méchants, tout le temps, volaient mes affaires, les détruisaient parfois et puis je ne les aimaient pas. C’était juste des hypocrites et des personnes en qui on ne peut pas avoir confiance ! Alors même si au début j’avais essayé de m’intégrer, j’avais fini par abandonner. Les adultes étaient pareil, ils les protégeaient en plus ! Complices de gens méchants donc ce sont des gens méchants !

J’allais à l’école, je travaillais assez bien, disons que j’avais que ça à faire véritablement, alors je passais mon temps à lire, étudier, dessiner et faire de la photographie, mais aussi planter des fleurs, des pensées, j’aimais les pensées. J’étais seule pour faire tout cela mais tant pis, les autres sont effrayants. Souvent j’avais des impressions de déjà vu qui me perturbaient un peu dans mon quotidien, mais rien de trop grave, des bribes, parfois, comme ça, c’était bizarre mais pas rare, après tout, sur internet c’était normal que des fois notre cerveau fasse qui trucs comme ça...

Puis la malédiction de Storybrooke fut levée et tous mes souvenirs de mon ancienne vie refirent surface, c’était comme une énorme ras-de-marée. La première chose qui se passa après ça, ce fut un torrent de larmes, je pleurais encore ma Nina qui n’était plus là, je ne l’avais même pas rejointe ! C’était comme si le temps avait été figé et qu’à présent il reprenait son cours, comme si tout le reste avait été une sorte de cauchemar. J’étais alors restée plantée dans mon semblant de jardin, devant mes pensées, les fleurs de ma Nina et tenant son collier entre mes doigts, à attendre que la tempête passe.

Après ça, mon quotidien n’a pas plus changé que cela, j’étais toujours dans un foyer que je n’aimais pas avec des gens que je ne voulais pas approcher. J’allais à l’école comme d’habitude, m’enfuyais comme d’habitude. La seule chose qui ait changé ? La fréquence de mes visions, celles du passées refirent alors surface comme endormies pendant un long moment tandis que celles du futurs se font de plus en plus présentes. J’ai décidé de commencer l’apprentissage de création de barrières magiques et c’est difficile, je suis pas très douée et en autodidacte c’est compliqué, mais j’essaye, pour pouvoir me protéger et surtout me couper du monde lorsque mes visions prennent trop de place. Sinon, rien a changé, tout est resté pareil, je suis toujours une enfant sans sa Nina et avec un don qui fait comme il l’entend, pour le reste ? On verra bien...