Le vent fouettait mon museau alors que je fonçais pour suivre Maléfique. Depuis que j’étais sorti de mon œuf, elle venait me surveiller. Elle ne se montrait que rarement, mais je pouvais sentir cette connexion qui sonnait dans mon esprit. C’était comme une sorte de signal lumineux qui s’allumait pour me prévenir de sa présence. Je ne pouvais pas la louper, elle était trop puissante pour passer inaperçue sur cette île que je connaissais par cœur. Elle m’avait demandé de ne pas la suivre, de rester ici afin d’être en sécurité. Cela m’avait intrigué car je ne voyais pas de quoi elle voulait me protéger… Elle était la personne la plus puissante que je connaissais et j’étais un dragon, rien ne pouvait nous arriver, ni ici ou n’importe où. Alors lorsqu’elle partit, je pris mon envole pour la suivre, pour voir ce qu’elle ne voulait pas me dire, où elle allait. Ma curiosité n’en pouvait plus, tout comme mon cerveau qui avait imaginé tous les scénarios possibles et inimaginables. Je devais savoir, je devais découvrir.
Nous volâmes longtemps… très longtemps. Je devais faire attention à ne pas me faire repérer, à rester loin d’elle sans pour autant la perdre de vue car tout ce que j’avais réussi à faire n’aurait servi à rien. Alors je volais plus haut qu’elle, puis plus bas afin qu’elle ne me remarque pas. Alors que ma décision prise sur un coup de tête devenait de plus en plus concrète, je repensais à ce que j’avais laissé derrière moi, sans prévenir : Beurk… Harold… Tout ce petit monde qui allait sûrement s’inquiéter de mon absence. Cette culpabilité, je la balayais d’un revers de la patte alors que je vis Maléfique piquer en direction d’une contrée beaucoup plus boisée que ce que j’avais l’habitude de voir.
L’atterrissage en fut que plus difficile. Ce toit d’arbres semblait ne pas avoir de trou suffisamment grand pour me laisser passer. Je me mis alors à tournoyer au-dessus de là où avait posé pied Maléfique pour essayer de trouver l’endroit le plus propice à mon atterrissage. Je vis alors une clairière à quelques kilomètres de là et décidais de m’y rendre afin de pouvoir me poser sans faire trop de bruit et attirer l’attention de celle que je poursuivais. Mon odorat allait m’aider à la rejoindre dans cette forêt qui semblait plus sombre et surtout plus dense. Une fois les ailes repliées, je pris quelques secondes pour observer mon environnement que je ne connaissais pas. Au premier abord, il n’était pas hostile. Aucun animal plus gros qu’un écureuil ou qu’un renard. Je m’enfilais alors dans la forêt à la recherche de celle qui était ma mère à mes yeux, ne sachant pas à quels dangers je m’exposais, ni ce qui pouvait m’attendre dans cette forêt… Mais après tout, rien ne pouvait arriver à un dragon…
A quoi est-ce que j’étais en train de jouer avec ce Dragon ? Je l’avais sauvé. Je lui avais trouvé une famille. Un maitre, un homme bon que j’avais bien pris le temps d’observer. Je savais qu’il serait bien traité et pour cause nous l’avions choisi ensemble, mais tout me ramener à ce bébé dragon noir aux grand yeux vert. Je l’aimais comme j’avais aimé Modred avant qu’on me l’arrache. Ses écailles noires, me rappelaient la chevelure de mon bébé. Ce bébé que j’avais tant travailler pour l’éradiquer de mes souvenirs. Modred était mort. Il était mort. Morgane était morte et Maléfique était née. Je ne pouvais pas être celle que j’étais et une mère à la fois. C’était incompatible. Le garder avec moi aurait été trop dangereux pour lui, pour moi, pour ce que j’entreprenais. Si Stéphane apprenait pour Krokmou il l’aurait fait tué immédiatement sans sommation et j’aurais fini par commettre une erreur et cet être magnifique serait mort. Cette décision était la meilleure je le savais, mais dès que l’occasion se présentait je volais vers ce dragon perdu dans les terres du centre. Je n’y restais jamais bien longtemps juste le temps de vérifié qu’il allait bien et qu’Harold s’occupait bien de lui. Je ne voulais pas que Krokmou se sente comme moi lorsque j’étais enfant : différente et anomal. Je voulais qu’il sache que je pouvais comprendre ce qu’il ressentait, je voulais qu’il puisse parler à quelqu’un capable de l’entendre et de le comprendre. Il était ma faiblesse. A l’instar de Diablo il était devenu ma faiblesse.
