Tout se mit à tourner, à se déformer, puis la sensation de vide. C’était comme si tout à coup, comme par magie, je m’étais mis à voler, ou tomber. Sauf que je pouvais toujours sentir la main de Maléfique serrer le haut de la patte avant droite (le bras). Cette chaleur me réconfortait et me faisait me sentir en sécurité. Ce fut lorsque mes deux pattes d’humain foulèrent à nouveau le sol que je compris que ma mère adoptive avait usé de sa magie pour nous emporter au loin, quelque part de plus sûr que la forêt. Je n’eux pas le temps de faire grand-chose que tout mon corps fut pris de spasme venant tout droit de mon estomac. Je connaissais cette sensation, et ça n’annonçait rien de plaisant, surtout que je venais de découvrir ce corps qui n’était pas le mien et que j’espérais quitter au plus vite. Ni une, ni deux, tout ce qui se trouvait dans mon ventre se retrouva sur le sol. Et moi à quatre pattes parterre. La mixture à l’horrible odeur disparut presque aussi rapidement qu’elle fut arrivée, certainement balayée par la magie de Maléfique qui m’aida à me relever avant de l’écouter parler.
- Mais ce n’était pas comme ça avant… Et c’est qui ce Stéphane ? Demandais-je tout innocemment
Mes yeux commencèrent à se promener pour observer ce nouvel environnement qui m’entourait, très différent de celui que nous avions quitté quelques minutes auparavant. Tout était très ordré, comme chez Cora. La similitude me frappa malgré les grandes différences entre les deux tanières.
- Oui… Et non… Pourquoi ces soldats te recherchent ? Est-ce qu’ils sont méchants ? Si tu dois te cacher.
Les questions tombaient à flot dans mon esprit alors que je découvrais ce nouveau monde. Et Dieu savait que je n’en découvrais qu’une infime partie. Bien sûr, notre voyage chez Cora, avec Harold, avait fait que je connaissais ce qui m’entourait, mais le reste était nouveau, les gens n’étaient pas les mêmes.

Un immense sourire se dessina sur mon visage lorsqu’elle dit que nous allions pouvoir passer un peu de temps ensemble. Jamais dans mes souvenirs je n’avais entendu ces mots et ils me faisaient le plus grand bien. Je me sentais en sécurité, malgré ce que j’appris à propos de ce fameux Stéphane.
- Oui, s’il te plait Lui répondit-il avant de regarder les étagères remplies de différentes herbes pour potions et concoctions. A quoi ça sert tout ça ? Demanda-t-il avant de s’asseoir par terre, à côté de la chaise, ne tiltant pas qu’il pouvait maintenant s’asseoir dessus car il avait forme humaine.
- - Pourquoi tu ne viens pas vivre à Beurk ? Au moins tu seras à l’abri… Et avec moi… Demanda-t-il innocemment alors que Maléfique était en train de préparer les boissons.

Pour une femme prévoyante j’étais en train de perdre pieds et la cause de cette perte de contrôle c’était l’homme que je prenais pour mon fils. Krokmou, je m’étais toujours interdite de le prendre avec moi dans ce monde pour ne pas avoir à vivre cela. Face aux menaces des soldats de Stéphane j’avais peur. J’étais complètement pétrifié de peur à l’idée qu’il ne puisse lui arriver quelques choses. C’était pour cela que j’avais brulé les hommes qui avait voulu lui faire du mal. Je n’avais pas pensé aux conséquences, uniquement à ma colère. Alors je nous avais conduis chez moi, faisant subir à son corps humain un nouveau choc. Je m’en voulais pour cela aussi.

