L'amour, c'est à deux, pas à trois !

Mon frère a de nombreuses qualités, mais l'honnêteté n'est que partielle. Ou plutôt, non, elle est souvent totale, sauf quand il l'applique à sa personne. Mais le faisait-il délibérément ? Parfois je me demandais s'il trouverait son nez au milieu de la figure si je ne le lui désignais pas...

_ Tu peux parler de fierté ! le taclais-je tout en essuyant mes yeux.

Lui non plus ne supportait pas qu'on le voit pleurer. C'était d'ailleurs rarement arrivé pour ma part, même s'il est ma moitié. Quand il insista sur le fait qu'il ne voulait que mon bien, je ne trouvais rien à redire et évitais son regard. Je savais qu'il était sincère et qu'il s'attacherait toujours à me préserver. Je pouvais me raconter ce que je voulais, et à lui aussi, mais j'aimais l'idée qu'il prenne soin de moi, qu'il soit toujours là pour moi, aussi étouffant que cela puisse me sembler par moments.
D'aucuns diront que, souvent, femme varie. Je n'échappais pas à la règle...
Il avait deviné, évidemment. Pour cela aussi je le détestais autant que je l'aimais. J'aurais dû avoir une réaction, moi qui me targue de jouer les grandes filles et d'avoir une grande bouche, mais je restais le dos résolument tourné encore un peu. L'affronter, c'était m'affronter, moi, avant tout.
Je n'y étais pas préparée, les mots et le tons montèrent, la tension avec. Pourtant, il restait calme avec une force de caractère que je lui enviais trop souvent. Il avait raison, je ne pouvais le nier. Je le laissais parler, même si j'avais l'impulsion de le détromper, comme toujours quand il sous-estimait son gabarit et ses forces. Quand il argua qu'on parlait dans son dos, je ne pus m'empêchais de réagir cette fois-ci.

_ Qui ? Dis-moi qui et je leur fais avaler leurs dents ! Je ne laisserais personne dire ça de toi et toi tu ne devrais pas te laisser faire ! Tu crois quoi ? Que je suis plus musclée que les garçons ? Non, mais je suis futée et toi, petit frère, tu as le coeur d'un lion. Il suffit de le réveiller...

Bon du coup, on s'éloignait une peu du sujet. Mais je ne pouvais pas rester sans rien dire. Et je croyais chacun des mots que j'avais prononcé, le regardant droit dans les yeux pour lui faire voir que, vraiment, j'étais sincère. Il poursuivit en finissant ce qu'il avait sur le coeur, me plaçant face à mes propres contradictions et à sa solitude avant de pivoter pour s'en aller. Je ne le laissais naturellement pas faire.
S'il croyait s'en sortir aussi facilement.

_ Ne bouge pas espèce d'imbécile, lançais-je tout en l'agrippant par l'épaule. Si tu crois te débarrasser de moi aussi facilement tu te fourres le doigt dans l'oeil !

Nous ne faisions face à présent et j'étais un peu à court de mots. Soupirant, je laissais tomber un peu le masque. Il en avait besoin...

_ Je... N'ai pas ton talent pour les mots et les beaux discours, alors je ne vais même pas essayer de te convaincre que tu es un homme génial, avouais-je, gênée comme toujours quand on parlait de sentiments. Ce que je peux faire, en revanche, c'est te faire travailler un peu ton mental, parce que tout est dans la tête, petit frère. C'est comme ça que tu prends l'ascendant sur tes adversaires.


Sans attendre, je lui collais un bourre-pif. Pas très prononcé, je vous rassure, il ne saigna même pas. Pourtant, il avait dû le sentir passer.

_ J'ai toute ton attention ? Bien ! A présent, sers-toi de cette rage et bats-toi. Si tu arrives à me mettre au sol, tu auras pris le dessus.

Il avait la force j'avais l'agilité et je ne comptais pas lui mâcher la tâche.
Quoi ? Vous pensez que je suis folle ? Sans doute un peu. Mais c'était ainsi que j'avais appris à m'endurcir, c'était tout ce que je connaissais pour affronter les aléas de la vie. Si j'avais pu le faire, il le pourrait aussi.
Non ?

Codage par Libella sur Graphiorum

L'amour, c'est à deux, pas à trois !

