J'avais mal à mon âme comme jamais. Moi, qui pensait avoir trouvé le véritable amour, je m'étais fait avoir. Avait-elle tenté de me manipuler lorsqu'elle avait su que j'étais un prince ? Peut-être ... Je ne le saurais jamais dans tous les cas car j'avais pris la décision de ne jamais recroiser son chemin. J'espérais simplement qu'elle trouverait le bonheur, mais en attendant ... J'avais mal. Je souffrais en silence et je rageais de plus en plus. Ajoutez à tout cela l'incompréhension complète dans mon esprit à cause du fait que nous avions été séparés. J'avais, certes, été en contact avec mon père, mais on m'avait à nouveau donné le statut d'orphelin. Impossible de calmer totalement ce qui me tiraillait l'estomac et l'esprit. Je me tenais donc à l'écart de tous. Je restais dans ma bulle et j'évitais même ma meilleure amie, la charmante Anna. Elle, qui avait le don de redonner le sourire, semblait incapable de m'approcher également. J'étais perdu dans mon esprit sans savoir où j'allais et qui j'étais. Qui était Richard Mills de Locksley. On faisait la révérence devant moi car j'étais un prince et pourtant, je ne m'en sentais pas l'âme en cet instant.
J'étais assis dans la grande salle derrière une colonne et je faisais apparaître du feu dans ma main. Une petite boule de feu plus précisément. Je la regardais en tâchant de la faire grossir en pensant à des choses joyeuses et positives. Impossible... Elle diminuait même. Ça avait le don de m'enrager et je poussais un soupir avec un grognement en détournant la tête. Une profonde inspiration avant de lever les yeux pour regarder le mur en face de moi. Léger sourire au coin de mes lèvres alors que je reconnaissais la fameuse silhouette. Je ne manquais pas donc pas de signaler que je l'avais vu.
- Tu ferais une bien piètre espionne ma chère Anna. Je sais que tu es derrière moi. Ta silhouette a trahi ta présence.
Un léger rire alors que je me retournais un peu pour la regarder.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? J'aurais cru que tu aurais été avec ta soeur pour rattraper tout ce temps perdu.
Ce n'était pas un reproche, mais un simple fait. Qui étais-je pour aller à l'encontre de sa soeur ? Elsa avait une place bien plus grande dans le coeur d'Anna et c'était normal. Je reprenais ma position en poussant un soupir et je fermais les yeux.
Cela faisait maintenant plusieurs jours que nous avions retrouvé la quiétude et la sécurité de la Forêt Enchantée. Pour ceux qui étaient restés dans cette partie du Monde des Contes, nous avions élu résidence dans le palais de Regina. J’avais retrouvé avec un plaisir non dissimulé mon amie Belle mais surtout ma sœur, ma grande sœur chérie, Elsa. Nous nous voyions de temps en temps, mais elle passait beaucoup de temps avec ceux qui avaient le même titre qu’elle : les rois et reines de ce monde.
J’avais mis à profit mes instants de liberté sans elle pour faire le tour du palais, profiter de la forêt de sapin qui poussait autour, notamment pour investir les cuisines et pâtisser aussi souvent qu’il me plaisait. C’était lors d’une de mes sessions gâteau que j’avais mieux fait la connaissance du rustre Richard. Il était vrai que nous n’avions pas commencé sur des bonnes bases. Tout changea à partir du moment où nous étions arrivés au château de sa mère. J’avais découvert un garçon plein de vie et agréable à vivre. Nous devînmes de très bons amis.
Mais cela faisait quelques jours que le prince Mills de Locksley se renfermait progressivement sur lui-même. Je n’avais pas voulu lui poser directement la question, je ne voulais pas être intrusive. Mais je n’aimais pas le voir ainsi. Un jour, alors que je lisais tranquillement dans la bibliothèque du palais, je le vis passer dans le couloir l’air encore plus triste que d’habitude. Je ne pus m’empêcher de le suivre et enfin avoir une conversation avec lui.