« Si mais je ne pouvais pas supporter l’idée que tu sois en danger plus longtemps. »

Décrétais-je, avant de regarder par la fenêtre du balcon devant lequel nous nous tenions :

« Stéphane est un homme que j’ai aimé autrefois, mais il m’a trahi pour accéder au pouvoir. Il m’a retiré ce que j’avais de plus chère, alors je m’en suis prise à ce qu’il avait de plus précieux et depuis nous n’avons de cesse de nous quereller »

Expliquais-je brièvement en contractant mes omoplates comme pour me souvenir que désormais je n’avais plus mes ailes. Il avait amputé une demi-déesse et il en paierait le prix jusqu’à ce que je décrète que son heure était venue et une fois que cela sera arrivé je laisserai ma mère se charger de son repos éternel. La grande Nyx enverra son âme dans les tréfonds du chaos originel et la boucle sera bouclée.

« Stéphane est leur roi. Ils ont une mission me retrouver et me capturer. Cependant je ne me cache pas en temps normal, là c’est parce-que je ne veux pas qu’il puisse t’arriver le moindre mal. »

Pour une fois j’étais patiente et je me montrais conciliante. Il défiait toutes mes règles mais si je voulais le garder au chaud dans mon château je me devais d’être ainsi. D’un geste de main je rajoutais des pièges aux alentours de ma demeure avant de me retourner vers lui pour lui proposer de quoi se désaltérer. Ce dernier accepta et je faisais donc apparaitre de la bière de Beurk avant de me servir un verre de vin rouge. Revenant vers lui je regardais les bocaux qu’il me montrait avant de grimacer :

« Non »

Mon ton avait été plus sec que ce que j’aurais voulu aussi je lui tendais son verre avant d’ajouter sur un ton plus doux :

« Excuse moi je ne voulais pas être aussi sèche. Mais tu dois comprendre que ma place n’est pas à Beurk, elle est ici. J’ai une mission à accomplir »

Inspirant profondément je me tournais vers les bocaux :

« Ça se sont des ingrédients pour faire des potions, si tu veux c’est comme quand Harlold fait la cuisine il a besoin d’ingrédient, moi c’est pareil, sauf que ce que je prépare est magique »

Lui souriant avec tendresse, je m’asseyais à terre en face de lui et posais ma main sur son genou :

« Pourquoi est-ce que tu veux à tout prix que je vienne avec toi dans cette contrée ? Tu n’y es pas bien ? »

Je ne comptais pas le nombre de fois où j’avais tenté de faire rester Maléfique à Beurk avec moi. Malgré le fait qu’il y ait d’autres dragons, je sentais ce manque en moi. Le manque d’affection – car même si Harold s’occupait bien de moi et me donnait tout ce qu’il pouvait, il ne restait qu’un humain. Le manque d’une figure maternelle qui n’était présente que trop sporadiquement, lorsqu’elle avait le temps ou que la situation la faisait venir dans les parages. Je n’avais aucun mal à comprendre qu’elle veuille me mettre en sécurité, n’était-ce pas ce que toutes mères faisaient avec leurs enfants ? Mais sa façon de faire avait été quelque peu brutale pour ma nouvelle enveloppe corporelle que je maudissait déjà. Trop petite, trop faible… trop différente… Rien n’allait ! Puis, je m’étais essayé à une question sur cet homme qu’elle mentionnait comme un Roi. Je découvris avec une soudaine admiration l’histoire dont elle voulut bien me faire part. C’était comme si elle m’offrait quelque chose auquel je n’avais jamais eu le droit, une partie de sa vie.

Ce fut là également que je compris à quel point je la mettais dans une situation délicate. Me garder en sûreté était déjà une sacrée épine dans la voute de son pied, alors je ne me posais même pas la question de ce que cela pouvait être si elle m’avait gardé sous ma forme originelle. Je voulus lui demander pourquoi, ce qu’il s’était passé, mais au vu de comment Maléfique avait parlé, je m’abstenais de remuer la griffe dans la plaie. Cependant, lorsque je lui avais demandé si elle ne voulait pas me rejoindre à Beurk, elle eut une réponse sèche qui me fit sursauter. Je la regardais comme si elle allait m’attaquer ou m’engueuler, mais la seule chose qu’elle fit, c’était me tendre un verre avec un liquide couleur jaune-pisse tout en s’excusant. Mon premier réflexe fut d’aller renifler cette eau bizarre que je reconnus rapidement : c’était la boisson que les humains buvaient à Beurk avant d’agir étrangement.
- Mais à Beurk, il n’y a pas de danger… Les humains sont gentils avec nous maintenant, et en plus, y a du poisson à profusion ! Et… Commençais-je avant de la regarder avec des grands yeux de chien battu. … je serai là, avec toi, comme une famille…
Le verre entre les mains, je la regardais avant de tremper le bout de ma langue dans le récipient et de commencer à boire – comme un dragon (un chien). Dès le premier contact, je grimaçait sous l'amertume de l'eau et crachais le peu que j'avais pu prendre en bouche.
- Pffouah, pfouah... minaudais-je alors que j'essayais de chasser ce goût de ma gueule. Comment est-ce qu'on peut boire ça ? Demandais-je, toujours la même grimace sur mon visage.

