Province voisine du royaume de Notthigham Il y a très longtemps…
La pluie n'avait cessé de s'abattre, laissant le soin à ses gouttes d'engorger chaque jour un peu plus les pavés dont se paraît l'asphalte. Rien ne changeait en ces lieux, les ruelles demeuraient froides et exiguës et rares étaient les bonnes âmes à braver les éléments, hormis peut-être un chevalier en quête d'herbes médicinales pour soulager les maux de la femme qu'il aimait et pour laquelle il avait consenti à monter à cheval durant plus d'une journée pour enfin trouver l'officine d'un herboriste réputé dans la province. Mais l'homme n'en demeurait pas moins aveuglé par cet amour qui l'eut conduit loin de sa promise qui hurlait à la mort dans sa petite demeure au coin du feu. « -Madame vous devez vous allongez et boire ceci » La nouvelle arrivante était une accoucheuse réputée, elle connaissait aussi tous les secrets des herbes dominant de ce fait les connaissances de bons nombres d'herboristes. Fionna avait confiance en elle, assez pour la laissait intervenir et récupérer l'enfant pour lui offrir une meilleure vie que celle qu'elle avait à lui offrir. Du moins, c'est la version qu'elle s'était convaincue d'adopter. La pluie continua à tomber rudement et le vent se joignit à elle pour donner plus de force aux éléments en colère. « -Madame, il va falloir souffler à présent ! » Les contractions de plus en plus régulières laissaient présager l'arrivée imminente du bébé.
Les flammes des bougies n'avaient de cesse de vaciller à mesure que le temps filé. Les cris de Fionna dans la nuit, redoublaient en intensité jusqu'à ce qu'un premier pleur ne se fasse entendre. Plongeant ses mains dans les entrailles de la nouvelle mère, l'accoucheuse en sortit un bébé déjà bien robuste. « -C'est un garçon ! » La mère continua à se tordre de douleur obligeant l'accoucheuse à se dépêcher de nettoyer le nouveau-né et de le défaire de son cordon pour ensuite l'enrober dans une couverture. Mais alors que la situation semblait sous contrôle, d'autres contractions alertèrent l'accoucheuse « -Mon dieu ! » ne pue-t-elle s'empêcher de lâcher. « -Que se passe-t-il ? » lança la mère à bout de souffle. « -Il y en a un autre, un second bébé arrive. Poussez encore ! » Fionna hurla de douleur et donna naissance à un second enfant, une petite fille quelques secondes après avoir donné naissance à son premier enfant. Malgré la joie qui semblait envahir l'accoucheuse, la mère resta de marbre, du moins c'est le sentiment qu'elle tentait de laisser paraître. Elle s'était dès lors convaincue qu'il était impossible d'aimer ces deux magnifiques bébés, parce qu'ils étaient le fruit d'un viol. Tout semblait tellement obscur dans sa tête, plus rien ne faisait sens pour ainsi dire. Ainsi, elle laissant le soin à sa sauveuse de prendre la petite et de lui trouver un meilleur foyer, tandis qu'elle s'occuperait du garçon, tout ça avant le retour de son chevalier. L'accoucheuse quitta donc l'habitation laissant un peu de répit à Fionna qui en profita pour rédiger un mot à Maitrir. On connaît la suite de l'histoire… Et malgré la présence de loups dans cette forêt, Fionna espérait que son preux chevalier n'arrive pas trop tard.
Mon cher et doux Máistir,
Je vous écris ces quelques mots que je serais incapable de vous dire de vives voix à vous l'homme d'honneur, le chevalier de mon cœur. J'aurai tant aimé m'offrir à vous et vous seule, tant aimé, vous laissez me courtiser jusqu'à vous voir mettre un genou à terre. Vous avez été mon souffle d'air, ma lueur d'espoir, la promesse de bel avenir, que je ne peux aujourd'hui plus tenir. Jamais plus je ne pourrais être cette jeune demoiselle qui vous faissez tant sourire, celle qui aimait les roses blanches. Cette petite créature a cessé d'être lorsque son innocence lui a été volée par un homme qui n'était pas celui auquel elle se destinait. J'aurais tant aimé vous dire que la blessure se refermera un jour, mais je ne puis me résoudre à vous mentir. Je suis atteinte d'un mal profond qui n'a de cesse de s'accroître de jour en jour, une gangrène qui me dévore sans que je ne puisse rien y faire...Je ne peux me résoudre à « vivre » si pour cela, je dois « survivre ». Ne soyez pas alourdi de culpabilité, sachez que même le plus grand, le plus sincère des amours, ne parviendra à me ramener. Je suis parti pour de bon et je ne pourrais me résoudre à vous infliger cela. Je ne vous demanderai qu'une chose, car je sais qu'une fois accompli, je regretterai mon geste. Retrouvez le bébé et nommer le comme mon père, cet homme grand et valeureux que vous respectiez tant. Et donnez à Robert votre patronyme, élevez le comme votre fils. Dites-lui que je suis morte en couche. Dites-lui à quel point nous nous aimions. Donnez-lui le meilleur et préservez le du malheur. Ne lui parlez jamais d'Uther Pendragon et de ce qu'il m'a fait. Je sais que vous méprisez le mensonge, mais il le faut. Protéger le !
À vous, Máistir Locksley
Puissiez-vous me pardonnez mon geste ?
Je vous aime pour l'éternité
Votre douce Fiona
À peine bander, la flèche se logea en plein cœur de la cible. Robin se trouvait à plus de cinquante mètres de son objectif, mais ne manifestait aucune joie malgré la performance qu'il venait d'accomplir. Il réitéra même son tir brisant ainsi en deux la flèche qu'il avait déjà plantée. Une fois encore, il avait choisi de s'isoler. Plus qu'une envie, ces promenades en plein cœur de la forêt étaient à présent devenues vitales pour se prémunir d'une totale perte de contrôle bien que dans les faits, il soit trop tard. La voix de Cora continuait d'ailleurs à siffler dans ses oreilles. Il le savait, il ne pouvait lutter aux moindres de ses caprices et se préparait déjà au pire. Plus en colère que jamais, il se baissa pour délester son carquois d'une nouvelle flèche avant de hurler toute sa colère comme une bête agonisante. Furieux, il balança ensuite son arc contre un arbre. Il n'avait pas le droit de se conduire de la sorte, Marianne méritait mieux que cela et puisque c'est elle qu'il avait choisi, il se devait de donner le meilleur de lui-même, comme avant. Le regard vide, il s'assit sur une vieille souche et poussa un long, un très long soupire.