Il entra dans la grande salle et disparut derrière une des colonnes de la salle. Elle était bien décorée avec de belles guirlandes de fleurs sur les sommets et sur les murs. Je restai un peu en retrait en attendant de voir si quelqu’un le rejoignait ou non. En jetant un œil dans la pièce, je vis que personne n’arrivait mais une lueur se refléter sur les murs. Il s’entrainait à faire apparaitre des boules de feu et quelque chose le perturbait car elles n’étaient pas aussi puissantes qu’avant. Je m’approchai doucement en essayant de faire le moins de bruit possible, je ne voulais pas qu’il m’attaqua avec l’une d’elles.
Bien entendu, ma silhouette me trahit et Richard comprit rapidement que j’étais dans la pièce avec lui. Contrairement à ce que j’aurais pu penser, il m’accueillit avec un sourire sur le visage et ne m’en voulut absolument pas de l’avoir suivi. Je sortis de l’ombre et m’approchai de lui sans crainte. Il me taquina en me faisant remarquer que je ne ferai pas une très bonne espionne. Je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Il enchaina en me demandant la raison de ma présence dans la même pièce que lui alors que je pouvais rattraper le temps avec ma sœur.
« Je m’inquiète pour toi. Tu n’es plus le même depuis quelques jours. Est-ce que je peux t’aider ? Et ne t’inquiète pas pour ma sœur, elle est bien occupée de son côté. On aura du temps plus tard pour parler de toute la période où nous avons été séparées. Pour le moment, je suis là pour toi. »
Mon ami me tourna le dos et se mit à soupir. Il m’ordonna de le laisser tranquille. Forcément, je lui désobéis et me mis devant lui, ma tête à la hauteur de la sienne.
« Maintenant, tu vas m’écouter. Il est hors de question que je sorte de cette pièce sans que tu m’aies dit ce qui t’arrive. Je ne t’ai jamais vu comme ça et je ne peux pas ne rien faire. Je ne serai pas une bonne amie sinon. »
J’étais dans mon monde. Je tentais de faire des boules de feu de plus en plus grosses, mais cela n’avait rien de facile. Je me demandais si un jour, j’aurais les capacités au même niveau que ma mère. Je ne voulais pas avoir des banderoles et des guirlandes pour fêter mes réussites. Je voulais le faire pour moi et personne d’autre. Des objectifs personnels tout simplement. Ça ne regardait personne au final. Je regardais la silhouette de mon amie s’approcher de moi et, pourtant, je restais de marbre dans un certain sens. Douleur à l’âme dans plusieurs sphères et aspects. Je ne voulais pas lui voler sa bonne humeur ou autre. Je voulais qu’elle conserve son côté pétillant qui lui était si propre. Elle avait ce don la belle Anna et personne ne pouvait dire le contraire. Son coeur était immense. Plus haut que la cime du plus grand des sapins.
- Je me doute que je ne suis plus le même …
Difficile pour moi d’avouer ce qui se passait au fond. Je prenais une grande inspiration en restant de dos à ma meilleure amie avant de lui demander d’aller ailleurs. Je ne lui apporterais rien de bon. Elle ne m’écoutait aucune, sans grande surprise, et se plaçait juste devant moi. Je levais les yeux vers elle alors qu’une de mes grandes jambes se dépliait. Elle avait sa tête à la hauteur de la mienne et je continuais de soupirer en inspirant longtemps et profondément.
- T’es pire que la peste et le choléra quand tu veux.
Je fermais et j’ouvrais mon poing avant de finalement me mettre sur mes jambes. Je me dépliais complètement avant de me passer une main sur la nuque en laissant tomber le bras mollement ensuite. Par où commencer ? Le plus facile sans doute serait un choix judicieux.