Lorsqu’elle me demanda pourquoi je voulais absolument qu’elle vienne avec moi à Beurk, je ne sus pas quoi répondre tout de suite. Il y avait tellement de choses, de réponses possibles. Je me laissais alors tomber par terre, renversant un peu de liquide sur mon corps et la regardais avec le même regard.
- J’aime Harold plus que tout… Mais il reste un humain, avec un famille… Et toi tu es ma maman. J’aimerais voler avec toi, pêcher le poisson avec toi… Faire tout ça et être heureux. En plus, je pourrais te présenter mes copains… Et Harold aussi. Tu n'as pas envie de ça ?

Mon dragounet avait une idée persistante depuis des années que je vienne à Beurk avec lui. Que je vive avec lui comme une mère pouvait le faire avec son fils. Je devais l’avouer plusieurs fois j’avais songé à accepter. Une vie loin de cette haine qui régnait dans ce royaume, loin de Stéphane et loin de sa progéniture, cela aurait été une bénédiction. Seulement, je savais ce qu’il se passait lorsque je rêvais de m’épanouir en tant que mère. Les arguments qu’il avançait se tenait mais il ne savait pas tout. Je n’avais pas le droit d’être heureuse, je n’appartenais à aucune espèce, ni humaine, ni dragonne, ni sorcière, ni déesse, je n’étais que moi, une erreur de la nature. En voyant la tête de Krokmou quand il gouta sa boisson je riais de bon cœur. Ça aussi ça faisait bien longtemps que je n’avais pas rie ainsi :

« Je t’avoue que je ne sais pas comment ils font pour boire cela moi aussi. »

Prenant son verre de bière, je faisais apparaitre un verre de raison à la place du précédent.

« Goute cela je pense que tu préfèreras »

Proposais-je avec un sourire patient et aimant. Oui avec lui j’étais différente. Il faisait renaitre le meilleur en moi, il me permettait d’être tout ce que j’avais renoncé. Comme une mère, je me souciais du bien-être du dragon.

« Ça serait merveilleux Krokmou, vraiment »

Marquant une pause, je fermais les yeux et m’humectais les lèvres avant de poursuivre :

« Mais c’est impossible, si je viens avec toi, tu seras blessé ou pire tu seras tué. C’était ainsi à Camelot, c’est pareil dans la forêt enchantée alors pourquoi ça serait pareil à Beurk ? »

Demandais-je sans attendre une réponse de sa part, aussi je m’expliquais :

« La grande différence que tu ne perçois pas mon chéri c’est que tu es un vrai dragon, Harold un vrai humain, moi je ne suis rien. Je ne suis ni humaine, ni sorcière, ni dragonne, ni fée, ni déesse, rien. Les personnes qui s’en rendent compte ne comprennent pas et comme tout ignare ils ont peur et donc me chassent ou s’en prenne à mes faiblesses. Tu es une de mes faiblesses. Je sais ce qu’ils font à mes enfants. Je ne peux pas venir avec toi sans te mettre en danger. Regarde il y a moins d’une heure tu aurais pu mourir à cause de moi. Je sais que tu aimerais plus, mais je ne peux pas, je ne mettrais pas ta vie en danger, tu as encore tant à vivre. »