Est-ce archétype de réagir de la sorte ? J'entends par là m'ériger en fervent protecteur de ce que je considère être ma moitié ? Était-ce primaire ? Les mâles sont-ils destinés à réagir de la sorte sous prétexte que les femmes soient moins aptes à se protéger au vu de leurs sentiments exacerbés ? Non, ô ça non ! Aeline n'appartient pas à ce que certains nomment le sexe faible. D'ailleurs, même si la question a effleuré mon esprit, je ne considère pas les femmes de la sorte. Nous sommes tous et toutes pourvus d'une sensibilité, (je l'espère) et de ce fait, nous avons tous à un moment donné, des sentiments exacerbés. L'être humain est ainsi fait, fort et faible à la fois, parfait et imparfait et c'est cette complexité qui fait de nous ce que nous sommes. Nous sommes des antagonistes, de l'ambivalence, de l'instabilité et parfois nous sommes la face d'une pièce et notre moitié constitue l'autre face. Notre moitié, j'entends par là, pour les chanceux beignant dans la gémellité, notre sœur ou notre frère. Pour ce qui est des âmes-sœur, c'est une autre histoire et ce n'est pas celle-là que je vous narre aujourd'hui. Line est la tempête, je suis l'accalmie, elle est la passion, je suis la raison.

J'aime cette idée, que nous sommes tous deux, les deux faces d'une seule et même pièce. J'aime les métaphores, il est vrai, père se targuait de me le répéter, pas peu fier d'avoir élevé un semblant de poète comme il disait. D'Aeline il était tout aussi fier, mais pouvait parfois se montrer un peu plus dur à son encontre. Il pouvait l'être aussi avec moi, mais d'une toute autre façon. Je crois qu'il cherchait l'équilibre, il ne voulait pas être trop injuste avec l'un plus que l'autre. Il est d'ailleurs toujours dans cette recherche constante d'équilibre. C'est un exercice difficile, j'en suis conscient, d'autant plus qu'il doit assumer le rôle de père et celui de mère à la fois. J'espère, quant à mon tour, je serais parent, ne pas vivre cela. J'espère que mon enfant aura une mère et que celui d'Aeline un père si un jour elle aussi envisage de fonder sa propre famille.

« - Aeline, arrête ! La violence ne doit pas tout résoudre, tu sais ! Moi, je pense que leur faire avaler quelques quenottes ne résoudrait pas le problème. Au contraire, en agissant de la sorte, l'on se rabaisse à leur niveau. Si je dois me battre, ce n'est pas sans raison et sans cause à défendre, sinon quoi ça ne vaut pas le coup. » Le cœur de Lion ? J'ai eu vent d'un seigneur qui se faisait appeler ainsi. Certains disaient de lui qu'il est jeune et de ce fait pourvu d'idéaux que l'expérience ternira tôt ou tard. Si cet homme existe, j'espère que jamais il ne renoncera à ce en quoi il croit. Je rêve moi aussi d'avoir des idéaux et un véritable combat à mener. Rester ici ne m'apportera rien, je le sais et il en est de même pour ma sœur. Cette contrée est trop petite pour nous deux. Et alors que mes mots fusaient et que la fierté de ma sœur jumelle continuait de mettre à mal notre échange, dans ma tête l'espace d'un futile instant, prit par la colère, j'en arrivais à me demander si nos chemins ne devraient pas se séparer en de telles circonstances. J'en avais trop dit, elle en avait trop fait, je décide alors, en colère et peut-être honteux de songer à notre séparation à venir, de tourner les talons. J'aime ma sœur, plus que tout au monde, elle est avec notre père, tout ce qui reste de notre famille, elle est en somme mon univers et je suis le sien. Nous nous gravitons mutuellement autour, c'est ce qui fait notre équilibre. Toutefois, je suis obligé d'admettre que ces derniers temps nos vies sont promptes au changement, sans que je ne puisse rien y faire et je crois que cela m'effraie un peu, beaucoup même.

