Les terres oniriques, un royaume où les rêves et la réalité se confondent, ont mystérieusement capturé Ariel d'Atlantica et Harry Jones, les transportant dans une époque révolue. Tandis qu'ils émergent dans ce passé inconnu, les deux protagonistes se retrouvent confrontés à la nécessité de collaborer pour retrouver leur propre temps. Mais le voyage est périlleux : chaque action pourrait altérer irrémédiablement le cours de l'histoire

Ma tête! Elle était sérieuse la biture hier soir. J'aurai pas cru pourtant, mais faut croire qu'une consommation raisonnable l'est beaucoup moins quand l'alcool est bien plus fort que ce que vous avez l'habitude de picoler. Enfin, si en prime d'être le plus jeune de l'équipage temporaire que je me suis trouvé, je trouve à refuser de me mettre la tête à l'envers avec le reste de l'équipage, j'vais vraiment pas réussir à m'y intégrer, pour le peu de temps que j'compte passer avec eux. Bref, aie, ma tête. Je me relève de la paillasse qui me sert apparemment de lit et me fera bientôt dire "aie, mon dos", pour aller m'offrir un remontant, histoire de guérir le mal par le mal. Ca fonctionne à chaque fois.

Enfin, là, va surement me falloir un peu plus qu'un remontant, parce qu'en sortant de l'auberge avec ma chope à la main, je tique tout de suite sur un truc étrange. Les navires rentrés au port. Je peux me targuer de reconnaitre la majorité des navires que j'ai déjà eu le loisir de croiser sans avoir à voir leur pavillon. Mais là, je dois avouer que je n'en reconnais qu'un seul, et bien trop beau pour être réel. Ce qui signifie? Que même repeint à neuf, ce navire ne devrait pas être aussi magnifique. Je pose ma chope sur le rebord de la fenêtre la plus proche avant de relever ma manche pour me pincer l'avant-bras, pour me confirmer que non, je ne rêve pas.

"C'est bien le King's Diamond ou j'ai la berlue?!"

"C'lui-même l'ami, tu connais?"

Oui, faut toujours quelqu'un pour vous répondre quand vous posez à voix haute une question qui ne devait de base pas quitter vos lèvres, c'est bien connu. Je hausse les épaules avant de m'éloigner de l'opportun, ce qui me rapproche du navire que je ne quitte en vérité pas des yeux. Ma réflexion se fait à ton plus bas cette fois-ci, un murmure de moi à moi. "Oui, et il est éventré sur un banc de sable depuis des années, ce navire..."
Bon bah comme dirait l'autre, go à la pêche aux infos hein... C'est pas comme si j'étais embêté d'aller vers les parfaits inconnus pour leur taper la discussion donc à partir de là, cap à l'ouest, ou au nord, ou où bon vous plaira. Je suis pirate, même sans navire, c'est à dire que l'aventure va un peu avec le package, et pour dire vrai, c'est d'ailleurs ce qui m'a le plus attiré dans cette histoire. J'vais pas dire que j'aime pas les trucs qui brillent, ce serait mentir outrageusement, mais explorer des terres mers inconnues, rencontrer de nouvelles têtes, croiser de superbes navires en cours de route... ouais, ça ça me botte. Assorti à l'esprit de camaraderie qui règne dans mon équipage, et j'voue avoue que la terre ferme, c'pas ma tasse de thé à coté.

Je ne tournai et me retournai en tous sens pour observer ce qui se passait autour de moi. Les gens s'affairaient et j'avais bien compris que c'était pour la réception de ce soir, donnée par le roi "Albert". Il fallait que j'en sache plus pour pouvoir retrouver mon mari et ma fille, ma vie quoi ! Je voyais de beaux et grands navires au port, peut-être qu'Eric y était, lui qui était un fier marin. J'avançai, le pas empressé puis, croisant une autre personne les bras chargés en direction du palais, je m'informai davantage alors que le port était en vu tout proche.

- Bonjour, euh... en effet je ne suis pas du coin alors je me demandais... Quel est l'objet de la réception de ce soir ?

Le marchand me sourit.

"Le roi Albert fête avec les nobles et autres têtes couronnées la naissance de son fils, le prince Leopold !"

Je restai bouche bée. Le prince Leopold... qui deviendrait le roi Leopold, roi de la Forêt Enchantée ? Donc... le père de Blanche-Neige ! Donc j'avais... remonté le temps ?! Je me sentis défaillir et perdis l'équilibre sur un autre passant qui eut la bonté, sans le vouloir, de m'empêcher de tomber au sol. Le coeur battant la chamade et ne voulant pas causer plus de trouble, je m'apprêtais à m'excuser quand le visage du jeune homme heurta ma mémoire. Je le connaissais !

- Harry ?! prononçai-je, la voix tremblante.

Ou peut-être s'agissait-il de son arrière grand-père jeune qui lui ressemblait ? Oui, c'était sans doute cela, quoi d'autre ?

- Toutes mes excuses, monsieur, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre.

Si l'ancêtre était aussi un pirate, et il y avait de fortes chances puisque Killian Jones, le père biologique d'Harry, en était un, autant ne pas trop s'en approcher. Une dette avec un pirate en plus de celle au Ténébreux, me suffisait amplement.

Mes jambes tremblaient sous les émotions fortes dues à la découverte que je venais de faire. Incapable de me porter moi-même davantage, je m'assis sur le bord de la route, prête à éclater en sanglots. Il fallait que je trouve comment retrouver mon foyer, mon époque. Je ne connaissais personne et je n'étais pas très férue d'Histoire des terrestres. Je n'en menais pas large, ne sachant pas vraiment par quoi commencer. Le roi peut-être ? Les rois avaient souvent des mages attitrés non ? Comme le roi Arthur... Si Albert était aussi bienveillant que les villageois semblaient le dire, peut-être m'aiderait-il ? Ou il me prendrait pour une folle et me ferait enfermer sans ses geôles... Oh...