En cet instant, je revenais d’une énième escapade où j’étais restée vingt-quatre heures avec le dragon noir, pas une minute de plus, pas une minute de moins. Repartant par la voix des airs sous ma forme de dragonne, j’essayais de remettre de l’ordre dans ma tête. Voler me faisait toujours cet effet-là. J’avais perdu mes ailes et pour compenser je m’étais métamorphoser en dragon, je me donnais rarement le loisir de voler sous cette forme beaucoup trop voyante à mon gout. La téléportation était plus discrète et plus rapide don en mon sens plus pratique.
Après plusieurs heures de vol pour ne pas dire une journée entière je me décidais à atterrir non loin de mon château mais surtout dans un endroit assez discret pour ne pas me faire repérer par les gardes de Stéphane. Ce n’est qu’une fois que je reprenais forme humaine, que j’entendais la garde de ce bougre d’égoïste s’agiter leur chien hurler à la mort et ils fonçaient droit sur leur cible. En temps normal je ne m’en serais pas mêlé mais mon instinct me poussa a vérifié leur cible et en un miroir magique je voyais Krokmou dans la clairière. Qu’est-ce qu’il floutait ici ? Me téléportant devant lui sous ma forme humaine, pile au moment où les chevaliers du roi Stéphane lançaient l’assaut je les entourais de flammes et transformais leurs flèches en poussière avant de prendre ma forme de Dragon et de tous les griller un par un. Une fois les ennemis exterminés je me retournais vers Krokmou ahuri en reprenant ma forme humaine :
« Par tous les diables qu’est-ce que tu fiches ici ?? T’as failli te faire tuer ! Sais-tu ce qu’ils t’auraient fait si je n’étais pas intervenue ??? »
Je ne savais pas du tout où Maléfique allait. Malgré le fait qu'on ait pas mal visité différentes contrées avec mon petit bipède, il se trouvait que j'avais l'impression à nouveau de me diriger vers l'inconnu. Ces paysages me disaient quelque chose mais je me concentrais plus sur le chemin qu'empruntait ma mère que sur une observation stratégique de l'environnement. Ce ne fut que lorsque je vis cette immense forêt que je compris où on se trouvait : la Forêt enchantée. Ce n'était pas un territoire foncièrement inconnu vu que nous y avions habité plusieurs années avec Harold, sous la gouverne de Cora qui avait bien voulu nous accueillir dans son château pour nous protéger de cette malédiction.
Les forêts de Beurk étaient calmes et sans réel danger. Étant en haut de la pyramide des prédateurs, je ne faisais pas particulièrement attention, sauf aux humains. Ce dernier paramètre avait cependant changé depuis quelques temps, depuis qu'Harold avait réussi à convaincre sa tribu que nous n'étions pas des monstres. J'avais alors perdu cette habitude de rester sur mes gardes dans ce genre d'endroit qui pouvait se montrer spécialement hostile, surtout pour un nouvel arrivant.
