Dure soirée pour Cly. En fait ce n’était pas que la soirée, mais cela faisait même un petit moment que dans sa tête, ça n’allait pas. Un bon nombre de pensées, des souvenirs qui revenaient, des gestes, des paroles, de si doux moment. Toute dans le même thème celui des regrets. Il avait frôlé la catastrophe avec Rozen et il était bien content d’avoir été rattrapé par sa raison et surtout sur la solution de tous les maux qui avaient pu l’atteindre depuis la levée de la malédiction. Il était parti, après une attitude impardonnable devant celle qui aurait pu lui donner l’expiation qu’il cherchait depuis le drame qui avait frappé sa si heureuse vie. Son bonheur était devant lui et il l’avait fui, ignorant et donc apeuré, incapable de sauter le pas et prendre des risques. Après tout, qu’avait-il a perdre d’essayer de faire confiance à ce joyeux lurons et cette charmante femme. De mourir ? Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus peur de ça. Enfin… Depuis Diazpro, il avait redonner de la valeur à la vie. A la sienne, auprès d’elle. Et tout ça, il y avait pensé après avoir ramener Rozen chez elle alors qu’il aurait pu égoïstement profité d’un très bon moment entre deux personnes consentantes. Certes un peu trop éméchées, mais d’accords.
Et depuis, s’il s’était fait plus discret, ce n’est pas parce qu’il avait eu honte, comme parfois ça pouvait lui arriver – de rare fois – et se réveiller avec quelqu’un nu dans un lit et qu’ils n’auraient pas du. Non, toute cette histoire l’avait travaillé. Il avait bu, comme souvent et il eut une lubie. Il avait besoin de parler. Trop de temps qu’il était seul et ruminait. Quand enfin il avait décidé de voir ses démons en face et les affronter en parlant avec quelqu’un, personne n’était disponible. Ni Jack, et encore moins Rozen, Emma n’en parlons pas, elle ne savait rien de cette histoire en plus. Errant dans la rue, croisant l’échoppe de Rozen, il revoyait Juliette lui faire la morale et sa forte envie de la frapper pour son affront à parler sans savoir… C’est comme ça qu’il s’était retrouvé devant chez elle. Il n’avait pas beaucoup réfléchis. Son cerveau était proche de celui d’un primate sous acide vu l’alcool qui chauffait ses veines. Une longue démarche pour en finir par trouver une oreille de l’autre côté de cette porte.
Tanguant dans les rues, les escaliers, les couloirs, il posa un doigt lourd sur la sonnette et attendit le front contre la porte. La serrure cliqueta et le porte grinça à peine. Cly se rattrapa au chambranle de justesse et y resta pendu comme un noyé à une bouée. Juliette tonna son nom surprise. « Ouais, c’bien comme ça que je m’appelle » avait-il grogné, ne la regardant même pas. Sa tête était penché vers le parquet de l’entrée et il n’avait pas encore trouvé la force de se redresser. Il se balançait légèrement. Cly était défait. Il paraissait complètement absent. L’alcool ou ses tourments ? Un peu des deux. Elle lui proposa d’entrer par politesse. Erreur. Il avait rien dit pendant un moment qui paraissait interminable et la darda enfin de ses yeux clairs et froid avant d’entrer en trombe. C’est alors que se dévoilait une bouteille de whisky à sa main, dissimulée par le mur où il s’était appuyé. Il en restait déjà plus que la moitié.