Ce qui me fait détourner le regard de ce navire incongru en ce lieu et en cet instant, je l'ignore prodigieusement. Ce que je sais, c'est que c'est davantage un réflexe qu'une véritable action réfléchie qui me fait rattraper cette femme au bord du malaise qui manque s'écrouler là devant moi. Je reconnais sa voix alors qu'elle prononce mon prénom, un instant avant de s'excuser d'une fausse reconnaissance. Ce qui me fait froncer les sourcils, remarquant pourtant que je l'ai empêchée de se frapper le crâne sur les pierres du quai.

"Assieds toi deux minutes."

Je me place face à elle pour l'aider à s'asseoir sur le bord de la chaussée, mes yeux pouvant enfin vérifier ce que mes oreilles avaient déjà compris. Que je connais cette femme, même si sa présence en ces lieux me surprend, et pour cause. Depuis quand les sirènes marchent sur deux jambes? D'accord, Uma n'évolue pas toujours grâce à ses tentacules, mais, sans vouloir la vexer, elle est assez loin de l'archétype de la sirène tout de même. Disons que ça ne m'a jamais choqué outre mesure.

Je pose une main sur le pommeau de mon sabre pour en relever la pointe et lui éviter de taper le sol puis m'agenouille face à elle pour capter son regard au milieu de sa crinière auburn, lui offrant un large sourire quand elle daigne enfin relever les yeux vers les miens.
"Et bien petite sirène, tu me sembles loin de chez toi."
Je lui tends ma main libre pour l'aider à se remettre debout avant de jeter un œil aux alentours, observant à quel point nous avons attiré l'attention sur nos personnes.
"Nous ne sommes pas chez nous, n'est-ce pas? Je veux bien que j'ai un peu arrosé la soirée, mais pas au point de ne pas reconnaitre la moitié des navires installés au port."

Et trouver l'autre moitié étonnamment bien conservée par rapport aux souvenirs que j'en ai. Bref, je suis surement le seul de nous deux à reconnaitre un lieu aux navires qui y séjournent, alors libre à elle de me dire ce qu'elle a noté de son coté. D'aucuns diraient que je suis névrosé, moi, j'appelle ça une déformation professionnelle, rien à voir.

Une pensée fugace me fait perdre le sourire, alors que le sérieux de notre situation m'apparait dans toute sa splendeur.
"Ariel? Pourquoi t'as cru que j'étais quelqu'un d'autre?"

Prochaine question à lui poser? Savoir si elle ne saurait pas où se trouve le Fortune. Qui de mieux qu'une sirène pour repérer un navire hein? C'est qu'elle nage un peu plus vite sous la mer que je ne vogue sur les flots, même en profitant des voyages d'autres équipages pour le faire.

Les émotions m'envahissaient, tel un tourbillon prêt à m'engloutir tout au fond des abysses sans que je ne puisse jamais en sortir. Le jeune homme que j'avais pris pour Harry m'aida à m'asseoir. Le son de sa voix... il lui ressemblait tant. Je m'apprêtai à fondre en sanglots quand ses paroles me firent comprendre que c'était bel et bien lui. Mon coeur se serra, mais de joie cette fois ! Je resserrai ses mains dans les miennes.

- Alors c'est bien toi ?! Par Poséidon comme je suis contente !

Il m'aida à me relever et machinalement, je le serrai dans mes bras. Puis, je me détachai en douceur pour le regarder dans les yeux alors qu'il posait ses questions. Je secouai la tête lentement, mes ondulations auburn se mouvant au grès du mouvement de ma tête.

- Je reconnais le royaume de Regina, mais rien n'est pareil, le palais, les gens... le roi actuel est un ancien roi... je crois que nous avons remonté le temps sur au moins trois générations.

Je baissai les yeux d'un air triste. Je ne savais que faire pour annuler cette situation et retrouver nos vies. Je relevai finalement les yeux vers mon interlocuteur.

- Si nous sommes deux, peut-être y a-t-il d'autres personnes que nous connaissons ? Crois-tu que ce soit possible ?

Une lueur d'espoir traversa mon regard. Mais comment faire pour les trouver ?

- As-tu une idée de ce que nous devons faire ? Je n'ai jamais connu un telle situation, je me sens complètement perdue, Harry.

Lui avait cette faculté de retomber sur ses pattes tel un chat. J'étais un peu de cette trempe, avant, mais avec tout ce qui nous était arrivé à Eric et moi, je commençais à me demander si un jour nous aurions la paix. Enfin, mon questionnement et mes préoccupations actuels avaient évolué plutôt vers "retrouverai-je mon époque et ma famille un jour ?". Je soupirai en regardant autour de moi. Les gens s'affairaient à monter vers le château royal pour la réception du roi.

- Crois-tu que nous devrions nous mêler à la foule pour essayer de trouver des réponses ? Ou plutôt d'aller chercher ailleurs.

Je réalisai que Rumplestiltskin existait sûrement déjà... et cela me terrifiait. Si je connaissais à peu près les dangers de mon époque, et encore, pas tous, ceux du passé m'étaient inconnus, plus encore ceux des terrestres. Harry avait-il une idée, de son côté, des risques que nous allions prendre, si ce soir était bienveillant ou non, ce qu'il en était du contexte ?