C'était un jour sans. Je n'étais pas au mieux de ma forme, sans doute parce que j'avais passé une mauvaise nuit. La lune, qui était pleine, n'adait pas à apaiser mes nerfs. Sans que je ne comprenne pourquoi, j'étais toujours plus sensible à ce moment de son cycle. C'était une des rares choses qui n'avait pas changé, d'un monde à l'autre. Cette pensée me déprima un peu plus encore et je décidai de me lever avant que le soleil ne daigne percer les nuages. Je n'étais pas à ma place ici. Dans mon abri de fortune, au moins, j'avais mon espace. J'avais tenté de dormir dans les chalets mis à notre disposition, mais je n'avais pas fermé l'oeil. Le matelas du lit était trop mou. L'ensemble état trop propre, trop rangé, trop fermé aussi. Il me manquait les bruits de la forêt, ceux de mes compagnons d'armes. Ceux de mon frère... Mael me manquait... J'avais décidé d'aller marcher un peu. Je sentais le poids de l'absence se cumuler à la frustration de ne pas savoir comment procéder. J'avais beau tourner et retourner les choses dans mon esprit, le puzzle restait éparpillé en plusieurs morceaux. Je savais où se trouvait le médaillon, mais je ne savais ni m'en servir ni comment repartir dans la forêt Enchantée. Restait aussi l'épineuse question de voler ledit le médaillon. Un cri retentit. Dans cet univers étranger, les dangers étaient rares et les cris plus encore. Sans hésiter, j’acculerais le pas. Appelez ça l'instinct ou un reste de compassion, en tous les cas, je débouchais rapidement sur une silhouette recroquevillée sur un tronc d'arbre. J'aurai pu rebrousser chemin sans qu'il ne me voit, je l'aurai fait s'il s'était agi de toute autre personne. Mais il s'agissait de Robin et je choisis de saisir l'instant pour me rapprocher d lui. J'aurai pu lui voler son médaillon sans jamais lui adresser la parole, mais il serait sans doute plus facile de l'approcher s'il me prenait pour une amie. J'avais passé pas mal de temps à observer l'homme, je pensais donc l'avoir à peu près cerné. Si je m'étais pointée en mode compatissante et en lui proposant mon épaule pour pleurer, il n'y aurait pas plus cru que moi. J'optais donc pour une autre approche.
_ Visiblement, je ne suis pas la seule qui ait besoin de décompresser...
J'avais lancé ça pour annoncer mon arrivée. Franchissant les derniers pas qui nous séparaient, je ramassais l'arc et les flèches.
_ Je peux ?
C'était pour la forme, puisque c'était déjà fait. J'avais d'ailleurs déjà armé une flèche et bandé, je pris tous mon temps pour viser puis je lâchais. Un coup d'oeil m'informa que j'avais frôlé les flèches précédentes, sans pour autant parvenir à la ficher correctement.
_ Mouais...
L'arc n'avait jamais été mon truc. J'avais toujours préféré les armes franches. Le corps à corps. Ce fut à mon tour de soupirer.
Il est plus facile de rêver que d'être confronté à la réalité. Mais qu'est-ce que le rêve sinon un état léthargique qui nous maintient à peine en vie. Et les cauchemars alors, que devrions-nous en dire ? » Robin en vivait perpétuellement depuis que Cora avait subtilisé son cœur, le centre même de ses émotions, ce qui de nous des êtres dotés de raison et d'humanité, mais qui s'il peut nous rendre fort, consent aussi à nous rendre vulnérables. Bien sûr, même délesté de son cœur, Robin continuait à vivre sans, grâce à l'odieuse magie de Cora. Mais quel cauchemar ! Il ressentait tout, mais était incapable de transcrire son ressentit par des actes, des gestes ou des paroles, car Lady Cora contrôlait tout jusqu'à l'intensité de ses mots et regards. Elle avait amoindri tout ce qui touchait à Regina et agrandit au centuple la culpabilité de l'archer, qui s'en voulait de penser encore à l'ancienne reine alors qu'il avait choisi sa femme. Et au fond de lui, au tréfonds de son âme, incontrôlable pour Cora, il savait que l'amour qu'il eut porté pour Marianne jadis, n'était plus à présent et que battre pour que l'étincelle engendre un incendie était vain autant que pouvait être la lutte intérieure. Aux ordres de la reine de cœur, l'archer devait briser le cœur de Regina pour que la jeune femme revienne plus facilement vers sa mère. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'arrivée impromptue de Marianne avait grandement contribué à la réussite de ce plan machiavélique. Cora n'avait plus qu'à souffler sur les braises et faire en sorte que son pantin ne dévie à aucun moment de sa trajectoire.
« -J'ai un code Regina ! Je dois m'y tenir et tant pis si ça te fait du mal. Je dois penser à Marianne, à Roland, c'est sa mère… » Jamais ces paroles ne quittaient les pensées de Robin, ni la conviction avec laquelle ils les avaient débitées face à une Regina, qui tentait encore de faire bonne figure, alors que son cœur commençait déjà à se morceler. Robin reprit aussitôt son arme de prédilection et tira à une reprise avant de tout envoyer valser et de hurler à pleins poumons prenant le risque d'attirer l'attention de Cora qui pourrait de ce fait choisir de le museler davantage si par mégarde, il mettait en péril son plan orchestré jusqu'alors d'une main de maître. L'archer prit donc sur lui et se posa sur la souche d'un arbre mort. Lui qui d'ordinaire était en alerte, n'avait cette fois pris aucune prédisposition, il n'avait même pas remarqué la silhouette d'une inconnue s'approchait. Et c'est en entendant le son de sa voix, qu'il comprit qu'il n'était plus seul à présent.
« -Je n'ai pas besoin de… décompresser. Je vais bien ! » Le regard azur de l'archer se fit dès lors un peu moins menaçant. Il observa la nouvelle arrivante s'approchait pour ramasser son arc et ses flèches afin d'elle aussi se prêter au jeu du tir. « -A quoi bon vous dire « non » vous avez déjà l'arc bandé ! Faites donc ! » Il l'observa à nouveau méfiant, car il ne l'avait encore jamais vu ici et son accoutrement d'un autre temps, laissait entrevoir qu'elle n'était pas ici depuis bien longtemps. Ainsi, alors qu'elle semblait s'offusquer d'avoir loupé la cible, Robin se leva pour récupérer son arc. « -J'y tiens, c'est un présent. Vous faites parti des nouveaux arrivants, c'est ça ? » Suspicieux, il l'était. Tout dans l'attitude de la jeune demoiselle, lui laissait penser qu'elle était une menace, mais il se surprit à se laisser pourvoir d'une bien étrange familiarité en croisant son regard. Un sentiment qui créa très rapidement un malaise dont il peinait à se défaire. « -Votre tir manqué de vivacité et vous n'étiez pas en terre ce qui explique que la flèche n'ait pas atteint le but que vous le fixiez. Robin de Lockskey ! » dit-il enfin en tendant la main dans sa direction « -Ou des Bois. Ici ça n'a peu d'importance de toute façon. Et vous, qui êtes-vous donc Milady ? »