Comme par instinct, son corps avait trouvé un endroit où s’échouer. Un canapé et il posa lourdement la bouteille sur la table basse. « Je passais dans le quartier et je me suis dis que l’autre fois tu m’as bien emmerdé. » Pause. « Alors j’allais faire la même chose là… » avait-il balbutier avec sa voix d’ivrogne, louchant sur les objets devant lui et replaçait la bouteille sur la table-basse, bien droite comme un toque. Restant penché, accoudé à ses cuisses, il se passait une main dans les cheveux, comme anéantis. Il entendit des pas et supposa que c’était Juliette. « Et si elle ne me pardonnait pas… Qu’est-ce que je fais ? »
Il avait réussi à trouver le salon puis le canapé, trainant sa carcasse et sa bouteille jusqu’au meuble avant de s’y laisser tomber lourdement comme s’il portait toute la misère du monde. C’était un peu ça. Cly était à bout de force. Il était fatigué d’être toujours détaché, solitaire, bougon, ne rien devoir à personne et ainsi toujours se protéger du monde extérieur. Il n’avait pas trouvé comment faire autrement, ni même le courage d’assumer que parfois, il aimait avoir une oreille soutenante. Avoir tout simplement plus de soutient. Il n’était qu’une brute et frappait toujours avant de réfléchir. C’était plus facile de faire fuir les gens autour de lui pour ne pas s’attacher plutôt que de les conserver. Sauf qu’il en avait perdu en route, à jamais ou juste pour l’instant et qui le brisait chaque fois toujours un peu plus. Sa tête pendait en arrière sur le dossier du canapé et sa main n’avait pas lâché la bouteille de whisky qu’il avait posé près de lui contre sa cuisse – au cas où on aurait eu l'envie de la lui prendre. Il se perdait lui-même dans tout un tas d’argument pour ne pas assumer qu’il n’allait pas bien ce soir et il n’avait pas envie d’être seul. Encore de l’autre côté, il avait des personnes pour se confier parfois, vider son sac et ainsi continuer à avancer droit devant lui, seul, là où la vie aura décidé de lui faire payer son triste sort. Si la vie, la magie ou tout autre chose lui avait donné de la force, c’était pour se sacrifier tel un martyr et essayer de faire le bien. Du moins c’est ce qu’il pensait au début avec la Compagnie des Mousquetaires mais… les drames n’en ont pas fini par la suite.
Il se redressait mollement, les coudes appuyés sur ses genoux. Se frottant le visage, rinçant son gosier d’une lapée de son alcool ambré, il se confiait presque à une inconnue. Une inconnue qui avait le lien le plus récent avec Diazpro, le dernier de ses tourments. Il réalisait chaque jour qu’il l’avait perdu et peut-être pour de bon. Il réalisait surtout ce qu’il avait perdu. Il avait peur qu’elle ne lui pardonne pas ses gestes. Lui-même ne se les pardonnait pas. Après, il ne pouvait pas changer du tout au tout, mais des réactions violentes comme il a eu avec le Reine Diazpro, elles étaient rares. Cela lui avait échappé. Ses blessures morales avaient décuplé sa peur et sa rage face à un nouveau mensonge sur lequel il s’était imaginé bâtir une nouvelle vie. Une vie – la sienne – qui depuis la mort de sa fille et sa femme n’avait plus aucun goût, ni même de valeur.
Juliette ignorait tout ça. Elle devait même pas savoir grand chose de cet homme tout court. Personne n’aurait pu lui parler plus de lui que ce qu’on pouvait savoir officiellement : un mousquetaire et ses exploits, qui avait finit par se marier et être père avant de tomber dans l’alcool et les méfaits après la perte de ses deux princesses. Qu’il ait toujours eu des soucis avec l’alcool, ça encore on pouvait le deviner ; qu’il battait parfois sa femme car trop ivre, ça déjà beaucoup moins. Il n’était pas du genre à s’étaler. Il gardait pour lui, non pas une part de mystère mais surtout un façon de se préserver des conséquence des événements qui ont créé des failles dans son coeur et son esprit. Au final, on ne savait pas grand chose de Portos. Tout ce qu’elle réussi à lui répondre ne lui avait pas plus car bien sûr, il était bien trop éméché et bien plus susceptible. Il le prit mal. Pour lui, elle le jugeait car il était un homme à la mauvaise réputation, violent, alcoolique, injurieux et qui trainait avec des catins. Elle pensait vraiment qu’il pouvait passer à autre chose ? Comme ça ? Il ne fallait pas se fier aux apparences. Il n’était pas ce genre d’homme qui manquait cruellement de respect pour les femmes. Il savait être touché et Diaz l’avait touché.