Inconscient, je me posais alors où je pus, dans une sorte de petite clairière qui se trouvait un endroit idéal pour moi. Ne voulant pas perdre le nord, je me mis tout de suite à chercher la personne que j'avais suivie depuis mon île : Maléfique. Je m'enfonçais alors sans réfléchir dans cette masse d'arbres malgré ma taille, cherchant à trouver cette silhouette que je ne connaissais que trop bien. Je n'avais pas eu le temps de rejoindre une autre clairière que tout à coup, des hurlements de chiens et d'humains arrivèrent à mes oreilles, m'alarmant d'un danger. Ils venaient de partout et de nulle part, je ne savais plus où donner de la tête, puis enfin, ils se montrèrent. Je me mis alors sur les pattes arrière, prêt à leur lancer un cône de flammes brûlantes avant que je ne ressente cette présence que je ne connaissais que trop bien et que je cherchais : ma maman. Elle les entoura d'une barrière de flammes et dissipa les petits bouts de bois qu'ils nous tirèrent dessus. Émerveille par la puissance que je ne lui connaissais pas, je fus bloqué, ne pouvant pas agir. Puis sa voix attira mon attention. - Mais je voulais savoir où tu allais... Tu ne restes jamais longtemps avec moi à Beurk... Et j'aurais pu me défendre, je les aurais grillé aussi, ce ne sont que des petits bipèdes... Dis-je avec une pointe de tristesse, peut-être inconscient de la réalité de ces terres. Et après tout, je connaissais Cora donc si je la contactais, elle pourrait m'aider.
J’étais furieuse, autant contre moi que contre lui. Comment avais-je pus me montrer aussi négligente ? J’aurais dû vérifier que personne ne me suivait ! J’aurais dû m’en aller par téléportation, c’était plus simple, moins dangereux et au moins il ne m’aurait pas suivi. Les cris des derniers soldats du roi Stéphane s’étouffant dans les flammes signe qu’ils étaient morts, j’hurlais ma colère sur Krokmou. Même sous ma forme humaine, je savais qu’il m’écouterait et me respecterait. Au vu de l’extérieur, par contre cette situation pouvait être interprété avec un sourire, après tout Krokmou faisait actuellement cinq fois ma taille, si ce n’est plus. Sa voix teintée d’une profonde tristesse et incompréhension s’éleva dans mon esprit et je serais les dents. Il était si innocent. Passant une main sur mes cornes, je tentais de me calmer :
« Et les flèches ? Tu aurais fait quoi contre ça ? Elles sont empoisonnées ses flèches ! Par tous les diables tu es vraiment inconscient ! Je croyais que j’avais été clair ces terres ne sont pas faites pour toi ! »
M’approchant de lui je levai ma main vers lui avec tendresse malgré mon regard toujours furibond. Laissant échapper un soupir je lâchais :
« Ce n’est pas pour rien que je t’ai fait partir de ses terres avant ta naissance. Je ne fais pas ça uniquement pour t’attrister… »
Regardant autour de nous j’éteignais les flammes en les faisant revenir vers moi. Nous ne pouvions pas rester là. Cette division ne devait pas être la seule dans les environs, je ne pouvais pas me permettre de tuer tous les soldats de Stéphane surtout avec Krokmou dans mes jupons.
« On doit s’en aller, mais toi tu ne peux pas garder cette forme tu es beaucoup trop repérable et c’est pas le moment pour nous de repartir à Beurk. »
Sur ses mots je lui donnais son apparence humaine, et me rapprocha de lui pour lui présenter mon bras pour l’aider à marcher :
« Je suis désolée Krokmou, mais on n’a pas tellement le choix, prend appui sur moi, je t’aiderais à marcher »
Changeant dans un même temps mon apparence, j’étais prête à faire ce bout de chemin avec lui ainsi si nous croisions d’autres soldat ses derniers penseraient juste que j’étais une mère qui se baladait avec son fils.