Je pensais partir, la laissais là dans son coin, à méditer comme toujours, mais preuve que les miracles existent encore, Line mit un terme à mon entreprise de fuite en m'agrippant l'épaule. Avait-elle quelque chose à me dire ? Conscient de ce qui se jouait, je décidais donc de lui laisser une chance et acceptais le nouveau face à face qui se dessinait entre nous « - Je n'avais nullement l'intention de me débarrasser de toi. Je voulais juste te laisser un peu de temps pour cogiter. Mais vas-y, tu veux parler, je t'écoute Line. » Un premier soupire s'échappa de sa bouche, j'en déduis alors que l'entreprise à venir était difficile, voire périlleuse pour elle et ses premiers mots attestèrent mon hypothèse. Enfin, elle consentait à se délester de son armure. Un peu gêné par ce qu'elle venait de me dire en guise d'introduction, j'optais pour l'humour et la fausse modestie. « - Line, je sais que je suis un homme génial, la preuve, j'arrive à te supporter » lançais-je en souriant. « - Je peux faire des efforts, si toi aussi, tu en fais... » J'eus à peine le temps de commencer ma réponse que ma jumelle m'envoya un premier coup, en pleine poire. Ce n'était pas violant, la connaissant, elle était capable de bien pire, toutefois la surprise étaya une fausse colère initiée par une fierté mal placée. « - Hey, mais ça ne va pas ? Tu avais toute mon attention, pas besoin de me frapper. C'était gratuit ça ! Je ne vais pas me battre contre toi. » Pas décidé, à entendre raison, elle me frappa à nouveau. Pourquoi se sentait-elle obligée d'agir de la sorte ? Où était le but, la finalité ? « - Arrête ça de suite ! » Plus agile que moi, elle parvint sans mal à briser ma garde et me frappa à nouveau, m'envoyant au sol. J'étais en colère, tellement que mes résolutions pacifiques, volèrent en éclats.

« - Tu vas me le payer ! » Et sans réfléchir, me voilà en train de déséquilibrer la future guerrière, qui sous la surprise, n'eut pas le temps de m'éviter et se retrouva rapidement au sol à manger la poussière.

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L'amour, c'est à deux, pas à trois !

Ah mon frère ! L'idéaliste, le rêveur, le fou... Je le reconnaissais bien à la réponse qui fusa après ma proposition, somme toute honnête et aimable, de l'aider à briser le nez de ceux qui lui causaient du tort. Voilà donc tout ce que je recevais en réponse à ma générosité ! Levant les yeux au ciel, je soupirais avant de rétorquer.

_ Je vois que tu as une haute opinion de ma personne, narguais-je. A t'entendre, je règle tout avec mes poings, or c'est totalement faux !

Amusée plus que fâchée, j'ajoutais non sans malice.

_ J'utilise aussi mes jambes, mes coudes et tout un tas d'autre chose.

Je n'insistai pas sur la seconde partie de sa phrase. C'était là une conversation que nous avions eu cent fois père et moi, contre moi. Il n'y avait pas de méchanceté dans leur position, juste une différence fondamentale que je semblais être la seule à voir : nos conditions respectives d'hommes et de femme. Eux, sans doute, peuvent se targuer de choisir leurs combat. Moi, si je veux apparaître comme autre chose qu'une pauvre créature fragile, je dois agir. Mais je n'ai pas l'avantage de la force ou de la stature ni de l'éducation, je n'ai pas le droit à l'erreur et dois souvent user de la surprise. Comme on dit : on fait avec ce qu'on a.
Ensuite, j'avais réagi à l'instinct, ne voulant pas le laisser. A l'instant ou il l'énonça, l'évidence me saisit : il n'avait pas parlé de me quitter ad vertam aeternam ! Juste le temps pour nous de nous apaiser. En cela, il était plus sage que moi, nettement moins sanguin. Mais bon, ce n'était pas de ma faute. Je pense que les parents ont un quota de choses à donner à leurs enfants, comme la sagesse, l'instinct, la force, et que ça avait été réparti inégalement pour nous, sur certains points en tous les cas. Parce que pour ce qui tient du courage et de la pugnacité, par exemple, nous nous valons bien.
Pour ce qui est de la patience, en tous les cas, j'en avais peu et il la mit à rude épreuve avec son humour qui laissait à désirer.

_ Moi aussi je te supporte et ce n'est pas une mince affaire, grommelais-je, vexée plus que blessée.