J'aurais pu faire mieux. J'aurais dû faire mieux... Le vent était étouffé par les bois, la lumière du soleil ne laissait presque pas d'ombre et la cible n'était pas mouvante. En toute logique, j'aurais dû faire mouche. Sauf que j'étais nerveuse... Rien ne le trahissait, naturellement. J'avais toujours eu une bonne maîtrise de mon corps et je savais depuis des années masquer mes émotions pour n'offrir à personne la possibilité d'en jouer contre moi. Ce n'était pas de parler avec ce type qui me troublait, pas en soit. Mais il était la clef pour retrouver mon frère et il fallait que la conversation se passe bien, afin que je puisse l'approcher à nouveau. J'étais prête à tout pour parvenir à mes fins. Je m'étais même résolue à la possibilité, si on en venait à ça, de me donner à lui, même s'il n'était pas du tout mon type. Pas qu'il soit laid, juste que... Je n'arrivais pas à le percevoir sous cet angle. Il y a des personnes qui ne vous attirent tout bonnement pas. Et puis, il y avait surtout le fait que l'absence de Mael occupait la moindre de mes pensées. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que je ne songeais pas en priorité à ça... Heureusement pour lui, j'avais besoin de ce type, sans quoi je l'aurais probablement envoyer paître dès qu'il ouvrit la bouche. Qu'il ne veuille pas parler de ce qui le trouble, je pouvais le comprendre. Mais le nier aussi farouchement, c'était ridicule. Je m'étais bien gardée de le lui faire remarquer tout comme j'avais étouffé toute réplique cinglante du style "c'est clair que vous avez l'air très détendu...". En temps normal, je n'aurais pas mis ces formes, mais rien n'était normal ces derniers temps, alors il me fallait m'adapter. Et puis, beaucoup de mâles se sentent mis en danger par ma force... Or, je ne voulais pas le braquer. Je n'allais pas jusqu'à tenter de passer pour une pauvre donzelle en détresse, parce que je savais que personne n'y aurait cru. Je portais sur ma peau les marques d'une vie rude et de mes nombreux combats. Les demoiselles n'agissent pas de la sorte. Elles savent bien parler et, surtout, se taire pour mieux faire mine d'admirer les mâles dans toute leur (supposée) beauté. Moi, si un homme me plait, je le lui dis, clairement. Charge à lui d'assumer ou non ensuite. Les jeux de séduction, je ne connais pas. A dire vrai, ça m'agace même. Mais bon, c'est sans doute parce que je n'ai jamais été amoureuse... Ce qui était pour le mieux ! Il poursuivit sur sa lancée en me faisant remarquer que j'avais déjà pris son arc, ce qui était vrai. J'aurais dû lancer une phrase de défi du style "eh bien si ça vous dérange, venez tenter de le reprendre. Mais je ne m'y risquerais pas si j'étais vous...". A nouveau, j'avais gardé le silence. De toute façon, je savais manier l'arc, cela devait se voir. Je ne comptais pas lui prendre son bien (pas celui-là en tous cas), il n'avait donc rien à craindre. J'en étais encore à me demander comment procéder quand il s'avança. Par réflexe, je pivotais pour lui faire face. Je ne laisse personne m'approcher sans l'avoir dans mon angle de vue. Ca m'avait sauvé la vie à plusieurs reprises. Toujours en temps normal (décidément, je me répète un peu...), je ne l'aurais pas laissé avancer aussi prêt. Chacun son espace vital après tout. J'avais moi-même pris grand soin de respecter le sien. Mais je ne fis pas le moindre mouvement quand il franchit cette ligne que je dressais mentalement. Pour la première fois, je croisais son regard. Quelque chose me frappa dans l'éclat azur, sans que je ne puisse expliquer quoi. Surprise, j'eus un temps de latence qu'il aurait pu mettre à profit pour me blesser, mais il n'en fit rien. Malgré sa colère évidente quelques instants auparavant, il y a avait de la douceur au fond des ses yeux. J'eus envie de lui faire confiance. J'eus l'impression de reconnaître ces traits que, pourtant, je ne connaissais que depuis quelques semaines. Un frisson parcourut mon corps et hérissa tous mes poils. Quand il saisit son arc, j'ouvris docilement la main. Ce fut le son de sa voix qui me ramena à mes sens. Il n'était rien d'autre qu'un objectif. Un obstacle même, si l'on considérait qu'il n'allait certainement pas me donner son médaillon facilement. Le médaillon... Malgré moi, mon regard s'abaissa un instant pour le chercher, mais je ne pouvais qu'en deviner la forme, sous le renflement de son col. J'aperçus la chaîne, tout au plus. Sa remarque me blessa. A moins que ce ne fut la proximité de cet objet et, par extension, de mon frère. Je me forçais à maintenir le calme ou, à défaut, de l'afficher en sortant de l'immobilisme qui m'avait saisie toute entière.
_ «Je n'avais nul intention de vous le voler», lançais-je, parce que c'était la vérité, oubliant de répondre à la seconde remarque qui n'était pas vraiment une question.
J'étais écrasée par le poids de l'importance de l'instant. Je ne devais pas me louper. Je ne pouvais pas me louper. Il m'expliqua mes défauts et j'aurais presque pu entendre la voix de Mael me faire les mêmes reproches. Il y aurait moins mis de formes et son ton aurait sans doute était plus agacé, puisque c'étaient des fautes récurrentes pour moi. J'allais répondre quelque chose quand il se présenta et tendis la main vers moi. Je considérais un moment ladite main comme pour évaluer la menace qu'elle représentait. Foutue habitude... Je ne voulais pas qu'il me prenne pour une folle.
« -Ou des Bois. Ici ça n'a peu d'importance de toute façon. Et vous, qui êtes-vous donc Milady ? »
Avec lenteur, mais fermement, je pris sa main dans la sienne, redoutant presque une décharge avant de me souvenir que c'était totalement ridicule.
_ «Certainement pas une lady, répondis-je, un éclat amusé dans les yeux. Je comprends mieux que vous redoutiez les voleurs, puisque vous en êtes le prince...»
Un sourire étira mes lèvres, sincère, discret. Parce que le contact apportait trop d'intimité à l'instant, je récupérais ma main et reculais d'un pas. Personne ne m'intimidait. Rien ne m'intimidait. J'étais capable de prendre part à des batailles rangées comme à des guerrillas entre les murs d'une cité. J'avais combattu nombre d'hommes, triomphé de la plupart. Pourtant, j'avais reculé. Pourquoi ?
_ «Je... M'appele Aeline», répondis-je en me souvenant qu'il fallait bien le faire. «En effet, je suis arrivée il y a peu. »
Un regard alentour, involontaire, illustra sans doute combien tout me paraissait encore étrange. Je suivis mon instinct et décidais de jouer carte sur table, au moins en partie.
_ «Je... Faisais partie des troupes de la reine des glaces. Elle...»
Je me tus et attendis de voir sa réaction. Je ne voulais m'étaler sur mes raisons mais je le ferais si nécessaire. Au moins en partie... De toute façon, c'était un risque calculé. Avec la présence, parmi les réfugiés, d'autres soldats comme moi, ce n'était pas un secret que je pouvais espérer garder.
S'isoler, en pleine nature, était encore la seule alternative qu'il lui restait. La chambre au Granny's était trop exiguë, tellement que l'archer préféra en prendre deux au grand étonnement de « Marianne » Il n'était pas prêt de toute évidence, et ce, malgré la joie engendrée par ce retour à la vie aussi surprenant qu'inattendu. Une question d'habitude sûrement ! Mais Robin préféra avoir son intimité et se retrouvait seul, le temps de se réhabituer à la présence de Marianne. La femme de l'archer, n'eut d'autres choix que d'accepter la décision de son époux en échange de quoi, ce dernier consentit à mettre un terme à sa carrière d'enseignant pour pouvoir être auprès de Marianne et l'aider à reprendre son rôle de mère auprès de Roland. Les retrouvailles furent d'ailleurs très émouvantes avec le petit archer et les autres Merry-men qui eurent jadis la chance de côtoyer Lady Marianne. Tout semblait leur sourire à nouveau et si en public, les apparences faisaient montre d'un homme et père épanouis, il en était tout autre, une fois les regards détournés. Robin prenait sur lui et déployer une énergie folle à se convaincre qu'il était heureux et fier de son choix de vie et si par mégarde l'archer venait à faiblir, Cora se chargeait de lui murmurer à l'oreille son cœur dans la paume de la main, ce qu'il devait faire l'éloignant chaque jour un peu plus de son véritable amour.