« A moins que tu préfères que je nous téléporte jusque chez moi, mais je te préviens tu risques d’avoir l’estomac retourné. »
Cela faisait un petit moment que je ne m'étais pas senti aussi vite désemparé. A Beurk, il n’y avait pas grand-chose en dessus de nous dans la chaîne alimentaire. Peut-être les humains, mais leur nombre était minime, ce qui rendait la plupart de l’île sauvage, pour notre plus grand plaisir. Cependant je compris rapidement que dans ce royaume, les choses étaient différentes. Bien trop rapidement à mon goût je fus entouré par ces petits bipèdes qui se trouvaient être menaçant avec ces armes. Mais avant que je ne puisse commencer à montrer les crocs, une chaleur incroyable surgit derrière mon dos pour venir se déferler sur les humains qui s’étaient agglomérés vers moi. Je n’eus pas besoin de me retourner pour savoir qui se trouvait derrière moi. Il n’y avait qu’elle qui pouvait être assez puissante pour créer un tel fléau en une seule bouchée : Maléfique. Sur le moment, je ne sus pas si je devais avoir peur. Jamais je n’avais vu son réel pouvoir et maintenant que c’était chose faite, je pouvais remarquer la force de celle que je prenais pour ma mère. Je réalisais tout à coup la chance qu’elle se trouve là, dans mon dos, pour me protéger de ces assaillants aux mauvaises intentions.
Puis lorsque le dernier cri du bipède le plus résistant s’éteignit, je pus sentir sa colère, et encore plus l’entendre. Malgré tout, je tentais de me défendre, mais au fond de moi, je savais qu’elle avait raison, que mon idée avait été stupide et que j’avais failli être tué… ou pire même. Je baissais machinalement la tête, regardant le sol car je ne savais pas quoi lui répondre. Ses paroles résonnèrent cette fois avec plus de teintes dans mon esprit et je comprenais mieux ce qu’elle voulait dire quand elle parlait de danger, du moins, je le croyais, car je ne comprenais pas tous les enjeux de cette terre presque inconnue.
Je n’eus pas le temps de dire non que je me retrouvasse rapidement par terre avec une drôle de sensation. Comme si mon corps n’était pas le mien. Inutile de dire qu’après le sort que venait de lancer Maléfique, je tombais directement au sol, ne connaissant pas cette sensation de stabilité sur deux pattes. Mon regard se perdit et je pus voir deux longues choses qui dépassaient, de couleur peau humaine, poilues. Et pour la première fois je la vis d’en bas. -Mais qu’est-ce que… Lorsque ces mots sortirent de ma bouche, je m’arrêtais. Comment cela était-il possible ? Comment pouvais-je parler cette langue ? Pourquoi j’avais cette impression de ne pas avoir communiqué avec elle comme d’habitude par la pensée ? Trop de questions, trop d’information nouvelles. Je me sentais faible, vulnérable. Le sol me faisait mal. -Qu’est-ce que tu as fait ? Je… Je suis tout petit… Et c’est qu… Lorsque je voulus bouger une patte, cette cuisse trop humaine à mon goût se mit à bouger. Puis je me souvins de crochet, de ces pirates qui se baladaient sur son bateau. Elle m’avait donné forme humaine.
Ces mots revinrent mettre mes pensées en place, cependant lorsque je tentais de me relever, je m’effondrais comme un pauvre tas de crottes au sol. Rien n’était pareil dans ce corps. Je n’aimais pas cette apparence. Un gémissement de douleur sortit de mon museau. -Comment est-ce qu’ils font pour se relever ? Comment est-ce que tu fais pour te déplacer sous cette forme ? C’est… C’est horrible ! Minaudais-je avant que je me souvienne comment faisait Harold pour me retrouver à quatre pattes, sur le sol. Je savais qu’il manquait une étape, mais cette position me semblait tellement plus naturelle, avant que je remarque que Maléfique était sur ses deux pieds, et non à quatre pattes. Je pris alors appui et me relevais, chancelant comme une feuille au vent, me sentant à la fois grand et terriblement petit. Je pris naturellement appui sur elle, étant plus grand qu’elle et remarquais qu’elle était vêtue d’une cape et moi de rien. Tout à coup, le vent souffla et je me mis à claquer des dents. -Je crois que je préfère encore marcher… Dis-je avant de la suivre dans la forêt. Les premiers pas furent difficiles, c’était comme réapprendre à marcher. Puis la machine était lancée, mais je ressemblais toujours à un canard qui tentais de marcher avec un balai dans le cul. -Comment est-ce que tu peux aimer cette forme ? C’est… Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase qu’une voix masculine retentit dernière nous. -Halte ! Qui va là ?