- Amy est partie … Nous n’étions pas fait l’un pour l’autre et bien que je comprenne que je lui ai fait peur avec mon comportement, je trouve cette rupture difficile. C’était la première pour laquelle j’avais de l’attirance … Enfin … En dehors de cette blonde que j’ai déjà croisée, mais ça n’a pas la moindre importance … Ce n’est que l’une des choses. Je n’arrivais pas à me changer les idées. Je suis en colère et ça me ronge de l’intérieur.
Ah! Mais depuis quand est-ce que je parlais autant ? Je poussais un soupir avant de me mettre à marcher. Je trainais les pieds sur le plancher immaculé en restant de l’autre côté des colonnes.
- Je ne crois pas qu’il y ait réellement quelqu’un pour qui mon amour … Tu comprends ce que je veux dire non ?
Richard avait vraiment la tête des mauvais jours. En étant en face de lui, à quelques centimètres, je pouvais voir toute la tristesse mêlée de colère dans ses yeux. Qu’est ce qui avait bien lui arriver dans le passé pour se sentir aussi mal ? Mon ami n’allait pas bien et je ne savais toujours pas pourquoi. Cela me rendait également triste avec une pointe de colère car en l’état des choses, je ne pouvais pas l’aider. Mais acceptera-t-il mon aide d’ailleurs ?
Gros soupir de sa part avec en prime un joli compliment comme il savait si bien les faire. Me comparer à deux maladies mortelles éradiquées depuis des années, il n’allait vraiment pas bien.
« Je t’ai connu plus inspiré dans tes comparaisons. » lui dis-je. « Allez, crache le morceau et dis-moi ce qui te tracasse comme ça. »
Richard décida de se mettre debout. Je le voyais fermer et ouvrir son poing comme s’il était en prise à un combat intérieur. De le voir dans cet état me rendait malade, mon ami souffrait et je souffrais pour lui aussi. Il finit par me raconter ce qui le mettait dans cet état-là depuis quelques jours. Ce qui en question était Amy, la fille qu’il aimait et qui était revenue avec nous du Pays des Merveilles après la levée de la malédiction des Inquisiteurs.
A y repenser, je ne l’avais pas aperçu au château depuis qu’on y était arrivés. Je ne lui avais pas beaucoup parlé avant mais là, comme elle avait fait souffrir mon ami, il était hors de question que je lui parlasse à nouveau. Richard se sentait coupable de cette séparation et se demandait si c’était son comportement parfois compliqué qui en était la cause. Je m’installai tranquillement sur la chaise qu’il venait de quitter. Je réfléchis quelques instants et lui répondis.
« Elle ne te méritait pas si elle s’arrêtait à ça. Tu es impulsif et spontané. Tu vis à fond chaque situation. Si elle n’était pas capable de le supporter, elle t’a rendu un grand service en partant. Tu peux me croire. Mais parle-moi un peu de cette blonde que tu as croisé un jour. C’est la première fois que je t’entends parler de quelque chose qui te touche autant sans avoir à te tirer les vers du nez. »
Oui, j’étais curieuse. Peut-être qu’il y avait dans ce royaume une jeune femme qui pourrait redonner le sourire à mon ami de prince. Je prêtai à nouveau attention à ce qu’il me disait. Il n’y avait pas que ces histoires de cœur qui le rendait malheureux. Il était aussi persuadé que personne dans ce monde ou dans un autre ne l’accepterait tel qu’il était. Il avait peur de ne pas être digne d’être aimé.
« C’est n’importe quoi ce que tu dis là ! Bien sûr que tu trouveras quelqu’un fait pour toi ! Regarde, moi avec Kristoff, j’ai mis du temps avant de comprendre qu’il m’aimait sans arrières pensées. Il m’aimait juste pour moi, avec mes défauts et mes qualités. Tu trouveras toi aussi la personne avec qui tu pourras être toi-même. En attendant, est-ce que ça te tente d’aller faire un peu de pâtisserie dans la cuisine du château pour te changer les idées ? Comme ça, tu auras tout le temps pour me parler de la jolie blonde et de tout le reste ! »
Je me levai d’un bond bien décidée à ne pas lui laisser le choix. Je l’attrapai par la main et le conduisis en dehors de la grande salle. La pâtisserie était une activité que nous aimions tous les deux et qui nous avait rapproché. J’espérai pouvoir cette fois-ci lui changer les idées et retrouver mon ami. Pas le grognon, mais le jeune homme plein de joie et d’humour.