Pour l'heure, le chef de famille œuvrait à placer toutes les flèches dans le centre de la cible non-content de constater qu'il était encore à l'heure actuelle le meilleur archer de la ville. Cette activité l'apaisait, lui vider la tête même, et ce, malgré les quelques souvenirs qui jalonnaient ses pensées. Des souvenirs qu'il partageait avec Ser Maitrir, son père, du moins l'homme qu'il avait longtemps considéré comme tel à tort. Le chevalier lui avait offert son premier arc après avoir découvert que son petit protégé subissait quotidiennement les brimât des plus âgés. Il faut dire qu'à l'époque, le petit Robert était très frêle, d'une taille inférieure à celle des camarades du même âge. À n'en pas douter, il était une cible facile pour les autres. L'archer se laissa prendre, l'espace d'un instant par la nostalgie.
« - Robin, l'intelligence est une force, les muscles, un accessoire… Cependant, n'oublie jamais qu'il n'y a rien de plus dangereux que des hommes humiliés. »
« -Vous aussi, on vous a humilié ?»
« -Les enfants ne sont jamais tendres entre eux, tu l'as bien compris. »
« - Mais père moi, je ne veux pas devenir un homme dangereux. »
« -Alors, ne te laisses pas humilier. »
« -Mais, vous avez dit que la violence ne résolvait pas tout. »
« -Oui, je l'ai dit, tu as bonne mémoire. »
« -Comment faire alors ? »
« - La peur et le respect. L'un ne va pas sans l'autre. Vois-tu la cible en face de toi ? Si tu arrives à viser le centre les yeux fermés, tu es capable de tout et s'ils te pensent capable de tout, ils te craindront puis ils t'admireront si par chance, tu réitères l'exploit à plusieurs reprises. Les bons archers sont des hommes valeureux Robin, ils répondent à cette devise honneur, loyauté, solidarité et bienveillance. »
« -Comme un code d'honneur ? »
« -Oui voilà, c'est exactement ça fiston. Aller approche, je vais t'apprendre à te servir d'un arc. »
Le Robin adulte ferma de ce fait les yeux, prit une grande inspiration, banda son arc et tira. La flèche fendit l'air et alla se planter à nouveau en plein milieu de la cible, détruisant la première dans son élan. « J'ai un code d'honneur Regina » se revoyait-il lui dire avant de lui briser le cœur. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'il ressentit comme une espèce de petite décharge dans sa poitrine, une décharge qui le reconduit à son nouveau statut de serviteur bien malgré lui de la reine de cœur. Ça en était trop pour lui, qui faute de mieux, se mit à hurler avant de se rendre compte qu'il n'était plus seul à présent. La nouvelle, pas farouche pour deux sous l'observait, il en faisait de même quelque peu gêné que l'on puisse le voir ainsi. Par fierté, sûrement, il tenta de ne rien laissait paraître en prétendant ne pas avoir besoin de décompresser. Cependant, il ne put se résoudre à adopter l'attitude du défenseur bien longtemps bien qu'en théorie et au vu de l'attitude de l'étrangère, il était normal et logique de se montrait menaçant. Robin, intrigué continua à l'observer du coin de l'œil alors que cette dernière récupérait sans gêne son arc pour se préparait à tirer presque sans lui demander la permission. Son positionnement indiquait très clairement à Robin, qu'elle ne parviendrait à atteindre le centre, toutefois un autre détail attira son attention et pas des moindres.
« -Vous êtes gauchère ?! Ce n'est pas commun ça, aussi bien dans ce monde que dans le nôtre. » lança-t-il alors qu'elle achevait son tir qui bien sûr ne fut pas couronné du succès tant espéré. Craignant pour son arc, auquel il tenait plus que de raison, Robin se permit dès lors de souligner son affection pour l'objet espérant ainsi lui épargner de subir la frustration de la guerrière qui répondit du tac au tac ce qui fit sourire Robin. « -On ne vole pas un voleur ne vous l'a-t-on jamais enseigné ?! » La laissant fulminait quelques secondes, l'archer entreprit ensuite de se présenter à elle, comme il était d'usage lors d'une première rencontre. La main tendue, il attendit qu'elle daigne lui tendre la sienne et comprit dès lors que la demoiselle était du genre méfiante. « -Je ne voulais point vous offusquez et si c'est le cas, je m'en excuse. Le prince des voleurs peut aussi reconnaître ses torts. Cela fait d'ailleurs très longtemps que l'on ne m'a pas nommé de la sorte. » Robin put enfin lui serrer la main et récupérer son arc qu'il passa autour de son épaule « - Et bien ravi de vous rencontrer Aeline » Son sourire, son regard, cette jeune femme sur la réserve éveillait quelques familiarités au voleur cependant incapable de savoir si oui ou non, il avait déjà croisé sa route. Il s'apprêtait d'ailleurs à poser « naïvement » la question, mais fut stoppé net dans son élan par la guerrière qui consentit avant d'aller plus loin, à jouer cartes sur table avec son interlocuteur en lui avouant de but en blanc qu'elle faisait partie des troupes d'Ingrid.Dès lors, Robin eut un mouvement de recul, avant de se souvenir que comme Petit Jean, la reine des glaces avaient à sa solde des soldats qu'elle contrôlait par le biais de son miroir magique qui n'était plus désormais. « -Vous étiez ensorcelé ou l'avez-vous, comme le roi Arthur, rejoint de votre plein grès ? » lança-t-il amèrement.
J'avais tiré sans réfléchir à ce que je faisais. C'est pourquoi, quand il me s'étonna sur le fait que j'étais gauchère, j'avais seulement remarqué, qu'en effet, j'avais tiré de ce côté là. Haussant les épaules, après qu'il eut récupéré l'arc auquel il tenait tant, j'avais répondu.
_ C'est ce qui m'a paru le plus naturel. Je peux me servir des deux mains presque aussi facilement. C'est plutôt utile pour l'épée et la dague, mais pas tellement à l'arc.
Bon, je m'étais laissée aller à la vantardise. Ce n'est pas forcément mon naturel, mais ça m'arrive. En temps normal, c'est plutôt en présence d'un rival ou d'un mâle alpha à qui je veux donner une leçon, mais il ne s'agissait pas de cela ici. C'était... Simplement sorti. Mais ça ne prêtait pas à conséquence, je ne m'en souciais pas. Avisant ses gestes, je remarquais ce que je ne pouvais pas avoir vu mais qu'il avait de toute façon sous-entendu un peu avant.
_ Vous êtes gaucher vous-même à ce que je vois.
C'était le genre de choses dont il fallait me souvenir. L'avantage que j'ai souvent, au corps à corps, tient précisément de cette ambidextérité. Avec lui, ça serait annulé. Naturellement, il ne fallait pas espérer qu'il me rende les choses aisées... Quand il me lança sa phrase comme quoi on ne vole pas un voleur, je répondis en oubliant de réfléchir.
_ Je n'ai jamais compris le sens de cet adage. Je suis certaine que je pourrais vous voler comme je le souhaite...
Du coup, il me fallut me rectifier, masquant ma bourde d'un sourire de défi.
_ Enfin, si je le souhaitais. Mais vous ne risquez rien, je ne vois pas ce que je ferais de cet arc, ce n'est pas mon arme de prédilection.