Telle une mère envers son fis je sermonnais Krokmou. J’avais eu une peur bleue et je détestais cela. Il n’avait pas à être là. Ce n’était pourtant pas compliqué de rester à Beurk avec son humain ! Plus mes mots s’échappaient de mes lèvres et plus je voyais qu’ils faisaient leur bout de chemin dans la tête de mon fils adoptif. Il était impossible. Comment pouvait-il croire que les humains étaient tous bienveillant ? Songeais-je complètement agacée avant de faire la seule chose que je pouvais faire en l’état actuelle des choses. Lui donnant une forme humaine, je l’aidais à se relever en m’excusant de devoir faire ça. Il était un magnifique jeune homme, il n’avait pas à se plaindre pourtant il était choqué. Bon ça je devais admettre que c’était assez normal de géant des airs il passait à bipède donc en effet c’était un changement assez radical.
« Je t’ai donné l’apparence d’un humain. Ces gardes n’étaient certainement pas les seuls et leurs cris en attireront d’autres tu ne pouvais pas rester sous ta forme de dragon, tout comme moi, tu comprends ? »
Il tenta de marcher et tomba misérablement au sol. Le rejoignant je prenais son visage entre mes mains pour le rassurer. J’en oubliais même mon rôle de méchante mère en colère pour passer à celle qui l’aimait plus que ce qu’elle n’oserait jamais l’avouer.
« Mon chéri calme toi. Je sais que ce n’est pas simple comme changement, mais tu vas y arriver d’accord. Prend mes mains je vais t’aider. »
Déclarais-je en me levant tout en tendant mes mains face à lui pour l’aider à se relever
« Laisse-moi t’aider mais si les bipèdes y arrivent toi aussi tu y arriveras ! »
Je l’encourageais ainsi quelques minutes avant qu’il ne prenne complètement confiance au bout qu’une centaine de pas et je lui souriais comme a mère fière que j’étais en cet instant. Certes il marchait encore bien étrangement mais j’étais fière de ses progrès quand même.
« J’ai toujours eu cette forme mon chéri, avant j’avais seulement des ailes pour voler et un corps d’humaine. J’ai eu beaucoup de mal à me faire à l’idée de marcher par moi-même sans mes ailes mais ça s’est fait et j’ai appris à devenir un dragon et j’ai retrouvé les sensations que j’avais en volant. »
Expliquais-je avec tendresse, c’était la première fois que je racontais mon histoire de vive voix. Il était le seul à qui je pouvais le dire. Le seul en qui j’avais assez confiance pour le dire. Une voix s’éleva derrière nous et je me redressais en le gardant bien tenu par le bras
« Tu me laisses faire ok ? »
Demandais-je en un murmure avant de me retourner en souriant avec un air innocent :
« Messieurs bonsoir, nous traversions seulement la forêt pour rejoindre le village mon fils et moi. Y a-t’il un problème ? »
Leur souriant, je me préparais à les tuer s’ils montraient un peu trop de résistance mais pour le coup je préférais éviter d’en tuer trois autres. Ca ferait trop de mort en direction de mon château.
