Atlante, il faut qu'on parle !

Une semaine s’est à nouveau écoulée depuis le dernier entretien que j’ai eu avec mon aquaman de poche. Et comme la dernière fois, je n’ai toujours pas eu de nouvelles de sa part. Que ça peut être énervant ! Il faut toujours tout leur rappeler à ces employés, ça me fatigue.
Je n’ai pas que ça à penser surtout avec tous les préparatifs pour la soirée caritative qui me restent à faire. Et la date arrive à grands pas.

Au moment où je m’apprête à composer le numéro de ce cher M. Atlante sur mon téléphone, Andrina actionne l’interphone reliant nos deux bureaux.
« Mme Seablack ? Excusez-moi de vous déranger, Monsieur Atlante est dans mon bureau et souhaiterait s’entretenir avec vous. Puis-je le faire entrer ?
- Oui, Andrina. Justement je m’apprêtais à lui téléphoner, faites-le entrer, je l’attends. »

Il va s’éviter une bonne engueulade et peut-être plus en arrivant à ce moment précis. Je l’attends, bien calée dans mon fauteuil, les mains croisées sur le ventre. Je l’observe avançant hésitant avec encore des pancartes, des dossiers et autres papiers que je ne reconnais pas depuis ma place.

Il a l’air plus sûr de lui, toujours aussi terrifié dès qu’il lève la tête et qu’il me regarde, mais sa posture suggère une plus grande confiance en lui. Je vais m’amuser à détruire ses illusions et ses certitudes selon ce qu’il va me présenter.
Je n’aime pas le voir aussi confiant, je risquerais de perdre mon pouvoir de terreur sur lui et il risquerait de donner des idées à mes autres employés, je n’aime vraiment pas ça.

« Alors ? Je commençais à m’impatienter. J’avais peur que vous n’ayez oublié le petit travail que je vous avais demandé de faire pour moi. » commence-je sans autre préambule.

Autant qu’il sache que j’ai failli piqué une de mes colères légendaires. Et qu’il en aurait été responsable, oh oui, autant qu’il se rende compte qu’il est passé très près de la correctionnelle. Et je ne l’aurai pas épargné, ça c’est certain.

« Que m’avez-vous amené de beau cette fois-ci ? J’espère que vous avez avancé sur vos panneaux et sur les différentes activités que vous allez proposer à tous nos invités. Je vous rappelle qu’il faut bien les sensibiliser, les occuper et ne surtout pas les ennuyer ! » lui demandé-je toujours bien calée dans mon fauteuil.

Bien entendu, il est toujours debout, bien entendu, je ne lui ai pas encore donné l’autorisation de s’assoir sur la chaise de l’autre côté de mon bureau. Cette situation a tendance à mettre les gens mal à l’aise voire très mal à l’aise, je m’en délecte à chaque seconde qui passe.

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Atlante, il faut qu'on parle !

Voilà, une semaine de plus que je planche sur la soirée caritative. Et je pense que j’ai terminé de tout prévoir. J’ai noté des animations pour les enfants et les adultes, j’ai préparé des pancartes avec des messages assez forts pour montrer aux visiteurs que les créatures marines sont en dangers, j’ai également préparé un plan de l’aquarium pour montrer le trajet que vont prendre les futurs donateurs, ainsi que les différents emplacements des animations. Je pense que je suis fin prêt à affronter madame Seablack.

Je prends toutes mes petites affaires ainsi que mon courage et je me dirige en direction du bureau de ma patronne. Je n’ai pas attendu qu’elle m’appelle cette fois-ci. J’espère qu’elle ne prendra pas mal le fait que je sois venu sans l’avertir auparavant. Nous verrons bien… Une fois arrivé devant son bureau je demande à sa secrétaire si elle peut informer notre patronne que je suis là et que j’aimerais qu’elle me reçoive… J’apprends qu’elle allait justement m’appeler. Ouf…

J’entre donc dans son bureau, elle est assise à son bureau et l’air de la pièce a l’air glacial. Je suis hésitant mais je sais que j’ai préparé un beau projet. Je pose mes pancartes, profitant de cela pour tourner le dos à madame Seablack. Je n’aime pas la regarder, elle me terrifie. Je déglutis lorsqu’elle me dit qu’elle commençait à s’impatienter… Mais c’est pourtant elle qui m’a dit qu’on se revoyait dans une semaine. Je n’aime pas venir la voir donc c’est sûr que je n’allais pas venir avant le délai qu’elle m’a donné.

- Bonjour Madame Seablack. Je n’avais pas oublié le travail que vous m’avez donné. J’ai justement beaucoup travaillé dessus pour vous montrer le projet terminé à la fin du délai que vous m’aviez donné.