Et puis, il n'est pas si exceptionnel, songeai-je, parce que c'était vrai, à mes yeux du moins. Pour moi, un arc est un arc. S'il avait été en or ou incrusté de pierres précieuses, d'accord, mais là... Il prit mon hésitation pour un élan de colère, ce qui m'embêta un peu. Je ne sais pas pourquoi, je ressentis le besoin de me justifier. Mais qu'y avait-il chez lui qui faisait que je me souciais de son avis ou de ce qu'il croyait deviner ?
_ Vous n'avez pas à vous excuser, je... Disons simplement que la vie m'a appris à me méfier des étrangers. Mais votre réputation vous précède, la méfiance ne serait nécessaire que si j'étais une riche héritière, ce qui n'est clairement pas le cas.
La fin de ma phrase, ça avait été une boutade, autant pour lui que pour moi. Je pouvais ressembler à bien des choses en cet instant (à une folle sans doute ?), mais certainement pas à une riche princesse qu'il se ferait un devoir de détrousser. De toute façon, il faisait mieux de ne pas essayer. Je l'aurais vaincu sans le moindre soucis... Enfin, si, pour être plus honnête, je pense qu'il aurait pu me donner du fil à retorde. Sous la surface calme et plate se cachait un coeur de lion, c'était aussi clair que le nez en travers de la figure. Pas besoin de réputation pour cela, mon instinct suffisait amplement. Mieux valait ne pas se mettre Robbin de Loxsley à dos. Mais je n'avais pas le choix... A terme. Pour l'heure, je me présentais et il s'en prétendit ravi. C'était une des formules qu'on lance par pure politesse ; discipline dans laquelle je n'excelle pas. Disons surtout que cela m'agace. Prétendre des choses pour le bon maintien d'us et coutumes qui variaient d'une contrée à une autre n'avait pas de sens pour moi. Je préférais dire aux gens que j'étais enchantée quand je l'étais vraiment, pas juste pour leur faire plaisir. Mais il parait de que ça se fait en société... J'y penserais... Pour une prochaine fois ! En attendant, je venais de faire une nouvelle bourde. Dès que j'évoquais mon passé, il recula, comme pour bien marquer le dégoût que cette idée lui inspirait. Je ne pouvais honnêtement pas l'en blâmer, même si sa réaction provoqua quelque chose en moi. Comme si cela m'avait importait, ce qui n'était pas le cas. Je me fichais de son avis ! En le répétant suffisamment, ça finirait par rentrer... Il se reprit aussitôt, mais je restai sur mes gardes. Etait-ce cette foutue politesse ? Etait-il le genre d'homme à enrober ce qu'il avait à dire ? Ca me décevrait si c'était le cas (même si ça n'aurait pas dû...). Il fut plutôt franc, quoi qu'il resta sur la réserve, lui aussi. Je pouvais le voir à son attitude dans son ensemble et à son regard en particulier. J'aurais dû mentir. Jouer la carte du miroir, entièrement. Blâmer la magie et le sortilège. Personne n'en aurait rien su. Personne n'aurait pu démentir. Ceux qui étaient dans ces rangs ne pouvaient différencier les fanatiques des ensorcelés. J'aurai dû... Mais je ne le fis pas. Bombant le torse comme pour le mettre au défi de me contredire ou de me juger, je le regardais droit dans les yeux pour répondre.
_ Elle m'avait promis la vie de mon frère en échange de mes services. Je n'avais d'autre choix que celui de le perdre... Ou de me perdre.
Ils se baissèrent, mes yeux, ces traîtres qui voulurent exprimer mon émotion, violente, au moyen de larmes. Je les retenais aussi violemment que je serrais le poing. Personne n'avait à voir ça. Personne ne devait voir ça. Une guerrière n'est pas faible. Elle n'a pas de faiblesse, aucune. Jamais. Maël serait tellement déçu s'il pouvait me voir en cet instant... Relevant les yeux avec rage, mais en la contenant comme je le pouvais, je l'affrontais à nouveau. Je n'avais jamais fui, je n'allais certainement pas commencer aujourd'hui.
_ Pensez-en ce que vous voudrez, Robin de Loxsley. Je n'ai de leçon à recevoir de personne.
Eh voilà, je l'avais lancé, ce foutu défi. Je l'avais sacrifiée cette foutue apparence. C'était comme si quelque chose se brisait en moi. La somme de tout ce que j'avais perdu, sans doute. La fatigue et le doute s'additionnant à l'ensemble. Et puis il y avait lui, et cette aura que je ne saisissais pas et qui me faisait agir de façon aussi irrationnelle. Si je perdais Maël à cause de ça, ça serait entièrement ma faute. J'aurai failli...
Ainsi, la guerrière était ambidextre et pouvait s'enquérir de manier d'autres armes. Robin sembla méfiant l'espace d'un instant. De telles capacités étaient souvent allouées aux mercenaires, des guerriers dira-t-on facilement disposés à ôter la vie. Robuste, la demoiselle semblait l'être et nul doute que si Robin se montrait menaçant à son égard, il pourrait craindre pour sa vie. Mais il n'était pas idiot et encore moins désireux de titiller l'étrangère, c'est pourquoi malgré la méfiance, il tâcha de rester courtois. « -L'arc est une arme capricieuse. Pour ma part, je ne suis pas particulièrement à l'aise avec l'épée. J'imagine que d'être gaucher n'est pas une qualité dans le maniement de certaines armes. Par chance, je peux compter sur l'arc. » Une chance qui lui avait sûrement sauvé la vie à de nombreuses reprises. Mais Robin semblait modeste et ne louait sa réussite qu'au prix de nombreuses heures de pratiques et non à celle d'un talent tout simplement naturel. Ça et ses qualités d'orateur que les autres mettaient en avant à sa place. Car oui, Robin de Locksley a le triomphe modeste et n'est pas du genre à faire preuve de vantardise, bien au contraire. « -Certains affirmaient même à une époque, que le simple fait d'être gaucher était une tare. » Il esquissa un léger sourire, satisfait de prouver le contraire à ces adeptes des croyances illusoires. qu'en plus d'être un gaucher, il était l'un des meilleurs archers du royaume.
Cette rencontre somme toute anodine (pour Robin) lui rappela cependant quelques bribes de sa vie passée et pour cause, Aeline la fière amazone arborait, dans l'attitude, beaucoup de similitudes avec Petit Jean aux prémisses de lors première rencontre, et même après. Bien sûr l'ancien chevalier du roi Richard cœur de Lion garda pour lui cette observation, histoire de ne pas être trop familier avec la nouvelle venue dont il restait méfiant. Mais pourquoi donc ?! C'est vrai quoi, Robin n'était pas du genre à se montrer aussi méfiant d'ordinaire. Il ne se permettait jamais de juger quelqu'un sur son apparence et encore moins sans fondements. Était-ce l'absence de son cœur qui commençait à le détraquer de l'intérieur ? Devait-il craindre à l'avenir d'autres défaillances ? Tout lui semblait incertain à présent jusqu'à sa propre survie. Son corps était devenu sa prison, une prison dans laquelle aucun cœur ne battait rendant l'archer chaque jour un peu plus malheureux. « Peut-être, pourriez-vous me voler si l'envie vous en prenez, je n'en doute pas. Mais comme vous venez de le faire remarquer l'arc n'est pas votre arme de prédiction. Il ne vaut rien, il est vrai, sauf d'un point de vue sentimental. Il m'a été offert par mon p…par l'homme qui m'a élevé. » Passé, son intervention, l'archer regretta de s'être livré de la sorte à l'inconnue. Après tout, ce n'était pas son genre, la femme aurait très bien pu être une ennemie à la solde de Cora (et pourquoi pas ?) Mais passé les premières minutes d'observation, Robin dût se rendre à l'évidence que cette femme, bien qu'en apparence hostile, n'était pas une ennemie. Ajoutons à cela cette étrange impression qui laissait à penser que notre roi des voleurs avait déjà croisé cette demoiselle sur sa route.