Lors de toutes vies, il y avait ce genre de moment que l’on préférait oublier, ou tout simplement ne pas vivre. Cet instant qui créait une gêne inexplicable en nous à cause d’un petit détail… Ou clairement d’une montagne qu’il n’était pas possible de louper. Lors que Maléfique me donna une forme humaine, ce fut ce que je ressentis. J’avais tout perdu, je n’étais plus rien si ce n’était qu’un vulgaire bipède à la peau fragile et à l’anatomie… troublante. Tout à coup, une sensation de froid m’envahit et le vent se faisait agressif. Comment pouvaient-ils supporter cela ? Puis mon regard retomba sur elle, qui m’avait infligé ce sort. Elle qui pourtant m’aimait, qui m’appelait son fils. Pourquoi m’avait-elle alors transformé en cette apparence si inoffensive ? Naturellement, des mots sortirent de ma bouche, me scotchant moi-même car je n’avais pas l’habitude de ce son, de cette voix. Ses explications me semblaient pour le moins cohérentes, mais pour le moment, la seule chose qui me rassurait était le fait d’être à ses côtés. -Mais je n’en veux pas de ce corps… je suis petit… misérable et… Regarde ça ! Comment-veux-tu que je fasse pour me défendre ? Lui demandais-je en lui montrant mes anciennes griffes qui étaient actuellement des doigts mous. Désespéré, je luttais contre ma propre personne pour tenter de me lever et de faire ce que tous les humains faisaient : marcher. Mais cela ne fonctionna pas si simplement que ça en avait l’air. Pour ne pas dire pas du tout.
Je me retrouvais rapidement par terre, rejoins par Maléfique qui prit mon visage entre ses mains. Sa voix était presque encore plus ensorcelante sous cette forme. J’avalais alors ma salive difficilement et pris mes forces à deux mains, encouragé par celle qui était ma mère et attrapa ses pattes pour m’aider à me mettre sur mes deux pieds. -Oui, tu as raison… Mais qu’est-ce que c’est… désagréable ! Me plaignais-je alors que je pris appui sur elle pour commencer à marcher, essayant de l’imiter au mieux. Je fus cependant content car elle me parla un peu plus d’elle, chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Mes oreilles, presque inutiles tellement elles étaient faibles, écoutaient attentivement chacun de ses mots. Et les premières questions vinrent se positionner dans ma tête alors qu’elle venait de terminer son récit qu’elle avait partagé sur le ton de la confession. Mais je fus interrompu par une voix humaine qui nous arrêta nette dans notre élan. J’hochais légèrement le visage, de toute façon, qu’aurais-je bien pu faire dans ce corps ? Lorsqu’elle prit parole, les bipèdes semblèrent comme ensorcelés par sa voix avant que l’un d’eux ne s’avance dans sa direction d’un pas plus sûr.
-Une partie de nos troupes se sont faits décimés comme par magie à peine deux-cents mètres d’où vous venez ! N’auriez-vous rien vu de suspect ? Demanda-t-il alors qu’il commença à me reluquer avec ce genre de regard suspect que je n’aimais point, puis Maléfique de la même façon. Je priais intérieurement pour qu’il parte et nous laisse tranquille, mais ce dernier sembla s’accrocher au visage de ma mère. -Ne se connaitrait-on pas ? Votre visage m’est… famillier !
« Je ne laisserais personne te faire de mal et si le besoin se faisait sentir je te rendrais ton apparence, mais pour l’instant tu ne peux pas te balader ainsi »
Lui souriant je posais mes mains sur ses ongles qui avaient remplacé ses griffes. Il devait comprendre que ce n’était pas une punition. Ce monde n’était pas adapté pour lui. Ce n’était pas pour rien qu’il n’avait jamais eu le droit de vivre avec moi. Je tentais de le protéger de l’unique manière que je connaissais. Je voyais bien qu’il ne comprenait pas. Je l’aidais à se mettre en marche avec une patience que je ne me connaissais pas. Dès que j’eus relâcher ma garde il tombait et je finissais à terre pour le rassurer. Il devait y arriver, sinon je nous téléporterais dans mon château. Malheureusement, j’étais quasiment persuadée que si je faisais cela je n’avais pas fini de l’entendre râler.