Il allait lui répondre en grognant mais elle reprit la parole, le coupant net dans son élan. Il prit une gorgée par frustration. Et pensant qu’il allait se gonfler de colère avec la suite du discours, au contraire elle l'anéantis. Juliette avait enfoncé une pince monseigneur dans une des failles de l’homme et l’avait écarté, laissant couler des souffrances plus anciennes. « Ma femme m’aurait jamais pardonné… » avait-il murmuré plus pour lui-même. Il la revoyait lui frapper violemment le torse de ses petits poings, son visage dodu et tout renfrogné. Elle lui reprochait qu’il allait lui attirer des problèmes. Elle voulait partir se cacher avec sa fille, mais il ne voulait pas l’entendre. Non, lui il était de l’élite des Mousquetaire avec ses frères d’armes, personne n’oseraient, elle était en sécurité ici. Et maintenant, il les avait perdu. Il rebut une grosse goulée de whisky après avoir revu les images de deux corps dans la chambre de la petite, le sang séché sur les draps et le tapis. Ils ont du faire changer plusieurs lattes du planché pour effacer tout souvenir. Finalement, il avait quitté la maison familiale pour quelque chose de plus petit, et où il ne voyait plus les fantôme de son passé. Si elle avait été là, elle ne m’aurais pas pardonné et je le comprendrais…
Il n’avait rien dit pendant un moment. Juliette lui proposait de manger quelque chose. Il ne répondit pas. Elle avait seulement réussi à le faire revenir à la réalité. « Je suis pas sûr pour votre histoire d’Amour suprême là… C’est différent. Vous pouvez pas comprendre. » dit-il comme aliéné. Il se grattait la barbe, pensif et l’air un peu ahuri. Il se faisait peur lui-même quand il se faisait un constat de sa vie. « Je dis pas, ça peut arriver à des personnes... Dans un moment qui-fait-que... Mais les caractères sont différents et les épreuves aussi ! Elle… » commença t-elle dans un soupir nostalgique. « Diaz. Enfin, Diazpro » se reprit-il comme si étonnement il avait eu enfin conscience du titre officielle de la personne à qui il faisait face et qu’il dérangeait en plein milieu de la nuit. « Elle a sa fierté et son caractère. Puis, elle n’est pas seule elle. Elle porte un royaume… » dit-il avec un petit sourire, fier de cette femme et amoureux d’elle tout entière. C’est ce qu’elle dégageait qui l’avait touché en premier bien avant sa beauté, contrairement à ce qu’il disait souvent. C’est par le linge froid et humide qui lui épongeait le front et son regard soucieux qu’elle lui décocha une flèche d’Aphrodite en plein coeur. « On se connaissait pas depuis si longtemps, même si de mon côté, j’ai foi en ses capacités. Elle pouvait... peux ! Pouvais ? Enfin elle sait pas qu’elle est capable de me tenir. ‘Fin je pense. Alors elle ne prendrait pas ce risque avec moi pour son devoir et ses convictions. Qui voudrait s’enchainer à moi de toutes façons. Je devrais me faire une raison. J’finis toujours pas tout foirer.». Il fit une pause dans ses paroles un peu décousues pour poser la bouteille sur la table basse devant lui. « Sauf que si je l’enchaines pas à moi, je finirai dans le mur. Même en continuant mon chemin… J’en trouverais une autre comme elle. La vie m’offrait une deuxième chance et je l’ai laissé partir. » se confiait-il en se frottant les yeux pour arrêter cette étrange envie de pleurer qui lui nouait la gorge. « Après réflexion, j’pas forcément besoin qu’elle me pardonne, je veux juste l’épouser et lui faire des enfants. » ajouta t-il brusquement, d’un air un peu benêt en replaçant la bouteille, l’étiquette parfaitement face à lui.
Il avait parlé. Sûrement plus qu’il ne le pensait. Son discours éparse et parlant parfois à lui même, il laissait échappé des brides d’une vie passée qu’il gardait trop souvent pour lui. Et encore, il y avait bien des choses qu’on ne savait pas de lui. Par exemple, ce qu’il a été avant d’être Portos, Le plus costaud des Mousquetaires du Roi. En soit, il avait balbutié tel l’ivrogne qu’il était et Juliette fini par partir dans la cuisine. « Faut le dire si j’vous emmerde ! J’t’ai pas forcé à ouvrir la porte et me faire entrer chez toi ! » beuglait-il du salon avant de se laisser lourdement tomber sur le dossier du canapé. « Ouais, enfin pas sûr que je t’aurais pas obligé à l’faire… » se fit-il la réflexion à lui même plus bas, dévisageant le plafond avec intensité. Il tapotait nerveusement ses doigts sur son genoux. Après un moment de silence, il reprit alors ses lamentations en commençant par contredire Juliette, ce qui l’amena à à délirer sur des angoisses et des regrets qui le rongent depuis des années causée par la perte de sa précieuse petite famille.