« -Oui, c'est certain que vous n'êtes point une riche héritière, sans vous offusquer bien sûr ! Mais soyez toutefois rassuré, ici nul besoin de voler aux riches pour donner aux pauvres. » L'ambiance semblait dès lors se détendre, la méfiance de Robin commençait même à osciller, mais ça, c'était avant qu'Aeline ne réponde à son interrogation, sans même chercher à mentir à l'archer. Ainsi, la guerrière faisait partie du camp adverse, mais son honnêteté bien que louable en de telles circonstances, raviva presque aussitôt la méfiance de Robin à son égard. « -Donc, vous n'étiez pas ensorcelée par son miroir si je comprends bien. Arthur non plus n'était pas ensorcelé et il n'a pas hésité à ployer le genou lâche qu'il est. » Mais la cause défendue par la demoiselle semblait plus louable que celle d'Arthur. Et puis quelque chose d'étrange se passa au moment même où le regard de la fière guerrière trouva le sol. Robin se sentit alors mal à l'aise, presque aux bords des larmes tant l'émotion qui venait de l'envahir était violente. Et en parfaite synchronisation avec Aeline, il serra le poing. « -C'est tellement injuste de perdre quelqu'un qui nous ait aussi précieux. Encore plus lorsqu'on vous manipule par le biais de cette douleur. Je ne vais pas vous faire la leçon Aeline soyez en certaine. Je peux juste vous dire que mon meilleur ami a été ensorcelé par le miroir. Par chance, il s'en ait sorti. Mais je n'ose imaginer ce que j'aurais pu ressentir si je l'avais perdu. Dites, vous allez sûrement me prendre pour un fou, mais j'ai l'impression que nous nous sommes déjà rencontrée non ?!
Je n'ai pas la langue dans ma poche. Pas que j'étale ma science partout non plus, mais j'oublie souvent de me taire quand je pourrais le faire. Du coup, je ne pus m'empêcher de le corriger. Mais je le fis gentiment.
_ Détrompez-vous, c'est très avantageux pour moi. Je peux prendre mes adversaires à revers, littéralement. La plupart des gens sont droitiers et ne maîtrisent absolument pas leur main gauche. En me positionnant différemment, je perturbe leurs petites habitudes, et c'est parfois bien utile...
Très. Mais vraiment en fait. En plus, comme je peux changer de main à volonté, je les force à s'adapter et ils ne savent pas bien le faire généralement. L'avantage ultime c'est de pouvoir basculer d'un bras à l'autre dès que je me fatigue d'un côté. Le rêve pour tous les combattants à l'épée !
_ En revanche, pour l'arc, vous me surprenez. Je ne vois pas vraiment l'avantage que ça vous confère.
Sans doute parce que je suis une bille à l'arc... Robin ajouta que certains considéraient le fait d'être gaucher comme une tare à une époque, ça me fit rire. Bombant le torse, je retrouvais mes réflexes de louve au sein d'une meute de combattant.
_ C'est parce qu'ils ne m'avaient pas affrontés... Ils auraient vite changé d'avis !
Pourquoi ce besoin de me mettre en avant ? Sans doute parce que je ne sais pas comment le faire autrement. Les mots, les provocations, ça prouve que j'existe. Ca m'en donne la sensation en tous les cas. Et puis, c'était vital dans un groupe où seuls ceux qui parlent le plus forts son entendus. C'était un réflexe, acquis depuis trop longtemps pour que j'en ai véritablement conscience. Une défense aussi. Un moyen de tenir les gens à distance raisonnable. Pendant ce temps, j'avais réouvert ma grande bouche et j'avais évoqué la possibilité de le voler. Il botta en touche et je ne trouvais rien à ajouter, ne souhaitant pas particulièrement m'étendre sur le sujet. La conversation bifurqua vers l'ancienne profession du voleur et je ne pus que sourire devant l'application qu'il mit à ne pas m'offenser.
_ Vous m'auriez plus vexée en me prenant pour une riche héritière qu'en constatant que je n'en suis pas une, abouais-je, amusée.
Oui, je ne suis pas une lady. Pour moi, ça tient de l'insulte. Sans doute parce que toutes les lady que j'ai connues (aperçues pour être plus précise) n'étaient que des oies blanches ou des grues sans personnalités, tout juste bonne à pondre des héritiers. Je n'avais peut-être pas leur fortune, mais j'avais toujours été libre et je n'avais besoin d'aucun homme pour survivre ou pour me défendre. J'en retirais une grande fierté. Vint ensuite la partie la plus épineuse de la conversation. Epineuse est un doux euphémisme puisque ça tourna plutôt à une confrontation dans les règles de l'art. Pas physiquement, mais rien n'était formellement exclu. S'il m'insultait, je riposterai. Je crus que ça allait partir quand il lança son laïus sur le roi Arthur et sa lâcheté. Je crachais plus que je répondis.
_ Vous feriez mieux de ne pas insinuer que je suis lâche moi aussi...
Tendue à l'extrême, je craquais, l'espace de quelques instants. Je n'avais pas envie qu'il ait une si mauvaise opinion de moi. Sans doute parce que je n'étais pas fière de ce passé. J'avais beau me targuer de l'assumer pleinement, son dégoût me renvoyait à ce que j'étais devenue, au moins pendant un temps. Il eut l'intelligence de ne pas surenchérir. Oh, son petit discours sur la perte d'un proche me blessa, mais ce n'était pas son intention, alors je ne frappais pas. Il finit en me demandant si on ne s'était pas rencontrés et ça acheva de me déstabiliser, précisément parce que je ressentais la même chose. Je tenais néanmoins à mettre les choses au clair.
_ Votre ami est un faible d'esprit en ce cas... J'ai, moi aussi, vu au travers de ce miroir, mais il ne m'a en rien contrainte. J'ai fait le choix de faire passer mon frère en priorité. J'en assume les conséquences et j'en porterais toujours le poids.
Un éclair de défi passa dans le regard que je posais sur lui. Je réalisais, avec un temps de retard, que je venais d'insulter son ami, ce qui n'allait sans doute pas jouer en ma faveur, mais c'était trop tard. Je préférais continuer et répondis à sa dernière question.
_ Vous ne me semblez pas totalement étranger, admis-je prudemment, même si cela me gênait un peu. Mais je n'ai pas le souvenir de vous avoir rencontré. J'ai entendu parler de vous, naturellement. C'est sans doute ce qui explique cette étrange sensation... Ca ou le fait que nous venions tous deux du comté de Nottingham. Tout est tellement différent ici.
Troublée je l'étais plus que je ne l'aurais souhaité. J'eus beau réfléchir, longuement, je ne voyais pas d'où je pouvais le connaître. J'étais certaine de ne l'avoir jamais fréquentée, y compris au détour d'une taverne ou dans un autre lieu peu recommandable... Je ne les fréquentais qu'avec parcimonie de toute façon. Je scrutais intensément ces traits qui me restaient mystérieux. Seul l'azur de ses yeux m'étais familier... Ce qui n'avait pas le moindre sens. Agacée, j'eus un léger soupir. Je n'ai jamais aimé les énigmes... Cette rencontre prenait décidément une tournure inattendue.