« Je sais mais tu vas y arriver et dès qu’on sera en sécurité je te rendrais ta vraie apparence, d’accord ? »
Pour sûr il allait tout casser dans mon château mais qu’importe. S’il fallait faire cette concession pour qu’il arrive à avancer alors je la ferais. Sans m’en rendre compte, je lui racontais une slave de mon histoire, quand il me demanda comment je faisais pour supporter mon état de bipède. Je voyais dans ses grands yeux bleus qu’il buvait mes paroles. Ce qui annonçait d’ores et déjà une slave de question. Il se releva et nous reprîmes notre chemin avant que des voix me parviennent. Retenant un grognement, je le priais de bien vouloir me laisser parler avant de prendre les devants. Souriant aux soldats, je demandais s’il y avait le moindre problème alors que je savais pertinemment ce qui n’allait pas. Ils étaient là pour les corps carbonisés que j’avais laissé, en entendant leur explication je posais une main sur ma bouche faussement horrifiée :
« Oh mon dieu vous m’envoyez désolée ! Comment avons-nous fait pour ne rien entendre ? On était au bord du lac toute l’après-midi, c’était très calme, ... »
Prenant le bras de mon fils de cœur pour m’assurer qu’il tienne bien sur ses jambes, je conservais mon sourire avant de me mordre avec innocence la lèvre quand un des soldats me demanda si on se connaissait. Visiblement il connaissait mon visage, ou bien était-ce qu’une pirouette pour tenter une approche avec moi :
« Je suis navrée, mais votre visage ne me dit rien… Vous m’avez sans doute croisé dans le village lorsque vous patrouillez avec vos hommes pour assurer notre sécurité »
Je papillonnais des yeux en sa présence en m’arrêtant pas de lui sourire. Je les amadouais. Je savais que j’étais une femme désirable, et je jouais là-dessus.
« Mais la prochaine fois que vous me voyez venez donc me saluer ainsi nous pourrons faire plus ample connaissance. »
Leur souriant je passais mon bras derrière le dos de Krokmou et faisais naitre plus au loin le son d’aboiement de chien et de cris de soldats. Tant de chose que j’avais déjà entendu plus d’une fois. Faisant semblant de sursauter, je demandais :
« Mon dieu, nous devrions nous dépêcher, la forêt semble de moins en moins sure »
Les soldats me sommèrent d’être prudente et nous saluèrent avant de partir au pas de course vers le bruit. Dès qu’ils furent assez loin je nous téléportais dans mon château. Tenant Krokmou pour éviter qu’il s’effondre sur mon carrelage noir je demandais :
Tout allait très vite, bien trop vite pour moi qui n’avait pas l’habitude à tant de changements en si peu de temps. Me voilà devenu une petite chose fragile et maladroite comme pas deux alors qu’il fallait fuir un endroit pour rejoindre un autre endroit que je ne connaissais pas. Autant dire que mes pattes ne tinrent pas et que la découverte forcée de ce nouveau corps était des plus déplaisantes. Cette sensation de froid était horrible, tout comme cette peau ne supportant aucun contact. La moindre petite pierre créait une douleur folle lorsque je marchais dessus, et je ne parle pas de ma tombée au sol. Heureusement pour moi, Maléfique était là et n’allait pas m’abandonner. Elle endossait son rôle de mère comme je ne l’avais jamais vu auparavant, ce qui me fit chaud au cœur et qui me donna le courage et l’envie de continuer, de ne pas abandonner et la décevoir encore plus. - Oui, je te fais confiance maman. Susurrais-je alors que j’utilisais l’aide de la sorcière pour prendre appui et me relever. Lorsque nous marchâmes, je fus surpris de la façon dont elle s’ouvrit à moi, me parlant d’elle comme elle ne l’avait jamais fait auparavant. Je buvais ses paroles comme de l’eau fraiche des montagnes de Beurk, mais maintenant qu’elle m’avait donné ce petit bout de sa vie en confidence, j’avais des milliers de questions qui apparaissaient dans mon esprit. Il nous restait cependant assez de temps d’après ces dires avant que l’on atteigne son château, ce qui me laissera assez de temps pour la questionner.
