Le mot "chamboulé" n'était pas assez fort pour définir son état. En un temps-record, il s'était réveillé en Enfer, retrouver sur le banc des accusés où son premier protéger lui avait déversé tout le "bien" qu'il pensait de lui, avait su reprendre son apparence de dragon, avait découvert que Rozen pouvait se transformer en lièvre géant, il avait été blessé et lui avait avoué ces sentiments, puis après tout ce joyeux bordel, ils étaient rentré à Storybrooke, ignorant que seule une partie d'entre eux était rentrer. C'était trop à encaisser, trop d'un coup. Même le soulagement de retrouver le salon de thé n'avait duré que jusqu'au lendemain.

Après toutes ces aventures, l'Asiatique aurait cru qu'il sombrerait dans le sommeil immédiatement après que sa tête se soit posé sur son oreiller. Mais non. Son corps était fatigué et, s'il avait été doué de parole, il aurait certainement hurlé son envie de repos. Le problème, c'est que son cerveau n'était pas du tout coopératif. Mushu essaya de respirer calmement, il essaya toutes les techniques qu'il connaissait pour se relaxer. Rien ne fonctionna. Pire, il avait l'impression de tourner en boucle le même problème : Et, maintenant, qu'allait-il faire ? Cette question ne remettait aucunement en doute sa déclaration ni ces sentiments envers Rozen. Elle concernait uniquement l'après. L'ex-dragon ne pouvait pas ignorer ce qui avait été soulever devant ce procès, aussi ridicule cette mise en scène avait été. Durant son plaidoyer, il avait été d'une honnêteté dont il n'avait jamais fait preuve avant, et, même ainsi, il s'était révélé incapable d’apaiser l'âme de son protéger. Si ça le blessait autant, c'est parce que non seulement, cela soulevait tous ses autres erreurs entre gardiens, mais, surtout, le détail que l'intéresser ignorait, qu'il n'avait jamais dit, c'est que son premier protégé était son petit frère. Parce qu'avant d'être un dragon, Mushu avait été un Fa.

Donc, si on récapitulait, il avait échoué en tant que frère, en tant que gardien... Ne risquait-il pas d'être un petit ami lamentable également ? Déjà, il était rouillé dans ce domaine. Sa période humaine remontait à si loin ! Et déjà à cette époque-là, il ne s'était jamais soucié, n'avait jamais vécu une relation durable. Des conquêtes, oui, du relationnel, non. Tout semblait contre lui. Mushu se souvenait bien des mots murmurés par Rozen : ça va prendre encore plus d'ampleur. Rien que cette phrase lui fit ouvrir les yeux de panique. Soudainement, le lendemain fut source d'horreur. Il passa mentalement au crible chaque geste qui familier du petit déjeuner. Qu'est-ce qu'il devait faire ? Agir comme avant ? Faire plus ? Mais quoi ?

Par le Grand ancêtre, il était au bord de la crise de panique juste à cause d'un petit déjeuner ?! Il avait besoin de se vider la tête et Mushu ne connaissait qu'une manière pour y arriver. Rallumant la lumière, il se saisit de son carnet de croquis et d'un crayon. Le temps fila sous ces coups nerveux, ces déchirements de feuilles et ces tentatives de broderies. Avait-il seulement dormi alors que les jours se succédaient ? Il serait incapable de le dire. L'ancien tailleur était concentré à ce nouveau défi. Un mélange de style, essayer de trouver l'harmonie entre la rigueur de la coupe des robes de son pays et l'aspect décomplexé du Pays des Merveilles. La couture était son seul talent qui n'avait pas été remis en doute durant leur expédition infernale. S'il arrivait à marier ces styles qui semblaient contradictoires et en faire une robe pour Rozen, alors que peut-être il réussirait autre chose ? Il voulait y croire.

Mushu s'endormait à moitié parmi ces centaines de croquis et fit réveiller en sursaut par le bruit de la porte qui s'ouvre. Si on avait frapper un coup préventif à la porte, il ne l'avait pas entendu. "Ah ! Rozy !" S'exclama-t-il entre joie et stress. "Tu tombes bien... Je... Je... Je voulais savoir..." Son regard se baissa sur toutes les tentatives qui recouvraient le sol ainsi que des bouts de tissus brodés à la main, juste des bouts pour tester les différents dessins possibles pour les motifs. "Quelle est ta couleur préférée ? Et ta deuxième ? Non, en fait, si tu avais une troisième, j'aimerais le savoir aussi ! Ou celle que tu détestes." Demanda-t-il en levant la tête vers Rozen, aussi sérieux que quelqu'un demandant le sens de la vie.