La conversation n'était pas désagréable, loin de là. Parler du maniement de l'arme et du fait d'être gaucher pour Robin, s'apparentait presque une fierté à peine déguiser. Oui, il en était fier, sans trop savoir pourquoi d'ailleurs. Peut-être, était-ce du à la rareté que cela conférait d'être gaucher. Oui peut-être aux facultés dont lui était pourvu et pas les autres. Trop de peut-être rythmait cette conversation, c'était certain. Cependant, la jeune demoiselle face à l'archer semblait délestée du moindre doute, pire encore, elle en devenait presque un peu trop prétentieuse aux yeux du modeste Robin, qui ne supportait que trop difficilement les personnes se mettant ainsi en avant, bien qu'il en eût connu dans son passé, et même au sein des Merry-men. « -N'êtes-vous pas un brin prétentieuse ? » osa l'archer « -Vous vous mettez beaucoup en avant je trouve ! Est-ce un trait de caractère prompte à la région d'où vous venez ?! » Était-il curieux ? Oui à n'en pas douter, mais c'était aussi une façon pour lui d'analyser plus en profondeur la guerrière dont il décelait quelques failles. Sûrement, agissait-elle de la sorte pour se protéger et prouver sa valeur pour prouver son existence. À n'en pas douter, nous sommes dès lors bien loin d'une lady. « -Vous n'avez rien d'une riche héritière. Je vous trouve trop audacieuse pour cela. Les riches héritières ont tendance à payer des gens pour l'être à leur place. Vous, de toute évidence, vous n'avez besoin de personne, sauf de vous-même. Sans vous offusquer bien sûr ! J'essaie de comprendre, de vous cerner ! » Oui, car la demoiselle n'en demeurait pas moins intrigante et continuait à se pourvoir d'une familiarité dont Robin ne parvenait à déceler l'origine ce qui continuait à le frustrer.
La conversation disons-le, amicale pour le moment, fut un peu plus hostile dès lors. Robin avait visé juste, tellement que la demoiselle semblait encline à montrer les dents, Robin espérait juste ne pas en arriver aux poings, car quoiqu'il arrive, on ne frappe pas une milady. « -Hey, on se calme là ! Je n'ai rien insinué ok ? Je ne fais qu'une constatation, mais si vous n'avez pas lâchement ployé le genou comme Arthur, grand bien vous fasse. » À son tour, c'est lui qui se montrait plus hostile. En de telles circonstances, il se trouvait face à une personne qui avait somme toute rejoint Ingrid délibérément et cette perspective lui déplaisait fortement cependant, il se rendit compte bien rapidement qu'il ne devait pas renchérir, qu'au contraire, il devait tenter d'apaiser la situation pour éviter de l'envenimer un peu plus. La mâchoire desserrée, il cessa de se montrer hostile et consentit à se livrer un peu en évoquant la douleur engendrée par la perte d'un être cher. Le discours sembla toucher la demoiselle qui sous ses airs de rustres, laissait entendre un petit cœur battre, à l'inverse de Robin qui continuait à vivre par le consentement de Cora. Néanmoins, les apparences sont trompeuses et si Aeline semblait touchée par le récit de Robin, lorsqu'elle prit la parole, les divergences reprirent de plus belle.
« -Pardon ?! » lança-t-il presque offusqué. « -Vous le jugez sans même le connaître et je pourrais en faire de même avec vous, mais je ne le fais pas. Et puisque vous assumez les conséquences, je suis ravi pour vous. » Oui, insulter Petit Jean est un affront pour Robin, qui venait de se braquer. Aeline, pas folle la guêpe, se raccrocha aux branches et rebondit sur la dernière interrogation lancée par Robin, qui espérons-le, cessera de s'offusquer cette fois. « -Un conseil, si je puis me permettre. N'insultez pas mes amis encore moins Petit Jean. Je ne suis pas du genre à m'importer facilement sauf si on s'en prend à mes amis. » Il s'avança dès lors vers le tronc d'arbre pour y récupérer son carquois. « -Ma légende me précède encore une fois. Toutefois, si vous vous avez entendu parler de moi, ce n'est pas le cas pour moi. Je suis à peu près sûr de n'avoir jamais eu vent d'une femme maniant l'épée comme un homme et qui plus elle originaire du comté de Nottingham. Le cas échéant, nul doute que j'aurais essayé de vous convaincre de vous joindre à nous. Non, c'est une familiarité toute autre. » Il cessa de parler et s'assit sur le tronc où se trouvait son carquois avant de l'observer à nouveau. « -Votre regard peut-être ! » Il se leva aussitôt, bien décidé à mettre un terme à sa séance d'entraînement. « -Un verre ça vous tente ?! Promettez-moi de ne pas me provoquer inutilement et j'offre une tournée ! Cela vous convient ? »
J'eus un sourire. Si, si, je l'avoue, j'eus un vrai sourire. Décidément, ce Robin avait un don puisque cela ne m'arrivait plus depuis un certain temps. Ai-je besoin de préciser depuis quel tragique évènement ? Bref, quand il me demanda si je n'étais pas un brin prétentieuse, j'eus un sourire. En réalité, je ne suis pas prétentieuse. Je suis consciente de ma valeur et de mes forces, ainsi que de mes atouts. Parce qu'ils sont trop souvent sous-évalués, j'ai décidé de les vanter à voix haute, à la place de ceux qui ne le font pas. Tout est dans la nuance... Non, en vrai je suis un peu prétentieuse, mais juste ce qu'il faut !
_ Etant donné que nous venons du même endroit, vous devriez le savoir si c'est coutumier, le taquinais-je, amusée, bottant ainsi en touche pour éviter de répondre.
Ah Nottingham et la Forêt Enchantée... Je n'avais jamais vraiment réfléchi au fait que j'aimais ses endroits ni qu'ils pourraient me manquer un jour. Je n'avais concrètement jamais envisagé de quitter ces terres pour en découvrir d'autres, si éloignées dans tous les sens du terme. En réalité, je ne sais pas si j'aimais la Forêt Enchantée ou juste si j'y étais accoutumée. Les us et coutumes, les paysages, tout faisait partie de moi, de mon cadre de vie, et je tenais ça pour acquis. Grossière erreur... Il poursuivit ainsi sur la lancée humoristique et expliqua pourquoi je ne ressemblais pas à une riche héritière. A la fin, il jugea bon de préciser qu'il ne cherchait pas à me vexer. J'avais entendu bien des choses sur Robin des Bois, mais je n'aurai jamais imaginé qu'un voleur, fusse-t-il « prince », soit aussi poli. Il s'appliquait à ne pas m'offenser, ce qui était agréable en fait. En général, on ne me traite pas avec autant de courtoisie. Je ne suis pas une lady, je suis une guerrière. Je n'aurais pas dû me réjouir d'être traitée de la sorte mais, venant de lui, c'était agréable. Mieux valait ne pas trop m'y habituer toutefois... Pas question de ramollir maintenant !
_ Disons que je sais depuis bien longtemps que je peux compter sur moi et que je ne peux pas en dire autant de la majorité des personnes, répondis-je en retrouvant mon sérieux.