Mes espoirs furent cependant coupé par une bande d’humains qui nous interpellèrent d’une voix autoritaire. J’aurais payé cher pour pouvoir leur donner la peur de leur vie en me retransformant dans ma vraie forme, cependant cela ne pouvait pas se passer. Mon dos s’arqua alors qu’ils commencèrent à se montrer plus douteux envers nous, reflexe gardé de mon apparence dragon dont je ne me détachait pas encore. La main de Maléfique sur moi me contenait, me calmait alors que je n’avais qu’une envie : leur sauter dessus pour leur montrer à qui ils avaient affaire. Ce désir pouvait se lire dans mon regard qui devait être glaçant, revolver. Par chance, celle que je prenais pour ma mère semblait, elle, calme et posée, jouant la comédie comme je n’avais jamais vu personne la jouer auparavant, même Harold. Cela sembla fonctionner et d’autres bruits attirèrent l’attention des petits amuse-bouches bipèdes qui nous laissèrent alors seuls. Je soupirais, ne les lâchant pas du regard, grognant en serrant les canines. Je mis trop de temps à comprendre ce qu’il s’était passé et en moins de temps qu’il en fallait pour avaler un mouton, je me retrouvais à quatre pattes, par terre, sur un sol de pierre d’une froideur glaçante à ressortir tout ce qui se trouvait dans mes tripes de la façon la moins charmante possible, maculant le parterre de ma bile.
Une fois ces désagréables spasmes terminés, je repris un peu de contenance sans m’essuyer le museau, sentant que Maléfique était sur moi, tentant de m’aider. - C’était quoi ça ? Lui demandais-je alors que je regardais la salle dans laquelle nous étions arrivés avec de grands yeux, les genoux toujours dans mon vomi. On est où ? Dans un rêve ?
Le fait qu’il m’appelle maman haut et fort, fit tambouriner mon cœur un peu plus fort dans ma poitrine. Caressant son visage comme une mère aurait pu le faire avec son fils, je me contentais d’y sourire avant de me débarrasser des soldats de Stéphane sans pour autant faire couler le sang. C’était beaucoup trop risquer de faire cela en direction de mon château. Ça faisait des années que j’étais parvenue à le dissimuler aux yeux du roi. Je ne voulais pas que cela change. Une fois que les soldats furent partis je nous téléportais à l’intérieur de ma demeure en un revirement de la main.
Tenant toujours le bras de mon fils adoptif, je le soutenais en m’inquiétant de son état. Naturellement il était en colère et désorienté par la situation. Face à sa question, je lui souriais en lui lâchant légèrement le bras pour qu’il puisse se mouvoir comme il le voulait. :
« Je nous ai téléporté chez moi, la forêt commençait à devenir trop dangereuse pour nous. Stéphane a envoyé beaucoup de soldat aujourd’hui, et le buché que j’ai fait tout à l’heure ne va pas arranger la situation. »
Marquant une pause, je m’humectais les lèvres avant de demander :
« Je suis désolée de t’imposer tous ses changements, mon chéri, mais crois-moi c’est nécessaire... »
Consciente qu’il m’avait également demandé où nous étions, je poursuivais en faisant un geste circulaire de la main :
« On est chez moi. Tout ceci est réelle, je te le jure. Ici tu es en sécurité, mais tu vas devoir rester un peu plus longtemps que prévu, pour l’instant on ne peut plus sortir tant que les soldats n’auront pas trouvé un autre os à ronger. Est-ce que tu comprends ? »
Avec Krokmou, j’étais différente. J’étais prévenante. J’étais patiente. J’avais le comportement que Morgane avait été dans le passé. Il me rendait plus humaine. Il avait réveillé la personne aimante et sensible que j’avais été dans le passé. Il était ma plus grande faiblesse et c’était certainement pour cela que je passais mon temps à le repousser malgré l’amour que je ressentais pour lui. Si Stéphane entendait parler de lui, il n’hésiterait pas à le faire chasser et tuer uniquement pour me faire souffrir.
« Ça nous donnera l’occasion d’être ensemble encore un petit moment... »
Je savais que cela signifiait aussi que mon fil adoptif allait en profiter pour me questionner sur tout ce que je lui cachais. Étrangement, répondre à cela ne me gênait pas, il était assez grand pour comprendre.