L'arrivée de Rozen était à la fois une bouffée d'air frais et une source de stress. Mushu avait espéré avoir plusieurs modèles à proposer, mais non, tout était au stade du croquis et des spéculations. Catastrophe ! Si seulement il savait quelles couleurs associées ! "Oui." Répondit-il par pur réflexe lorsque sa visiteuse lui demande si elle allait bien. "Non." Corrigea-t-il dans un relent de franchise. Malgré les bras chargés de Rozen, il fit en sorte de lui saisir les épaules. "Comment veux-tu que je te fasse une robe alors que je ne connais même pas tes couleurs préférées ?" S’inquiéta-t-il. Il leva les yeux avec une moue de réflexion. "Ce ne serait pas... Rouge... Blanc... Et noir ?" Hasarda-t-il en se souvenant des couleurs arborées lors de sa transformation en lièvre géant.

Avec un temps de retard, il prit conscience du plateau de thé et se dégagea afin de laisser de l'espace à Rozen. D'habitude, il aurait piqué une crise de la voir risquer de piétiner son travail, mais là, n'étant satisfait d'aucun de ces résultats, il ne se formalisait pas que ces tentatives soient malmenées par dû va et vient. Ce qui en disait long sur son état, mine de rien. Des possibilités d'association de couleur tournent en boucle dans son esprit alors qu'un silence pesant s'installe. Pendant ce temps, son regard restait rivé sur le fouillis du sol à la recherche de ce qui pourrait être récupéré, voir, montrer. Il devait bien y avoir quelque chose d'utilisable, de présentable... N'était-il pas le meilleur tailleur du pays de la soie ? Ou bien cette prétention aussi était un mensonge ?

Le contact de la main de Rozen lui fait reprendre contact avec la réalité, en même temps que de lever les yeux vers elle. "ça fait une semaine ?!!!" S'exclama-t-il entrent panique et horreur. Une semaine où il ne dormait pas ? Une semaine a laissé Rozen seul pour le salon de thé ? Niveau horreur et panique, il n'en était qu'au début puisque Rozen enchaîna. "Quoi ? Non ! Non, non, non." Répondit-il précipitamment. L'Asiatique lâcha la main pour saisir délicatement son amie par le menton et la forcer à relever la tête. "De tout ce qui nous est arrivé là-bas, c'est la seule chose sur laquelle je ne reviendrais pas. Pour rien au monde." Assura-t-il.

Mushu poussa un soupir fatigué et se fut à son tour de baisser la tête. "Je peux pas en dire autant sur tout." Il se reprend les mains de Rozen comme s'il voulait y piocher la force nécessaire. "Avant d'être un gardien, avant d'être un dragon, j'étais un membre de la famille Fa... Mon premier protégé, celui que tu as vu au procès, Zhen... C'était mon petit frère." Il garda furieusement la tête baissé, ne voulant pas voir la réaction de Rozen face à cette révélation nécessaire pour expliquer son trouble. "Je lui ai imposé ma vision de la réussite au lieu de l'écouter et il en est mort. Je n'ai même pas pu sauver son âme de cet horrible endroit !" Finalement, ce n'était pas une bonne idée de garder la tête baissée, il ne pouvait qu'imaginer le pire. Mushu regarda sa Rozy, le regard rempli de crainte. "J'ai échoué en tant que gardien, en tant que grand frère, en tant que dragon, parce que, oui, on en parle du fait que je sois un échec total en tant que dragon ou pas ? Rikiki, incapable de voler et avec une maîtrise des flammes plus que discutable ! Et, là, je ne sais même pas te faire une robe ! Et si..." Il déglutit avec difficulté. "Et si j'échouais en tant que petit ami aussi ?" Maintenant qu'il avait dit à voix haute le doute qui le rongeait, c'était comme si une digue venait de se briser. Il se leva d'un bond pour faire les cent pas. "Je veux dire... Je ne sais même pas tes couleurs préférées, tu te rends compte ! Je suis certain qu'il y a plein d'autres trucs que j'ignore et qu'un petit ami devrait savoir ! Comme... Euh... S'il faut s'embrasser au réveil sur la joue ou sur la bouche, ou... Est-ce qu'il faut se tenir tout le temps par la main ici ou bien est-ce qu'il faut un chaperon ? D'ailleurs, oui, en parlant de ça, est-ce qu'il nous faudra un chaperon ?" Autant de détail dont il ne s'était jamais soucié avant, mais il n'avait jamais fait attention aux autres avant.