Juliette refit son apparition. Il ne bougea pas, toujours la tête en arrière, paraissant presque mort, le regard désormais vide. Parlant d’avocat et de poulet, il finit par redresser la tête et la jauger avec sceptisime. Mais de quoi elle parle ? Il aperçut les sandwichs posés sur la table basse devant lui. Il chercha instinctivement sa bouteille. « Mais j’ai jamais dis que j’avais faim moi ! » dit-il presque agacé. « Et j’vois pas de quel droit tu te permettez de me dire ce que je dois faire » ajoutait-il en fronçant les sourcils avec intimidation.
Elle était venue s’asseoir face à lui. Trop proche de lui. Il fronça de nouveau les sourcils avec intimidation. Elle lui reprochait de se dévaloriser, il détourna alors les yeux pour jeter un oeil à son tapis au pied du canapé. « Parce que vous ne savez pas… » soupira Cly. Rien que de repenser à son vécu, des souvenirs pris au hasard pour résumé sa vie, ce fut éprouvant. Or, s’il avait été sobre, il aurait été étonné de voir cette femme si revêche qui lui avait reproché tout les maux du monde, entrain de le rassurer. Elle lui donnait de l’espoir en lui disant que son amie avait bien pu passer outre bien des choses, qui sait si elle ne le pouvait pas plus. Sûrement en lien avec son histoire de l’amour-qui-pardonne-tout. Elle lui donna même plus, un conseil : celui de parler calmement et sans alcool. Il hocha la tête. Quand elle lui avait dit à cet instant alors qu'il complètement éméché, il n’avait pas entendu de paroles si sages. Mais bien sûr qu’il en serait venu naturellement là, à lui parler calmement et comme des adultes, lui demander pardon, etc.. Il n'était pas si con quand même et avait un minimum de bon sens. Il a besoin d’aide que pour séduire une femme qui lui tient à coeur – rappelons que s’il a réussi à se marier, c’est bien grâce à Aramis – mais le reste, il s’en sortait tout seul. Pas forcément bien, mais il le faisait tout seul. Ses histoires n’occupaient que lui.
Soit, Juliette fut comme la voix de la Raison. « T’as raison, je vais faire ça » dit-il en se redressant dans le canapé, pensif et se grattant le menton pour encore mieux creusée l’idée. Elle changeait alors de sujet, alors que Cly se faisait déjà des films de la prochaine rencontre avec Diaz et comment il lui dirait les choses. Ou je la couche sur la première table qui vient et je refais notre première nuit d’amour. Peu de chance que ça marche... Portant enfin son attention sur Juliette, il la regardait comme un poisson hors-de-l’eau et lentement la question qu’elle lui avait posé lui revint en mémoire. « Déjà, j’ai pas eu peur ! J’ai jamais peur moi ! La magie, j’aime pas. La magie c’est dangereux ! Je sais pas moi… J’aime pas ça. » dit-il en grimaçant à chaque mort ou presque et haussait parfois les épaules. « C’est tout. C’est comme ça. Trop de gens en souffrent ou meurt de ça et le problème c’est que sa limite parait infini. Et çaaaaa… C’est pas bien. C’est pas de bon augure. » lui partageait-il donc son opinion. Cly faisait partie de ces personnes qui n’y connaissait et quand il ne connaissait pas, il n’aimait pas ou en avait peur. Il en avait même très peur. C’est quelqu’un qui règle tout avec ses poings et la force. Ah il était pas du genre très intellectuel.
Il se pencha pour attraper le premier sandwich qui sauterait dans sa main et en dévora deux énormes bouchées qu’il mastiqua longuement. « La magie c’est le mal ! » avait-il signé la fin de son argumentation, la bouche encore pleine.