Nous nous cherchions de noises depuis notre naissance (et probablement même avant...) alors il en fallait plus pour que je lui en veuille vraiment. Puis ça partit un peu en live. Bon, si j'étais honnête et franche (mais vous pouvez toujours rêver !), j'aurais admis que j'étais partie en live, mais non. Sans la moindre once de honte, j'affirme que tout est de la faute de Robin !
De toute façon, un bourre-pif léger, ça n'a jamais fait vraiment de mal à personne... Il argua que j'avais déjà toute son attention, bah tant mieux mais je ne pouvais plus revenir en arrière. Alors autant foncer dans le tas. Oui, je sais, je tiens un peu du taureau parfois... Il essaya de me dire d'arrêter, mais je continuais, jusqu'à le mettre au sol, jusqu'à le pousser dans ses retranchements. Ca fonctionna mieux que j'aurais pu m'y attendre puisque je l'y rejoignis peu après, malgré moi.
Roulant aussitôt, je fondis à nouveau sur lui sans réfléchir. C'était un pur instinct de guerrière, dénué de raison ou de sens, juste un besoin. Je repris le dessus, pour me prouver que je pouvais le faire, et levais déjà mon poing pour le lui coller dans la figure.
Puis je me figeais totalement, comme réalisant qu'il s'agissait de mon frère. Troublée, je le libérais aussi sec et m'éloignais déjà.

_ Tu vois, quand tu veux... Tu peux te défendre, lançais-je piteuse.

Pour le coup, c'était moi qui étais en train de partir. Parce qu'il avait mis le doigt sur quelque chose qui faisait mal : j'avais une colère sourde en moi qui menaçait à tout instant d'exploser. Robin avait déjà plus de grandeur qu'il ne le réalisait, capable comme il était de se contenir, d'affronter ses peurs pour venir me sauver (enfin croire qu'il le faisait). Il ferait un bon mari et un meilleur père encore.
Il faut dire qu'il avait le meilleur des modèles et notre père était ouvertement fier de lui, avec raison. Moi, il devrait souvent s'excuser de mon comportement et endurer les regards et les remarques des uns et des autres sur ce que j'étais ou n'étais pas. Je savais bien qu'il faisait au mieux, que ses reproches étaient toujours mesurés et teintés de conseils.
Ca me mettait dans une colère sourde...
Parce que, moi, je n'avais personne pour m'expliquer comment être. Jeune fille, femme, épouse, mère...

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L'amour, c'est à deux, pas à trois !

Un effet de surprise est une expression employée pour qualifier dans des champs forts différents (discours, arts, jeux vidéo, stratégie militaire) un même phénomène d'étonnement, de stupeur et de désorganisation chez celui qui subit le dit effet. Avais-je prévu de me prendre un bourre-pif ? Non ! La définition me semblait donc adéquate et découlait d'une gentillesse peut-être un peu trop conséquent à l'égard de ma sœur jumelle qui elle, ne s'embarrassa pas des grands discours grandiloquents et privilégiera toujours l'action à la parole. C'est ce qui nous différencie l'un de l'autre. La conciliation est une option chez moi, tandis que la baston la solution pour Aeline. « - Oui, mais là, tu n'étais pas obligé de te servir de tes poings. Nous sommes dans le même camp, ai-je besoin de te le rappeler ? Je suis ton frère, tu es ma sœur ! » Oui, entendons-nous bien, j'étais énervé et certainement un peu vexé par cette approche en traître. Mais nous sommes ainsi fais l'un et l'autre, notre amour fraternel en cela diffère de celui des autres. Dans une constante opposition, l'envie de se chercher des noises et souvent mutuelle, bien qu'une personne plus que l'autre excelle dans ce domaine. Je ne nommerais personne !

Ainsi, comme des chiffonniers, nous nous retrouvâmes au sol à se combattre mutuellement. Aeline coutumière du fait, reprit bien malgré moi le dessus. « - Mais enfin arrête ! Qu'est-ce que tu cherches à prouver ? » Le poing menaçant de ma jumelle avait développé ma colère, mais par principe, je ne pouvais me résoudre à riposter, bien que ça ne soit pas l'envie qui manque. « - ARRETE ! » hurlais-je à présent pour être sûr de me faire entendre de ma guerrière de sœur. Consciente de ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle roula sur le côté, pour enfin me laisser la liberté de me relever. « - Bien sûr que je sais me défendre, mais ça n'est pas en me collant des torgnoles que ça va m'aider à avancer. Pourquoi agis-tu de la sorte Aeline ? Pourquoi tant de colère ? Pourquoi ? » Moi aussi, j'étais en colère, mais certainement pas pour les mêmes raisons, toujours, est-il que je voulais des réponses et qu'elle tournait les talons pour s'éloigner. « - Non ! Non ! » lançais-je en me redressant enfin et en la rattrapant pour lui faire face. « - Aeline qu'est-ce qu'il y a ? Parle-le-moi avec tes mots et non pas avec tes poings ! »

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L'amour, c'est à deux, pas à trois !