Les mots devenaient tellement de plus en plus difficile à m’arracher de la bouche. Je me refermais comme une huître. Je n’arrivais plus à parler. Je mentirais de dire que je n’avais pas aimé Amy. Ce n’était peut-être pas le grand amour de ma vie, mais tout de même… J’ai cru que je pouvais avoir une once de bonheur. J’ai cru que je pouvais enfin toucher une dose de douceur qui n’avait rien à voir avec la famille ou les amis. J’avais mal également de nous être encore fait avoir. Qu’avais-je fait pour être encore jeter aux oubliettes ? Je prenais une profonde inspiration avant de me délier un peu la langue à la demande de ma meilleure amie. Anna avait ce don pour rendre les gens à l’aise. J’étais heureux de la compter parmi mes proches et je ferais n’importe quoi pour elle. Je ne ressentais pas de l’amour pour la belle … Je ressentais quelque chose qui s’apparentait davantage à un amour fraternel. Je mettais ma rupture avec Amy sur le compte de mon caractère assez merdique et impulsif. J’écoutais les propos d’Anna ensuite avec attention en prenant une profonde inspiration. Je me mettais à rigoler un peu à cause de cette fameuse blonde que j’avais déjà croisé.
- Ouais la blonde … C’était lorsque j’étais prisonnier de Gothel avec ma soeur. J’étais sorti en douce pour mettre un peu le bordel et j’ai croisé cette jeune femme prise dans une tour. Elle voulait voir les fameuses lanternes qui passaient dans le ciel tous les ans. Raiponce qu’elle se nommait. Elle doit sans aucun doute être encore là-bas et comme le temps passe plus vite là-bas que chez nous … Je lui avais donné un faux nom. Ne me regarde pas comme ça.
Mon visage qui s’illuminait sans que je ne veuille. Un sourire sur les lèvres en repensant à cette jeune femme qui avait tout de différent des autres. Une certaine naïveté et une joie de vivre contagieuse. Moi, j’étais un petit fendant un peu connard à plusieurs niveaux. Je l’étais encore après tout ce temps passé en mer. Anna me remontait ensuite les bretelles dans un monologue qui me faisait lever les yeux au ciel et les mains en signe de soumission.
- D’accord ! D’accord ! J’abdique ! Je me rends madame! Direction les cuisines … Mais je ne suis pas certain que ça soit une bonne idée. Mes compétences culinaires se limitent à faire un bol de céréales lorsque nous étions à Storybrooke. AH! Et des tranches de pain grillées.
Je suivais mon amie alors qu’elle me prenait la main. Mon immense carcasse déboulant jusque dans les cuisines. Je plaignais les pauvres cuisinières qui allaient me voir à l’oeuvre et je plaignais encore davantage ceux qui devraient goûter à mes plats. Je restais un peu au milieu de la cuisine avant de froncer les sourcils. - Tu veux me faire cuisiner quoi ? Et pourquoi tu veux tant que je te parle de cette blonde ?
Je n’ai jamais dit que j’étais brillant avec mes sentiments …
Pendant le trajet en direction de la cuisine, Richard me parla du temps où il fut le prisonnier de Gothel avec sa sœur. La jolie Lina, aussi pétillante que son frère pouvait être sombre et tourmenté. J’avais croisé la jeune fille plusieurs fois dans le château depuis notre retour dans la Forêt Enchantée. Je n’avais pourtant pas pris le temps de discuter plus avant avec elle. Erreur qu’il fallait réparer le plus vite possible me promis-je. Peut-être m’aidera-t-elle à mieux comprendre son frère et me raconter des anecdotes sur Richard qu’il ne voudrait pas me raconter par fierté ou par pudeur ?
