Madame Kramers savait que mon père n’était pas recommandable, et qu’il pourrait venir me chercher à tout moment. Je ne cachais pas le fait que j’évitais quelqu’un. Nous avions tous quelqu’un que nous n’apprécions pas et que nous préférions ne pas voir. Dommage pour moi, j’habitais avec le juge, Antonia l’aimait malgré tout, alors j’étais obligée de supporter sa présence dans ma vie… Si je pouvais ne pas le voir quand j’étais en dehors de la maison, je n’allais pas me faire prier. Quand Absolem me proposa de rester dans un lieu public ou d’aller chez lui, mon choix fut rapidement fait. Ça semblait le surprendre, mais ça n’avait pas d’importance. S’il avait émis cette suggestion, c’était que ça ne le dérangeait pas de me voir dans sa demeure.

De toute évidence, nous étions nombreux à être des nouveaux venus. Lui-même était arrivé depuis peu en ville, mais il connaissait déjà quelques lieux. Je le suivis lorsqu’il m’y invita et nous retrouvions rapidement dans une sublime pâtisserie. Il m’autorisa à choisir ce qui me faisait plaisir.

- Je vous remercie.

Je regardais ce que proposait la boutique et jetais mon dévolu sur un choix classique, mais dont j’étais sûre qu’il me plairait. Un peu de gourmandise après une bonne soirée de travail.

- ça sera un pain au chocolat pour moi. Et pour vous ?

Je me demandais quels étaient les goûts de cet homme… Etait-il plutôt simple ou sophistiqué ? La réponse à cette question pouvait avoir de nombreuses réponses de natures bien différentes… Et je tâcherais de découvrir qui était Absolem.

- Après les roses, j’ai le droit à un petit déjeuner… C’est que je suis gâtée. Fis-je remarquer avec un sourire charmeur.

Beurk... Arrête...

Ne connaissant pas très bien la ville, je suivais les pas d’Absolem à travers le dédale des rues de Storybrooke. Une fois à la pâtisserie, il me permit de choisir ce qui me faisait plaisir. Le remerciant, j’optais pour un classique que j’appréciais. Quant au bel inconnu, il optait pour une brioche au sucre et aux pralines. Choix gourmand, plus sophistiqué que le simple pain au chocolat. Monsieur savait ce qu’il voulait, et semblait friand de douceurs… Ce qui était plutôt une bonne chose. Il fallait se faire plaisir et profiter de ce qu’on nous offrait. Malgré mon côté quelque peu prétentieux, je remerciais grassement le jeune homme pour toutes ses délicatesses et ses attentions.

Nous sortîmes tranquillement de la boutique pour ensuite se diriger vers chez lui. Assez loin du cœur de la ville, j’étais rassurée. Mon père ne viendrait jamais jusqu’ici. J’étais presque sûre d’être tranquille. Si tu vas trop loin, je te dénoncerais. Si tu me dénonces, tu seras forcément punie avec moi, alors réfléchis bien avant d’agir… Que ça lui plaise ou non, Antonia avait tout intérêt à me laisser faire, sinon, elle sera puni avec moi… Si je devais être sanctionnée, elle le serait aussi. Tout ce que je vivais, elle le vivait avec moi.

La demeure était sublime. Absolem me laissa entrer, je m’exécutais alors qu’il suivait. Il me demanda où je voulais aller, et ce que je voulais boire.

- Le salon me semble parfait pour un petit déjeuner. Un café me ferait plaisir, pas trop fort, si c’est possible. Nous verrons ensuite pour les douceurs à venir. Répondis-je poliment, souriant toujours.

Je regardais un peu l’intérieur en avançant dans la pièce principale. Sans doute était-il entrain de s’installer, il manquait un quelque chose qui disait qu’il était vraiment chez lui. Mais ça restait un lieu charmant.

- Et vous invitez fréquemment une inconnue chez vous ainsi ? Demandai-je charmeuse. La question était pleine de sous-entendus.

 
En ce moment, je faisais tout pour provoquer mon père, pour l’agacer, l’énerver, le mettre hors de lui. Un nouveau monde s’ouvrait à moi, alors je voulais essayer toutes les douceurs qu’il accordait. Je travaillais dans un club de strip tease, je m’amusais à flirter avec les clients de madame Kramers, attendant le jour où le juge Claude Frollo allait finir par tout savoir et sortir de ses gonds. Et si je pouvais m’amuser tout en le provoquant, je le ferais. Tu vas nous attirer de gros ennuis… De très gros ennuis… Que serait la vie sans risque ? Rappelle toi ce que notre ami pirate a dit.

Ce fut donc tout naturellement que je pris le parti de suivre Absolem chez lui pour passer un bon moment avant qu’Antonia n’ait de nouveau le droit de prendre possession de notre corps. Nous avions à peu près réparti équitablement le temps de possession, elle avait cependant un jour de plus comme il m’arrivait d’intervenir quand elle avait des ennuis.