Bon, il y a des fois où je dépasse (un peu) les bornes. Genre, là. Quand Robin se crut devoir me rappeler que nous étions dans le même camp, je me dis que j'avais, sans doute, poussé le bouchon un peu trop loin. Je ne suis pas encore suffisamment mature pour avoir un recul aussi rapide sur moi-même et sur mes actions. J'aurais ainsi pu me dire, et lui dire, que je regrettais l'usage de mes poings. Mais non, là, comme j'étais un brin têtue, je ne reconnus qu'une chose.

_ Je suis au courant, je te supporte depuis trop longtemps pour l'oublier...

Oui, quand je suis à vif, je ne reconnais rien, j'attaque. Il devait le savoir depuis bien longtemps, même si cela n'excusait pas franchement ma mauvaise foi. La suite prouva que je suis nettement moins calme et, sans doute, intelligente, que lui. Le combat n'aurait dû être qu'une chamaillerie de fratrie, un jeu poussé un peu, mais ça prit une tournure qui nous laissa aussi dépourvus l'un que l'autre. Lui, parce qu'il ressentit le besoin de crier pour me faire cesser ; moi, parce que je m'étais retrouvée pas très loin de coller mon poing dans le visage de mon jumeau, sans la moindre raison valable.
Cela m'avait fait un méchant électro-choc, me poussant à chercher le souffle qui me manquait, me forçant à affronter les pensées qui fusaient en nombre dans mon esprit. Une seule certitude au milieu de ce capharnaüm : je ne voulais pas frapper Robin. Non, en réalité, à travers lui, à travers la familiarité de ses traits, c'était... Moi que j'aurais voulu frapper. Tant je m'en voulais d'avoir failli lever la main sur lui. Comment avais-je pu en arriver là ? Que devait-il penser ? Etais-je folle ?
J'entendis à peine ce qu'il me dit, j'étais trop bouleversée pour cela. Je choisis la fuite, parce que c'était la seule option possible. J'avais besoin de réfléchir et une folle envie de m'envoyer le crâne contre un tronc d'arbre. Cynique, j'en vins même à me dire que, de cette façon, je parviendrais peut-être même à m'abîmer le visage, ce qui m'ôterait l'épineuse question du désir des hommes sur moi, ce qui était la cause de tout ce qui s'était passé aujourd'hui. Si j'étais laide, j'aurais moins de soucis.
Naturellement, je repoussais cette pensée aussi vite qu'elle était arrivée.
Il fut plus rapide que moi et je me retrouvais avec son visage en face du mien, incapable de le fuir, malgré l'envie que j'en avais. Il était en colère, naturellement, mais également inquiet. C'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase.

_ Je suis désolée, m'écriais-je en tombant dans ses bras. Tellement désolée...

Mon geste me revint en mémoire et avec lui toute son horreur, ainsi que celle, fugace, qui avait animé les traits de mon jumeau.

_ Je ne l'aurais pas fait... Jamais ! Jamais...

Serrée contre lui, j'esquivais de répondre à sa question. Principalement parce que, si je commençais à parler, je n'étais pas certaine de pouvoir m'arrêter.

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L'amour, c'est à deux, pas à trois !

J'aimais ma sœur et je continue à l'aimer malgré ce qui me semble être des divergences d'opinions. À ce stade, il est vrai que nous nous éloignons de la divergence d'opinions. Terme que je qualifierais de doux euphémisme pour résumer une situation problématique. Ne vous offusquez pas de m'entendre considérer ma sœur comme une situation problématique. Pour l'heure, c'est ce qu'elle est. J'ai beau me triturer les méninges, je ne parviens à comprendre ce qui l'anime, encore moins pourquoi elle s'exprime avec tant de violence dans les propos, dans le geste. Qu'ai-je donc fait ? Suis-je le responsable de cet été ou est-ce plus profond encore ? J'ai beau faire preuve de patience à son égard, mes interrogations restent sans réponse, ma patience risque de l'être à long terme. C'est désespérant ! « - Tu es au courant ?! Et tu me supportes depuis trop longtemps ? Que devrais-je dire de mon côté ! » lançais-je à mi-chemin entre le titillement et la vexation. C'était toujours pareil avec elle, si je ne marchais pas sur deux œufs, je devais jouer le parfait petit équilibriste et de vous à moi, c'est éreintant. « - Alors ? » Il est resté dans le vide cet « alors » comme le reste. Je crois que cette fois nous sommes arrivés à un point de non-retour, face à un abîme qui nous entraînera dans ses profondeurs si nous ne prenons pas le temps de comprendre ce qui nous arrive. Mais que nous arrive-t-il ?