Revenons à mon ami dont je tenais toujours fermement la main. Il venait de me parler d’une époque pas forcément heureuse pour lui. Je savais qu’il avait été enlevé quand il était bébé par cette mère Gothel qui l’avait emmené avec sa jumelle dans un autre monde où le temps ne s’écoulait pas au même rythme qu’ici. Il ne m’avait jamais raconté ce qu’il avait vécu là-bas jusqu’à aujourd’hui, j’espérais profiter de notre tête-à-tête culinaire pour approfondir le sujet. En tout cas, s’il acceptait de m’en parler. C’était lors de cet exil forcé qu’il avait rencontré la jolie blonde répondant au doux prénom de Raiponce.
Une fois arrivés à destination, il m’expliqua qu’il n’était vraiment pas doué pour la cuisine et que ses exploits dans ce domaine se résumaient à pas grand-chose. Je me mis à rire. Je l’avais déjà vu faire de véritables prouesses dans beaucoup de domaines et je ne doutais absolument pas dans ses capacités à apprendre rapidement. D’un signe, je fis comprendre aux cuisinières de nous laisser seuls. J’ajoutai en même temps que je les remerciai que je ferai attention à leurs matériels et que nous rangerions tout après avoir terminé notre atelier pâtisserie. Elles partirent en lançant un dernier regard sur leur lieu de travail immaculé comme si elles n’allaient plus jamais le voir ainsi.
« Alors, nous allons cuisiner tous les gâteaux que l’on peut tant qu’il y a du chocolat dedans. Cookies aux pépites de chocolat, brownies, muffins avec un cœur au chocolat, petites brioches avec des pépites de chocolat dessus. Pour aujourd’hui, je pense que cela suffira amplement. Sauf, bien entendu, si tu as des envies ou des idées en tête de gâteau que tu voudrais qu’on essaye de réaliser ensemble. »
Pour ce qui était de la deuxième partie de sa question, je mis un peu de temps à répondre. Pourquoi ? Sûrement pour trouver en moi les vraies raisons qui me poussaient à lui demander de me parler de Raiponce. Je mis à profit mes quelques minutes de réflexion pour attraper deux tabliers et commencer à rassembler quelques ingrédients nécessaires pour les différentes recettes que j’avais prévues de faire en sa compagnie. Je pris une profonde inspiration en même temps que je lui tendais son tablier.
« Cela fait plusieurs jours que je te vois triste et te refermer sur toi-même. Il a suffi que tu parles de cette blonde de ton passé pour t’illuminer à nouveau et recommence à t’ouvrir à ton environnement. Je veux surtout que tu saches que je peux être une oreille attentive si tu en as besoin. N’attends pas que je ne te laisse pas le choix pour venir me parler. Et au pire, si tu ne veux pas parler, on peut toujours faire des gâteaux ensemble, dans le silence, sans parler. »
Moi ? Ne pas parler ? C’était mission quasiment impossible et n’importe qui me connaissant le savait pertinemment. Mais, je voulais laisser le choix à Richard, je savais qu’il n’aimait pas être bousculé surtout quand il était question pour lui de dévoiler ses sentiments et ce qu’il ressentait. Sauf la colère, celle-là, il savait très bien l’exprimer. Les murs de ce château avaient dû être les témoins de plusieurs d’entre elles. J’en avais eu un petit échantillon pendant notre passage non désiré dans le Pays des Merveilles.