Gloups… C’est dur de s’affirmer devant elle et de parler sans bégayer. C’est dingue quand même. A chaque fois que je suis face à elle j’ai envie de devenir aussi petit qu’une mouche pour disparaitre alors que je ne suis pas comme cela en temps normal. Je ne comprends vraiment pas mais je ne cherche pas non plus à comprendre ce qui m’arrive. J’aime trop mes animaux pour changer…

Elle finit par me demander ce que j’ai préparé. Je lui montre donc les différents panneaux en expliquant toutes les activités que j’ai prévu, où je vais placer les différents panneaux chocs, et les panneaux explicatifs. J’explique tout cela pendant qu’elle reste assise. Je reste debout, mal à l’aise, ne sachant pas trop comment me comporter. Une fois mon discours fini j’ose lever les yeux sur elle.

- Voilà. J’espère que cela vous convient. Sinon je peux modifier sans souci.

Il reste peu de temps mais je pourrais encore faire des modifications pour que ce projet plaise intégralement à ma supérieure. Je ne peux pas la décevoir. J’ai beaucoup à perdre je pense… Je sais qu’elle ne me fera pas de cadeau si je me rate.

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Je l’écoute sans sourciller, je ne veux pas lui donner de faux espoirs ni l’encourager si son travail ne mérite pas vraiment de ma part des encouragements et je suis très exigeante. Il m’expose toute ses idées, me raconte à nouveau ce qu’il a marqué sur ses panneaux, les espèces mises en avant, ses projets d’ateliers.

Il est toujours debout, je suis toujours assise à mon bureau. Je le regarde se dandiner comme une pauvre proie qui essaye de faire face à son prédateur tout en sachant au fond d’elle qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir. Je commence à m’ennuyer, il bafouille tellement, il se mélange tellement les pinceaux que je n’arrive plus à suivre le cheminement de ses idées.

A la fin de son discours, il ose enfin lever les yeux vers moi. Il ose enfin me regarder. Je vois la peur dans ses yeux, je le vois, il a très peur de moi et j’aime ça. Il espère que ce qu’il m’a exposé me convient, qu’il est prêt à faire des modifications si quelque chose ne me plait pas.

« Vous ne mettez pas assez en avant l’impact de l’activité humaine sur la destruction de l’habitat des espèces mises à l’honneur cette année. Développez les activités sur la création de corail de façon artificielle. Ça impressionne toujours. Pour toucher les enfants et les intéresser, utilisez des personnages qu’ils connaissent.
Par exemple, prenez un des personnages du Monde de Némo ou d’un autre dessin animé qui parle de la vie sous-marine, même celui avec des sirènes s’il le faut. Il vous servira de fil conducteur d’un panneau à un autre. Pensez-y. » lui dis-je en parlant beaucoup avec les mains, comme si j’avais de nouveau mes tentacules.

Qu’est-ce que je vais pouvoir lui trouver de plus à faire ? Parce qu’il ne peut pas penser qu’il a réussi à faire le plus gros du travail en deux semaines seulement. Il doit galérer comme tous les autres avant lui. J’ai une petite idée qui me vient à l’esprit, pour la première visite guidée c’est acté qu’il faut que ce cher Atlante la fasse.
Mais pour le reste de la soirée ? Certains invités ne vont pas être contents s’ils ne peuvent pas faire eux aussi, quand ils en auront envie, faire le tour des bassins avec un membre du personnel de l’aquarium.

« Il va falloir faire plusieurs visites durant la soirée, il est impensable d’en faire une seule vu la quantité d’invités que nous attendons. Il faudrait donc que vous choisissiez parmi vos collègues ou vos stagiaires certains d’entre eux. Votre rôle auprès d’eux sera de les briefer sur vos panneaux et sur votre discours afin qu’ils puissent faire votre boulot quand vous serez occupé ailleurs. Quand pensez-vous ? » lui demandé-je avec un petit sourire maléfique au coin de la bouche.

« Vous pouvez parler un peu des dauphins et des requins si vous voulez, ils ont toujours une grande côte de popularité auprès de notre public. » rajouté-je.

Il a intérêt à comprendre qu’il va devoir les intégrer à sa visite guidée et que ce n’est pas une option que je lui donne même si cela en a l’air.

« Vous pouvez y aller. Je veux que tout soit terminé dans une semaine. Et ne vous sentez pas obliger d’attendre jusqu’au dernier moment pour venir me présenter les dernières modifications ! »

Et je retourne à mon travail avec les yeux de nouveau rivés sur mon écran, l’entretien est terminé pour aujourd’hui de mon côté. Je ne supporte pas d’être en contact avec mes employés plus longtemps que nécessaire.