Je savais Aeline animait de pulsion de violence, mais jamais je n'aurais cru en être la victime un jour et pourtant, il semblerait que ce jour soit arrivé. Je revois encore le poing menaçant de mon double se dressait au-dessus de ma face. Allait-elle vraiment le faire ? Je l'ignorais, mais mon regard trahissait ma grande appréhension et mon incertitude quant à la suite de cet échange « houleux » Par chance, elle n'en fuit rien, se rendant compte, sûrement au dernier moment, de l'absurdité de son geste. Son regard lui aussi en disait long sur ce qui se tramait dans sa petite tête et je la connaissais assez pour voir à quel point ce qui venait de se passer l'avait ébranlé. Faute de mieux et sûrement incapable de s'expliquer, elle remit de la distance entre nous en commençant par de timides excuses. Nous nous faisions alors face, je ne pouvais me résoudre à la laisser partir, il me fallait des explications et à mon tour, j'étais prêt à me montrer véhément pour avoir ce que je voulais. Mais ce qui se passa ensuite, déjoua toutes les alternatives entrevues. Aeline, mon double, cette force de la nature têtue à son paroxysme, se rua dans mes bras pour réclamer ce dont je l'a pensé dépossédé, de la douceur. Et cette fois, c'est moi qui me sentis bien con !

« - Aeline.... » commençais-je dans un murmure en laissant peu à peu mes bras l'entourait. Je me sentais tellement désolé pour elle. L'étreinte se fit plus forte tout comme ses excuses. Sa voix tremblait, l'incertitude l'avait gagné et le doute qui m'étreignait encore se dissipait peu à peu. Elle s'en voulait, je n'en doutais plus. « - Oui, je sais que tu ne l'aurais pas ! » Avec du recul, oui, il est évident qu'elle n'aurait pas écrasé une seconde fois son poing dans ma tronche sans raison. « - Je suis de ton côté, je le serais toujours Line et si j'agis de la sorte ce n'est pas pour te pourrir la vie, c'est parce que je t'aime sœurette ! Je ne veux que ton bonheur, tu comprends ? Oublions ce qui vient de se passer d'accord ? ! » Un nouveau départ, voilà ce qu'il nous fallait.

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L'amour, c'est à deux, pas à trois !

Il est des instants qui devraient durer toujours. Celui-ci en faisait partie. A présente que j'étais dans les bras de mon jumeau, tout semblait aller bien. Du moins, j'oubliais tout ce qui n'allait pas. Ce que j'avais manqué de faire. Ce qui m'avait mené à cet excès. Fort heureusement, j'avais repris mes esprits à temps. Juste à temps.
J'étais sur le point de craquer, d'avouer ce qui m'avait poussée dans mes retranchements, quand il fit marche arrière. Comme quoi, nous ne sommes pas complémentaires pour rien. J'avance, il recule. Il avance, je recule. Y arriverions-nous seulement un jour ? Rien n'était moins sûr. Au moins, nous serions toujours deux.

_ D'accord petit frère, murmurais-je, pour le taquiner comme je le faisais toujours. Nous ferions mieux de rentrer.

Un soupir encore et je m'arrachais à lui. Il fallait bien m'y résoudre. Aussitôt que je me fus détachée de lui, je repris mes esprits.

_ Mais il faut d'abord que je me nettoie un peu le visage. Je ne veux pas que papa me voit dans cet état. Et tu ne lui diras rien, promis ?

C'était important, je le suppliais de le promettre en le regardant dans les yeux.

_ Merci pour tout petit frère, murmurais-je finalement.

J'aurais voulu pouvoir lui dire que je l'aimais, parce que je le pensais et que je ne parvenais pas suffisamment à le montrer, mais c'était trop demander. J'espérais qu'il le savait.
Qu'il le saurait toujours.

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