« Si tu veux bien, on va commencer par le début. Tu as parlé tout à l’heure du moment où tu avais vécu avec ta sœur sous l’emprise de cette Gothel, tu peux m’en dire un peu plus sur ce que tu as subi là-bas ? Et après, tu pourras me raconter ta rencontre avec la dénommée Raiponce et me dire sous quel nom elle te connait. On ne sait jamais, peut-être l’ai-je rencontré ? On dit souvent que le monde est petit. Vérifions cet adage. »
Anna était le genre de femme à avoir le coeur sur la main. Je l’aimais pour ça. Notre relation avait évolué vers une amitié profonde et je savais que je pouvais lui faire confiance. Il n’y avait pas la moindre once d’amour entre nous. Le seul amour probablement étant celui d’un frère à une soeur de coeur finalement. Je prenais une profonde inspiration et je marchais à ses côté dans ce château. J’avais de la difficulté à me faire à un tel environnement. Les notions de bienséances n’étant pas réellement mon fort. Je regardais autour en voyant des gens s’incliner et je me sentais mal. Je n’étais personne. Je ne me sentais pas prince au fond de moi. Perdu, je me cherchais comme une âme en peine. Je questionnais Anna alors que nous arrivions dans les cuisines et que le personnel quittait. Je m’appuyais le coude sur un plan de travail en ayant une posture décontracté. Je levais un sourcil alors qu’elle me faisait une liste plus grande que le château lui-même. Nous n’allions pas cuisiner tout ça non ? Je me passais une main sur le bas de la nuque en poussant un soupir de découragement.
- J’aurais dû me douter que les choses ne seraient pas simples en cuisine avec toi. Tu tiens vraiment à ce que je tue des gens c’est ça ?
Elle évitait un peu la suite et je ne répondais pas. Si elle ne désirait pas répondre, elle ne le ferait pas la charmante Anna. Je la regardais sortir les ingrédients et moi, je sortais le seul que je connaissais pour faire des gâteaux : de la farine. Je n’en savais pas plus alors que je la voyais sortir de plus en plus de choses. Où prenait-elle cette énergie ? Elle était pire qu’une boule de feu ambulante et ça me faisait rigoler jusqu’à ce qu’elle parle de ma personne. Je cessais de sourire et je serrais les dents en soupirant avec les yeux fermés. Poing gauche légèrement fermé tout comme le droit qui venait rapidement le rejoindre et j’appuyais mes avant-bras sur le plan de travail en l’écoutant avec la tête baissée.
- M’illuminer … M’illuminer … Elle est bonne celle-là … Je n’ai rien qui m’illumine réellement Anna … Rien.
Me refusais-je de croire que j’étais amoureux de cette Raiponce ou avec une certaine attirance ? Je prenais une profonde inspiration et je me redressais en regardant les ingrédients. Elle me balançait des milliers de questions et je penchais la tête sur le côté avec nonchalance et je soupirais en levant les yeux au ciel.
- Respirer entre deux questions ? Je suis trop bête pour tout assimiler. Je suis monotâche du cerveau.
Une poignée de farine que je lui balançais directement dans la tronche. Nuage blanc qui nous entourait et je rigolais un peu. Je n’aimais pas parler de Gothel, mais j’avais pleinement conscience que je devrais le faire un jour où l’autre.
- Je croyais que nous devions faire ta liste interminable de pâtisseries. Arrête de t’amuser avec la farine! Je dois toujours te rappeler à l’ordre.
Richard était devenu un vrai ami depuis notre arrivée au château de sa mère. Bien sûr, j’avais ma sœur Elsa qui y logeait aussi mais elle était souvent prise ailleurs par des réunions diverses et variées auxquelles je ne pouvais pas participer d’après elle. Je n’aimais pas les mensonges et les cachoteries, ils nous avaient éloigné l’une de l’autre pendant de trop nombreuses années. Mais, à peine je lui demandai de m’en dire plus qu’elle trouvait une raison pour se défiler et partir je ne savais où.