Installée dans son canapé, Absolem revenait avec les cafés et les douceurs. Nous nous mîmes à échanger des paroles. Certaines étaient pleines de sous entendus, ou peut-être étaient-elles un test pour l’autre. Soit, je me prenais aux jeux.

- Même si vous ne savez pas où cette personne habite ? A mon avis, nous n’apprécieriez guère ma demeure… Ou en tout cas, vous n’apprécieriez pas la personne qui y vit. Détestant mon père, je préfère suivre les inconnus chez eux, plutôt que de rentrer chez moi… Et j’avoue vouloir tout faire pour le défier et le provoquer.

Qui pouvait apprécier mon père ? Une personne froide, imbu de lui-même, et complètement stupide. Ne dis pas ça. Frollo avait voulu marier son Antonia à je ne savais qui. Mais j’avais fait tout fichu en l’air en couchant avec Guillaume, je n’étais pas peu fière de ça… Et je ne comptais pas m’arrêter là.

- Et si je peux me faire plaisir tout en le provoquant, je le fais. Dis-je avec un sourire charmeur et en mordant dans mon pain chocolat.

 
La question d’Absolem pouvait se poser… La réponse était plutôt compliquée, et je ne savais pas si je pouvais y répondre avec sincérité. La soirée avait très bien commencé, alors je ne voulais pas tout gâcher en expliquant que j’étais… Folle ? Non, je n’étais pas folle, la situation était juste difficile à comprendre. Mais je n’aimais pas mentir sur ça, devoir me cacher… Dis lui, comme ça il te mettra à la porte, ce qui m’arrangerait. Tu crois qu’on me met à la porte comme ça ? Tu me prends pour qui ?

- Disons simplement que ma situation est compliquée. Ma sœur apprécie notre père et je ne veux pas lui faire de peine…

Nous disions souvent que nous étions sœurs. Des jumelles que tout opposait. Sauf que la question suivante m’obligeait à être un peu plus explicite et plus claire.

- Quoi ? La mort ? La vie offre beaucoup trop de plaisirs pour mourir tout de suite. Et si je meurs… J’emporte ma sœur avec moi.

Voila le début des explications… Sauf que j’avais envie d’en dire plus. Lexie savait qu’Antonia avait une sœur dans tête et elle n’avait pas fui. Si une enfant pouvait comprendre, un adulte aussi oouvait le comprendre non ? Bah vas-y explique lui…

- C’est assez compliqué à expliquer… Ma soeur et moi habitons le même corps… Antonia est la première âme de ce corps, je ne suis arrivée qu’à ses neuf ans… Elle est tout ce que je ne suis pas : une jolie blonde, sage, obéissante, généreuse, adorant notre père qui n’est qu’une pourriture…

C’était dit. Prenant la tasse de café entre mes mains pour en boire une gorgée, j’attendais la réaction d’Absolem.

 
Certains savaient déjà que nous étions deux dans notre jolie petite tête. Ça ne serait plus un grand secret très longtemps. Dans les petites villes, tout finissait par se savoir, alors pourquoi mentir ? Pourquoi essayer de cacher les choses ? De plus, je n’avais pas honte de ce que j’étais, je n’avais pas peur de ce que les autres pouvaient penser. Et si toute la population pouvait savoir que le juge Claude Frollo avait une fille folle, je n’en serais que ravie. Ce n’est pas très gentil ça… Et nous ne sommes pas folles. Nous ne le sommes peut-être pas, mais c’est ce que les autres pensent, ils nous disent « schizophrène ». Salir le nom de Frollo me faisait toujours plaisir.

Les questions d’Absolem étaient plutôt intéressantes, et je voyais que ça ne le dérangeait pas plus que ça de discuter avec quelqu'un de « malade ».

- Nous y avons déjà pensé, mais en réfléchissant, nous nous rendons compte que nous ne voulons pas être séparées. Nous avons besoin l’une de l’autre… Ensemble, nous sommes équilibrées… Enfin, autant que peut l’être une personne.

Personne n’était vraiment saint d’esprit… Nous avions tous notre petit grain de folie. Je ne voulais pas abandonné Antonia. Seule, elle se ferait dévorer toute crue par tout le monde. J’étais apparue pour la protéger et la défendre, alors je ne voulais pas être séparée d’elle, même si elle me tapait parfois sur les nerfs. Ensemble, nous étions plus fortes en étant deux contraires.

- Nous vivons les mêmes choses en même temps, tout le temps. Je vois ce qu’elle voit, elle voit ce que je vois. Mais nous sommes deux personnalités totalement différentes. Nous sommes de parfaits opposés. Antonia est l’enfant docile, douce et calme, qui se laisse faire. Elle est l’illustration parfaite de l’expression « trop bonne, trop conne »… Je suis apparue à ses neufs ans pour la protéger et la défendre…

Merci pour la comparaison à cette singulière expression… Je ne suis pas bête. Un peu quand même…

- Nous sommes tellement différentes, qu’elle désapprouve totalement ma rencontre avec vous, alors que moi, j’en suis plutôt ravie. Rajoutai-je en souriant.