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Pour elle je ne montre pas assez l'impact causé par les humains. Je veux bien rajouter des pancartes sur la pollution, la tuerie de masse qu'on appelle la chasse et la pêche. Parler de la contrebande d'aileron de requin et de bien d'autres choses. Cela pourrait être assez choc, et je pourrais ajouter quelques images choquantes. Quoi que non... Je ne veux pas traumatiser les enfants, mais je pourrais trouver des images qui impacteront les adultes sans pour autant choquer les petits. Pour son idée de corail j'adhère totalement. Je pourrais insérer Bob l'éponge et son acolyte ainsi que Némo et Dori. Et pourquoi pas la petite sirène avec Polochon et Sebastien. J'ai toujours aimé cette histoire. Il pourrait même y avoir un atelier maquillage à la suite de cette animation.

- Très bien madame. Je vais ajouter toutes ces idées qui sont super.

Je me doutais qu'il faudrait faire plusieurs visites. Je suis soulagé qu'elle me demande de choisir des collègues pour participer à ces visites. J'ai déjà une idée de nom en têtes. J'en ai deux trois qui aiment presque autant que moi cet aquarium.

- Cela me va parfaitement. Je sais déjà à qui je vais demander de l'aide. Je les brieferais dans la semaine sans souci.

Cela va me donner encore plus de boulot mais ce n'est pas grave. J’acquiesce également lorsqu'elle me dit de parler des dauphins et des requins. Il faut forcément que j'en parle ; je sais que ces créatures sont adulées par tout le monde. De toute façon même si je ne voulais pas le faire je n'aurais pas le choix au vu de comment elle m'en parle... Et tout comme les autres fois elle me congédie d'un seul coup avec un petit reproche... Je lui souhaite donc une bonne journée et je retourne à mon travail.

Trois jours plus tard je me retrouve de nouveau devant sa porte. Je frappe et lorsqu'elle me dit d'entrer je m’exécute.

- Bonjour Madame Seablack. Je viens vous parler des dernières modifications que j'ai apporté à la soirée et vous annoncer que j'ai briefé mes collègues.

Après lui avoir donné le nom des trois collègues qui feront le parcours, j'installe les nouveaux panneaux regroupant tout ce dont on avait parlé lors de notre précédent entretien c'est à dire le corail, l'impact causé par les humains sur la disparition des animaux mais également le nouveau parcours qui prend en compte le bassin des requins et celui des dauphins.

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Vivement que la soirée arrive, tous ces préparatifs commencent à me rendre folle. La fin d’année et ses obligations administratives me sortent aussi par les yeux. Je sais qu’il faut faire tous ces papiers pour le bon fonctionnement de l’aquarium, c’est le mauvais côté de mon poste de directrice.

Atlante a fait du bon boulot jusque-là. C’est vrai que je lui ai cherché la petite bête lors de cet entretien ainsi que durant le dernier mais c’est mon rôle. Il aurait été déçu et moi aussi si je ne l’avais pas fait. Pas de traitement de faveur, je déteste tout le monde dans cette ville, enfin presque tout le monde.

Il accepte mes derniers ordres et mes derniers commentaires sur son travail sans rechigner. Au contraire, il trouve toutes mes idées supers, je sais qu’elles sont bonnes, c’est moi qui les ai eus. Je n’aime pas les lèches-bottes, je les ai toujours détestés. Il va falloir que je lui fasse payer cela, mais plus tard, après la soirée caritative.

Il s’en va enfin et je retrouve le calme et la sérénité de mon bureau. Je me lève et pars me prendre une tasse de thé car j’en ai grandement besoin pour me détendre. Mon budget pour conclure l’année est finalement bouclé après des heures et des heures de travail dessus à m’en provoquer des migraines et des nuits blanches.

Trois jours après notre entretien, Sébastien Atlante toque à ma porte avec les dernières modifications qu’il a été obligé de faire suite à mes consignes de la dernière fois. Il me montre les nouveaux panneaux, me parle du nouveau parcours incluant les bassins en plus.
Il m’explique ensuite plus en détails les différents ateliers qu’il compte organiser ainsi que la liste de ses collègues qu’il va former pour les différentes visites de la soirée.

« Moui, cela me semble correct. Faites donc. Rappelez-vous juste que s’il y a le moindre problème durant la soirée même durant les visites guidées de vos collègues, ça sera de votre faute. Je vous en tiendrai personnellement pour responsable. »

Je le congédie comme à chaque fois en ne m’occupant plus de lui et en retournant sur mon ordinateur. J’aurai pu être plus excitée par son travail mais ce n’est tellement pas mon caractère. Et il prendrait mon enthousiasme pour de la sympathie envers lui alors que ce n’est vraiment pas le cas.

Ils m’énervent tous dans cet aquarium, vivement que je retrouve la tranquillité du tunnel des requins pour souffler et avoir l’impression d’être de nouveau sous l’eau.

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