C’était suite à une de ces conversations avortées que j’avais appris à découvrir et à connaître Richard. Nous ne nous étions plus quittés depuis. Une amitié solide et profonde était née de nos diverses discussions et diverses activités communes. Il n’y avait aucune ambiguïté entre nous ce qui me permettait d’être tout à fait naturelle avec lui. Pas besoin de faire attention à mes propos afin qu’ils ne furent pas déformés ou mal interprétés. Et c’était des plus appréciables. Kristoff, mon mari que je n’avais plus revu depuis le Sort Noir, me manquait terriblement et mon ami arrivait à adoucir cette absence.
Fidèle à lui-même, mon apprenti pâtissier pensait que je voulais empoisonner tout le monde dans le château en le laissant faire les gâteaux. Je levai les yeux au ciel histoire de montrer mon désaccord sur ce sujet. Pour protester contre la longue liste des gâteaux que j’avais prévu de faire, mon commis ne trouva pas de meilleure idée que m’envoyer une petite poignée de farine dans la figure. Il embraya en me taquinant sur le fait qu’il devait constamment me rappeler à l’ordre. Je me mis à rire et je lui répondis en faisant la révérence.
« Toutes mes excuses cher prince. Je suis confuse de vous avoir désobéi de la sorte. Tenez, prenez ceci en signe de repentance. » A mon tour de lui envoyer de la farine dans le visage. S’en suivit une bataille rangée à coup de farine dans la tête ou le dos de l’autre. Nos rires emplirent la cuisine et se répercutèrent sur les murs aux alentours.
Je fus la première à reprendre mon sérieux surtout quand je vis l’état dans lequel on venait de mettre la cuisine. Dire que j’avais promis aux employés de Regina que je leur rendrai leur lieu de travail dans le même état qu’on l’avait trouvé en arrivant. J’allais avoir du ménage une fois les gâteaux terminés… Je partis chercher un nouveau sac de farine car clairement nous n’allions pas utiliser celle qui venait de nous servir d’arme dans la bataille qui venait de s’achever. En revenant, je fis un peu de place sur le plan de travail afin de commencer la première recette.
« Ne te fais pas passer plus bête que tu n’es, Richard. Tu es tout à fait capable de faire de la cuisine si tu as un bon professeur pour t’enseigner les bases. Pour revenir à la suite de ta remarque de tout à l’heure, tu as très bien retenu toutes les questions que je t’ai posé, tu essayes juste de retarder le moment d’y répondre. On va commencer par une simple, dis-moi comment tu as rencontré Raiponce, s’il-te-plait. » Je le regardai avec un de mes regards les plus suppliant.
Ce que j’aimais en étant auprès d’Anna, c’était que je n’avais pas réellement besoin de me mettre un masque. Elle avait rapidement appris à me connaître juste en me regardant. Une belle amitié sincère que j’aimais comme tout. Je protégerais mon amie de ma vie s’il le fallait. Elle était sans aucun doute ma seule amie d’ailleurs ici. Je prenais une profonde inspiration avant de lui balancer de la farine en pleine tronche. Un rappel à l’ordre princier avant de m’en prendre moi-même en pleine poire. Je toussais un peu avant de répliquer comme un gamin. Des rires et de la légèreté. C’était peut-être ce dont j’avais besoin réellement au fond. Je continuais durant plusieurs minutes et je me retrouvais plus blanc qu’autre chose. Comme à chaque fois, c’était Anna qui reprenait son sérieux la première. Moi, je me contentais de continuer de rire en me secouant. Les cuisinières allaient hurler et moi, j’allais rigoler. Ma mère risquait de me tirer les oreilles. C’était de ma faute, j’assumais complètement le fait que j’avais commencé les hostilités en premier.
Anna faisait de la place sur le plan de travail et moi, je retirais la farine en la jetant au sol comme si de rien n’était. Il y en avait déjà partout de toute façon. Je regardais les ingrédients avant de me tourner vers elle avec mon regard sombre. Elle n’allait pas me lâcher avec Raiponce. J’aurais tellement dû me taire en fait ! Je prenais une profonde inspiration en ronchonnant avant de prendre un oeuf pour le casser au-dessus du bol. J’avais mis de la coquille dedans et je jurais en tentant de ramasser les petits bouts.
