D’ordinaire, parler de futilités ça me fait chier et de vous à moi, je ne suis pas le genre de type à se donner la peine de faire des efforts lorsqu’une conversation l’emmerde profondément. Sauf qu’aujourd’hui, de toute évidence je prenais du plaisir à me répandre en futilités et à trouver la conversation intéressante autant que mon interlocutrice que je quittais difficilement du regard. J’étais bien, autant qu’on peut l’être après avoir passé un bon moment. Mais contrairement aux fois précédentes, je n’avais pas pris la fuite et la simple perspective de revoir Roni, me plaisait de plus en plus ; autant que de continuer à échanger avec elle sur des sujets dits « bateaux » pour le commun des mortels.

— Je prends un risque si j’ose te contester sur l’efficacité de la batte ? Toujours est-il que je pense que pour certaines personnes, un permis serait salutaire. Je te rappelle que tu as menacé mes clavicules avec que je suis très clairement dans l’incapacité de me défendre. Évidemment, je plaisantais et le sourire qui prenait vie sur mon visage, trahissait déjà mon manque de sérieux quant à la réplique que je venais de faire entendre. — J’ai un drapeau blanc pas loin au cas où , tentais-je à nouveau avec bienveillance.  

Mais toute bonne chose a une fin et je compris bien malgré moi, que je ne pouvais m’imposer plus longtemps auprès de ma sexy barmaid qui avait un établissement à faire tourner. Cette perspective — celle de nous séparer — ne me réjouissait guère, mais que pouvais-je y faire à par acquiescer et faire preuve de patience ? Cependant, je ne pouvais me résoudre à mettre les voiles sans un dernier baiser, chose que je ne fais jamais d’ordinaire, mais qui me semble si naturel, comme si dans une vie antérieure nous étions coutumiers d’une telle pratique.

— J’ai ton numéro, donc en théorie tu recevras très vite de mes nouvelles. Me redressant après le furtif baiser, je m’apprêtais à m’éloigner avant d’être stoppé dans mon élan. — Oui ? fis-je entendre légèrement surpris et curieux d’entendre ce que la délicieuse Roni avait à me dire. De toute évidence, elle voulait me faire savoir qu’elle avait passé un bon moment en ma compagnie. Et me voilà, résistant difficilement à l’envie de sourire et de la gratifier d’un clin d’œil après avoir fait entendre un — Moi aussi plein de conviction avant de tourner les talons pour « enfin » quitter les lieux. Une fois à l’extérieur, je ne pus résister à l’envie de souffler et de me frotter le visage avant de regagner ma voiture. — Wow. Qu’est-ce qui vient de se passer ? Toujours ivre d’un sentiment inexplicable, je sortis — non sans mal – mon portable, sur lequel je tapotais pour y adresser un petit message à Roni avec en l’occurrence mon adresse pour une nouvelle rencontre. Passé cet envoi, je retrouvais ma voiture, mon volant et la route, me demandant si j’allais pousser le bouchon jusqu’à débarquer ce soir.

La journée passa tranquillement, un peu trop à mon goût. Je me faisais chier comme un rat mort, un ennui qui me poussa à faire une sieste après un petit tour au parc. Ce n’était pas mon genre de ne rien faire et encore moins de dormir comme une marmotte en journée. Pourtant, c’est bien ce qui s’est passé et à en juger par l’écran de mon portable et le soleil déclinant, il était à présent plus de 21 h. Mon estomac se mit alors à grogner, assez pour que je me traine hors de mon lit pour aller voir ce que le frigo avait à m’offrir. Rien sans surprise, puisque je n’avais pas encore pris le temps de faire les courses. — Eh bien j’ai l’impression qu’on est parti pour commander. Japonais en l’occurrence. Je n’avais pas envie de trop réfléchir d’où ce choix. La commande passée, je pouvais dès lors m’octroyer quelques minutes sous la douche, avant de me changer. Finalement, j’avais décidé de me rendre au Poisonned Apple après m’être refait une beauté.

Une douche plus tard et après avoir savouré ma soupe miso et quelques yakitoris, je prenais la route me demandant malgré tout si c’était une bonne idée que celle de trainer ma carcasse jusqu’au Poisonned Apple. Peut-être que Roni n’avait pas envie de me voir. Après tout, n’était-elle pas en plein service ? Elle avait sûrement d’autres préoccupations. — Arrête ! J’en arrivais à m’exaspérer moi-même. Toujours est-il que je faisais face à l’enseigne de l’établissement et qu’il était temps de prendre une décision ; ce que je fis en pénétrant les lieux. Me faufilant à travers la foule, je regagnais non sans mal le bar avant de prendre place cherchant du regard la barmaid la plus sexy du Tout-New York.