C'était un simple constat. Il n'y avait aucune agressivité dans ma voix. Mais le fait qu'il cherche à me comprendre me surprit. Me gêna peut-être un peu aussi. Déjà parce que je ne voulais pas m'attacher à lui. Il était une cible après tout, un moyen d'arriver à mes fins. Mais également parce que je ne voulais pas qu'il devine mes intentions, ni que j'étais prête à beaucoup pour les accomplir. Mais il était peut-être un peu tard pour m'inquiéter de cela. L'agressivité, elle revint, juste après. Je dois bien avouer que je fus la première à lancer les hostilités. Mais c'est de sa faute aussi ! Si, si ! Il n'avait qu'à être clair quand il parlait de lâcheté qui était LE qualificatif à ne pas employer pour parler de moi. Ce sujet était sensible pour plusieurs raisons. Avant tout, il faut savoir (enfin non, personne ne doit le savoir) que je n'ai pas toujours été aussi fière et courageuse que je le suis. Oui, je sais, ça surprend cruellement... Fut un temps, très lointain, où j'oscillais encore entre la jeune fille trouillarde et la jeune femme courageuse que la vie m'avait poussée à devenir. La lâcheté, je l'avais expérimenté. Il m'avait fallut m'endurcir, peu à peu, avec rigueur. Maël s'était montré intransigeant, et certains diraient même cruel, pour s'assurer que c'était le cas. Je rechignais à tuer des créatures vivantes ? Il m'avait obligée à chasser ma pitance pendant un bon mois, sans m'aider une seule fois. J'avais vomi en tuant mon premier homme ? Il m'avait montré des corps jusqu'à ce que je ne frissonne plus. Et ainsi de suite. Ca peut paraître violent, mais c'était nécessaire. Je l'ai toujours su au fond de moi. Sans lui, je ne serais pas le quart de la femme que je suis... Ensuite, il y avait l'épineuse question de ma condition de femme qui faisait supposer à tous que j'étais lâche, comme si c'était une donnée innée à mon genre... Bande d'abrutis va ! Parlant d'abruti (tu as peur en lisant ça hein ? ^^), Robin ne le fut pas tant que ça puisqu'il argua qu'il ne m'avait pas qualifiée de lâche. Mais le mal semblait être fait. Un temps, je crus que ma remarque sur la faiblesse d'esprit de son ami allait enterrer définitivement tout espoir de lui parler à nouveau, mais non. En plus de courtoisis, Robin de Loxskey avait de la patience. Grand bien lui fasse ! Je n'en avais qu'une quantité limitée...
« -Un conseil, si je puis me permettre. N'insultez pas mes amis encore moins Petit Jean. Je ne suis pas du genre à m'importer facilement sauf si on s'en prend à mes amis. »
Petit-Jean ?? J'eus un temps de latence parfaitement visible et la stupéfaction dut se lire sur mon visage. Je voulais reprendre le contrôle de mes émotions, naturellement, mais ça m'échappa. J'étais vraiment fatiguée...
_ Attendez, vous connaissez Petit-Jean ?
Comment oublier celui que j'avais qualifié mentalement d'« ours » depuis la première fois où je l'avais vu et que j'avais défié la minute suivante pour un combat dans les règles de l'art ? Les souvenirs me happèrent encore quelques instants, et le visage souriant de l'homme s'imprima devant mes yeux. Je le repoussais avec force, pour ne pas me laisser distraire, mais c'était un peu tard. Néanmoins, je considérais l'info pour ce qu'elle était : un autre point d'entrée pour me procurer le médaillon... J'attendis donc avec attention sa réponse sur le sujet. Il évoqua ensuite sa légende avec un temps presque blasé qui me fit me retenir de balancer un "et qui est prétentieux maintenant ?". Non mais vraiment. "Ma légende me précède encore une fois." Pour qui se prenait-il ? Pour un type dont, effectivement, toute la Forêt Enchantée avait entendu parler, mais ce n'est pas le sujet présentement... Comment ça je suis de mauvaise fois ? Je n'eus pas matière à m'étendre sur la question qu'il en aborda une autre. Naturellement, lui, n'avait pas entendu parler de moi. Après tout, qui prendrait la peine de parler d'une femme aussi douée que moi ? Foutu misogynie généralisée ! Ca, et le fait que je ne suis qu'une mercenaire, mais peu importe... J'aurai pu m'en vexer, mais ça me passait au dessus ce genre de choses. Je n'avais de toute façon pas l'illusion qu'il eut pu exister une renommée me concernant. Dommage, ça aurait sans doute amélioré mes gages... J'allais répondre qu'il aurait toujours pu tenter de me recruter mais que je doutais de la possibilité de le suivre pour vivre sans le sous, mais il me surprit à nouveau en arguant que la familiarité qu'il ressentait était toute autre. Quand il ajouta que cela concernait mon regard, peut-être, mon coeur fit un bond. C'était exactement ce que je m'étais dit ! Comment tout cela était-il possible bordel ?
_ Je ne sais pas, répondis-je seulement, parce que j'étais troublée et que je ne comprenais plus grand chose. Mais je suis certaine moi aussi de ne vous avoir jamais rencontré...
Il se leva ensuite et fit la chose à laquelle je m'attendais le moins ! Enfin, si, je m'attendais encore moins qu'il essaye de m'embrasser. Ou qu'il demande ma main. Qu'il se déshabille aussi, quoi que, ça n'aurait pas été le plus gênant... En fait, il aurait pu faire pas mal de choses pour me surprendre, mais m'inviter à boire un verre entrer dans le top 10. Prudente, je fronçais un sourcil suspicieux en me demandant où il venait en venir. En général, quand des hommes prenaient le risque de me payer à boire c'était pour me mettre dans leur lit. Je n'avais pas plus envie que cela de me retrouver dans le sien mais si ça pouvait me permettre de lui voler le médaillon, je me sacrifierai. Il y avait pire, avouons le, pour passer le temps... En tous les cas, je ne pouvais pas juste refuser. Parce que, là, je me le serais définitivement mis à dos. Du coup, j'acceptais, non sans relever sa tirade sur le fait de le provoquer inutilement qui me gonfla royalement. Je n'avais absolument rien faire pour le provoquer. Le jour où je voudrais le provoquer, il le saurait rapidement, croyez moi ! Mais passons... Une fois encore, ma diplomatie légendaire prit le dessus.
_ A vos risques et périls, lançais-je d'un ton énigmatique avant de sourire à nouveau comme pour appuyer ce qui ressemblait (mais n'était pas) une boutade. Où voulez-vous aller ? Je me suis cantonnée à la forêt depuis mon arrivée. La ville, ça me paraît bien trop étrange et je ne me suis toujours pas faite à ces chars étranges qui roulent vite et dans tous les sens. D'ailleurs, ça manque sérieusement de chevaux pas ici, vous ne trouvez pas ?
De chevaux, de tavernes dignes de ce nom, de tout quoi ! Par habitude, je saisis le pommeau de mon épée longue, que je portais à la ceinture, pour qu'elle ne gêne pas mon pas et me mis en marche dans sa direction, prête à le suivre. La plupart des gens, ici, ne portaient pas d'épée. Je trouvais que c'était la chose la plus étrange de toutes ! Pour moi, il était hors de question de déposer les armes !
_ Ca fait longtemps que vous vivez ici ? Vous semblez... Plus accoutumé à tout cela.
C'était cela, je devais faire la conversation et l'amener sur un terrain neutre pour qu'il ne se méfie plus.