- Ah puis diantre ! Il y aura des morceaux croquants, voilà tout ! Je ne tente pas de retarder le moment, c'est juste que … que … Je dois casser un autre oeuf ? On fait quoi comme recette au juste ?
Toujours pas fixé sur la recette en cours de toute façon. Je me mettais à rigoler avant de me passer une main dans la barbe avant de regarder une poêle en fonte. Je la prenais et je la faisais tourner dans mes mains. Je la posais sur le plan de travail en regardant Anna dans les yeux.
- Avec un coup de poêle en pleine gueule … Elle était prisonnière dans une tour sans accès … Moi, j’avais la bougeotte et je lui ai donné un faux nom … Tu sais que ça fait réellement mal de recevoir un coup de cette chose en pleine poire ?
Bon … Je m’illumais sans doute un peu en repensant à ça … juste un peu hein … Juste un peu …
A la vitesse à laquelle nous avancions, nous allions passer l’après-midi dans la cuisine à essayer de faire des gâteaux. Mais je m’en moquais, mon ami Richard avait retrouvé le sourire et sa joie de vivre et c’était tout ce qui comptait à mes yeux. Qu’il acceptât de tout me raconter ou non concernant Raiponce et Gothel n’avait plus aucune importance. J’avais réussi la mission que je m’étais fixée, le faire rire à nouveau. Il grommela devant son saladier après y avoir cassé un œuf et laisser tombé un bout de coquille dans sa préparation.
Je levai les yeux au ciel de dédain. Quand allait-il enfin avoir confiance en lui ? Quand allait-il se voir comme je le voyais ou comme les autres membres de sa famille le voyaient ? Je le laissai ronchonner quelques instants avant de me mettre à ses côtés et rattraper sa petite bourde. J’avais opté comme première recette les cookies aux pépites de chocolat. C’était simple et pratiquement inratable. J’aurais mieux fait de me méfier de mon apprenti cuisinier. Le futur me le prouvera.
« Ecoute, tout le monde peut faire des erreurs. Mais on peut soit les fuir, soit tout en apprendre ! Un vieux sage barbu m’a dit ça un jour. Et je peux te dire que ça m’aide à avancer dans la vie de tous les jours. »
Richard finit par attraper une poêle qu’il avait trouvé je ne savais pas où. Il se frotta la barbe tout en regardant cet ustensile et je ne m’attendis pas ce qu’il me raconta ensuite. C’était après avoir reçu un coup de poêle derrière la tête qu’il avait rencontré Raiponce. Il venait de s’ouvrir à moi plus qu’il ne l’avait jamais fait depuis plusieurs jours, presque plus depuis le début de notre amitié. Il fallait que je la jouai fine pour qu’il continuât à se confier à moi.
« Moi, d’habitude, j’utilise une poêle pour faire cuire des crêpes ou des pancakes. D’ailleurs, on peut en faire aussi s’il nous reste assez d’ingrédients. Je note ces idées sur ma liste. Pour revenir à l’arme que tu tiens dans les mains, cette façon de s’en servir est vraiment originale. C’est si douloureux que cela ? »
Je me mis à malaxer la pâte avec les mains et fis des petites boules de pâte que je répartis sur une plaque de cuisson. Une fois la fournée de cookies mise à cuire, je rangeai ma partie du plan de travail et me lançai dans la confection de brownies. Je regardai à nouveau mon ami Richard. Il avait parlé de Raiponce et de la façon assez originale qu’il avait fait sa connaissance, de sa prison haute sans porte d’entrée. Son envie de voyager à lui, son manque de courage en lui donnant un faux nom.
« Mais pourquoi lui avoir donné un faux-nom ? J’adore ton nom ! Il fait très princier, tout comme toi. Tiens, passe-moi le pot de lait qui est derrière toi, s’il te plait ? »